Sujet : poésie, littérature renaissante, poète, épigramme, poésies courtes. Période : début renaissance, XVIe siècle Auteur : Clément MAROT(1496-1544), Martial (41-104) Titre :« Epigramme à Antoine » Ouvrage : Oeuvre de Clément Marot, Valet de chambre du Roy (T2), 1781
« Si tu es povre, Antoine, tu es bien En grand danger d’estre povre sans cesse, Car aujourd’huy on ne donne plus rien Sinon à ceux qui ont force richesse. » Clément Marot, Epigramme à Antoine
Bonjour à tous,
i l’on nourrissait encore quelques doutes sur l’influence qu’aurait pu avoir Martial, poète du 1er siècle de notre ère et grand maître de l’épigramme latine, sur les poésies courtes de Clément Marot, voici de quoi les dissiper. Les quatre vers que nous partageons aujourd’hui sont, en effet, tirés des « Epigrammes faictz à l’imitation de Martial » que Marot composa vraisemblablement entre 1537 et 1542.
Ces épigrammes de Marot pourraient paraître quelquefois plus proches de ce que nous appellerions, aujourd’hui, des « adaptations » que de véritables créations « d’auteur » (au sens où nous l’entendons, de nos jours, également) mais il faut se replacer dans le contexte littéraire du XVIe siècle pour comprendre à quel exercice le poète de Cahors se livrait ici. De fait, dans une renaissance qui développera un véritable culte pour les auteurs antiques et anciens, « l’imitation » sera vivement encouragée et deviendra même un passage obligé de l’exercice littéraire. Bien sûr, il ne s’agira jamais de plagier et il conviendra toujours d’apporter sa propre touche. C’est d’ailleurs ce que fait ici le poète normand en ajoutant aux idées de Martial, la grâce habituelle de sa plume et son bon français « renaissant ».
Ad Aemilianum, par le poète latin Martial (Marcus Valerius Martialis) dans le texte original :
« Semper eris pauper, si pauper es, Aemiliane, dantur opes nulli nune,nisi divitibus »
« Tu seras toujours pauvre, Emilien , si tu vis dans la misère. Aujourd’hui la richesse ne se donne qu’à ceux qui sont dans l’abondance. »
Le temps a emporté dans son sillage cet Antoine que visait l’épigramme de Marot, et il ne nous reste de ces quelques vers que le goût du vieil adage : « On ne prête qu’aux riches ». A l’évidence, de Martial à Marot et jusqu’à nous, il s’entête à se vérifier. Tout cela aurait donc commencé, il y a bien longtemps déjà.
.En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : agenda,reconstitution, fêtes historiques, médiévales, tournoi, Période : moyen-âge central, 1362 Evénement : Médiévales d’Automne « Revivez le temps des chevaliers » Lieu : Château de Foix (Ariège) Date : les 7 et 8 octobre 2017
Bonjour à tous,
uelle belle programmation que celle qui permet, d’une fête Médiévale à l’autre et dans un même lieu, de se replonger au coeur du moyen-âge lointain, tout en suivant le vrai fil de l’Histoire.
Dans notre article de mai dernier sur les médiévales de printemps du château de Foix, nous avions laissé l’endroit en 1362. La belle forteresse était alors en effervescence et sur le pied de guerre puisqu’il était question pour Gaston Fébus(ou Phébus) et ses troupes d’aller croiser le fer contre les Armagnacs. Et voilà que cette fin de semaine, à l’occasion des médiévales d’automne du château, ils nous reviennent, cette fois, de la bataille, les fiers chevaliers, au côté de leur Lion des Pyrénées, victorieux et joyeux.
Ont-ils déjà les poches pleines d’avoir soutiré l’énorme rançon pour la prise de Jean 1er comte d’Armagnac et de son allié le baron de Launac dont on dit qu’elle fit à l’époque du seigneur de Foix un des hommes les plus fortunés de son temps ? Peut-être. La liesse sera, en tout cas, de la partie, n’en doutons pas, pour célébrer leur grande victoire à la bataille de Launac.
Au programme des médiévales d’automne du château de Foix
our animer la fête et la célébration, plus de 50 reconstituteurs seront présents au château, cette fin de semaine. Durant deux jours, un grand camp sera dressé avec de nombreux ateliers participatifs et d’initiation : artisanat (forge, taille de pierre etc,…), techniques de tir à l’arc et à l’arbalète, fabrication de cotte de maille et d’arcs, Des visites seront aussi organisées par des personnages haut en couleurs. Venus du moyen-âge pour l’occasion, ils vous serviront de guides, au sein du XIVe siècle, sur des thèmes aussi variés que la vie quotidienne, l’art de la calligraphie et des copistes, les armes de guerre, et encore l’architecture médiévale et les techniques de construction en usage à cette époque.
Le samedi et le dimanche, en milieu d’après-midi, un grand tournoi de bretteurs sera aussi organisé en l’honneur de Gaston Fébus qui sera, bien entendu, présent pour l’occasion. Dans les animations prévues, on notera encore la présence du chroniqueur Olivier de Robert, célèbre conteur et écrivain ariégeois. Accompagné de troubadours, jongleurs et ménestrels, il fera revivre pour vous, par le menu détail, le récit de la grande bataille.
En bref et comme à l’habitude, c’est un véritable voyage dans le temps et une belle sortie qui vous attendent ce week end, entre les remparts du château de Foix. Au passage, nous en profitons pour saluer l’oeuvre du département de l’Ariège, propriétaire de ce bel édifice médiéval et monument historique classé, pour la qualité des manifestations historiques qui s’y trouvent organisées. En plus de leur dimension festive, il y a toujours là de grands efforts de scénarisation et un véritable parti-pris de restitution historique, mais aussi de transmission. Et puisque nous y sommes, saluons aussi l’excellent travail de communication fait par le site web sites-touristiques-ariege.fr autour de ces événements. Alors encore Bravo à eux et longue vie aux journées médiévales de Foix, en toute saison ! Quant à ceux qui pourront s’y rendre ce week end, nous vous souhaitons d’y passer d’excellents moments.
Une très belle journée à tous !
Fred
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Sujet : poésie médiévale, morale, réaliste, ballade, médiocrité dorée, vieux français Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « pour ce fait bon l’estat moien mener»
Ouvrage ; œuvres complètes d’Eustache Deschamps Vol II, Marquis de Queux de Saint-Hilaire
Bonjour à tous,
oici une autre ballade d’Eustache Deschamps sur un des thèmes qu’il affectionne particulièrement et dont nous avons déjà parlé dans un article précédent : « Aurea médiocritas » ou la « médiocrité dorée », autrement dit, au sens médiéval et en référence au poète Horace, du 1er siècle avant Jésus-Christ : l’éloge de la « voie moyenne ».
Pour le poète du moyen-âge tardif, tout en se gardant bien de l’extrême pauvreté, il est donc ici question de se défier de vouloir crouler sous les richesses et les possessions avec leurs lots de souci et même de vices (avarice, envie, etc…). Corollaire de cette vie simple, sécurité, indépendance et tranquillité d’esprit, bref autant de valeurs venant récompenser qui saura s’en contenter et aura la sagesse de « tenir ou mener le moyen ».
Faut-il, une fois de plus, voir dans cette ballade (comme on a si souvent tendance à le faire avec la poésie d’Eustache Deschamps) la marque « psychologique » d’un auteur désabusé, un peu sur le retour et qui a fait le tour de toutes les ambitions ? Il n’est pas certain que cela épuise le sujet. Dans son Automne du Moyen-âge, Johan Huizinga y lira plutôt, justement contre l’avis de Gaston Raynaud, un des grands éditeurs de Deschamps au XIXe siècle, le signe d’un déclin des temps, et même une certaine usure ou lassitude du moyen-âge tardif, face aux valeurs de la noblesse, aux valeurs courtoises et à la vie curiale. Comme il le rappellera, Eustache Deschamps n’est d’ailleurs pas le seul auteur à promouvoir cette idée. Avant lui, on trouve une forme d’éloge du retour à une vie simple, loin des fastes de la cour, au point de prendre même un tour pastoral, chez Philippe de Vitry, musicien, poète et évêque de Meaux, dans son Dit de Franc Gontier. Autour de 1400, cette idée de « mépris de la vie curiale » sera aussi promue dans le cercle des pré-humanistes français, et on la retrouvera, encore un peu plus tard, chez Jean Meschinot pour ne citer que lui.
Quoiqu’il en soit, pour revenir à des considérations plus contemporaines, cette ballade qui semble consacrer le plafonnement des ambitions pécuniaires et sociales (un certain statut social atteint tout de même), pourrait presque prendre des dehors de contre-pied pour nos esprits modernes, tant nos sociétés post-industrielles se sont si souvent complu à encenser la réussite financière à tout crin. De fait, le « moyen » y tutoie bien souvent le « passable » et la médiocrité n’y a plus grand chose de dorée, même s’il faut tout de même constater que ces valeurs ont aussi fini par trouver de sérieux détracteurs.
Pour ce fait bon l’estat moien mener dans le moyen-français d’Eustache Deschamps
Je ne requier a Dieu fors qu’il me doint En ce monde lui servir et loer, Vivre pour moy, cote entière ou pourpoint, Aucun cheval pour mon labour porter, Et que je puisse mon estat gouverner Moiennement, en grace, sanz envie, Sanz trop avoir et sanz pain demander, Car au jour d’ui est la plus seure vie.
Cilz qui trop a n’est toudis en un point, Tousjours doubte du sien perdre et gaster, Cuisançon l’art, Avarice le point, (le souci le brûle, l’avarice le pique) Et Envie lui fait le sien oster ; Qui sires* (grand seigneur) est, il a moult a penser Pour son estat et pour sa grant maisgnie* (maison) ; Pour ce fait bon l’estat moien mener, Car au jour d’ui est la plus seure vie.
Qui povres est, chascun vers lui se faint ; Grant doleur a de son pain truander* (mendier), Honte le suist. Indigence le vaint ; Impaciens veult son Dieu acuser ; Les drois civilz le veulent reprouver Que creus ne soit : ainsis povres mendie ; Dieux nous vueille vivre et robe donner. Car au jour d’ui c’est la plus seure vie.
L »ENVOY
Princes, qui veult son temps vivre et durer Moiennement doit son fait ordonner, Sanz trop vouloir avoir grant seignourie, Ne richesce, ne soufraicte porter: Le moien doit vouloir et désirer, Car au jour d’ui c’est la plus seure vie.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : poésie médiévale, poésie morale, réaliste, ballade, français ancien, guerre de cent ans, grandes compagnies, compagnies de routiers. Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle. Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : «Geline, oe, ne poucin ne chapon.» Ouvrage : Œuvres complètes d’Eustache Deschamps, par Le Maquis de Queux de Saint-Hilaire, Tome V (1887)
Bonjour à tous,
n connait les ballades poétiques et réalistes d’Eustache Deschamps sur la guerre de cent ans et ses ravages, et nous en avions notamment posté une il y a quelque temps, où il décrivait les conséquences des campagnes anglaises sur la Champagne et sur ses terres, mais nous vous proposons aujourd’hui un texte dans lequel le poète médiéval témoigne d’un fléau qui, en quelque sorte, découla de cette guerre médiévale: il s’agit, en effet, des mercenaires et même de certaines parties des armées qui, même une fois les trêves signées et les batailles finies, se tenaient encore sur le terrain des conflits.
Laissées sans solde et sans pitance, désœuvrées mais au demeurant fortement armées, ces compagnies de routiers, encore appelées les grandes compagnies, quelquefois menées par des gradés ou de hauts chefs militaires, pillaient et battaient les campagnes jusqu’à les rendre exsangues, enlevant et rançonnant aussi au passage les petits nobles. Ce sont donc de ces exactions et de ces pillages dont nous parle Eustache Deschamps dans la ballade que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui.
Les compagnies de routiers: fléau et pillages à la traîne des batailles médiévales
Historiquement attachée aux armées anglaises qui commencèrent à les utiliser dans le courant du moyen-âge central et particulièrement au XIIe siècle, ces compagnies de mercenaires venues des quatre coins d’Europe furent bientôt sollicitées par d’autres souverains. Philippe-Auguste lui-même ne s’en priva pas et c’est d’ailleurs grâce à leur aide que ce dernier pu faire tomber Château-gaillard, la bien aimée forteresse de Richard Coeur de Lion. Plus tard, dans le courant du XIVe siècle, les troupes de mercenaires employées par les armées royales anglaises dans le cadre des batailles de la guerre de cent ans, et qui restaient stationnés sur les terres de France en temps de trêve comme en temps de paix constituèrent une véritable plaie.
Quand on ne pouvait les réengager à la faveur de nouvelles batailles, on a même tenté quelquefois de les soudoyer et les couronnes connurent, avec cette méthode qui s’avéra infructueuse, quelques déboires. Autour de 1363, Jean Le bon et Philippe le Hardi en firent les frais avec « l’archiprêtre »Arnaud de Cervole, célèbre chef des grandes compagnies d’alors. Au vu des ravages et de la ruine que ces routiers occasionnaient, une tentative de croisade a même été lancée par le pape pour les emmener batailler au loin, qui ne connaîtra guère plus de succès. On prête en général et véritablement à Charles Vd’avoir su mener des campagnes efficaces contre ces compagnies pour en venir à bout, à partir de 1365, Au passage, si le sujet vous intéresse, nous l’avions abordé dans deux vidéos consacrées au château de Bodiam puisque son propriétaire et seigneur, Edward Dalyngrigge avait été, un temps, à la solde du célèbre chef routier Robert Knolles.
Compagnies de routiers,
miniature, XIVe siècle,
BnF, département des manuscrits.
Après le XIVe siècle, la France connaîtra encore d’autres épisodes de ce type notamment au début du XVe avec les écorcheurs, à la faveur de la reprise des conflits avec l’Angleterre et de la rivalité en la maison d’Orleans de de Bourgogne. Vers la fin de ce même siècle, le problème sera partiellement résolu par l’intégration de certaines de ces bandes organisées au sein des armées royales de Louis XI,
Au XVIe siècle, François 1er aura, à nouveau, à faire avec ce même phénomène qui demeure étroitement lié – on pourrait même dire de manière endémique – au fonctionnement des guerres et des batailles médiévales, dans un contexte où les armées royales ne sont pas encore suffisantes pour faire face, ni entièrement professionnalisées. A la faveur d’un conflit, des mercenaires professionnels, mais aussi des criminels et plus généralement toute personne désireuse de gagner quelques sous et d’en découdre sont enrôlés et une fois les hostilités réglées, les financements s’arrêtent. Sur le terrain, les bandes errantes, devenues bien souvent apatrides et laissées sans solde, ne se dissolvent pas pour autant d’elles-mêmes. En réalité, elles ont même plutôt tendance à se regrouper et comme elles sont armées, elles en tirent partie. Au passage et dans une certaine mesure, ce phénomène perdure aujourd’hui dans certaines régions très conflictuelles du monde.
Ballade contre les exactions des routiers
ou « Geline, oe, ne poucin ne chapon »
Ce titre « contre les exactions des routiers » est donné par le Marquis de Saint-Hilaire (opus cité), nous lui adjoignons le refrain de la ballade originale : « Geline, oe, ne poucin ne chapon » ou « ni poule, ni oie, ni poussin, ni chapon ».
Las! il n’est mais pastour ne pastourelle Ne nul qui puist a droit garder brebis, Car li mastin ont perdu leur querelle Par le default d’avoir assez pain bis, Et les loups vont tout courre le pais, Qui n’y laissent aignel, brebis, mouton, Vache ne veel, cheval noir, blanc ne gris, Geline, oe (poule,oie) ne poucin ne chapon.
He! Dieu, que c’est dolereuse nouvelle ! Car du bestail estoit chascuns nourris; De leur laine faisoit telz sa cotelle* (robe) Qui sera nuz, povres et esbahis ; Labours faurront, et si a encor pis, Qu’estranges loups s’assemblent a bandon*, (en bandes) Qui ne lairont a nul, ce m’est advis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
Et j’ay veu vers la saison nouvelle Que l’en chaçoit telz loups comme ennemis Par cri royal et commission belle, Dont chascun feu paioit .ii. parisis (1) ; L’en les tuoit et pandoit on aussis. Lors paissoient sûrement li chastron* (moutons) Autrement va; plus n’arons, doulz amis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
(1) payait deux parisis (sous de Paris)
Telz loups rapaulx (rapaces) valent pis que gabelle : Frommaige, let, burre et oeufs sont péris, Douce crayme, le maton en foisselle (2) ; Far eulx seront après li enfant prins. Que font lévrier et li alant* (chiens) de pris? Que font veneurs, et pourquoy ne chaç’on ? S’ilz ne chacent, plus n’aront, je leur dis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
(2) Panier de Jonc, Maton en faisselle, Jonchée,
Noble Lion, le bestail vous appelle, Et vous devez secourre voz subgis*. (sujets) Chacez ces loups, et se nulz s’atropelle* (s’attroupe) En voz marches, ne souffrez le logis*; (la présence) Car vous pourriez par eulx estre honnis Et acqueillir par leur fait povre nom ; Briefment n’arez, se conseil n’y est mis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
L’envoy Princes, qui veult estre bien seignouris, Et de bestail gras, peuz et nourris, Le doit garder de loups et de larron Et gouverner par bel et bon advis, Ou autrement il n’ara, ce m’est vis*, (à mon avis) Geline, oe, ne poucin ne chapon.
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
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