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Conférence : Le Français, 800 ans d’Histoire et ce n’est qu’un début !

Sujet : langue française, francophonie, anniversaire, conférence, histoire du français, linguistique, vieux français, monde médiéval
Période : du Moyen Âge à nos jours
Auteur : Alain Rey
Titre : « Le français, une langue à l’épreuve des siècles« 
Média : vidéo-conférence à l’Université de Genève (2009)

Bonjour à tous,

ous ceux qui nous suivent l’ont bien compris, entre les lignes de nos aventures médiévales et notre exploration des langues romanes, de leur origine, leur évolution, leur richesse, se niche une passion qui s’intéresse autant à l’histoire de notre langage qu’à celle de notre civilisation. De fait, on peut difficilement se pencher sur le Moyen Âge sans croiser le thème de la gestation du Français, de ses formes premières à ses transformations.

Aujourd’hui, nous rendrons un double hommage à la francophonie, ainsi qu’à Alain Rey, célèbre linguiste, lexicographe et homme de média qui nous a quittés,  il y a moins d’un mois, à l’âge de 92 ans.  Qu’il repose en paix.

50 ans : l’anniversaire de la Francophonie

Le sujet de la langue française est d’autant plus d’actualité qu’on fête cette année, et jusqu’à la fin du mois de décembre, les 50 ans de la Francophonie. On pourra se reporter au site officiel de la Francophonie pour suivre l’actualité de cette célébration.  Pour donner quelques éléments sur l’état du Français dans le monde, vous trouverez, ci-dessous, une infographie et quelques chiffres clé de 2018, en provenance du ministère de la Culture.

La langue française dans le monde 

On notera que si la langue française est en recul en terme d’enseignement dans un certain nombre de pays, le nombre de personnes qui le parle est appelé à être en constante augmentation. Aussi, si vous aviez encore des doutes sur le fait que c’est une langue avec laquelle il faudra compter dans l’avenir, ils devraient être dissipés.

La langue française dans le monde

Une conférence sur l’histoire de la langue française, par Alain Rey

Hors des sentiers universitaires classiques, ce passionné de langues au parcours atypique était, notamment, devenu le visage familier des éditions Robert et de leurs dictionnaires auxquels il a largement contribué tout au long de sa carrière. Entre le milieu des années 90 et les années 2010, Alain Rey s’était aussi fait connaître du grand public par ses chroniques sur France-Inter, Europe 1 ou encore à la télévision.

En dehors de ses apparitions médiatiques, ce chercheur enjoué et plein d’esprit a beaucoup œuvré pour l’étude et la connaissance de la langue française, dans ses formes académiques mais aussi dans ses évolutions plus modernes, populaires et même argotiques.  En 2009, il donnait une longue conférence à l’Université de Genève sur l’Histoire et la gestation du Français : de ses premiers balbutiements et son oralité, à l’acquisition de ses lettres de noblesses et ses formes écrites plus formalisées et plus tardives.

Le français, une langue à l’épreuve des siècles, conférence de Alain Rey

Un plaidoyer pour une langue vivante et ouverte

« L’avenir du français, je le vois comme une évolution permanente. Les fautes d’un jour deviennent les règles du lendemain. Dans toutes les époques, on a dit que la langue était foutue et que personne ne parlait bien. »

INA 2006 – Rencontre avec Alain Rey

Dans cette intervention, suivie d’une longue séance de question, Alain Rey se posera à l’encontre d’une certaine morosité, celle qui pourrait nous venir de l’idée que nous écrivons « moins » le français. En réalité, il montrera qu’avec les réseaux sociaux, le blogging et les nouvelles technologies, l’usage du français écrit s’est ouvert à une pratique plus intensive et à un public plus large. Quant à la tendance à laquelle on assiste de  l’écrire moins correctement que ses formes académiques nous l’imposeraient, le linguiste, là encore, viendra mettre un bémol sur nos possibles déconvenues. Résolument optimiste sur cette langue  française en devenir, celui qui aimait répéter que « la faute d’aujourd’hui est la norme de demain » nous rappellera qu’une langue n’est jamais autant en danger que quand on l’arrête de la parler et de l’écrire. Toutes ses formes nouvelles viennent donc comme autant de remparts à l’encontre de ce risque et il convient de s’en réjouir. Académiques ou non, il n’y a que les langues mortes qui n’évoluent plus. 

Une belle journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge  sous toutes ses formes.

NB : les moines copistes de l’enluminure utilisée (et rafraîchie pour l’occasion) pour l’image d’en-tête, proviennent d’un manuscrit espagnol, rédigé sous le règne d’Alphonse X et intitulé « El libro de los juegos. El Libro de ajedrez, dados e tablas (le livre des jeux : le livre des échecs, des dés et des jeux de table). Cet ouvrage, daté de 1283, est actuellement conservé à la Bibliothèque de l’Escurial, près de Madrid.

Conférence monde médiéval : les procès faits aux animaux avec Michel Pastoureau

conference-moyen-age-monde-medieval-proces-animauxSujet   : procès, animaux, monde médiéval, anthropologie histoire, histoire médiévale, Moyen Âge chrétien
Période : Moyen Âge et  siècle suivants
Vidéo-conférence : Les procès faits aux animaux (du XIIIe au XVIIe siècle)
Intervenant : Michel Pastoureau
Conférence : Archives départementales de la Vienne,    avril 2019

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionmateur d’histoires insolites, cette vidéo-conférence de Michel Pastoureau sur les procès faits aux animaux, du Moyen Âge central aux siècles suivants, pourraient bien vous distraire. Attention, toutefois, l’historien donne  très vite le ton ici : s’il peut nous faire sourire, le sujet doit être pris très au sérieux.  Il fait partie, des mots même du médiéviste, de la grande Histoire et, sous l’apparente trivialité, pas question de laisser l’anecdotique, ou pire,  un deco-medievale-enluminures-proces-animaux-cochonssensationnalisme à la mode,  prendre le pas. Ces questions interrogent, en profondeur, les sociétés médiévales et renaissantes dans leurs rapports à la justice, dans leurs rapports homme animal et dans leurs représentations, ,…

Vous l’aurez compris, nous sommes bien au cœur d’une anthropologie historique et culturelle moderne qui vise à approcher le monde médiéval et ses mentalités dans toute leur complexité. Bien sûr,  nous l’avons dit, le sujet autorise tout de même, quelques sourires entendus dont l’historien lui-même, qui ne manque pas d’humour, ne se privera pas au long de sa conférence.  Voici un digest de cette dernière.

Les procès faits aux animaux.

Du XIIIe au XVIIe siècle (de 1250 à 1650), on juge les animaux pour divers crimes en France. Selon Michel Pastoureau, cette vague de procès pourrait correspondrait, en partie, au développement d’une forme de justice ecclésiastique  ayant tendance à se généraliser à la même époque. Dans le même temps,  il reconnait, toutefois, que cette dernière n’est alors pas la seule  à rendre des jugements :  durant la même période, les justices royales et civiles en produisent aussi.

Pour ce qui est de la fin du phénomène, dans le courant du XVIIe siècle, elle  semble toucher, tout à la fois, le souci d’optimiser l’utilité des actions de justice (en les réservant aux hommes), mais encore des raisons ayant trait aux représentations concernant les animaux (non souffrance, inutilité des supplices, …).

Vidéo-conférence de Michel Pastoureau  – les procès aux animaux

Différentes catégories de procès

Le chercheur médiéval distingue   différentes catégories de procès menés a l’encontre des bêtes.

1/ Les procès faits aux animaux pris en groupe,
principalement par la justice ecclésiastique

proces-hanneton-moyen-age-chretien-excommunication-monde-medievalRongeurs, batraciens, vermine, insectes, … Dans cette première catégorie, se  rangent  principalement les petits animaux, comme ces hannetons que l’évêque de Troie sommera, en 1516, de quitter son diocèse sous peine d’excommunication ou encore, quelques années plus tôt, ces anguilles du lac Léman ayant eu l’outrecuidance de se reproduire à l’excès. C’est, cette fois, l’évêque de Lausanne qui s’en mêlera pour tenter de ramener les anguilles à la raison. Que les bêtes laissent un peu de place aux feras,  perches et autres blancs dont vivent les hommes et les pécheurs autour du lac ! Peine perdue. Ce sera l’escalade… Et comme les anguilles resteront sourdes aux demandes de l’homme d’église, il se verra lui aussi contraint de les excommunier,  les expulsant ainsi et sans délai, de la communauté chrétienne.

2/ Les procès faits aux animaux domestiques et de plus grande taille par la justice royale ou civile

Ici, les animaux jugés seront de plus grande taille : cochons (en quantité), ânes, bœufs ou chiens, ayant causé des accidents ou s’étant rendus outrageusement coupables de vandalisme ou autres crimes et délits.  Dans quelques cas, il semble qu’ils puissent  être simplement coupables de ne pas avoir accepté, de bonne grâce, la charge de travail qui leur incombait ? Et on aura peut-être, une pensée (moderne)  émue pour ce bœuf de Toulouse qu’on  décapita, en 1415, pour avoir « démérité ». Quoiqu’il en soit et pour divers motifs, on conduit ces animaux, individuellement, aux tribunaux civils et, une fois leur cause « entendue » et jugée, on les châtie : on peut les exécuter sans ambages ou même d’autres fois, les gracier.

3/Les procès en hérésie, sorcellerie et bestialité

Comme on le sait (ou comme on l’ignore), la sorcellerie et les procès dans cette matière sont des affaires bien plus renaissantes que médiévales : sabbats, histoires d’adoration d’animaux en manière d’adoration du diable, mais encore bestialité et commerce contre-nature entre hommes et bêtes, tout cela donnera lieu à des condamnations qui frappent les uns et les autres, hommes et bêtes  (fréquemment sous couvert de délation). Ces affaires forment le dernier type de procès faits aux animaux que Michel Pastoureau identifie sur la partie la plus tardive de la période étudiée.

Géographie et fréquence

deco-medievale-enluminures-proces-animaux-cochonsAprès nous avoir présenté ces catégories, l’historien détaillera ses sources, du côte de leur répartition géographique. Les Alpes semblent alors un foyer privilégié bien que non exclusif de ces actes judiciaires qui peuvent nous paraître, aujourd’hui, si étranges. Étonnamment, on notera que, quelque temps plus tard, les procès en sorcellerie suivront, en partie, cette même géographie en s’accrochant aux montagnes et aux mêmes provinces.

Contrairement aux idées reçues pourtant, en nombre, ces  procès faits aux animaux resteront relativement rares. En suivant le chercheur, peut-être faudrait-il y voir une démonstration symbolique ? Entendons, une forme de théâtralisation de l’action judiciaire ou, au moins, la volonté de mettre en scène une justice toute puissante qui s’exercerait, sur tous, avec une égale magnanimité.

Le porcs au cœur   des procès

Neuf fois sur dix, les animaux concernés sont des porcs. Ils sont alors nombreux à vaquer dans les villes comme dans les campagnes, glanant leur nourriture, en semi-liberté. En milieu urbain, ils aident aussi à éliminer les ordures et les détritus. De fait par cette omniprésence, autant que par leur nature fouineuse et leur régime omnivore, ils finissent fatalement par commettre plus d’actes de vandalisme et sont la cause d’incidents plus fréquents. Michel Pastoureau étendra son raisonnement de la simple statistique à la proximité anatomique et biologique entre le porc et l’homme. Selon lui, le porc aurait été également victime de ce cousinage avec les humains et c’est aussi cela qui lui aurait ouvert la porte des tribunaux. N’étant pas si éloigné de la gente humaine, on  aurait  ainsi pu trouver acceptable qu’il fut jugé.

La  Truie de Falaise

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Illustration représentant l’affaire de la truie de Lavegny, en 1457, qui, avec ses 6 porcelets, aurait dévoré un enfant « The book of days: a miscellany of popular antiquities ( 1869)

Suivant encore, de près, le fil de cette conférence, l’historien nous contera l’histoire, plutôt   gore, de  cette truie de Falaise qui, en  1386,  renversa le   berceau de deux enfants en bas âge, en les tuant sur le coup. Non contente de son forfait, l’animal dévora,  en partie, le cadavre du plus jeune. Condamnée à mort par le bailli de Falaise, après une procès en bonne et due forme, la truie fut traînée par les rues, pendue, puis brûlée, ses cendres dispersées. Étrangement, le supplice lui fut administré après qu’on l’ait vêtu d’habits féminins, sous l’œil d’une foule, sans doute, venue nombreuse y assister. On aurait même alors demandé aux paysans présents à l’événement de s’y présenter avec leurs propres cochons, afin que ceux-ci retiennent à plein la leçon.

Les rapports hommes animaux en tension
dans le Moyen Âge chrétien

Pour conclure ce riche tour d’horizon de son sujet, Michel Pastoureau se penchera sur la, ou plutôt les, pensées chrétiennes et médiévales régissant les représentations homme/animal. Deux courants théologiques et philosophiques coexistent en effet. Le premier différencie clairement le règne de l’homme et de l’animal. C’est le plus classique. Face à lui, un autre courant prône l’idée d’une « communauté des êtres vivants » et celle d’un animal « enfant de Dieu ». Selon le chercheur, ces deux conceptions auraient animé les débats entre juristes et théologiens autour de ces procès  : les animaux peuvent-ils souffrir ? Ont-il une âme semblable à la notre ? deco-medievale-enluminures-proces-animaux-cochonsPeuvent-ils différencier le bien du mal ? Y-a-t-il des animaux supérieurs ?

Toutes ces questions vont être en opposition jusque dans les idées d’animaux machines  et il faudra attendre le XVIIIe siècle et l’Ecosse pour voir la naissance des premières sociétés protectrices d’animaux de l’histoire. Ce sera pourtant loin de consacrer nos vues modernes sur ces questions qui, disons le, demeurent, dans la pratique, toujours contradictoires. D’ailleurs, en creusant un peu, cette duplicité de vue médiéval pourrait très bien y  être encore   à l’oeuvre, soit qu’on considère l’homme comme faisant partie du règne animal, soit qu’on le place largement au dessus.

Notion de responsabilité juridique

A défaut de vues philosophiques partagées sur ces questions dans nos sociétés, la seule chose sur laquelle on semble être parvenu à un consensus est juridique et légale. Elle concerne la responsabilité directe du propriétaire de l’animal sur les dégâts que ce dernier pourrait occasionner. Comme on l’aura remarqué, elle  n’est  pas  en question dans ces procès des temps anciens que nous pouvons, aujourd’hui, trouver insolites. Du reste, une certaine littérature satirique d’époque en avait déjà relevé la nature cocasse et ne s’est pas privée de moquer ces actions en justice .  Michel Pastoureau nous le rappellera, ici, en évoquant  le goût du public médiéval pour les fables ou les   ysopets, mais aussi  le procès fait à Goupil dans le   Roman de Renard.

De nos jours, il arrive encore que la justice juge et condamne des animaux.

Voir nos autre articles au sujet de Michel Pastoureau.

En vous souhaitant une excellente journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Entretien : l’autre Moyen-âge et la nouvelle histoire de Jacques le Goff

conference_monde_medieval_moyen-age_Jacques-le-Goff_nouvelle-histoireSujet : histoire médiévale, historien, médiéviste, moyen-âge, définition, vidéo-conférence, nouvelle Histoire
Période : moyen-âge
Auteur : Jacques le Goff entouré de Jean-Claude Schmitt, Robert Philippe, Emmanuel Le Roy Ladurie, Pierre Nora.
Titre : « Pour un autre moyen-âge : un entretien avec Jacques le Goff », conférence produite par Marc Ferro en 1992 (EHESS) (canal-U.tv)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avons souvent eu l’occasion de parler, ici, de l’historien médiéviste Jacques le Goff, en partageant notamment quelques extraits de ses entretiens ou même quelques-unes de ses citations. Avec son « autre moyen-âge », il a proposé de déplacer, et même d’étirer, les lignes chronologiques de cette période mais, dans la veine de l’Ecole des Annales et avec l’apport de sciences humaines connexes à l’Histoire, il s’est aussi évertué à restituer les formes vivantes du monde médiéval et  ses mentalités.

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« (…) Ce que je veux appeler notre moyen-âge c’est un moyen-âge très concret. Et ça je tiens à le dire par rapport au moyen-âge insipide que l’on présentait à ce moment là, j’ai vraiment eu l’envie de proposer un moyen-âge qui était fait de sang, de chair, autant que d’esprit, et en plus si possible, un moyen-âge qui ne serait pas ennuyeux. Le moyen-âge qu’on nous proposait était mortellement ennuyeux. L’Histoire est une chose passionnante et on doit passionner les gens à l’Histoire en leur montrant que ce n’est pas du tout un discours embêtant. Et j’ai éprouvé très vite le besoin d’aller chercher, en dehors de ce que l’on appelait les sciences auxiliaires de l’Histoire traditionnelle. »
Jacques Le Goff – Citations –  Extrait entretien EHESS – 1992

Dans cette conférence de 1992, il revenait sur son parcours intellectuel, ses influences, ses maîtres en Histoire, tout en donnant quelques clés sur sa vision si particulière du Moyen-âge et sur son approche méthodologique de la « Nouvelle Histoire ». Au passage, avec la présence autour de la table de Emmanuel Leroy Ladurie, il revenait également sur leur collaboration mutuelle autour de Mélusine dont nous avions déjà touché un mot ici (voir article à ce sujet).

Sujets abordés

– Le long Moyen-Âge (04:37)
– De l’histoire à l’anthropologie historique (34:44)
– Histoire nouvelle et nouvelle histoire (50:24)
– De l’imaginaire au politique (1:11:12)

Si vous aviez quelques difficultés pour visualiser cette vidéo-conférence, nous vous conseillons de cliquer sur la roue dentée dans la barre de contrôle du Player et d’en réduire le débit. Cela n’affectera pas la qualité du son mais vous permettra d’en avoir une lecture bien plus fluide.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

Conférence au Musée de Cluny : travailler au monastère au moyen-âge par Elisabeth Lusset

conferences_audio_video_moyen-age_monde_medieval_agriculture_paysan_serfs_vilain_moyen-ageSujet: ordre monastique, travail, moine, moyen-âge chrétien, dimension spirituelle et matériele, monastère médiéval, médiéviste
Période : moyen-âge central
Média: conférence vidéo, chaîne youtube
Lieu: Musée de Cluny, octobre 2017
Titre: Travailler au monastère au Moyen Âge
Conférencière: Élisabeth Lusset

Bonjour à tous,

T_lettrine_moyen_age_passionoujours dans le cycle « Le travail au moyen-âge  » voici une nouvelle conférence présentée par le Musée de Cluny. Elle nous entraîne, cette fois-ci, au coeur des monastères et à la découverte du travail des moines du moyen-âge central.

Cette intervention est d’ailleurs la première à avoir inauguré ce cycle au musée et à l’image des deux autres conférences déjà présentées ici (le travail de la terre au moyen-âge de Didier Panfili, le travail sur les chantiers médiévaux de Cécile Sabathier), l’historienne médiéviste Élisabeth Lusset nous offre un panorama claire et exhaustif de son objet : des travaux manuels des moines au quotidien, du jardin au scriptorium, en passant par les débats théologiques autour de la dimension spirituelle et matérielle du travail, de sa nécessité ou encore du statut de la prêche comme travail ou non, après l’apparition des ordres mendiants du XIIIe siècle.

Travailler au monastère au Moyen-Age

Élisabeth Lusset,
élements de parcours

A_lettrine_moyen_age_passiongrégée d’histoire, normalienne, docteur en histoire médiévale de l’Université de Paris-Nanterre,  Elisabeth Lusset est chargée de recherche au CNRS et au Laboratoire de médiévistique occidentale de Paris 1 Panthéon Sorbonne.

Du point de vue thématique, elle a fait de la gouvernance de l’Eglise,  de la justice ecclésiastique mais aussi du monde monastique du moyen-âge central, de ses ordres et de ses communautés, ses terrains de prédilection. D’une manière plus pointue, elle s’est également spécialisée sur le sujet passionnant de la criminalité et des enfermements dans ces mêmes milieux et aux mêmes périodes. Voir notamment son ouvrage : Crime, châtiment et grâce dans les monastères au Moyen åge (XIIe  XVe   siécle), Brepols Publishers, 2017. 
Pour un aperçu plus exhaustif de son parcours, ses publications et ses contributions, cliquez ici.

La dimension mystique de l’activité manuelle dans le cheminement monastique

T_lettrine_moyen_age_passionravail libérateur contre l’oisiveté ou résonance inévitable de la chute originelle et de la punition biblique qui s’y trouvera attachée ? Ces activités manuelles qui occupent les mains, détournent aussi les yeux du monde superficiel et des désirs qui peuvent les tenter.

Au delà, entre approche spirituelle et exigence de la glose, dans le monde silencieux des monastères, l’autorité de la règle (ou des règles) ne doit toutefois pas faire perdre de vue la dimension transcendante de cette dernière ou plutôt le fait qu’elle soit appelée à être transcendée. Pour le dire autrement, les préceptes et les règles monastiques ne peuvent être réduits à leur seule dimension coercitive (réelle ou apparente) au risque de les dépouiller de leur vocation mystique, celle d’accompagner, de manière cognitive, pourrait-on dire, un chemin d’éveil.

deco_medievale_enluminures_moine_moyen-ageA ce titre et pour ouvrir sur d’autres horizons, il est intéressant de noter que, dans le courant de ce même moyen-âge central, à l’autre bout du monde et au Japon, le moine bouddhiste Eihei Dōgen (1200-1253) revenu de Chine, codifiait précisément les l’importance de la cuisine dans le temple et les règles à suivre par le Tenzo – le moine cuisinier, seconde personne plus importante dans la hiérarchie du monastère –  mais aussi plus généralement les règles régissant le « samu », ce travail manuel des moines zen qui inclut toutes les tâches de ménage, de nettoyage, de jardinage utiles à la communauté.

Au delà de la dimension collective nécessaire de ces travaux, il s’agit aussi pour le moine de s’y oublier totalement. Apprentissage de l’humilité mais aussi chemin de « révélation » ou « d’éveil » ces mains qui travaillent permettent à l’esprit de ne se poser sur rien et, en ne se posant sur rien, de laisser la place au dialogue avec le divin. Il n’est même plus  ici question de tentation, mais de recherche d’une forme de silence intérieur, une volonté de faire de chaque geste quotidien un acte transcendantal. Dans le zen, il n’est d’ailleurs pas rare que les éveillés, ceux qui recevront le « shiho », la « transmission » – soit la lourde responsabilité de devenir, à leur tour, les responsables du monastère et de transmettre la « graine de l’éveil » – soient cuisiniers ou jardiniers. De fait, dans le travail monastique zen, l’activité manuelle est hautement valorisée, comme partie-prenante d’un cheminement mystique, qui touche de près des aspects de cognition.

Cet article n’en offre par le cadre, mais il pourrait être intéressant d’examiner les possibles corrélations de ce monde monastique médiéval au notre sur ces aspects.

En vous souhaitant une bonne écoute et une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.