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Agenda : un Automne médiéval au KBR Museum

événements autour du Moyen Âge au KBR Museum.

Sujet : Belgique médiévale, manuscrits anciens, manuscrits médiévaux, ducs de Bourgogne, musée, polyphonie, compositeurs franco-flamands.
Période : Moyen Âge tardif à Renaissance
Evénement : réouverture du KBR
Lieu : KBR Museum,  Mont des Arts 28, Bruxelles.
Date : automne 2025.

Bonjour à tous

rès Régulièrement, le KBR Museum de Bruxelles propose de nouveaux événements d’intérêt autour du Moyen Âge et c’est toujours un plaisir de les relayer.

Pour les visiteurs, c’est l’occasion de découvrir le riche Comté de Flandre au temps du Moyen Âge central et tardif, mais aussi de rares manuscrits et enluminures de la belle Bibliothèque des ducs de Bourgogne. Le musée fait, en effet, tourner les pièces de cette collection unique à l’exposition, permettant ainsi au public d’en découvrir de nouveaux trésors. Après quelques mois, les précieux codex regagnent bien vite l’ombre et la fraîcheur de leur coffre pour le bien de leur conservation.

En plus de cette belle collection, voici un avant-goût de ce qui vous attend au KBR cet automne. Comme on le verra, la polyphonie y est particulièrement à l’honneur.

Au programme de cet automne au KBR


A l’habitude, nous nous penchons ici sur les événements du KBR qui touchent plus particulièrement le Moyen Âge et ceux qui s’en passionnent. Sur place, d’autres expositions, concerts, ou ateliers attendent aussi les visiteurs. Vous pourrez les retrouver sur le site du musée.

Invitation à la découverte de la polyphonie

Type d’événement : Visites guidées sur réservation.
Date : 19 octobre 2025 et 23 novembre 2025, 11h00 – 12h30

Visite des collections des Ducs de Bourgogne au KBR Museum

Ces visite guidée seront l’occasion d’une découverte de l’univers polyphonique du dernier siècle du Moyen Âge à la Renaissance. (XVe et XVIe siècles). Les visiteurs pourront profiter des collections du musée en relation avec le sujet mais aussi des tout derniers dispositifs interactifs et sonores mis en place par l’institution pour une immersion complète. Les compositeurs Johannes Ockeghem et Pierre de La Rue seront notamment au programme de cette découverte.

Veuillez noter que les visites guidées de ce type se répètent assez régulièrement. Si vous n’êtes pas au rendez-vous des dates susmentionnées, il serait judicieux de consulter l’agenda du musée pour vous enquérir des suivantes.

« Nymphes des bois » d’Ockeghem à Josquin des Prés

Type d’événement : Conférence
Date : 25 octobre 2025, 11:00 – 12:30

Photo-portrait de Marc Onkelinx

Accompagné du musicologue Jean-Marc Onkelinx, cette conférence vous permettra de découvrir par le menu « Nymphes des bois », célèbre œuvre polyphonique et musicale de Josquin des Près en déploration de la mort de Johannes Ockeghem.

A la découverte de la polyphonie

Type d’événement : Atelier participatif et chant
Date : 09 novembre 2025, 14:00 – 16:00

Le musicien Baptiste Vaes anime un atelier de chants polyphoniques

Avec cet atelier, Baptiste Vaes vous invite à explorer et pratiquer la richesse des chants polyphoniques. Cette session ouverte à tous vous permettra de donner de la voix tout en vous initiant aux subtilités de cet art médiéval prisé de l’Ars nova, de l’école franco-flamande et d’autres autres écoles musicales de l’Europe des Moyen Âge central à tardif.

Script and Sound: Early Music Research at KBR

Type d’événement : Séminaire en langue anglaise.
Date : 18 novembre 2025, 09:50 – 17:00

Un partition de musique enluminée tirée d'un manuscrit médiéval

A destination d’un public averti, ce séminaire vise à favoriser les recherches sur les musiques médiévales et anciennes du point de vue des sources. D’éminents chercheurs et universitaires viendront y discuter de ces thèmes.

A la découverte des pigments et de la calligraphie

Type d’événement : Ateliers participatifs
Date : 6 et 7 décembre 2025, 10:00 – 12:00 / 14:00 – 16:00

un main formant une lettre calligraphié au moyen d'une plume et d'encre liquide

Tout est dans le titre. Au programme pratique de la calligraphie et mélange de pigments variés. Ce type d’ateliers de pratique se répètent à fréquence régulière au KBR Museum. Comme ils se complètent rapidement, nous vous suggérons d’anticiper leur réservation.


En aparté : le cercle des Amis du KBR Museum

Veuillez également noter qu’un nombre non négligeables d’événements non mentionnés ici sont réservés aux « Amis du KBR Museum ». Ces publics plus restreints soutiennent le musée à l’année et bénéficient, en contrepartie, d’événements privilégiés. La formule permet d’aider au financement du KBR, de son travail de conservation et de ses initiatives. Si vous souhaitez vous y pencher, tout se trouve sur ce lien.


Voilà pour ce programme d’automne au KBR. Pour tous détails et réservation sur ces événements, nous vous invitons à consulter directement le site du musée sur kbr.be.

Si vous vous déplacez vous pourrez, bien entendu, découvrir l’ensemble des collections du musée, ses expositions ainsi que sa nouvelle scénographie. Les travaux récents ont, en effet, permis d’ajouter de nouvelles installations tout à l’avantage des collections et d’une plus grande immersion.

Bibliothèque des Ducs De Bourgogne : découvrez tous les manuscrits en ligne

Si le KBR Museum est riche de millions de documents, on ne peut mentionner son patrimoine historique sans citer la Bibliothèque des Ducs De Bourgogne. La Bibliothéque Royale de Belgique a, en effet, conservé du temps où la Flandre était à la main des bourguignons une large partie de la riche collection des manuscrits des seigneurs d’alors. Aujourd’hui, le KBR a ainsi en charge la conservation de 279 précieux codex datés du Moyen Âge tardif.

Tous les manuscrits accessibles en un clic

Enluminure devenue culte des Chroniques de Hainaut; ms. 9242 (XVe siècle, Collections des ducs de Bourgogne,

Après un patient travail de numérisation, l’ensemble des manuscrits médiévaux de la bibliothèque des Ducs de Bourgogne est désormais consultable en ligne. On y trouve les plus beaux fleurons de l’enluminure médiévale et de rares trésors jusqu’à lors restés sous coffre.

A l’issu de ce grand chantier mis en œuvre par les conservateurs, les ouvrages sont consultables en très haute résolution pour un maximum de détails. Tout est là : consulter la collection des ducs de Bourgogne en ligne.

Notes : l’enluminure ci-contre est sans doute une des plus célèbres de la collection. Tirée des Chroniques de Hainaut ( ms 9242), elle met en scène le puissant duc de Bourgogne Philippe le Bon, vêtu de noir au centre de l’illustration. Face à lui, Simon Nockart, fonctionnaire du Hainaut, présente son hommage et l’ouvrage des Chroniques. Derrière le duc et à ses côtés, un certain nombre de nobles, de conseillers et d’hommes de pouvoir de l’époque sont tous là pour marquer leur allégeance, autant que l’importance de ce moment. Si vous êtes amateur d’histoire médiévale et de ce type d’enluminures, la bibliothèque numérique du musée bruxellois vous en réserve désormais une pléthore.


Voilà mes amis ! Cet automne si le cœur vous en dit, le KBR Museum vous offrira, à tout moment, un grand voyage au temps des ducs de Bourgogne et du Moyen Âge tardif. Aussi n’hésitez pas à y programmer une visite.

Ajoutons que Bruxelles est une ville pleine de ressources culturelles, gastronomiques, architecturales et muséographiques à explorer. N’ayez crainte de vous y ennuyer ! Un séjour même de quelques jours n’y suffirait pas.

Pour découvrir tous nos articles passés sur le KBR Museum, c’est ici.

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Concerts de Musique Médiévale & Conférences à la Basilique Cathédrale Saint-Denis

Sujet : concerts, musiques médiévales, patrimoine, cathédrale, conférence, site d’exception.
Période : Moyen Âge (haut et central)
Evénement : concerts de Musiques Médiévales & conférence
Dates : octobre 2025.
Lieu : Basilique cathédrale Saint-Denis, 1, rue de la Légion d’Honneur, Saint-Denis, Île-de-France.

Bonjour à tous,

our ceux qui se tiendront en Île-de-France en octobre prochain, un bel événement vous y attend à quelques lieues de Paris. Tout le mois, la Basilique Cathédrale Saint-Denis y célébrera le Moyen Âge avec cinq concerts exceptionnels de musique médiévale. Le programme sera également complété par deux conférences pour les plus férus d’Histoire.

Le cadre patrimonial et historique de la Basilique Cathédrale Saint-Denis est, en lui-même, remarquable. Ce site classé est, en effet, témoin de plus 1500 ans d’Histoire et remonte au haut Moyen âge. Cet événement donnera l’occasion de le découvrir et nous en dirons un mot plus loin dans cet article.

Octobre Médiéval : le programme

Musiques médiévales et conférences sur le Moyen Âge à la Basilique Cathédrale Saint Denis - Affiche 2025 de l'événement "Octobre Médiéval"

Il s’agira là de la 5eme édition de cet « Octobre médiéval ». Fort du succès de ses précédentes éditions, l’événement s’installe dans la qualité et la durée. Cette année encore, sa programmation musicale est aussi variée qu’ambitieuse.

Les thèmes abordés iront des chansons de trouvères, à l’amour courtois et aux chansons de toiles. On pourra encore y entendre des chants sacrés polyphoniques et de rares musiques du XIIIe siècle, dédiées au culte marial.


Les concerts de musique médiévale

Les cinq concerts proposés pour cette édition s’étaleront tous le mois avec des horaires en après-midi ou en soirée. Du point de vue des formations, on reconnaîtra des noms familiers comme l’ensemble Alla Francesca ou encore Diabolus in Musica. D’autres sont un peu plus récentes. Dans tous les cas, l’originalité des programmes est au rendez-vous sur les cinq dates prévues.

Chansons de trouvères des XIIe et XIIIe siècles, d’Aliénor d’Aquitaine à ses descendants

Mardi 7 octobre – 20h « Les trouvères entre ciel et terre, sur les traces d’Aliénor… » par l’ensemble Alla Francesca.

l'Ensemble médiéval Alla Francesca sur scène et en concert

Du XIIe siècle aux suivants, Aliénor d’Aquitaine et sa lignée influencèrent grandement la musique du nord de France et d’Angleterre. Avec ce programme, Alla Francesca se propose de suivre les inspirations musicales de la célèbre reine de France et d’Angleterre. L’exploration s’étendra même à sa descendance avec des noms prestigieux comme Richard Cœur de Lion, Marie de Champagne et, bien sûr, Thibaut IV le chansonnier.

L’ensemble Alla Francesca est un des grands noms de la scène musicale médiévale. Formé par Brigitte Lesne et Pierre Hamon, début 90, il a produit depuis une riche discographie et de nombreux programmes. Attaché, depuis sa formation, au Centre de Musique Médiévale de Paris, il bénéficie d’une reconnaissance internationale.

Musiciens, interprètes : Pierre Bourhis (voix), Michaël Grébil (cistres, luth, voix), Nolwenn Le Guern (crwt, vièle à archet), Lior Leibovici (voix) et Brigitte Lesne (harpe-psaltérion, percussions, direction et conception).

La vie de la Vierge dans les manuscrits parisiens des XIIe et XIIIe siècles

Samedi 11 octobre – 17h « Sur les pas de Marie » par l’ensemble Rue des Chantres.

Ensemble médiéval Rue des Chantres : portrait de Erwan Picquet, Vincent Pislar et Christian Ploix.

Loin des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X & des routes de pèlerinage médiévales, l’ensemble Rue des Chantres est parti sur les traces du culte marial au travers des manuscrits parisiens du Moyen Âge central. Avec ce programme musical original, on suivra, avec eux, le parcours de Marie, dans une sélection qui mêlera chants polyphoniques et chants grégoriens.

Formé en 2019 par trois anciens chantres de Notre-Dame de Paris, l’ensemble Rue des Chantres entend faire revivre les chants polyphoniques comme on pouvait les entendre dans les cathédrales de l’Europe médiévale du Moyen Âge central. Ce programme musical ajoute aux voix un aspect visuel et des projections.

Musiciens, interprètes : Erwan Picquet (voix), Vincent Pislar (voix), Christian Ploix (voix).

L’Amour courtois aux XIVe et XVe siècles

Samedi 18 octobre – 16h30 « Ay ! Amours… » par l’ensemble Les Métamorphoses de l’Amour.

l'ensemble Les Métamorphoses de l’Amour, portrait de Daniela Maltrain, Julia Marty et Nolwenn Tardy

« Ay ! Amours » : dans nos pages, nous avons approché des centaines de textes médiévaux qui traitent d’amour courtois et de la souffrance du loyal amant dans l’attente d’un retour qui ne vient pas toujours.

Avec ce concert, l’ensemble Les Métamorphoses de l’Amour prend le parti de nous montrer d’autres variations du sentiment courtois. Conversations privées, confidences entre amies, l’angle est original et devrait introduire l’auditoire à tout un monde de nuances. Quant à l’origine des chansons, elles nous entraîneront dans la France et l’Italie du Moyen Âge tardif (du XIVe aux débuts du XVe siècle).

Les Métamorphoses de l’Amour est un ensemble formé en 2023 par trois jeunes musiciennes de la scène des musiques anciennes et médiévales.

Musiciens, interprètes : Daniela Maltrain (vièle à archet, voix), Julia Marty (guiterne, voix), Nolwenn Tardy (vièle à archet).

Chansons & rêveries amoureuses au XIIIe siècle

Samedi 25 octobre – 16h30 « Beles, Belles… » par l’ensemble Diabolus in Musica.

Diabolus in Musica, Portrait de Axelle Bernage et Nicolas Sansarlat

Voilà encore un beau programme concocté ici par l’ensemble Diabolus In Musica qui se produit ici en duo. Dans cette sélection de pièces dédiées aux rêveries amoureuses des belles du Moyen Âge central, on retrouvera notamment des chansons de toile. Monde clos, idéal de beauté, poésie de l’attente et formes du désir amoureux sont au menu de ce concert médiéval.

Depuis sa formation, au début des années 90, l’ensemble Diabolus in Musica s’est forgé une belle renommée sur la scène des musiques médiévales. Avec plus de vingt-cinq albums sur des thèmes aussi variés que les chansons de trouvères et de troubadours, Guillaume Dufay et De Machaut ou encore les chants polyphoniques religieux médiévaux, la formation poursuit, avec talent, son exploration du Moyen Âge et de ses musiques.

Musiciens, interprètes : Axelle Bernage (voix), Nicolas Sansarlat (vièle à archet, direction artistique).

Chants sacrés du Moyen Âge et résonances contemporaines

Vendredi 31 octobre – 20h « Odyssée pour deux voix sœurs » par l’ensemble Dialogos.

Ensemble Dialogos en concert, Katarina Livljanić et Clara Coutouly

Entre chants sacrés, plain chants et polyphonies, ce programme a deux voix explorera les musiques liturgiques médiévales sous un angle nouveau. Au delà de leur spiritualité, l’ensemble Dialogos entend, en effet, mettre en valeur ce qui affleure dans ce genre musical.

Peurs, aspirations, émotions, ces chants liturgiques traduisent aussi de tout un monde là au dehors qu’on craint, auquel on aspire ou encore que l’on fantasme. A l’occasion de ce concert, les chants médiévaux anciens devraient être mis en miroir avec des poésies plus contemporaines.

Depuis 1997, l’ensemble médiéval Dialogos explore le large répertoire des musiques de l’Europe médiévale. En 25 ans, la formation s’est produite sur de nombreuses scènes à l’international. Elle a également reçu de nombreux prix pour ses prestations musicales et scéniques. Sa fondatrice et directrice Katarina Livljanić est également enseignante à la prestigieuse Schola Cantorum Basiliensis.

Musiciens, interprètes : Clara Coutouly (voix), Katarina Livljanić (voix, direction artistique).


Les conférences en Histoire médiévale

En plus de ce riche programme musical, deux conférences d’Histoire médiévale viendront encore ponctuer ce mois d’octobre.

Musique & arts liturgiques au temps d’Hilduin, abbé de Saint-Denis

Jeudi 9 octobre à 19h30
Intervenant : 
Jean-François Goudesenne, Chercheur médiéviste et musicologue, (IRHT-CNRS)

Le mystère des reliques de saint Denis

Lundi 13 octobre à 19h30
Intervenant : Anne-Marie Helvétius, Professeure d’histoire médiévale (université Paris 8).

Pour plus d’informations sur l’ensemble de ce programme, merci de consulter le site officiel de la Basilique Cathédrale Saint-Denis.


La Basilique Cathédrale Saint-Denis : un cadre historique & patrimonial exceptionnel

S’il est de nombreux lieux véritablement chargés d’Histoire sur le sol français, la Basilique Cathédrale Saint-Denis se distingue par les long quelques 1500 d’histoire dont témoigne son site.

Le lieu que choisit Saint-Denis pour mourir

Enluminure du martyre de Saint Denis, manuscrit médiéval NAF 1098 XIIIe siècle - Départements des manuscrits BnF
Enluminure du Martyre de saint Denis, Manuscrit Naf 1098 (consulter en ligne )

Une légende tardive du haut Moyen Âge conte que Saint-Denis, évangélisateur de la Gaule et martyre chrétien décapité à Lutèce par l’empire romain, serait venu y mourir entre le 1er et le 3e siècle de notre ère.

Le premier évêque de Paris aurait même, selon certains récits, porté sa tête décapitée depuis Montmartre en chantant des prières, avant de s’effondrer là où fut construit l’ancêtre de l’actuel basilique et le premier édifice religieux en son nom.

De fait, le lieu fut sanctifié très tôt et devint la tombe de nombreux rois et reines de France à partir du VIIe siècle. En témoignent encore sur place pas moins de soixante-dix gisants et tombeaux parmi lesquels les plus grands noms de la couronne française. On y trouve également certains de leurs serviteurs et des aristocrates eux-aussi désireux de se placer sous la protection du saint.

La période couvre toute l’Histoire médiévale jusqu’au XIXe siècle. Cette étonnante particularité fait même de la Basilique Cathédrale Saint-Denis un lieu unique en Europe en matière de réalisation de gisants funéraires du Moyen Âge central (XIIe siècle) à la Renaissance (XVIe siècle).

Un chef d’œuvre d’architecture gothique

Basilique Cathédrale Saint-Denis, Gisants et vitraux

En terme architectural, si les bâtis de la basilique ont évolué du haut-Moyen Âge à nos jours, le XIIe siècle marque un véritable tournant dans l’histoire de l’édifice. Sa reconstruction par l’Abbé Suger la consacre, en effet, comme un chef d’œuvre de l’art Gothique. Elle est considérée comme un des berceaux de cet art alors novateur. Sa nouveauté architecturale aurait ainsi étendu ses influences à toute l’Europe.

Depuis le Moyen Âge, la Basilique cathédrale Saint Denis a traversé le temps en passant par des phases de grande popularité ou même d’abandon. Elle a aussi connu diverses restaurations du XIXe siècle jusqu’à très récemment. Napoléon 1er y a mis sa patte. Plus tard, Viollet-le-Duc est intervenu également sur l’édifice et les gisants.

Classement de la Basilique

Il faudra attendre la deuxième partie du XIXe siècle et 1862 pour voir la basilique classée monument historique. Ses jardins suivront un peu plus de soixante-ans plus tard en 1926.

Devenue cathédrale depuis 1966, la basilique Saint-Denis est, aujourd’hui, gérée par le Centre des Monuments Nationaux. De par sa longévité et ses merveilles, elle reste un grand trésor du patrimoine culturel et monumental français.

Vous retrouverez les traces de sa longue et prestigieuse Histoire partout sur place : des vitraux aux ogives, à ses jeux de lumière unique, à ses sculptures ou ses gisants. Ici, les pierres parlent et témoignent de la longue histoire de France, du Moyen Âge à nos jours. Pour ceux qui auront la chance de pouvoir assister à ces concerts en octobre, ne manquez pas d’y prévoir une visite plus complète.

Retrouver notre article sur l’édition 2024 de cet événement.

En vous souhaitant une belle journée
Frédéric Effe
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

le miracle de Cantiga de Santa Maria 154 : une flèche ensanglantée pour un joueur colérique

Sujet : Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracle, Sainte-Marie, colère, blasphème, joueur de dés, Catalogne.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre : Cantiga de Santa Maria 154  « Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fillo » 
Interprète : Música Antigua et Eduardo Paniagua, Cantigas De Catalunya (2007)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous voguons vers le XIIIe siècle et le Moyen Âge central avec l’étude de la Cantiga de Santa Maria 154. Au cœur de l’Espagne médiévale, le roi Alphonse X de Castille compila plus de 400 récits de miracles et chants de Louange à la vierge Marie.

Issu d’une lignée de rois lettrés, Alphonse le Sage aimait s’adonner à la poésie et à l’écriture. Il composa et mit en musique lui-même une partie de ces cantigas de Santa Maria. Pour l’ensemble du corpus, des troubadours et musiciens de sa cour apportèrent aussi leur contribution.

La plupart des miracles relatés dans les cantigas de Santa Maria ont pour origine des lieux de pèlerinage de l’Europe médiévale mais certains proviennent aussi de destinations plus lointaines (Afrique, Proche-Orient, …).

Témoin de l’importance du culte marial au Moyen Âge central, tout autant que de la musique de cette période, le corpus des chants à Sainte-Marie d’Alphonse X est encore largement joué sur la scène des musiques anciennes et médiévales. Nous espérons que le fait de détailler leurs partitions et traductions, en y associant des versions musicales par les plus grands ensemble de la scène médiévale contribuera à les faire mieux connaître mais aussi jouer.

La Cantiga de Santa Maria 154 et ses enluminures dans le Codice Rico de l'Escurial
La Cantiga de Santa Maria 154 et ses enluminures dans le Codice Rico de l’Escurial (consulter en ligne)

Le Miracle de la cantiga de Santa Maria 154

La Cantiga de Santa Maria 154 se déroule en Catalogne. Elle a pour théâtre les abords d’une église dédiée à Sainte Marie et met en scène un groupe de joueurs de dés. Parmi eux, un joueur de dés malchanceux et coutumier du fait tente à nouveau sa chance.

Enluminures de la Cantiga 154 : les joueurs de dés sont devant l'église de Sainte Marie, le joueur malchanceux s'empare d'une arbalète.
Le joueur de dés malchanceux se saisit d’une arbalète

Ayant perdu une fois de plus, l’infortuné succombera à la colère. Dans son emportement, il décidera de tirer un trait d’arbalète en direction du ciel pour rendre à Dieu ou à la vierge la monnaie de leur pièce pour sa propre malchance. La flèche sera perdue de vue. Revenu à son occupation, le joueur et son auditoire auront la surprise de voir choir du ciel la flèche ensanglantée. Elle viendra même se ficher directement dans le plateau de jeu éclaboussant le plateau de sang et suscitant l’épouvante du joueur comme de l’assistance.

Le sang était-il celui de Dieu ou de la vierge ? Comme on le verra, il s’agit bien plutôt une leçon pour apprendre à l’intéressé à se méfier de son vice et de ses colères, comme de ses intentions violentes et blasphématoires.

Terrifié par son acte et ses conséquences, le joueur rentrera sur le champ dans les ordres. Ayant opté pour une voie monastique et d’ascèse, il trouvera finalement le salut après une vie plus rangée et, on l’imagine, loin des blasphèmes et des jeux de dés.

Au Moyen Âge central, les miracles ouvrent constamment des portes vers le surnaturel et rien ne semble freiner le pouvoir de Marie et ses manifestations dans le monde temporel.

Enluminure de la Cantiga 154 : le  joueur de dés tirent en direction du ciel  une flèche, la flèche retombe ensanglantée et se plante sur le plateau de jeu
Dans un geste de colère il tire une flèche en direction de Dieu et de la Vierge, qui retombe ensanglantée

Autres miracles des cantigas sur les joueurs de dés

Ce n’est pas la première fois que les cantigas de Santa Maria nous présentent un miracle marial lié au jeu. On se souvient notamment du ménestrel et joueur de dés invétéré de la Cantiga de Santa Maria 238.

Dans ce récit très similaire à celui du jour, ce féru de jeu ne cessait de blasphémer et de fustiger Dieu et la Sainte pour sa malchance. Emporté par la passion du jeu, il s’en prit à un religieux qui lui conseillait de faire pénitence. Ayant blasphémé et défié l’homme de foi, une fois de trop, le joueur finit emporté en pleine lumière par le démon, tout droit jusqu’aux enfers. S’il est, lui aussi, victime de propre colère, le joueur de la Cantiga de Santa Maria 154 trouvera, après une leçon plutôt sanglante, un peu plus de clémence.

Dans la même veine, on trouve encore la Cantiga de Santa Maria 163. Ici, un joueur de dés de Huesca ayant tout perdu reniera la sainte, la rendant coupable de sa déroute. L’affaire lui vaudra de se trouver paralysé sur le champ et de perdre totalement l’usage de la parole. Il lui faudra beaucoup de repentance et rien moins qu’un pèlerinage pour obtenir la clémence de Marie et recouvrer l’usage de ses membres et de sa langue. Moralité : si le jeu d’argent ne paye pas, le blasphème paye encore moins.

Dans les trois cas, il est intéressant de relever que c’est la colère et l’attitude blasphématoire des joueurs qui les condamnent, plus que le jeu en lui-même.

Enluminure de la Cantiga 154 : le joueur se convertit et se fait moine jusqu'à sa mort, il obtiendra finalement le pardon et le salut
Converti à la suite de ce miracle, le joueur de dés trouvera finalement le salut et le pardon à sa mort

Au Moyen Âge, les jeux de dés sont extrêmement populaires et on les croise à la taverne comme dans la littérature. Entre tricheries (les pipeurs de dés de Villon), addiction ou malchance (la Grièche d’Hiver de Rutebeuf), ils auront causé la déroute de plus d’un homme médiéval, sans même que les miracles s’en mêlent.

Cantiga 154 & enluminures du Codice Rico

La partition de la Cantiga De Santa Maria 154 dans le Codice de los Musicos de l'Escurial (MS B.I.2)

Pour les sources historiques de la Cantiga 154, nous avons choisi, tout au long de cet article, le très beau Codice Rico de la Bibliothèque de l’Escurial et ses enluminures (Manuscrit MS T.I.1).

On retrouve également cette cantiga et sa partition dans le Códice de los músicos conservé lui aussi à l’Escurial. Ci-contre, voici la partition de la Cantiga 154 telle qu’on peut la trouver dans ce dernier manuscrit.

Pour la version en musique, nous avons puisé, une fois de plus, dans l’impressionnant travail de restitution des Cantigas de Santa Maria par Eduardo Paniagua et sa formation Música Antigua.

L’impressionnant tribut d’Eduardo Paniagua aux Cantigas de Santa Maria

Passionné de musiques anciennes, le musicien et directeur Eduardo Paniagua accompagné de sa formation Música Antigua entreprit, un jour, l’ambitieux projet d’enregistrer l’ensemble des Cantigas de Santa Maria. Il lui fallut près de 30 ans pour y parvenir et cela donna lieu à de nombreux albums classés par thèmes abordés ou par région.

Les cantigas de Santa Maria en Catalogne avec Música Antigua


C’est en 2007 que sortit l’album d’Eduardo Paniagua dédié aux Cantigas de Santa Maria ayant pour cadre la Catalogne. Intitulée « Cantigas De Catalunya, Abadía de Montserrat, Alfonso el Sabio 1221-1284 » (Chants de Catalogne, abbaye de Montserrat, Alphonse le Sage), cette production propose 9 titres à la façon du directeur espagnol dont celui du jour. Sa durée totale d’écoute est de 75 minutes.

Il ne semble pas que cet album ait été réédité aussi pour vous le procurer au format CD, voyez avec votre disquaire favori. Sans cela, vous pourrez le trouver au format MP3 sur certaines plateformes légales de streaming. Voici un lien utile à cet effet : téléchargez l’album Cantigas De Catalunya d’Eduardo Paniagua.

Musiciens ayant participé à cet album

César Carazo (chant, alto), Luis Antonio Muñoz (chant, fidule), Felipe Sánchez (luth, citole, vièle), Jaime Muñoz (cornemuse, flaviol, tarota, axabeba, tambour), David Mayoral (darbouka, dumbek, tambourin), Eduardo Paniagua (psaltérion, flûte à bec, cloche, darbouka, gong, rochet, hochets, hochet, goudron) et direction.


La cantiga de Santa Maria 154 en galaïco-portugais & sa traduction française

Como un tafur tirou con ũa baesta ũa saeta contra o céo con sanna porque perdera, e cuidava que firiría a Déus ou a Santa María.

Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança,
que porque i non dultemos, a vezes faz demostrança.

Celle-ci (cette Cantiga) relate comment un joueur en colère tira une flèche contre le ciel car il avait perdu, pensant ainsi blesser Dieu ou Sainte-Marie.

Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, qu’elle le démontre de nombreuses fois afin que nous n’en doutions pas.

Desto mostrou un miragre grand’ e fórte e fremoso
a Virgen Santa María contra un tafur astroso
que, porque perdía muito, éra contra Déus sannoso,
e con ajuda do démo caeu en desasperança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

A ce sujet, elle montra un miracle aussi grand que beau et impressionnant,
La vierge Sainte-Marie, contre un joueur malchanceux
Qui, parce qu’il perdait beaucoup, était en colère contre Dieu,
Et, par l’influence du Démon, était tombé dans le désespoir.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

Esto foi en Catalonna, u el jogava un día
os dados ant’ ũ’ eigreja da Virgen Santa María;
e porque ía perdendo, creceu-lle tal felonía
que de Déus e de sa Madre cuidou a fillar vingança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

L’histoire survint en Catalogne, un jour qu’il était en train de jouer
Aux dés devant une Eglise de Sainte-Marie ;
Et comme il était en train de perdre, il lui vint une telle colère
Qu’il pensa pourvoir se venger de Dieu et de sa mère.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

E levantou-se do jógo e foi travar mui correndo
lógo en ũa baesta que andava i vendendo
un corredor con séu cinto e con coldre, com’ aprendo,
todo chẽo de saetas; e vẽo-ll’ ên malandança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

Ainsi, il se leva de la table de jeu et courut pour se saisir
D’une des arbalètes que vendait, non loin de là,
Un soldat, avec sa ceinture et son carquois (comme on me l’a l’appris)
rempli de flèches ; et le joueur fit cela par pure disgrâce (mauvaise conduite),
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union,

E pois armou a baesta, disse: “Daquesta vegada
ou a Déus ou a sa Madre darei mui gran saetada.”
E pois que aquesto disse, a saet’ houve tirada
suso escontra o céo; e fez mui gran demorança

Et alors il arma l’arbalète, en disant : « Cette fois
Je ferai une très grande blessure à Dieu ou à sa mère. »
Et une fois qu’il eu dit cela, il tira la flèche
En direction du ciel ; et celle-ci disparût et tarda beaucoup

en vĩir; e el en tanto, assí como de primeiro,
fillou-s’ a jogar os dados con outro séu companneiro.
Entôn deceu a saeta e feriu no tavoleiro,
toda cobérta de sángui; e creede sen dultança

A retomber ; et pendant ce temps, l’homme retourna à ses occupations,
Il se remit à jouer aux dés avec un autre de ses compagnons.
Et alors, la flèche retomba et vint se planter sur le plateau de jeu,
Toute couverte de sang ; et vous pouvez me croire sans douter
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

Que sanguent’ o tavoleiro foi. E quantos i estavan
En redor veend’ o jógo fèrament’ ên s’ espantavan,
Ca viían fresc’ o sángui e caent’, e ben cuidavan
que algún deles ferido fora d’ espad’ ou de lança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

Que le plateau se trouva tout ensanglanté, et tous ceux qui étaient
Là autour, à regarder le jeu, en furent épouvantés,
Car en voyant tout ce sang frais et chaud, ils pensèrent
Que l’un deux avait été blessé par une épée ou une lance.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …

Mais depois que entenderon que esto assí non éra
e que o sang’ a saeta ben do céo adusséra,
e nembrou-lle-la paravla que ant’ o tafur disséra,
houvéron mui grand’ espanto. Mas o tafur sen tardança

Mais quand ils comprirent que ce n’était pas le cas
Et que le sang de la flèche provenait bien du ciel,
Ils se souvinrent des mots qu’avait prononcé le joueur,
Et alors leur terreur fut plus grande encore. Mais le joueur, sans attendre
,

fillou mui gran pẽedença e entrou en ôrdin fórte,
fïand’ en Santa María, dos pecadores conórte.
E assí passou sa vida; e quando vẽo a mórte,
pola Madre de Déus houve salvament’ e perdõança.
Tan grand’ amor há a Virgen con Déus, séu Fill’, e juntança…

Fit pénitence et rentra dans un ordre religieux très stricte
En mettant sa confiance dans Sainte Marie qui est le réconfort des pécheurs.
Et il passa sa vie ainsi et quand vint la mort
Par la mère de Dieu, il obtint le pardon et le salut.
Si grand est l’Amour de la Vierge pour Dieu, son fils, et leur union, …


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En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour Moyenagepassion.com
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Cantiga de Santa Maria 226 : le miracle du monastère englouti

Sujet : Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracle, Sainte-Marie, monastère englouti.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre : Assí pód’ a Virgen so térra guardar… cantiga de Santa Maria 226
Interprète : Musica Antigua, Eduardo Paniagua
Album : Merlin-Celtic Cantigas, Alfonso el Sabio (2006)

Bonjour à tous,

ous vous entraînons, une fois de plus, vers l’Espagne médiévale, pour y découvrir une nouvelle Cantiga de Santa Maria d’Alphonse X : la cantiga 226. Comme on le verra, il s’agit d’un des récits de miracles les plus spectaculaires du célèbre corpus de chants à la vierge.

Dans cet article, vous trouverez une étude détaillée de la Cantiga de Santa Maria 226 avec sa partition ancienne et ses sources manuscrites, une traduction en français actuel, mais aussi une belle version en musique. Avant d’avancer sur tout cela, disons quelques mots des cantigas qu’Alphonse X dédia à la la vierge.

La Cantiga de Santa Maria 226 et ses enluminures dans le Manuscrit de Florence Banco Rari 20.

Qui a écrit les Cantigas de Santa Maria ?

Dans le courant du XIIIe siècle, le souverain de Castille aurait compilé, écrit et mis en musique lui-même, des récits de miracles variés dont un grand nombre semble provenir de lieux de pèlerinage ou d’histoires qui couraient sur les routes de la chrétienté médiévales et même au delà.

Même s’il est communément admis qu’Alphonse X en a composé une partie, les érudits et historiens sont encore divisés sur la paternité de l’ensemble des Cantigas de Santa Maria au souverain de Castille. Ce dernier est, par ailleurs, à l’origine d’un certain nombre d’autres chansons dont l’attribution est certaine (voir Manselina sur la piste de Maria la Balteira). On est donc certain qu’il composait et s’adonnait à la poésie.

Du point de vue du corpus, l’œuvre d’Alphonse X regroupe plus de 400 chants mariaux. La grande majorité d’entre eux sont des récits de miracles (plus de 350). Dans les manuscrits les plus complets, ils sont rythmés par des chants de louanges qui reviennent à intervalles réguliers (un peu plus de 60). Aujourd’hui, ces chants à Marie venus d’Espagne, demeurent un témoignage vibrant du culte marial du Moyen Âge central, de la langue galaïco-portugaise et de la musique de cette période.

Aux sources manuscrites des Cantigas

Les Cantigas de Santa Maria et leur notation musicale ont traversé le temps grâce à quelques manuscrits superbement conservés. On en compte quatre, tous datés de la dernière partie du XIIIe siècle :

  • Le Manuscrit de Tolède (To) : sous la référence ms 10069, il s’agit du manuscrit le plus daté ou de la première compilation. On y trouve quelques 120 pièces et il est conservé à la Bibliothèque Nationale de Madrid.
  • Le Codice Rico (T) : sous la référence T.j.1, ce superbe codex présente un peu moins de 200 cantigas de Santa Maria (195) avec leur partition et de nombreuses enluminures. Il est actuellement conservé à la Bibliothèque royale de l’Escurial (Espagne).
  • Le Manuscrit de Florence (F) : ce manuscrit, conservé à la Bibliothèque National de Florence sous la référence Banco Rari 20, présente un peu plus de 100 cantigas de Santa Maria dont quelques variantes et inédites.
  • Le Codice de los Musicos ou Codice princeps (E) : sous la référence ms B.I.2 (ou j.b.2 ), ce codice est le plus complet de tous les manuscrits. Il présente 406 cantigas avec miniatures et partitions d’époque et se trouve également conservé à la Bibliothèque royale de l’Escurial.

Dans cet article, nous vous présentons les sources manuscrites de la Cantiga de Santa Maria 226 dans le Codice de los Musicos (partition et texte) ainsi que dans le Manuscrit de Florence (texte, enluminures mais partition non achevée).

La Cantigas de Santa Maria 226 ou le miracle du monastère englouti

Le récit de la Cantiga de Santa Maria 226 nous invite du côté de l’Angleterre. A quelque temps de Pâques, ce chant marial nous propose un miracle pour le moins spectaculaire, sinon le plus spectaculaire, de tout le corpus des cantigas d’Alphonse X. Il a pour thème cette période particulière du calendrier chrétien qu’est la résurrection et l’illustre d’une manière plutôt étonnante.

La Cantiga de Santa Maria 226 et sa partition dans le Codice de Florence (F) : manuscrit Banco Rari 20.

L’histoire de la cantiga 226 en quelques mots

Enluminure de la cantiga de Santa Maria 226 : Le jour de Pâques, durant la messe (Banco Rari 20)
Enluminure : le jour de la messe de Pâques

Un jour de Pâques alors que les frères dévots d’un grand monastère donnaient une messe pour célébrer dignement le jour saint, la terre s’ouvrit et le monastère fut totalement englouti sous elle. Tremblements de terre, effondrement de terrain, phénomène surnaturel ? La Cantiga de Santa Maria 226 semble plutôt suggérer que Dieu le voulut ainsi pour démontrer aux yeux des croyants son grand pouvoir et celui de Marie.

Enluminure de la cantiga 226 : Le monastère englouti  (Banco Rari 20)
Enluminure : le monastère se trouve englouti

Plus aucune trace du monastère du dehors, la terre s’était refermée sur lui. Cependant, à l’intérieur, la vie continua sans encombre. Les moines ne manquaient de rien et les lieux étaient parfaitement conservés. Les vignes restaient prospères, les moulins fonctionnaient et même le soleil continuait d’y briller. Ainsi donc, nous dit le poète, la sainte pourvoyait aux frères en toute chose et nul ne devint fou, ni ne tomba malade. Les moines furent même assurés qu’ils n’étaient pas morts et que tout allait bien.

Un an plus tard, à l’occasion d’une nouvelle messe de Pâques, les frères retournèrent en leur église pour y célébrer, de nouveau, la résurrection – non pas seulement celle de Dieu, mais aussi, symboliquement, celle de leur lieu de culte. La Sainte fit, en effet, ressurgir le monastère à la lumière et sur la terre. Alors, venus de loin, tous purent contempler le miracle et l’étendue du pouvoir de Marie et la louer.

Une légende bretonne à l’origine de ce Miracle ?

Il est probable que certaines légendes bretonnes aient inspiré Alphonse X pour ce miracle à la nature particulièrement épique ou mythique, selon les points de vue. Certains érudits l’avancent en tout cas. On peut penser à certains récits de cités submergées par les flots comme, par exemple, celui de la cité d’Ys et sa cathédrale engloutie.

Ys, la légende de la cité engloutie

Enluminure de la cantiga 226 : Le jour de Pâques suivant, le monastère est sauvé  (Banco Rari 20).
Enluminure : le monastère sauvé à Pâques

On la connait plusieurs variantes de cette légende bretonne. Dans une version sans doute déjà christianisée, son histoire met en scène une princesse du nom de Dahut. S’étant adonnée à de nombreuses pratiques impies (meurtre de ses amants, sacrifices, rites magiques, …1), un jour de grande tempête, la jeune femme aurait fini par se laisser séduire par le diable lui étant apparu sous la forme d’un beau chevalier.

Enluminure de la cantiga de Santa Maria 226 : les frères et les croyants louent le miracle de Marie  (Banco Rari 20).
Enluminure : louanges à Sainte Marie

Ys était alors une ville côtière protégée de la colère des flots par une puissante digue. Hélas ! sous l’influence du Malin dont elle s’était entichée, Dahut aurait dérobé les clefs des remparts à son père, le roi Gradlon, et ouvert en grand les portes de la cité. Ys aurait alors été engloutie sous les flots. Le roi aurait réussi à en réchapper mais pas la jeune princesse emportée par les flots et le gros temps. Gradlon se serait établi ailleurs pour y noyer son chagrin. Cependant, certains jours, on pourrait encore entendre tinter les cloches de la cathédrale engloutie de la cité d’Ys.

Une fois de plus, il existe de nombreuses variantes de ce type de légendes dans la matière de Bretagne. Certaines mentionnent des tremblements de terre. Faut-il voir dans le miracle de la Cantiga 226 une parabole partie d’une idée similaire pour démontrer que Dieu et la Sainte peuvent, à volonté, submerger ou faire ressurgir des lieux entiers et leurs dévots avec ? Ici, la date de Pâques viendrait encore renforcer la nécessité de la dévotion, en ajoutant le moment de la résurrection et son symbole.

Autres sources latines et françaises

Il nous reste difficile d’affirmer si cette légende est à l’origine de l’inspiration d’Alphonse X. C’est plus une simple piste qu’une véritable hypothèse. En matière de sources latines ou vernaculaires, on trouve encore la trace de ce miracle dans un certain nombre de manuscrits médiévaux français.

On citera notamment un miracle marial du ms Français 818 (daté lui aussi du XIIIe siècle). Ce récit reprend, très directement le thème du monastère englouti : Del mostier nostre dame que terre transgloti o molt de pueple.2

La miracle du monastère englouti dans le manuscrit enluminé ms français 818 de la BnF.

Cantigas celtes & cantigas de Bretagne,
Musica Antigua & Eduardo Paniagua

En matière musicale, on peut retrouver cette cantiga et son interprétation dans l’album Merlin y otras cantigas celtas d’Eduardo Paniagua et sa formation Musica Antigua.

Merlin y Cantigas de Santa Maria de Bretagne, l'album de d'Eduardo Paniagua & Musica Antigua

En 2006, le talentueux musicien espagnol proposait un regroupement thématique des Cantigas de Santa Maria ayant des origines celtes ou Bretonnes.

Soutenu par une solide orchestration, cet album propose sur une durée d’un peu plus de 54 minutes, une sélection de dix chants mariaux donc quatre en version instrumentale. Le légendaire Merlin s’y fait même un place avec la Cantiga de Santa Maria 108. Pour information, nous avions déjà étudié ici la Cantiga de Santa Maria 23 issue de cette même production.

Cet album de Musica Antigua est encore édité mais il faut fouiller un peu pour le débusquer. Avec un peu de chance votre disquaire préféré pourra vous le procurer. Dans le cas contraire, vous pouvez aussi le trouver en ligne sur les plateformes de streaming légales ou même à la vente sous forme CD sur certains sites. Voici un lien utile à cet effet: L’album Merlin-Celtic Cantigas de Musica Antigua.

La cantiga 226 en musique

Musiciens & artistes présents sur cet album

Jaime Muñoz (instruments à vents, flûte, cornemuse, chalémie, choeur), Josep María Ribelles (harpe), Ana Alcaide (vièle, nyckelharpa), David Mayoral (percussions), Cesar Carazo (chant), Isabel Urzaiz (chant), Carlos Beceiro (vielle à roue, saz), Xurxo Nuñez (tambour médiéval, percussions, bodhram), Eduardo Paniagua (choeur, flute ténor, cloches et percussions, direction musicale).


La Cantiga de Santa Maria 226
& sa traduction en français actuel

Esta é do mõesteiro d’ Ingratérra que s’ afondou e a cabo dun ano saiu a cima assí como x’ ant’ estava, e non se perdeu null’ hóme nen enfermou.

Assí pód’ a Virgen so térra guardar
o séu, com’ encima dela ou no mar.

Cette cantiga nous parle d’un monastère d’Angleterre qui avait disparu sous terre et qui, un an après , a ressurgi à la surface tel qu’il était précédemment et aucun homme n’était tombé malade, ni n’était mort.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens (les siens, ses affaires)
Sous la terre, comme à sa surface ou dans les profondeurs de la mer

E dest’ un miragre per quant’ aprendí
vos contarei óra grande, que oí
que Santa María fez, e creed’ a mi
que maior deste non vos pósso contar.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

A ce sujet, j’eu connaissance d’un très grand miracle
Que je vous conterai à présent,
Et que fit Sainte Marie et, croyez-moi,
Je ne pourrais vous conter un miracle plus grand que celui ci.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

Ena Gran Bretanna foi ũa sazôn
que un mõesteiro de religïôn
grand’ houv’ i de monges, que de coraçôn
servían a Virgen bẽeita sen par.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

En Grande Bretagne, il y eut une fois,
Un grand monastère de grande piété (?)
dont les moines, avec cœur,
Servaient la vierge bénite et sans égale.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

E Santa María, u todo ben jaz,
mostrava alí de miragres assaz
e tiínna o lógo guardad’ e en paz;
mais quis Déus por ela gran cousa mostrar.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

Et Sainte Marie, en qui réside toute bonté,
Faisait en ce lieu assez de miracles.
Et le gardait sous sa protection et en paix.
Mais Dieu voulut montrer par elle , une chose plus admirable encore.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

Que día de Pasqua u Déus resorgiu,
começand’ a missa os monges, s’ abriu
a térr’ e o mõesteiro se somiu,
que nulla ren del non podéran achar.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

Ainsi au jour de Pâques où Dieu ressuscita
Alors que les moines commençaient la messe,
La terre s’ouvrit et le monastère s’y enfonça
Au point qu’il n’en resta plus une seule trace.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

E lóg’ assí todo so térra entrou
que nĩũa ren de fóra non ficou;
mais Santa María alá o guardou
que niũa ren non pode del minguar,

Suite à cela, il entra complétement sous terre
De sorte qu’on ne voyait plus rien de lui, du dehors
Mais Sainte Marie la garda ainsi
Pour qu’il ne manque de rien.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

eigreja nen claustra neno dormidor
neno cabídoo neno refertor
nena cozinna e neno parlador
nen enfermería u cuidavan sãar,

Ni l’église, ni l’enceinte, ni le dortoir,
Ni la salle capitulaire, ni le réfectoire,
Ni la cuisine, ni le cloître
Ni l’infirmerie où ils allaient se soigner.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

adega e vinnas con todo o séu,
hórtas e moínnos, com’ aprendí éu,
guardou ben a Virgen, e demais lles déu
todo quant’ eles soubéron demandar.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

Les caves et vignobles avec tous leurs biens
Les vergers et les moulins, comme on me l’a appris,
La Vierge protégea tout parfaitement, et leur donna en plus
Tout ce dont ils avaient besoin.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

E assí viían alá dentr’ o sól
como sobre térra; e toda sa pról
fazer-lles fazía, e triste nen fól
non foi nïún deles, nen sól enfermar

En plus de tout cela, de l’intérieur, ils voyaient le soleil
Comme s’ils avaient été sur la terre ; et elle leur accordait tout
Pour leur bien-être (avantage). Et aucun d’entre eux ne fut triste,
Ni ne sombra dans la folie, Ni ne tomba malade.

per ren non leixou mentre foron alá,
nen ar que morressen come os dacá
morrían de fóra, ca poder end’ há
de fazer tod’ esto e mais, sen dultar.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

En rien, elle ne les abandonna tandis qu’ils étaient là-bas,
Elle ne leur dit pas non plus qu’ils étaient morts,
Pas plus que n’étaient morts ceux du dehors, car elle a le pouvoir
De faire tout cela et même plus, sans aucun doute.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

Un grand’ an’ enteiro assí os tẽer
foi Santa María; mais pois foi fazer
que dalí saíssen polo gran poder
que lle déu séu Fillo pola muit’ honrrar.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

Une année entière, Sainte Marie les tint ainsi,
Et ensuite, elle fit en sorte
Qu’ils sortent de là par le grand pouvoir
Que son fils lui accorda pour l’honorer.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

Ca día de Pasqua, en que resorgir
Déus quis, foron todos a missa oír;
entôn fez a Virgen o logar saír
todo sobre térra como x’ ant’ estar

Au jour de Pâques (suivant) quand Dieu voulut ressusciter
Ils allèrent tous entendre la messe
Et c’est alors que la Vierge fit émerger de nouveau le lieu
Au dessus de la terre, à l’emplacement où il se trouvait précédemment.

soía, que sól non ên menguava ren.
E a gente toda foi alá porên,
e o convento lles contou o gran ben
que lles fez a Virgen; e todos loar

Et il ne manquait rien.
Et tous les gens furent alors jusqu’à l’endroit,
Et ceux du couvent leur contèrent
Combien la vierge avait été bonne avec eux et tous la louèrent.

Ainsi, la vierge peut protéger ses biens…

a foron porên como Madre de Déus
que mantên e guarda aos que son séus.
Porên a loemos sempr’, amigos méus,
ca esta nos céos nos fará entrar.
Assí pód’ a Virgen so térra guardar…

Ils louèrent à la mère de Dieu
Qui maintient et protègent ceux qui sont les siens.
Pour cela, mes amis, louons la toujours,
Car elle nous fera entrer au ciel.

Ainsi, la vierge peut protéger les siens
Sous la terre, comme à sa surface ou dans les profondeurs de la mer.


Retrouvez toutes les cantigas de Santa Maria étudiées à ce jour avec version musicales et traduction en français actuel.

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes à tous,

  1. Voir The Drowning of the City of Ys ↩︎
  2. Voir Inglaterra en Algunas de las Cantigas de Santa Maria de Alfonso X, Santiago Di Salvo, Universidad Nacional de La Plata, Buenos Aires, Argentina. ↩︎