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littérature et poésie médiévales : un voyage autour de la notion de nouveauté au moyen-âge avec Michel Zink

video_conference_histoire_medievale_ecole_nationale_des_chartesSujet : philologie, littérature, poésie médiévale, « renouvel », nouveauté médiévale, analyse littéraire et sémantique.
Période : moyen-âge central
Média  : vidéo-conférence, livres.
Titre : La nouveauté au Moyen Âge comme expérience religieuse et poétique
Conférencier :  Michel Zink médiéviste, philologue et écrivain. professeur de Littératures de la France médiévale au Collège de France
Lieu : Ecole nationale des chartes (2016)

Bonjour à tous !

N_lettrine_moyen_age_passionous avons le plaisir aujourd’hui de vous faire partager une conférence donnée en 2016 à l’Ecole Nationale des Chartes par Michel Zink, médiéviste, philologue, académicien des Arts et Lettres et éminent professeur de Littératures de la France médiévale au Collège de France.

citation_moyen-age_litterature_poesie_monde_medieval_Michel_Zink_medieviste_philologue

Niveaux de lecture

Ces conférences peuvent quelquefois s’avérer un peu ardues, mais nous les postons toujours avec un double objectif. Le premier, bien sûr, tient au contenu même de la conférence et à son objet. Sa finalité est ici toujours de tenter de mieux approcher et, si possible, de mieux comprendre le moyen-âge.

conference_moyen_age_litterature_poesie_medievale_philologie_Michel-zinkLe deuxième objectif (ou niveau de lecture) est ce que l’on pourrait appeler un « méta » niveau*. A travers ces conférences, l’Histoire et ses disciplines connexes se livrent, en effet, à nous dans leurs méthodes, leurs modes opératoires, leurs angles d’approche, etc. Au delà des contenus historiques présentés, l’Histoire, en tant que science, nous en apprend ainsi sur sa manière de « faire de l’Histoire » et c’est donc l’occasion de mieux découvrir la variété de ses méthodes d’investigation, autant que les disciplines qui lui sont indirectement ou directement attachées.

Nous voilà donc, en quelque sorte, servis deux fois. De fait, nous le sommes même une troisième parce que cela nous donne toujours l’occasion de découvrir un grand esprit ou un grand chercheur de notre temps.

Nous devons ajouter encore ici, par parenthèse, qu’il y a encore à peine 15 ans, il aurait été à peine envisageable que certaines universités ou Ecoles supérieures nous ouvrent ainsi gracieusement leurs portes, directement et sur le web. La Cité des Sciences et de l’Industrie fut sans doute précurseur dans ce domaine, en proposant déjà, il y a quelques années, ses cycles de conférences au format Real Media. Elle le fait d’ailleurs toujours et nous ne pouvons que vous conseiller de faire un tour sur leur site web, si vous êtes curieux de Sciences de l’Homme  au sens large.  Il faut savoir trier le grain de l’ivraie, dans la masse de médias postés chaque jour sur le web, il y a de l’excellence et de belles occasions d’apprendre; pour en revenir à notre objet du jour, les conférences de l’Ecole Nationale des Chartes visent systématiquement haut et fournissent toujours de belles occasions de le faire. Nous les en remercions encore ici.

Un mot peut en cacher un autre

« Rien de ce que le Moyen Âge exprime, rien de ce que nous croyons en comprendre, rien de ce qui nous touche ou nous rebute en lui, qui ne doive être mis en doute, vérifié, éprouvé. Sa littérature ne veut pas dire ce que nous pensions, elle ne veut pas toucher là où à la première lecture elle nous touche, elle fourmille d’allusions qui nous échappent. »
Michel Zink – Bienvenue au Moyen Âge

On trouve dans cette conférence de Michel Zink sur la notion de nouveauté au moyen-âge, l’illustration même d’une vérité que les historiens médiévistes , et avec eux philologues, ne cessent de ressasser: « Gardons nous de juger trop vite les hommes du moyen-âge à l’aulne de nos valeurs présentes », et corollaire de cette « mise en garde » de principe : « prenons avec réserve les réalités supposées qui peuvent se nicher derrière les mots de la poésie et de la littérature médiévale, même quand ces derniers nous enluminure_litterature_poesie_medievale_nouveaute_poetique_religieuse_litteraire_michel_zink_moyen-agesemblent si familiers et si proches que l’on pourrait être tenté de faire l’économie d’en interroger le sens.

Fort heureusement, si nous avions encore la tentation naturelle de tomber dans ce travers, tout cela ne saurait survenir plus avant, grâce à la brillante démonstration que nous livre ici Michel Zink. En plus de nous introduire à un jeu de piste littéraire et sémantique fort plaisant, à la poursuite d’une « nouveauté » médiévale, loin, bien loin de nos notions modernes de neuf et de nouveau, il nous enseigne que la quête du sens des mots et vocables passe nécessairement par l’étude patiente et comparée, au coeur des sources littéraires et des textes. Finalement, ce n’est qu’au bout de ce travail de reconstruction minutieux que nous pouvons espérer obtenir comme récompense la possibilité de percevoir l’essence même du monde médiéval.

Nouveauté médiévale et essence du moyen-âge : un mot peut nous cacher un monde

Alors, plongeons avec ce grand spécialiste de littérature ancienne, au coeur du moyen-âge central deco_frise_medevial_eustache_deschampset de ses mentalités, pour suivre avec lui le fil d’une l’aventure passionnante, celle de la « nouveauté » au sens médiéval et littéraire du terme. Et à la question posée par lui, en clin d’oei au dicton :  « qu’y a-t-il de nouveau sous le soleil du moyen-âge? » nous pourrons alors répondre, « qu’il n’y a de nouveau pour le monde médiéval que l’acuité de la conscience de ce qui est éternel ».

On le verra (et cette remarque est à notre compte plus qu’au sien), avec ce « renouvel » et cet éternel recommencement médiéval nous sommes à large distance de nos « nouveautés » modernes qui, en osant un néologisme un peu laid, sont peut-être le fruit d’une sorte de « nouveautisme », idéologie héritée d’un(e) cult(ure) techniciste et post-industrielle de l’innovation à tout prix, et qui voudrait, par instants, voir du « nouveau » partout ou à tout le moins nous en vendre l’idée, et ce y compris là où il n’y en a pas. En bref, nouveauté médiévale et nouveauté moderne, la question reste à jamais posée de ce que nous inventons vraiment.

La nouveauté au Moyen Âge comme expérience religieuse et poétique

Michel Zink, parcours et parutions

Même s’il évolue, la plupart du temps, dans les couloirs de nos universités, écoles et académies les plus prestigieuses, pour qui s’intéresse à la littérature et la poésie médiévale il est difficile de ne pas avoir entendu parler de Michel Zink et si c’est le cas, il faut bien vite rattraper ce retard.

Parcours

Né en 1945 en région parisienne, à Issy-les-Moulineaux, Michel Zink est normalien de formation et agrégé de lettres classiques. Après avoir enseigné dans diverses universités (Sorbonne, Toulouse, Paris IV), il a été de 1995 à 2016 en charge de la chaire de Littératures de la France médiévale au Collège de France.

Académicien et attaché sous divers titres à de nombreuses Académies en France et à l’étranger, directeur de collections thématiques dans le monde de l’édition, co-directeur de la revue Romania, la liste est longue des titres honorifiques qui lui sont attachés et des fonctions qu’il occupe ou a pu occuper tout au long de sa carrière. Il a également reçu de nombreux prix au niveau français et européen pour ses travaux. Pour en prendre connaissance dans le détail, nous vous invitons à consulter sa biographie sur les pages du Collège de France.

Conférences, publications, émission de radios

Du point de vue publication et ouvrages,  on le retrouve aux commentaires, à l’adaptation et à la publication de textes de grands auteurs du moyen-âge : Rutebeuf, le Roman de Rose, Froissart, les troubadours, etc et on lui doit encore de nombreux livres d’ordre plus général sur la littérature et la poésie médiévale, chrétienne ou profane (c’est une distinction que nous faisons ici mais qu’il ne fait pas lui-même). Nous vous proposons ici une sélection de quelques unes de ses parutions.

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Rutebeuf Oeuvres complètes
2 Tomes – Bordas
Les troubadours
Pour l’Histoire
Editions Perrin
Bienvenue au Moyen Age,
Livre de Poche

Outre ses publications, vous pourrez encore trouver de nombreux programmes de radios, notamment sur France Inter, dans lesquels il est intervenu ou intervient encore. Il animait notamment, en 2014 un programme court sur France inter  dans lequel il présentait quelques réflexions et textes courts de poésie et de littérature du moyen-âge. Ces chroniques ont donné lieu à un publication sous le même titre que l’émission : Bienvenue au moyen âge. (photo et lien à droite dans le tableau ci-dessus). On trouve encore sur le web quelques autres conférences données ici ou là ou quelques programmes radio. Voici deux liens utiles sur ces aspects :

Podcasts – Conférences – Emissions de radio  :
France Inter –  France Culture

Michel_Zink_medieviste_historien_litterature_poesie_medievale_livres_humiliation_moyen-age Michel_Zink_medieviste_historien_litterature_poesie_nature_medievale_livres_moyen-age Michel_Zink_medieviste_historien_litterature_france_poesie_medievale_moyen-age
L’humiliation, le Moyen Age et nous,
A Michel
Nature et poésie au Moyen Age
Fayard
Introduction a la litterature française
du moyen-age
 Poche

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric F.

Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

* »Méta niveau » : en référence à l’anthropologue Gregory Bateson et sa « méta-communication », soit l’art de communiquer sur la communication.

Le moyen age, état primitif de notre civilisation et notre littérature par Michel Zink

“Le Moyen Age est le moment où nous pouvons saisir notre civilisation et notre littérature dans leur état primitif et pourtant la civilisation médiévale n’est nullement une civilisation primitive, bien que certaines approches anthropologiques permettent parfois de mieux la comprendre.”
Introduction à la littérature française du moyen-age
Michel ZINK – médiéviste, philologue et académicien français

Sujet : citation moyen-âge, histoire, civilisation, littérature médiévale.

Excalibur, l’épée d’Arthur: aux origines de la légende

excalibur_legendes_arthuriennes_conference_histoire_medieval_litterature_moyen-age_michel_pastoureauSujet : Roi Arthur, légendes arthuriennes, roman arthurien, Excalibur, épée, tradition celtes, mythologie et légendes.
Période : haut moyen-âge et moyen-âge central
Sources : Excalibur, Britannia.com
Auteur : David Nash Ford (historien britannique),
Traduit de l’anglais

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous remontons aux sources des légendes arthuriennes et notamment à la partie qui concerne la célèbre épée du roi : Excalibur. Nous le faisons en bonne compagnie puisque nous vous proposons, cette fois-ci, la traduction d’un article issu du très sérieux site Britannia.com.

Nous le devons à David Nash Ford, jeune historien et archéologue britannique littéralement tombé, enfant, dans les légendes arthuriennes, après avoir visité le site du château de Tintagel et qui s’en est fait, depuis, une spécialité.  Pour faire bonne mesure, en plus de sa traduction depuis l’anglais, nous y adjoignons quelques notes et éléments explicatifs, ainsi que des illustrations provenant d’autres sources.

En vous souhaitant une très bonne lecture !

legendes_arthuriennes_epee_dame_du_lac_merlin_excalibur

EXCALIBUR
Une discussion sur les origines de l’épée du Roi Arthur, par D Nash Ford

La tradition

Llegendes_arthuriennes_excalibur_symbole_origine_archeologiee nom Excalibur fut utilisé pour la première fois par les romanciers français pour désigner l’épée du Roi Arthur . Ce n’était pas alors la célèbre « épée du rocher » (qui s’est brisée lors d’une bataille), mais une deuxième épée acquise par le roi par l’intermédiaire de son conseiller  druidique Merddyn (Merlin). Inquiet qu’Arthur puisse tomber à la bataille, Merlin emmena le roi jusqu’à un lac magique où une main mystérieuse jaillit de l’eau, brandissant une épée magnifique. C’était la Dame du lac offrant à Arthur une épée magique incassable, forgée de la main même d’un elfe forgeron d’Avalon, ainsi qu’un fourreau qui permettrait de la protéger autant que son porteur, tant qu’il l’aurait sur lui. (ndt; le fourreau en lui-même était doté du pouvoir magique d’empêcher la mort de son porteur en cas de perte de sang occasionnée par des blessures). 

Près de la fin du règne d’Arthur, durant les temps troublés de la rébellion de Medrod (Mordred ou Mordred), Excalibur fut volée par la demi-soeur sorcière d’Arthur, la Fée Morgane. Bien que l’épée fut retrouvée, le fourreau, quant à lui, fut perdu à jamais.

excalibur_legendes_arthuriennes_epee_arthur_fee_morgane_jete_fourreau_magiqueLa fée Morgane se débarrasse du fourreau magique d’Excalibur (gravure de Henri Justice Ford 1902)

C’est ainsi qu’Arthur fut mortellement blessé durant la bataille de Camlann*. Suite à cela, le roi donna l’instruction à Bedwyr (ou Girflet) (le chevalier de la table ronde nommé Bedivere)  de rendre Excalibur au lac d’où elle était venue. Toutefois, questionné sur les circonstances autour du retour d’Excalibur dans l’eau, Bedwyr clama n’avoir rien noté d’extraordinaire. Arthur sut dès lors que Bedwyr avait gardé Excalibur pour lui-même et le renvoya une nouvelle fois au Lac. Ayant cette fois lancé l’épée dans les eaux troubles, Bedwyr vit la main mystérieuse apparaître et s’emparer d’Excalibur pour l’entraîner dans les fonds du lac pour la dernière fois.

L’évolution du nom

Les histoires arthuriennes les plus anciennes nomment l’épée du Roi Arthur Caladwich, un nom gallois dérivé de Calad-Bolg et qui signifie « Foudre puissante » (« Hard Lightning »). Par la suite, le nom a évolué pour devenir « Caliburn » chez Geoffroy de Monmouth, ce qui a finalement donné lieu au francisé Excalibur que nous connaissons aujourd’hui.

Les origines anciennes

Des figures légendaires sont associées à des épées magiques à travers le monde, ces dernières représentant souvent le symbole de leur pouvoir royal. Il est intéressant de noter que Curtana, une épée  datant du XVIIe siècle et succédant à l’épée originale de Ogier de Danemarche (Ogier the Dane, chevalier Danois légendaire) est encore utilisée jusqu’à ce jour durant les cérémonies de couronnement anglaises.  La légende du roi Arthur a aussi des similarités particulières avec la légende nordique de Sigurd, mais des parallèles encore plus frappants peuvent être faits avec le héros irlandais: Cu Chulainn (Cúchulainn) qui possédait lui aussi une épée du nom de Caladbolg.

Cuchulainn_heros_mythologie_irlandaise_celtique_legendes_arthuriennes_excaliburCúchulainn héros et guerrier aux pouvoirs extraordinaires parmi les plus importants personnage de la mythologie celte irlandaise.

De telles épées étaient en général réputées avoir été créées par un forgeron elfe. Dans la mythologie saxonne, on le connait sous le nom de Wayland, mais pour les celtes il s’appelait Gofannon. On peut encore l’identifier au Dieu romain Vulcain et au Dieu grec Hephaistos (Hephaestus) qui forgèrent des armes magiques que les muses donnèrent à Persée, et que Tétis (Thétis) donna a Achille. La capitulation ou la destruction ultime de l’épée est une symbole universel bien connu de défaite. Dans le cas présent, elle est emblématique de la mort elle-même.

Curtana, épée cérémonielle britannique du XVIIe siècle
Curtana, épée cérémonielle britannique du XVIIe siècle

Le « dépôt » d’épée, d’armes ou d’autres objets de valeurs dans les lacs sacrés et les rivières était une pratique répandue chez les peuple celtes. Strabon (historien géographe grec -64 BC. +25 AC)  a mentionné de tels rituels près de Toulouse en France et a noté que d’autres lacs sacrés ont existé à travers l’Europe. Grégoire de Tours (538-594) fait une allusion à des festivités de trois jours autour du lac Gévaudan dans les Cévennes, dédiées à ces rites_celtiques_legendes_arthuriennes_excalibur_origine_legende_dame_du_lacrituels. Certains érudits avancent que de telles pratiques faisaient parties des rites funéraires celtes.

Guerriers celtes et « dépôt » d’armes. Illustration sur la base de découvertes archéologiques dans la Ljubljanica  (rivière de Slovènie).

Des découvertes archéo-logiques de dépôts de pièces de métal venues de lointaines destinations, sont attestés dans le lac de Llyn Fawr  dans le comté de Glamorgan (Morgannwg- Sud du pays de Galles). Elles incluent des haches et des faucilles datant de l’an 600 avant JC. D’autres armes ont été découvertes dans le lac de Llyn Cerrig Bach de l’île galloise d’Anglesey. Leur datation va du 2e siècle avant J.C. jusqu’au 1er siècle Après J.C. De tels dépôts dans les rivières, durant l’âge de fer celtique,  sont si nombreux qu’on ne peut les compter. Parmi les plus célèbres d’entre eux, on peut mentionner le superbe bouclier de Battersea ainsi que le Casque du Waterloo Bridge trouvés dans la Tamise. La grande majorité des rivières anglaises semble avoir été communément  utilisée pour y déposer des épées du type de celle d’Arthur.« 

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David Nash Ford (historien britannique),
Traduit de l’anglais par moyenagepassion.com.

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*Bataille de Camlann : dernière bataille auquel Arthur aurait pris part, la plus ancienne référence historique de sa mention se trouve dans les annales de Galles (Annales Cambriae). Ce manuscrit datant du Xe siècle est vraisemblablement une compilation d’auteurs divers. Voilà ce que dit l’entrée pour l’année 516 et 537 de notre ère:

« 516. La bataille de Badon, durant laquelle Arthur porta la croix de notre seigneur Jésus-Christ durant trois jours et trois nuits sur ses épaules et les bretons furent victorieux.
« 537. La bataille de Camlann, durant laquelle Arthur et Medraut (Mordred) tombèrent. Et il y eu de nombreux morts (« plague ») sur l’ïle de Bretagne (Britain) et en Irlande. »

Une belle journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

François Villon du temps de sa jeunesse folle et un extrait commenté du grand Testament

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, satirique, ballade, auteur médiéval, , chanson
Période : moyen-âge tardif
Titre :  « Le Grand Testament » Extrait
Auteur :  François Villon (1431- ?1463)
Interprétes ; Alain Souchon
Chanson : je plains le temps de ma jeunesse

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous faisons, aujourd’hui, un nouveau détour du côté de la poésie réaliste de François Villon avec un bel extrait de son célèbre Grand Testament. C’est un passage bien connu dont on ne cite souvent que les derniers vers et nous voulions ici les mettre un peu mieux en perspective dans leur contexte, en les accompagnant de françois_villon_grand_testament_poesie_medievale_realiste_moyen-age_tardifquelques éclairages sur les parties pouvant demeurer obscures.

Voici donc notre Villon regardant en arrière vers le temps de sa jeunesse folle, si lointaine et déjà envolée. Joyeuse insouciance de l’adolescence, changée bientôt en regrets. Misère et galères, de déboires en déboires, la faim au ventre et la panse vide. Mais le temps s’est enfui ne laissant derrière lui que le goût de nostalgie et le constat des erreurs et  l’heure est au bilan, dans cette prison froide. Souvenir d’une vie d’inconfort, d’amours laissées en chemin, et pourtant leur survit tout de même la dignité d’avoir su ne pas abuser de ses amitiés ou si peu.

Ironie de l’histoire ou exemplarité de la rédemption?, celui dont on n’a tant voulu faire le premier « poète maudit » ou le « mauvais garçon » du moyen-âge tardif s’est fait pour des générations d’écoliers quelque peu « moraliste », puisque ses vers ont longtemps été repris par l’école républicaine  pour rappeler aux têtes blondes qui auraient pu le perdre de vue, l’intérêt d’y user leurs fonds de culottes.

francois_villon_grand_testament_extrait_poesie_medievale_moyen-age_tardif_jeunesse_temps

Le grand testament de Villon – extrait

XXIII

Je plaings le temps de ma jeunesse,
Auquel j’ay, plus qu’autre, gallé * (mené joyeuse vie)
Jusque à rentrée de vieillesse,
Car son partement m’a celé*. (ce temps est parti en cachette)
Il ne s’en est à pied allé,
N’a cheval; las! et comment donc?
Soudainement s’en est voilé,
Et ne m’a laissé quelque don.

XXIII.

Allé s’en est, et je demeure
Pauvre de sens et de sçavoir,
Triste, failly* (abattu), plus noir que meure*(mûre)
Je n’ay ne cens, rente , n’avoir ;
Des miens le moindre, je dy voir* (vrai)
De me desadvouer s’avance,
Oublyans naturel devoir,
Par faulte d’ung peu de chevance*. (provisions,possession)

XXIV.
Si ne crains-je avoir despendu* (dépensé),
Par friander, ne par lescher*, (friandise et gourmandise)
Ne par trop aymer riens vendu,
Qu’amys me sceussent reprocher.
Au moins qui leur couste trop cher.
Je le dys, et ne crains mesdire.
De ce ne me puis revencher*: (m’excuser)
Qui n’a meffait, ne le doit dire. 

XXV

Bien est-il vray que j’ay aymé
Et que aymeroye voulentiers ;
Mais triste cueur, ventre affamé
Qui n’est rassasié au tiers,
Me oste des amoureux sentiers.
Au fort, quelqu’un s’en recompense,
Qui est remply sur les chantiers*, (qui est bien rassasié)
Car de la panse* vient la danse. (du ventre plein)

XXVI

Hé Dieu ! se j’eusse estudié
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes meurs dédié,
J’eusse maison et couche molle .
Mais quoy ? je fuyoye l’escolle ,
Comme faict le mauvays enfant…
En escrivant ceste parolle,
A peu que le cueur ne me fend.

Les oeuvres complètes de François Villon annotées et commentées par P.L. JACOB

U_lettrine_moyen_age_passionne fois n’est pas coutume, nous avons quelque peu levé le nez de nos dictionnaires anciens et autres recherches comparatives cette fois-ci. De fait, les notes que nous vous fournissons avec cet extrait sont, pour la plupart, tirées de la version des Oeuvres Complètes De Villon de Paul Lacroix, alias P.L. JACOB, grand érudit, écrivain et historien français du XIXe siècle. L’ouvrage date de 1854 mais est encore édité de nos jours. Il faut dire que cette version poesie_litterature_medievale_oeuvre_completes_annotees_documentees_francois_villon_Paul_Lacroix_PL_Jacob_moyen-age_tardifprésente l’avantage d’être extrêmement bien annotée et documentée, ce qui permet d’avancer rapidement sur les points d’achoppement que peut tout de même présenter, par endroits, le beau français moyen du XVe de Maître François Villon.

Pour le cas où l’acquisition de cet ouvrage vous intéresse, en voici les liens  :  Oeuvres Completes de Francois Villon

Alain Souchon chante Villon
et le temps de sa jeunesse folle

E_lettrine_moyen_age_passionn 2011, le chanteur Alain Souchon nous gratifiait d’un album intitulé « A cause d’Elles » dans lequel il reprenait dans une chanson la dernière strophe alain_souchon_chante_villon_poesie_medievale_jeunesse_testament_chansonde Villon que nous citons ici.

Treizième album studio de l’artiste poète, Souchon y reprenait des titres, poésies ou comptines  ayant bercé son enfance et ces vers de Villon s’y trouvaient.

Quelques cinquante ans avant lui, en 1959, le poète chanteur et troubadour québécois Felix Leclerc avait lui aussi repris cette même strophe en la mêlant à d’autres vers de François Villon dans une chanson ayant pour titre le testament, et dédiée à l’auteur médiéval.

Un  excellente journée à tous !

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.