Sujet : Kaamelott, médiéval-fantastique, roi Loth, légendes arthuriennes, cinéma, trilogie Période : haut moyen-âge à central Auteur : Alexandre Astier Date de sortie : reportée
Bonjour à tous,
n s’y attendait tous un peu au vue des nouvelles mesures (très contestées), prises par l’exécutif face au Covid, mais Alexandre Astier vient de le confirmer par un Tweet : la sortie du film Kaamelott au cinéma est reportée jusqu’à nouvel ordre. Aucun date n’est précisée. Il restera donc à patienter et peut-être privilégier l’acquisition de Kaamelott -Premier Volet l’album et la bande musicale du film en attendant.
Grogne, cacophonie et nouveau lockdown de l’économie
Dans le secteur de la culture, comme de la restauration et des services, la grogne n’en finit pas de monter tandis que, dans les médias, une cacophonie insupportable continue de donner la parole aux experts de tous poils y compris ceux dont on sait, désormais et de manière établie, qu’ils sont à la solde des laboratoires privées. Impossible donc d’y voir vraiment clair.
Dans ce climat pernicieux, fait d’injonctions contradictoires et où l’on continue d’entretenir soigneusement un peur panique du Covid (sans véritable corrélation avec sa mortalité effective) tout en expliquant aux gens qu’il faut apprendre à vivre avec, nous vous souhaitons à tous de garder la tête froide. Tous nos vœux de courage vont aussi à ceux qui sont affectés économiquement et de manière drastique par la gestion faite de cette crise depuis maintenant plus de 8 mois.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : Kaamelott, série TV, médiéval-fantastique, roi Loth, Hervé de Rinel, légendes arthuriennes, humour, détournement. Période : haut Moyen Âge à central Auteur: Alexandre Astier
Bonjour à tous,
ujourd’hui, pour changer un peu, je vous propose une aventure en vers inspirée très directement de l’univers de la série Kaamelott d’Alexandre Astier. L’histoire est narrée à la façon du le Roi Loth, incarné par le célèbre « professeur » François Rollin dans la série TV. Dans ce petit conte, il tente d’œuvrer à la restauration de la réputation (quelque peu en dessous) de Hervé de Rinel (Tony Saba à l’écran), chevalier qui brille, à la table d’Arthur, par son inutilité.
Pour le reste, ce conte du dragon défait par le chevalier de Rinel est en Alexandrin, mais aussi en argot (que les âmes sensibles en soient averties). J’espère ne pas avoir laissé trop de pieds dépassés mais je suis confiant qu’un ou deux puristes sauront le noter, le cas échéant.
Du bon Hervé de Rinel & du dragon défait
Du bon Hervé d’Rinel, il s’en est beaucoup dit, Des vertes et des pas mûres, surtout des saloperies, Mais en vue d’rétablir l’honneur de ce grand homme, Qu’on a, bien trop souvent, fait passer pour une pomme, Il nous faut conter là, l’un de ses plus haut fait, L’histoire du dragon qui, par lui, fut défait.
Parti un matin tôt, juché sur sa monture, Notre bon chevalier s’en fut à l’aventure, D’aucuns disent qu’il suivait la quête du Graal, Et d’autres, des mauvaises langues, qu’c’était surtout son cheval. Les pires c’est ceux qu’i disent qu’il était aux mousserons Mais moi, j’y crois pas trop, il serait mort sinon. De toute manière tout ça, nous on l’saura jamais Vu que ça échappait même à l’intéressé. Bref, alors qu’il était au milieu d’un sentier A gratter Dieu sait quoi et à se les rouler Un fracas retentit à faire péter le ciel Une vieille odeur de souffre et dans une grand bruit d’ailes, Un dragon titanesque se posa devant lui.
Surpris par la bestiole, il lui dit : « Vous êtes qui ? » » Vous êtes c.. vous ou quoi ? » qu’il lui a fait l’bétiard Si vous êtes chevalier vous devriez l’savoir ! Chuis l’cador des légendes, celui que tout l’monde craint. » L’autre a dit « Désolé, je cherche mais ça m’dit rien… » « — Non mais sans déconner vous êtes un gros débile ? Bon une énigme alors ? ça s’ra pt’être plus facile. Par contre, faîtes un effort avant qu’ça d’vienne gênant : De ma gueule d’écailles jaillit un feu ardent Et de mes ailes noires je défie les nuages, Et tous me redoutent du plus fou au plus sage : Je suis ? Je suis ? Je suis ? Allez-y et pas d’vannes. » L’autre a plissé les yeux, pis il a dit : « Batman ? »
Là, il faut vous avouer que même bien lunée La Bestiole commençait un peu à s’échauffer. « — J’sais pas c’qui m’a foutu un abruti pareil… Ou vous êtes super c.. ou bouché des oreilles ! Concentrez-vous, Bon Dieu !, réfléchissez un peu : C’est facile des écailles, des ailes et puis du feu… » D’Rinel i s’est creusé, ça frisait l’mal de tête Pis tout à coup c’est v’nu, il a dit « Que ch’uis bête ! Non mais ça y est, je sais, ça m’a pris un moment. Je crois qu’j’ai deviné : z’êtes un poisson volant ? » Un tel niveau d’génie, l’dragon connaissait pas. Autant vous l’dire tout d’suite il a baissé les bras. Puis il a décollé, sans même un dernier r’gard, Il est rentré chez lui pour s’coller au plumard… De c’jour là des énigmes, l’en a plus jamais fait(es) L’est resté dans sa grotte à s’compter les doigts d’pieds.
Y a des jours comme ça, vaudrait mieux pas s’lever Rester dans son pageot, à rien foutre, à glander. Cette leçon là, voyez, sans notre bon héros, L’dragon l’aurait zappée, i s’rait p’t’être mort idiot. Du coup après tout ça, je pense que plus personne Osera v’nir encore dire qu’Hervé c’était un pomme.
Sujet : poésie médiévale, fable médiévale, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poète médiéval, poésie satirique, poésie morale Période : XIIe siècle, Moyen Âge central. Titre : Des lièvres è des Raines Auteur : Marie de France (1160-1210) Ouvrage : Poésies de Marie de France Tome Second, par B de Roquefort, 1820
Bonjour à tous,
i Marie de France est la première auteur(e) féminine, connue en langue « vulgaire », en l’occurrence l’anglo-normand, elle compte aussi parmi les plus belles plumes de son temps. Au XIIe, XIIIe siècles, entre lais, contes et fables, elle explore histoires merveilleuses et fables anciennes, vieilles légendes celtes et encore monde chevaleresque, dans une œuvre qui réconcilie matière de Bretagne, lyrique courtoise et même récits chrétiens (l’Espurgatoire Seint Patriz, La Vie Seinte Audree). Aujourd’hui, nous la retrouvons dans une fable intitulée : des lièvres è des Raines, soit, en français moderne, des Lièvres et des grenouilles.
Les lièvres et les grenouilles à travers ses auteurs
De Esope à Phèdre, cette fable qui met en scène des lièvres et des grenouilles a traversé le temps tout en connaissant quelques variantes et des nuances. On la retrouvera même, bien après Marie de France, chez Jean de la Fontaine dont la version est sans nul doute, la plus connue à ce jour. Voyons un peu de près les variantes des trois grands auteurs avant de vous proposer la version de la poétesse anglo-normande médiévale.
La version d’Esope
Chez le fabuliste grec des VII et VI siècles av. J.-C., les lièvres, lassés de vivre dans la crainte des chiens, des hommes et d’autres prédateurs, décident de mettre fin à leur jour : « Il valait donc mieux périr une bonne fois que de vivre dans la terreur. » Résolus à se jeter dans un étang, au moment d’y sauter, ils mettent en fuite des grenouilles vivant dans l’endroit.
Un des lièvres en tirera la leçon et on évitera le pire : « Arrêtez, camarades ; ne vous faites pas de mal ; car, vous venez de le voir, il y a des animaux plus peureux encore que nous. ». Et la morale de conclure : « cette fable montre que les malheureux se consolent en voyant des gens plus malheureux qu’eux.» (Tirée de Fables d’Ésope, traduction par Émile Chambry, Les Belles Lettres, 1927)
La version de cette fable chez Phèdre
Le Fabuliste latin du 1er siècle de notre ère marche sur les traces de l’auteur grec, à ceci près que, chez lui, ce n’est pas l’usure du contexte, ni leur statut de proies permanentes, qui mettent nos lièvres en fuite mais leur nature craintive et un événement accidentel. Voici sa version :
« Qui vit dans la crainte est malheureux.
Que celui qui ne peut supporter son malheur considère les autres & apprenne à souffrir. Un jour dans les bois, les lièvres épouvantés par un grand bruit, dirent hautement que troublés par des alarmes continuelles, ils vouloient mettre fin à leur vie. Aussitôt, ces malheureux furent à un étang pour s’y précipiter : à leur arrivée, les Grenouilles effrayées, fuient, se culbutent, se cachent dans les herbes. Ho ho, dit l’un d’eux, en voilà d’autres que la peur tyrannise ; comme eux supportons la vie. » Lepores & Ranae, les fables de Phèdre en latin et en français, traduction nouvelle par l’abbé Lallemant (1758)
Là encore la leçon est la même : quels que soient ses craintes et même plus largement ses malheurs, on peut toujours trouver autour de soi, gens de situation moins enviables.
Le lièvre poltron de La Fontaine
« Un Lièvre en son gîte songeait (Car que faire en un gîte, à moins que l’on ne songe ?) ; Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait : Cet animal est triste, et la crainte le ronge. » Jean de La Fontaine – Le lièvre et les grenouilles
Chez La Fontaine, comme chez les auteurs précédents, la peur sera le moteur de l’histoire. Il y ajoutera sa belle touche de style, avec en plus une touche d’humour et de moquerie. Ainsi, son lièvre (cette fois seul dans son histoire) est peureux par essence : « Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre. ». Comme chez Phèdre, c’est un bruit qui mettra en fuite l’animal. Pour la morale, la leçon viendra encore des grenouilles d’un étang, affolées par son approche. Au passage, il se trouve là, emporté dans sa fuite et pas pour se jeter à l’eau, ni pour en finir : « Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes, Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes. ». Révisant son attitude, à la vue de la panique des batraciens, notre lièvre conclura :
« Il n’est, je le vois bien, si poltron sur la terre Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi. «
Si la peur reste au centre du récit chez Esope et Phèdre, leur morale élargit, quelque peu, le propos : « on trouve plus malheureux que soi », « il faut supporter la vie ». La Fontaine reste un peu plus centré sur la nature poltronne de son lièvre et sur la raillerie. De fait, sa morale est aussi plus individuelle et « psychologique ».
« L’herbe plus verte ailleurs ? », une morale différente chez Marie de France
Comme on le verra à la lecture, la poétesse médiévale déplace l’objet de la morale. D’une certaine manière, elle l’élève même en plaçant sa fable sur un plan plus social et plus spécifique aussi que les auteurs précédents.
Chez elle, la peur reste le déclencheur qui motive les lièvres à quitter leur terre qui devient cette fois, natale et d’attachement (terre d’enfance, terre qui les ont vus grandir). Ici aussi, la panique des grenouilles sautant en tous sens à l’arrivée des lièvres permettra de recadrer la situation.
En revanche, Marie de France fera de toute l’histoire une leçon à méditer autour de l’adage qui veut que « l’herbe soit toujours plus verte ailleurs ». Ainsi, selon elle, les mirages de d’exil ne sont pas toujours récompensés et à fuir l’endroit où l’on vit, on ne sait pas toujours ce qui nous attendra en terres étrangères et inconnues. Elle va même, un peu plus loin, en affirmant quelque chose que l’on pourrait résumer comme cela : sachez vous contenter du lieu où vous vivez, il n’est pas de pays en ce monde où vous ne devrez faire des efforts ou travailler pour vivre et où vous ne ne pourrez, à une occasion ou une autre, connaître la peur et les souffrances. On est loin ici du « on trouve toujours plus malheureux ou craintif que soi ».
Hypothèses
Dans Poésies de Marie de France, poète anglo-normand du XIIIe s (1820), B de Roquefort (sur les pas de Le grand d’Aussy), suggère qu’on pouvait sans doute lire, dans cette morale, l’expression du vécu de la poétesse. Ayant évoluée elle-même dans une société féodale et « dans un état partagé entre un million de petits tyrans« , elle « avait dû voir une infinité de personnes molestées par les abus de pouvoir« . Selon cette hypothèse, dans ce monde incertain, en se déplaçant d’une province à l’autre, nul ne pouvait avoir la garantie d’y trouver un meilleur sort et c’est ce que Marie de France aurait voulu refléter ici. Peut-être…
De Roquefort ne se demande pas si le fait que la poétesse du Moyen Âge central, supposément née en France (Ile de France ou Normandie), mais ayant été amenée à vivre ailleurs (Angleterre) pourrait expliquer aussi cette morale. Quoiqu’il en soit, dans un cas comme dans l’autre, il n’y a guère de moyens de vérifier ces deux hypothèses. D’un autre côté, on pourrait aussi voir dans cette fable, une morale plus intemporelle qui n’est pas incompatible d’ailleurs avec une certaine éloge de « la voie moyenne » : cette forme de contentement vis à vis de son propre sort et de sa propre condition, chère au monde chrétien médiéval.
Des Lièvres è des Raines version originale en vieux français
Ci dist que Lievre s’assanlèrent À pallement: si esgardèrent Q’en autre teire s’en ireient, Fors de la grêve ù ils esteient; Car trop furent en grant dolur D’Omes è de Chiens orent pour, Si nes les voleient plus sufri, Pur ço s’en vorent fors issir.
Li saige Lièvre lor diseient Que folie ert quanqu’il quereient A issir de la quenoissance U il èrent nurri d’enfance. Li Autres ne les vodrent creire, Tuit ensanle vindrent lur eire; A une mare sunt venu, Gardent de loin si unt véu Raines qui furent ensambléez, De paour d’eaus sunt effréez, Dedenz l’iave se vunt plunjier. Dès quel les virent aprismier.
Uns Lièvres les a appelez, Segnur, fet-il, or esgardez Par les Reines que vus véez Qui poor unt ; vus purpenssez Que nus aluns quérant folie, Que nostre grêve avuns guerpie Pur estre aillurs miex à seurtez, Jamès teir ne truverez U l’en ne dut aucune rien, R’aluns nus en si feruns bien ; A tant li Lièvre returnèrent En lur cuntrée s’en r’alèrent.
MORALITÉ
De ce se deivent purpenser Cil qui se voelent remuer E lor ancien liu guerpir Qui lor en puet après venir ; Jamais pays ne toverunt N’en cele terre ne venrunt K’il puissent estre sanz poour, Ou sanz traveil, u sanz dolour.
Adaptée en français moderne
Un jour, les lièvres s’assemblèrent En parlement et décidèrent Qu’en d’autres terres ils s’en iraient, Loin de l’endroit où ils vivaient ; De trop de maux les accablaient Hommes et chiens qu’ils redoutaient Et ne voulant plus en souffrir Leur seul choix restait de partir.
Tous les sages lièvres leur dirent Que c’était folie de s’enfuir Loin de ces terres de connaissance Qui avaient nourri leur enfance. Mais les autres n’écoutèrent rien Et se mirent bientôt en chemin. Lors, près d’une mare, venus A distance, ils ont aperçu Des grenouilles en grande assemblée. Effrayées par leur arrivée, Elles plongèrent de tous côtés, Sitôt qu’ils se furent approchés.
Voyant cela, un lièvre dit : « Seigneur, retenez-bien ceci Par les grenouilles de ce lieu Et qui s’effrayent de bien peu. Quelle grand folie avons commis En quittant notre cher abri, Cherchant ailleurs sureté, Quand nulle terre on ne peut trouver Où ne survienne aucun dommage. Rentrons-chez nous, c’est le plus sage. » Sur ce, les lièvres retournèrent En leur contréeet en leur terre.
MORALITÉ
De cela doivent méditer Tous ceux qui veulent s’exiler Et partir loin de chez eux, A ce qui peut leur advenir : Jamais pays ne trouveront Ni terre ici-bas, ne verront Où ils puissent vivre sans peur Ou sans efforts ou sans douleur.
Notes sur les enluminures utilisées
Pour ce qui est des enluminures utilisées dans les illustrations de cet article, les Lièvres sont tirés d’un ouvrage du Lion des Pyrénées, Gaston Febus : Livre de la chasse Gaston III (comte de Foix ; 1331-1391). Ms Français 1291 de la BnF. Les « grenouilles » ont, quant à elle, sauté tout droit sur nos pages depuis un manuscrit du Xe siècle, originaire de Constantinople : De Materia Medica. (actuellement conservé à la Morgan Library de New York – Morgan, Ms M652).
Enfin, pour l’image d’en-tête le fond aquatique nous vient du mythe arthurien. Il vient du manuscrit Lancelot du lac, Ms Français 113 conservé à la BnF (datation vers le milieur du XVe). La fée Viviane tenant dans ses bras Lancelot s’en est momentanément éclipsée pour faire place aux animaux de notre fable.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : citation, épidémie, peste noire, pandémie, historien médiéviste, histoire médiévale, covid. Période : du Moyen Âge central au XVIIIe s Auteur : Jacques le Goff (1924-2014) Livre : L’Europe est-elle née au Moyen Âge (1964)
Bonjour à tous,
our avoir vu passer à plusieurs reprises, sur les réseaux sociaux, une comparaison entre la Covid 19 et la peste noire, voici une longue citation de l’historien Jacques le Goff. Tiré de son ouvrage l’Europe est-elle née au Moyen Âge, cet extrait sur la réalité du terrible fléau qui perdura du XIVe siècle aux suivants, devrait permettre de remettre les choses à leur juste place pour qui aurait encore des doutes.
« (…) La colonie génoise de Caffa en Crimée fut assiégée par des Asiatiques qui utilisèrent comme armes contre les assiégés des cadavres de pestiférés jetés par-dessus les murailles. Le bacille véhiculé par les puces des rats ou, comme on le croit plutôt aujourd’hui, par le contact humain vint en Occident à bord de bateaux originaires de Caffa. Au cours de l’année 1348, il se diffusa dans pratiquement toute l’Europe. La peste Noire commença à être un phénomène catastrophique qui dura en Occident jusqu’en 1720, date de la dernière grande peste, celle de Marseille, avec toujours une origine orientale. Ce qui rendit l’épidémie catastrophique, c’est d’abord le caractère foudroyant de la maladie. Les hommes et les femmes contaminés par le bacille étaient terrassés au bout d’une courte incubation par un accès qui, au bout de 24 à 36 heures, aboutissait le plus souvent à la mort.
(…) Nous ne possédons pas de documents permettant d’évaluer de façon assez précise la mortalité de l’épidémie. Elle varia suivant les régions. Il est probable qu’elle ne fut dans aucune région inférieure au tiers de la population, et l’évaluation la plus vraisemblable va de la moitié aux deux tiers de la population de la Chrétienté. La chute démographique fut de 70 % pour l’Angleterre qui passa d’environ 7 à environ 2 millions d’habitants en 1400. »
Jacques Le Goff – L’Europe est-elle née au Moyen Âge (1964)
Comme on le comprendra bien à la lecture de ces lignes, si le coronavirus a tristement emporté des victimes dans sa course, le comparer à une épidémie de peste noire qui a décimé de la moitié à 2/3 de la population médiévale est (ou était) rien moins qu’une énorme ânerie. Cela dit, ce ne sera pas la première dont les réseaux sociaux nous gratifient…
NB :l’enluminure utilisée pour l’image de la citation est tirée des Annales de Gilles Le Muisit, ouvrage conservé actuellement à la Bibliothèque Royale de Bruxelles. Elle illustre la peste à Tournai en 1349.Sur l’image d’en-tête, la gravure du médecin de peste qui s’y superpose n’est pas médiévale. Historiquement, ce type de tenue, encore très prisée dans les carnavals vénitiens date plutôt des XVIIe et XVIIIe siècle.