Sujet : Musique médiévale, chant polyphonique, Jazz, quatuor, Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle Auteur : Guillaume de Machaut (1300-1377) Titre : Messe notre dame Interprète : Quatuor Machaut Album : Quatuor Machaut, Ayler Records (2015)
Bonjour à tous,
uand quatre musiciens et saxophonistes de Jazz partent à la conquête des musiques médiévales du XIVe siècle et tout particulièrement des compositions de Guillaume de Machaut, cela donne le Quatuor Machaut, une formation largement saluée par la critique et le monde du Jazz, depuis sa création.
Elle a vu le jour en 2012, à Orléans, à l’initiative du jeune et très actif artiste Quentin Biardeau. A l’écoute de la Messe de Notre Dame de Guillaume de Machaut, pièce polyphonique à 4 voix d’hommes, il sera saisi par la modernité de la composition et naîtra alors en lui l’idée d’explorer l’œuvre de manière tout à fait nouvelle et originale. Pour mettre à bien son projet, il s’entourera bientôt de trois autres saxophonistes : Gabriel Lemaire, Simon Couratieret Francis Lecointe. Le Quatuor Machaut était né.
Dès lors,les quatre artistes se feront un défi d’explorer les possibilités offertes par la composition du grand maître du Moyen Âge tardif, dans un esprit totalement Jazz, en laissant une large place à l’improvisation. A quatre saxophones, il y avait là un pari unique qui, sur le papier, pouvait relever de la gageure, mais que la formation a brillamment relevé.
Un album et des performances
largement salués par le monde du Jazz
Sorti en 2015, le premier album du Quatuor Machaut sera salué, entre autre, par Révélation Jazz magazine et Indispensable Jazz News. De son côté, le magazine en ligne Citizen Jazz parlera « d’audace folle » et encore « de coup de maître », soulignant une musique « d’une beauté saisissante ». Distribué par Ayler Records, l’album, enregistré à l’ombre des vieilles pierres de l’Abbaye de Noirlac, est toujours disponible sous forme digitale ou sous forme CD au lien suivant : Quatuor Machaut l’album.
Côté scène et concerts, le Quatuor Machaut se produit aujourd’hui dans les festivals, mais aussi les lieux les plus variés, Ils sont d’ailleurs toujours en tournée et seront le 14 novembre au Festival Jazzdor de Strasbourg. En décembre, quelques dates supplémentaires à Malakoff et à Toulouse clôtureront leur tournée 2017. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter leur page facebook ici.
Le Quatuor Machaut – Présentation
La messe Notre Dame
de Guillaume de Machaut
Pour en dire un mot, la Messe Notre Dame de Guillaume de Machaut, connue également comme Messe du Sacre de Charles V (même si depuis les historiens sont entrés en désaccord sur la pertinence de cette appellation) fit date dans l’histoire de la musique médiévale, autant que religieuse.
Première messe à être composée entièrement par un seul compositeur, elle est aussi l’une des premières à consacrer dans son entier le chant polyphonique pour toutes les pièces de l’ordinaire (jusqu’à l’Ite missa est qu’il mit aussi en musique); les compositeurs avaient introduit peu à peu ce dernier dans les messes avant cela, mais il s’y partageait encore la place avec les chants monodiques. Cette œuvre du compositeur médiéval est donc la plus ancienne du genre à nous être parvenue et on s’entend encore à dire qu’en proposant une œuvre organisée et cohérente, qui fait appel avec une grande virtuosité à tous les procédés d’écriture polyphonique de son temps, Guillaume Machaut a aussi ouvert la porte à la Messe, comme un genre pouvant faire l’objet d’une création artistique et musicale à part entière, écrit d’une seule plume.
Guillaume de Machaut, détail miniature, Manuscrit ancien Ms Fr 1584 (1370-1377) BnF, départements des manuscrits
Pour conclure, en revenant à notre quatuor du jour, voilà encore une façon totalement originale pour le Moyen Âge de s’inviter dans notre modernité. Quant au compositeur Guillaume de Machaut et sur ce plan, il n’en est pas à son premier galop d’essai puisqu’il semble, en effet et à juste raison, qu’il ne cesse de fasciner et d’interpeller nombre de nos musiciens contemporains sur ses œuvres, plus de six siècles après lui.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique médiévale, musique ancienne, chanson, complainte, amour courtois. fortune. Titre : Tels rit au main qui au soir pleure Œuvre : le remède de Fortune. Auteur : Guillaume de Machaut (1300-1377) Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif Interprète : Ensemble Project Ars Nova Album : Machaut : remède de Fortune (1994)
Bonjour à tous,
ous retournons aujourd’hui au Moyen Âge tardif et à l’Ars Nova avec une complainte du grand maître de musique du XIVe siècle, Guillaume de Machaut.
La pièce « Tels rit au main qui au soir pleure » est tirée du Remède de fortune du Manuscrit ancien FR 1586, pièce d’amour courtois dans laquelle le compositeur nous conte la quête et les revers d’un poète pour conquérir la cœur de sa dame. Dans le cas du chant présent, il emprunte l’image de la roue de la fortune (la médiévale, bien sûr, pas la télévisuelle) pour décrire ses déboires amoureux. Amertume d’un sort qui frappe de manière inéluctable, sans qu’on sache comment, ni qu’on s’y attende vraiment, la roue tourne comme dans le chant « O fortuna » écrit un peu plus d’un siècle avant cette complainte de Guillaume Machaut et qui sert d’introduction à la Carmina BuranadeCarl Orff,
Nous sommes pourtant bien dans la même conception de ce sort, cette « fortune » changeante, qui abaisse ou élève dans un mouvement sans fin et contre lequel l’homme ne peut rien, qu’il soit empereur, pape, roi ou simple poète et amoureux transi :
O fortuna, extrait des chants de Benediktbeuern (Carmina Burana)
Sors immanis et inanis, rota tu volubilis, statu malus, vana salus, semper dissolubilis obumbrata et velata michi quoque niteris; nunc per ludum dorsum nudum fero tui sceleris.
Sort monstrueux Et informe, Toi la roue changeante, Une mauvaise situation, Une prospérité illusoire, Fane toujours, Dissimulée Et voilée Tu t’en prends aussi à moi Maintenant par jeu, Et j’offre mon dos nu A tes intentions scélérates.
Tels rit au main qui au soir pleure par l’ensemble Project Ars Nova
L’ensemble Project Ars Nova : la passion des musiques médiévales des XIVe, XVe siècles
Fondé aux début des années 80, au sein même de l’école suisse Schola Cantorum Basiliensis pour la recherche et pour les musiques anciennesdont nous avons déjà dit un mot ici (voir article sur l’Ensemble Syntagma), l’Ensemble Project Ars Nova ou plus laconiquement l’Ensemble PAN réunissait principalement de jeunes passionnés de musiques médiévales originaires des Etats-Unis.
Composé au départ de trois artistes, Laurie Monahan (chant mezzo-soprano), Michael Collver (chant, vièle à roue, cornet) et Crawford Young (luth), il fut bientôt rejoint par deux artistes supplémentaires: Shira Kammen (vièle, instruments à cordes et archet, ) et John Fleagle (chant ténor et harpe médiévale).
De 1985 à 1991, l’ensemble produisit huit albums autour de sa période musicale de prédilection et du répertoire médiéval de l’Ars Nova. Il fut actif jusqu’un peu avant les années 2000, date à laquelle on perd sa trace. A ce qu’il semble, ils ne se produisent donc plus en scène ou en studio et s’ils le font peut-être à quelques rares occasions, il n’existe, en tout cas, pour l’instant, aucun site web ou page facebook officielle pour le relayer.
Itinéraires artistiques
Du côté des itinéraires respectifs des cinq membres de l’ensemble, Laurie Monahan a co-fondé avec deux autres artistes, en 1995 et à Boston l’ensemble vocal Tapestry. Ce dernier, largement salué depuis par la critique, propose un répertoire qui mêle musiques médiévales et compositions traditionnelles avec des pièces plus contemporaines. Crawford Young, désormais reconnu comme un grand expert du Luth de la période du XVe siècle et devenu par ailleurs, dans le cours de années 80, enseignant à la Schola Cantorum Basiliensis, a une part active dans un autre ensemble médiéval qu’il a crée en Suisse et dirige depuis 84 : L‘Ensemble Ferrara,
Quant à Michael Collver qui prête sa voix de contre-ténor à la pièce du jour, après des contributions variées dans de nombreux ensembles, dont le Boston camerata, et des albums qu’il a pu diriger dans le courant des années 2010, il est également toujours présent, à la fois sur le terrain vocal et instrumental. On le retrouve notamment, encore tout récemment dans la formation Blue Heron, de Boston.
L’artiste John Fleagle, décédé en 1999, a laissé derrière lui un album salué par la critique et ayant pour titre World’s Bliss : Medieval Songs of Love and Death, réalisé en collaboration avec Shira Kammen. Quant à cette dernière, elle a participé, depuis son histoire commune avec le Project Ars Nova, à près de vingt albums et joué avec de nombreux ensembles de musique ancienne. Du point de vue de son actualité, on peut la retrouver aux côtés du newberry consort pour des concerts autour de la tradition séfardie.
Comme on le voit, à la triste exception de John Fleagle et pour des raisons de fait, plus que de cœur, la passion pour les musiques anciennes et médiévales n’a pas déserté les artistes de l’ensemble PAN et chacun continue de la faire vivre à sa manière, à travers son travail.
Remède de Fortune, l’album
Pour revenir à la pièce du jour, elle est tirée d’un album sorti en 94 et dédié entièrement au Remède de Fortune de Guillaume de Machaut. C’est une version épurée musicalement, et il faut avouer que l’interprétation vocale de Michael Collver, associé au son de la vièle à roue est totalement envoûtant.
Tels rit au main qui au soir pleure,
la complainte de Guillaume de Machaut
Tels rit au main qui au soir pleure Et tels cuide qu’Amours labeure Pour son bien, qu’elle li court seure Et ma l’atourne; Et tels cuide que joie aqueure Pour li aidier, qu’elle demeure. Car Fortune tout ce deveure, Quant elle tourne, Qui n’atent mie qu’il adjourne Pour tourner; qu’elle ne sejourne, Eins tourne, retourne et bestourne, Tant qu’au desseur Mest celui qui gist mas en l’ourne; Le sormonté au bas retourne, Et le plus joieus mat et mourne Fait en po d’eure.
Car elle n’est ferme n’estable, Juste, loyal, ne veritable; Quant on la cuide charitable, Elle est avere, Dure, diverse, espouentable, Traitre, poignant, decevable; Et quant on la cuide amiable, Lors est amere. Car ja soit ce qu’amie appere, Douce com miel, vraie com mere, La pointure d’une vipere Qu’est incurable En riens a li ne se compere, Car elle traïroit son pere Et mettroit d’onneur en misere Deraisonnable.
Fortune est par dessus les drois; Ses estatus fait et ses lois Seur empereurs, papes et rois, Que nuls debat N’i porroit mettre de ces trois Tant fus fiers, orguilleus ou rois, Car Fortune tous leurs desrois Freint et abat. Bien est voirs qu’elle se debat Pour eaus avancier, et combat, Et leur preste honneur et estat Ne sai quens mois. Mais partout ou elle s’embat, De ses gieus telement s’esbat Qu’en veinquant dit: « Eschac et mat » De fiere vois.
Einsi m’a fait, ce m’est avis, Fortune que ci vous devis. Car je soloie estre assevis De toute joie, Or m’a d’un seul tour si bas mis Qu’en grief plour est mué mon ris, Et que tous li biens est remis Qu’avoir soloie. Car la bele ou mes cuers s’ottroie, Que tant aim que plus ne porroie, Maintenant vëoir n’oseroie En mi le vis. Et se desir tant que la voie Que mes dolens cuers s’en desvoie, Pour ce ne say que faire doie, Tant sui despris.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : musique, chanson ancienne, médiévale, virelai, amour courtois. Titre : Comment qu’à moy lonteinne Auteur : Guillaume de Machaut (1300-1377) Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif Album : Mon Chant Vous Envoy (2013) Interpréte : Marc MauillonDirection : Pierre Hamon. Label : Eloquentia
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons un retour vers le Moyen Âge tardif et le XIVe siècle avec le grand maître de musique Guillaume de Machaut. La pièce est un virelai profane, tout entier dédié à l’amour courtois puisqu’il y est question d’un éloignement qui n’ôte pas pour autant de l’esprit ni du coeur du compositeur sa dame, auquel il dédie ses vers.
Manuscrit Français 1584
On peut retrouver cette pièce musicale notamment dans le Manuscrit ancien référencé MS fr. 1584 de la BnF ou Français 1584 et ayant pour titre: Guillaume de Machaut, Poésies. C’est un des rares manuscrits du XIVe siècle autour du compositeur médiéval qui n’ait pas été entièrement réalisé dans un atelier parisien, mais vraisemblablement autour de Reims, ville où Machaut a fini ses jours.
Dans l’ouvrage, la chanson Comment qu’à moy lonteinne fait suite à la chanson bien connue : « Douce Dame Jolie » dont nous avons parlé ici (photo du feuillet en question ci dessus).
Interprètes et album
Cette chanson est tirée de l’album Mon Chant Vous Envoy sorti en 2013 sous le label Eloquentia. Sous la direction de Pierre Hamon, les compositions y sont interprétées vocalement par Marc Mauillon. Comme nous l’avions déjà mentionné par ailleurs, le chanteur lyrique a une prédilection toute particulière pour le répertoire médiéval de Guillaume de Machaut. Il est accompagné ici, entre autres artistes, par sa sœur Angélique Mauillon,
Tout entier dédié à des virelais, ballades et rondeaux de Guillaume de Machaut, cet album est disponible à la vente en ligne sous le lien suivant : Mon chant vous envoy.
Les paroles de la chanson
de Guillaume de Machaut
Comme mentionné plus haut, il est question, dans ce virelai courtois, d’éloignement et le compositeur médiéval conte à sa dame que, bien qu’elle soit distante de lui physiquement (Comment qu’à moy lonteinne) elle reste bien présente dans ses pensées.
Comment qu’à moy lonteinne Soiez, dame d’onnour, Si m’estes vous procheinne Par penser nuit et jour.
Car Souvenir me meinne, Si qu’adès sans sejour Vo biauté souvereinne, Vo gracieus atour, Vo maniere certainne Et vo fresche coulour Qui n’est pale ne veinne, Vou toudis sans sejour. Comment qu’à moy.
Dame, de grace pleinne, Mais vo haute valour, Vo bonté souvereinne Et vo fine douçour En vostre dous demeinne M’ont si mis que m’amour, Sans pensée vilainne, Meint en vous que j’aour, Comment qu’à moy lonteinne Soiez, dame d’onnour.
Mais Desirs qui se peinne D’acroistre mon labour Tenra mon cuer en peinne Et de mort en paour, Se Diex l’eure m’ameinne Qu’à vous, qui estes flour De toute flour mondeinne, Face tost mon retour. Comment qu’à moy lonteinne Soiez, dame d’onnour, Si m’estes vous procheinne Par penser nuit et jour.
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Sujet : musique, chanson ancienne, médiévale, musicien, maître de musique, virelai, amour courtois, fine amour Titre : « Quant(d) je suis mis au retour » Auteur: Guillaume de Machaut (1300-1377) Période : XIVe siècle, Moyen Âge tardif Interprétes, orchestration : Roland Rizzo, Geoff Knorr Jeu vidéo : Civilization 6
Bonjour à tous,
uand le compositeur Guillaume de Machaut et ses mélodies uniques se réinvitent dans notre modernité, cela peut quelquefois prendre des dehors surprenants. Cette fois-ci, nous retrouvons deux pièces du maître de musique du XIVe siècle dans un des titres les plus mythiques de l’histoire des jeux vidéo : Civilization VI de Sid Meyer.
Ces chansons ont, bien entendu, été réarrangées pour l’occasion et ne sont proposées que dans leur version instrumentale. Elles ne forment qu’une infime partie de l’ambiance sonore du jeu qui, par ailleurs, propose plus de quatre heures trente de musique contextuelle, cette dernière variant en fonction de la civilisation choisie, autant que de la période historique traversée par le joueur. Nous sommes bien loin du temps où les jeux vidéos ne proposaient que de petits jingles ou des bandes son midi en boucle.
Concernant les pièces issues du répertoire de Guillaume de Machaut, Civilization 6 propose une reprise de Douce Dame Jolie et une autre chanson de lui dont cet article nous donne l’occasion de parler et qui s’intitule : Quant je sui mis au retour.
Cette dernière chanson se situe encore dans le registre de la « fine amor » et nous conte le transport et l’émoi de l’amoureux qui s’en revient de voir sa belle et n’en finit plus de conter les louanges de cette dernière. Nous aurons sans nul doute l’occasion d’en partager d’autres versions dans le futur, et nous publions dors et déjà les paroles ici. Cette interprétation du jour nous fournit l’occasion de l’anecdote et nous permet aussi de mesurer à quel point la musique et les mélodies du compositeur du Moyen Âge tardif continuent à travers les siècles de servir sa renommée.
Les paroles de la chanson de Guillaume de Machaut
Quant je sui mis au retour De veoir ma dame, Il n’est peinne ne dolour Que j’aie, par m’ame. Diex! c’est drois que je l’aim, sans blame, De loial amour.
Sa biauté, sa grant douçour D’amoureuse flame, Par souvenir, nuit et jour M’esprent et enflame. Diex! c’est drois que je l’aim, sans blasme, De loial amour.
Et quant sa haute valour Mon fin cuer entame, Servir la vueil sans folour Penser ne diffame. Diex! c’est drois que je l’aim, sans blame, De loial amour.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. Publilius Syrus Ier s. av. J-C.