Sujet : citation, moyen-âge, prince, conseillers, exercice de la responsabilité, exercice du pouvoir, Espagne médiévale, XIIIe siècle.
« Ceux qui laissent sciemment le roi se tromper méritent d’être punis comme des traîtres. » Citation médiévale d’Alphonse X dit le sage ou le Savant, roi de Castille, (1221-1284)
Bonjour à tous,
‘image du prince mal conseillé ou influencé de manière néfaste, coure sous la plume de nombreux auteurs, tout au long du Moyen-âge. Mesure de prudence de la part de ces derniers ? Si elle permet de ne pas se risquer à incriminer directement la personne sacrée du souverain, en pointant du doigt ses conseillers malavisés ou même, mal intentionnés, elle se fonde aussi, dans d’autres cas, sur une réalité de fait.
Stratégie d’acteurs, convoitises, ivresse du pouvoir, intérêts biaisés, là encore, à lire entre les lignes des auteurs et poètes médiévaux, de Rutebeuf à Eustache Deschamps en passant par Alain Chartier et bien d’autres encore, les cours royales et seigneuriales regorgent de conseillers empoisonnés qui ne servent pas toujours l’intérêt des couronnes. Biais inévitable de la vie curiale, théâtre des luttes individuelles et de toutes les ambitions, au delà des simples mesquineries ou des fausses flatteries, quand une grande partie du pouvoir se concentre sur une seule tête, il faut aux princes une sérieuse dose d’intégrité et de discernement (qu’ils n’ont pas toujours), pour échapper à ces jeux d’influence ou éviter même qu’ils ne les plongent dans des conflits inextricables.
Ainsi, contre l’impunité de ceux qui pèsent dans l’ombre, sur la balance des décisions des rois, cette citation d’Alphonse X remettait ici les pendules à l’heure, en mettant les mauvais conseillers face à leur responsabilité et leurs possibles félonies. Pour ne citer qu’un exemple tragique de ce type d’influence fallacieuse et en restant dans le cadre de l’Espagne médiévale, on se souviendra que trois générations plus tard, son arrière petit-fils, Alphonse XI allait connaître des tensions sans fin opposant ses tuteurs et régents, pour se trouver lui-même, à peine monté sur le trône, pris dans un conflit sanglant dont l’histoire a retenu qu’il avait été en grande partie ourdi et fomenté par de vils conseillers. Ces derniers furent, du reste, dûment châtiés. A ce sujet, nous vous invitons à consulter l’article suivant: Don Juan Manuel, portrait d’un seigneur, chevalier et auteur médiéval dans l’Espagne déchirée du XIVe siècle
Pour le reste, voici la version espagnole originale de cette citation : “Los que dejan al rey errar a sabiendas, merecen pena como traidores.”
En vous souhaitant une belle journée
Fred F
Pour Moyenagepassion.com A la découverte du Moyen-Age sous toute ses formes.
Sujet : musique médiévale, chanson, cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, Dragon, vierge, lèpre, traduction, Cantiga de Santa Maria 189 Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X de Castille (1221-1284) Titre : Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon Interprète : Eduardo Panigua Album : Remedios Curativos (1997)
Bonjour à tous,
otre exploration du culte marial et des Cantigas de Santa Maria du roi de Castille Alphonse X se poursuit, aujourd’hui, avec une nouvelle étude et traduction.
Au Moyen Âge central, est-il un miracle que la Sainte ne puisse accomplir pour l’homme doté de foi véritable ? Il semble que non comme la Cantiga de Santa Maria 189 va encore nous le démontrer.
Le récit d’une guérison miraculeuse
On croise bien des dangers sur les chemins de pèlerinage, a fortiori quand l’on décide de les arpenter seul. Cependant le pèlerin égaré, guidé par sa foi en la Sainte mère du Christ, pourra toujours compter sur la protection de cette dernière. Qui mieux qu’elle peut, en effet, par son intervention, réparer et effacer les plus terribles disgrâces et les pires incidents de parcours.
La Cantiga de Santa Maria nous gâte même de ce point de vue. Sur les rives les plus fantastiques des chants à Marie du XIIIe siècle, elle nous parle, tout à la fois, de dragon, de poison, de lèpre et de guérison miraculeuse. Concernant le terme de lèpre, on se souviendra qu’au Moyen Âge, ce mot désignait un grand ensemble d’affections, allant au delà des maux causés par le tristement célèbre Mycobacterium leprae.
La Cantiga de Santa Maria 189 par Eduardo Paniagua
« Remedios Curativos », les remèdes curatifs
dans les Cantigas de Santa Maria
Comme nous l’avions déjà indiqué, dans un article précédent au sujet de Eduardo Paniagua, on doit à ce grand musicien espagnol, passionné de répertoire médiéval, l’enregistrement de l’ensemble des Cantigas d’Alphonse X de Castille. Il y a donc consacré un grand nombre d’albums en opérant des regroupements thématiques au sein de ce vaste corpus.
En 1997, accompagné de sa formation spécialisée dans les musiques anciennes et médiévales, il proposait ainsi un bel album sous le titre Remedios curativos. Cette production musicale regroupe onze Cantigas de Santa Maria (dont trois en version instrumentale) sur le thème de la guérison miraculeuse.
L’album est toujours édité et vous pourrez vous le procurez chez votre meilleur disquaire. A défaut, vous trouverez ici un lien permettant de le pré-écouter ou de l’acquérir au format CD ou MP3 : Remedios Curativos – Cantigas de Santa Maria
L’ermitage de Sainte-Marie de Salas
Le pèlerinage dont il est question dans cette chanson est celui de Sainte-Marie de Salas, à Huesca, au Nord de l’Espagne et dans l’Aragonais. Un ermitage y fut construit au début du XIIIe qui fit l’objet de nombreux récits de miracles.
Comme dans nombre d’autres cas, certains d’entre eux furent sans doute forgés, au départ, autour des lieux Saints par ceux-là même qui y officiaient afin d’attirer plus de pèlerins. De fait, le lieu connut une grande popularité et vit affluer de nombreux croyants dans le courant du Moyen Âge central.
« Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon » Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison
Traduction de la Cantiga de Santa Maria 189 en français : cette traduction du galaïco-portugais vers le français moderne a été effectuée, par votre serviteur, à l’aide de sources et recherches diverses. Elle n’a pas la prétention de la perfection mais simplement de s’approcher, au plus près, du sens général du texte.
Esta é como un ome que ya a Santa Maria de Salas achou un dragon na carreira e mató-o, e el ficou gafo de poçon, e pois sãou-o Santa Maria.
Celle-ci conte comment un homme qui allait à Sainte-Marie de Salas, croisa un dragon en chemin et le tua, et il en devint lépreux et, suite à cela, Sainte Marie le guérit.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon, pois madr’ é do que trillou o basilisqu’ e o dragon.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison Puisqu’elle est la mère de celui qui terrassa le basilic* et le dragon.
(* bête légendaire, symbole biblique de Satan)
Dest’ avo un miragre a un ome de Valença que ya en romaria a Salas soo senlleiro, ca muit’ ele confiava na Virgen Santa Maria; mas foi errar o camynno, e anoiteceu-ll’ enton per u ya en un monte, e viu d’estranna faiçon
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
De là, un miracle survint à un homme de Valence allé en pèlerinage
à Salas, seul et sans compagnie, car il avait une grande confiance en la Vierge Sainte-Marie; Mais il se trompa de chemin et la nuit le surprit tandis qu’il se trouvait sur une montagne, et il vit une étrange face
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
A ssi vir ha bescha come dragon toda feita, de que foi muit’espantado; pero non fugiu ant’ ela, ca med’ ouve se fogisse que seria acalçado; e aa Virgen beita fez logo ssa oraçon que o guardasse de morte e de dan’ e d’ ocajon.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
Venir jusqu’à lui, toute semblable à un dragon, dont il fut très effrayé: Mais il ne s’enfuit pas face à elle, de crainte qu’elle ne le poursuive; Et à la Vierge bénite, il fit alors sa prière, Pour qu’elle le garde de la mort, des dommages et des disgrâces.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
A oraçon acabada, colleu en ssi grand’ esforço e foi aa bescha logo e deu-ll’ ha espadada con seu espadarron vello, que a tallou per meogo, assi que en duas partes lle fendeu o coraçon; mas ficou enpoçõado dela des essa sazon. Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
La prière finie, il prit sur lui et, dans un grand effort, s’approcha de la bête
Et il lui donna un coup avec sa vieille épée qui la trancha en deux moitiés
De sorte qu’il lui fendit le cœur en deux
Mais à partir de là, il fut empoisonné
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
Ca o poçon saltou dela e feriu-o eno rosto, e outrossi fez o bafo que lle saya da boca, assi que a poucos dias tornou atal come gafo; e pos en ssa voontade de non fazer al senon yr log’ a Santa Maria romeiro con seu bordon.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
Car le poison surgit et le toucha au visage, ainsi que la vapeur Qui sortait de la bouche de la bête, de sorte que quelques jours après, il devint comme un lépreux; Et il mis toute sa volonté à ne faire rien d’autres, sinon de se rendre avec son bâton de pèlerin, jusqu’à Sainte Marie.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
Aquesto fez el muy cedo e meteu-ss’ ao camo con seu bordon ena mão; e des que chegou a Salas chorou ant’ o altar muito, e tan toste tornou são. E logo os da eigreja loaron con procisson a Virgen, que aquel ome guariu de tan gran lijon.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…
Ainsi, fit-il cela sans délai, et il se mit en chemin, son bâton à la main;
Et dès qu’il arriva à Salas, il se mit à beaucoup pleurer en face de l’autel, et, aussitôt, il se trouva soigné.
Et après cela ceux de l’église ont loué, en procession,
La vierge qui avait guéri cet homme d’une si grande blessure.
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…
Pour les plus mélomanes d’entre vous, n’hésitez pas à consulter le site suivant : Cantigas de Santa Maria. Animé par un expert du sujet, il est en anglais, mais vous y trouverez de nombreuses indications musicales et rythmiques sur les Cantigas d’Alphonse le Sage.
Sujet : fêtes, événement, marché médiéval, moyen-âge, sorties, week end, animations médiévales. marché de noel. compagnies médiévales. Evénement : 9ème marché médiéval de Noël de Provins. Un Noël Insolite à Provins. Lieu : Seine-et-Marne, Île-de-France Dates : 15 et 16 décembre 2018
Bonjour à tous,
vec l’approche des fêtes de la nativité, les médiévistes et les passionnés d’animations autour du moyen-âge ne sont pas tous entrés en hibernation. On en trouve, en effet, quelques uns pour égayer, de leur présence, des marchés de Noël teintés de médiéval comme ce sera le cas, à Provins, ce week-end.
Au Programme
Organisé par l’Association les Gardes-Foires de Champagne en partenariat avec la municipalité, il s’agit de la 9e édition de cet événement.
Comme Provins entend bien tenir sa réputation d’excellence quand il est question de célébrer le monde médiéval, un grand nombre de troupes et de spectacles sera au rendez-vous et on peut, une nouvelle fois, faire confiance aux organisateurs pour que l’ambiance et les divertissements soient à la hauteur des ambitions affichées.
Animations et compagnies médiévales
Musiciens, saltimbanques, jongleurs, conteurs, danseurs, on pourra encore découvrir, sur place, des campements animés d’époque, avec leur démonstration d’artisanat ou de combat (Béhourd) et leurs passionnés de reconstitution médiévale. Le samedi, une Nocturne fera suivre le banquet et le bal médiéval, par divers spectacles de feu et de joyeuses animations et l’on pourra encore flâner, à la lueur des bougies, dans les allées du marché.
Compagnies médiévales présentes (hors artisans)
Merween – Les Tritons Ripailleurs – Tengri – Ethnomus – Les R’monTemps – Pater Patriae – Les Danceries Thibaud de Champagne – La Forge du Berry – L’amici D’Orbais – Le Clan du Lys – Le Cercle des hors destins – Tournois XIII
Marché artisanal et vente aux enchères de matériel médiéval
vec près de 60 artisans démonstrateurs, ce marché de Noël fournira encore l’occasion de découvrir des produits liés aux temps médiévaux et leur évocation, mais également des produits gastronomiques réalisés dans les règles de l’art et de la tradition. Pour les reconstituteurs et médiévistes férus de pièces d’armures ou d’armes inspirées du moyen-âge, une vente aux enchères de matériel aura également lieu sur place.
Bien sûr, ce marché thématique sera encore agrémenté de nombreux éléments traditionnels de cette période (traîneau du père Noël, crèche vivante de Saint-François d’Assise, tombola de Noël, etc…) mais aussi de visites guidées du patrimoine et des monuments de la cité.
Enfin, si vous passez par là-bas, n’oubliez pas de faire un tour à la belle Librairie du Roy Lire. Vous y trouverez de belles histoires et de beaux livres à lire au coin d’un feu, pour les longues soirées d’hiver à venir.
Sujet : musique, poésie, chanson médiévale, troubadours, occitan, langue occitane, langue d’oc, poésie satirique, servantois, sirvantès, amour courtois, viole de gambe. Période : moyen-âge central, XIIe, XIIIe siècle Auteur : Peire Vidal (? 1150- ?1210) Interprète : Jordi Savall, Hespèrion XXI, Capella Reial de Catalunya Album : Le Royaume Oublié / La Croisade Contre Les Albegeois / La Tragédie Cathare (2009)
Bonjour à tous,
près avoir fourni quelques éléments sur la biographie et l’oeuvre du troubadour Peire Vidal, nous vous proposons, aujourd’hui, de découvrir une de ses chansons médiévales. C’est un texte satirique, un servantois (sirventès) dans la pure tradition des poètes du Sud de la France. L’auteur toulousain y passe en revue, d’un oeil critique, les maux de son temps pour finir, tout de même, sur une note plus distanciée et plus joyeuse.
L’interprétation que nous vous en proposons nous fournit le grand plaisir de retrouver la direction du du maître de musique Jordi Savall, sa viole de gambe et son incomparable talent.
Jordi Savall et la tragédie cathare – Le royaume oublié
Hespèrion XXI et la Capella Reial de Catalunya à la recherche du royaume oublié
En 2009, à la faveur du 800e anniversaire de la croisade albigeoise, Jordi Savall, accompagné de Montserrat Figueras, et de leur deux formations, Hespèrion XXI et la Capella Reial de Catalunya partait, en direction de la Provence médiévale, sur les traces des Cathares.
Sur le concept du livre album, il proposait ainsi un véritable opéra en 3 actes réparti sur 3 CD différents. Avec un total de 61 pièces, le triple album suivait l’épopée cathare de son émergence dans l’Occitanie de la fin du Xe siècle jusqu’à sa diaspora et sa disparition tardive au moyen-âge tardif, en passant bien sûr par sa répression. Pour la première fois dans l’histoire de la chrétienté, ce tragique épisode de la croisade des albigeois qui divise encore quelquefois aujourd’hui les experts, les historiens et les occitans de coeur, jeta les seigneurs de la France médiévale les uns contre les autres, ceux du Nord contre ceux du Sud.
L’appel de l’Eglise Romaine fut long et insistant et s’il tarda à se faire entendre, cette croisade déborda largement la seule répression de l’hérésie et ne manqua pas de servir les ambitions des uns et des autres. Au bout du compte, la couronne de France qui avait tardé à l’entendre en ressortit comme une des grandes gagnantes.
Pour revenir à ce livre-album d’exception, on y retrouve, au titre de contributions vocales, Montserrat Figueras aux cotés de Pascal Bertin, Lluís Vilamajó, Furio Zanasi, et encore Marc Mauillon. Il fut, à juste titre, largement salué sur les scènes dédiées aux Musiques Anciennes d’Europe. Pour prendre un peu de hauteur, il faut dire que, là encore et comme pour tous les sujets qu’il touche, Jordi Savall se situait au delà de la simple évocation musicale, dans une réflexion profonde et spirituelle sur l’histoire des hommes, et toujours empreinte d’un grand humanisme.
Cette production est encore éditée et vous pourrez la retrouver facilement à l’achat, en ligne. Distribuée par Alia-vox, la maison d’édition de Jordi Savall, elle est disponible au format original livre-CD mais vous pourrez aussi y butiner quelques pièces au format digital MP3 avant de vous décider. Voici un lien utile pour la pré-écouter ou l’acquérir : The Forgotten Kingdom
« A per pauc de Chantar no’m lais »
Il s’en faut peu que je renonce à chanter
A l’hiver du XIIe siècle,
une chanson satirique teintée d’amour courtois
Au vue des thèmes abordés, cette chanson a dû être composée entre 1192 et 1194 date de l’emprisonnement de Richard Coeur de Lion au retour de la troisième croisade. Critique directe du roi de France, mentions des conflits nobiliaires en Espagne, et encore dénonciation du Pape et du Clergé qu’il désigne comme seul responsable d’avoir favorisé la propagation de l’hérésie Cathare (la croisade n’interviendra que quelques 10 années plus tard), notre troubadour balaye tous ses sujets sans mâcher ces mots. Il s’en dit si affligé que pour peu il renoncerait à son art, mais malgré tout, dans la dernière partie du texte, il prend ses distances pour nous conter ses états d’âme et sa joie dans un belle élan de courtoisie et de fine amor pour sa dame de Carcassonne.
De l’Occitan au français moderne
Précisons que la traduction en français moderne que nous vous proposons de ce texte occitan colle fortement de celle de Joseph Anglade (Les Poésies de Peire Vidal, chez Honoré Champion, 1913) même si nous l’avons quelque peu revisitée. Nous avons en effet changer quelques tournures mais également quelques vocables à la lumière de recherches personnelles sur l’Occitan ancien et tâchant aussi de croiser un peu la version de Anglade, pour la mettre en perspective avec celle de Veronica Mary Fraser dans son ouvrage The Songs of Peire Vidal: Translation & Commentary (Peter Lang Publishing, 2006). Grande spécialiste de littérature médiévale, cette dernière est professeur(e) de littérature, ainsi que de vieux Français et d’occitan ancien à l’université américaine de Windsor dans l’Ontario.
A per pauc de Chantar no’m lais
I
A per pauc de chantar nom’lais, Quar vei mort joven e valor E pretz, que non trob’on s’apais, Qu’usquecs l’empenh e.l gita por; E vei tan renhar malvestat Que.l segle a vencut e sobrat, Si qu’apenas trop nulh paes Que.l cap non aj’en son latz près.
Il s’en faut peu pour que je renonce à chanter Car je vois morts, jeunesse et valeur Et mérite, qui ne trouvent plus refuge où s’apaiser Quand tous les repoussent et rejettent; Et je vois régner partout la vilenie, Qui a soumise et vaincu le monde Tellement que je ne trouve nul pays Qui n’ait la tête prise dans son lacet
II
Qu’a Rom’ an vout en tal pantais L’apostolis e.lh fais doctor Sancta Gleiza, don Deus s’irais; Que tan son fol e peccador, Per que l’eretge son levat. E quar ilh commenso.l peccat, Greu es qui als far en pogues; Mas ja no volh esser plages.
A Rome, le pape et les faux docteurs, ont mis dans un tel trouble (agitation) La Saint Eglise, mettant Dieu en colère; Ils sont si fous et si pécheurs Qu’ils ont fait se lever les hérétiques. Et comme ce sont eux qui ont commencé à pécher (Rome) Il est difficile pour les autres de réagir autrement Mais je ne veux prêcher à leur place.
III E mou de Fransa totz l’esglais, D’els qui solon esser melhor, Que.l reis non es fis ni verais Vas pretz ni vas Nostre Senhor. Que.l Sépulcre a dezamparat E compr’e vent e fai mercat Atressi coin sers o borges: Per que son aunit sei Frances.
Et c’est beaucoup de France que vient tout l’effroi De ceux qui d’habitude étaient les meilleurs Car le roi n’est ni fiable ni sincère envers l’honneur, ni envers notre Seigneur. Puisqu’il a abandonné le Saint-Sépulcre Et qu’il achète, vend et fait commerce Tel un serf ou un bourgeois; Pour cela ses sujets français sont honnis.
IV
Totz lo mons es en tal biais Qu’ier lo vim mal et oi pejor ; Et anc pos lo guitz de Deu frais, Non auzim pois l’Emperador Creisser de pretz ni de barnat. Mas pero s’oimais laiss’ en fat Richart, pos en sa preizon es, Lor esquern en faran Engles.
Le monde est pris dans un tel biais Que hier nous le trouvions mauvais et aujourd’hui c’est pire : Et depuis qu’il a renoncé à la guidance de Dieu, Nous n’avons pas appris que l’Empereur Ait accru son honneur, ni sa réputation. Mais pourtant si désormais, il abandonne sottement Richard* (*coeur de Lion), qui est dans sa prison Les anglais montreront leur mécontentement (raillerie)
V
Dels reis d’Espanha.m tenh a fais, Quar tan volon guerra mest lor, E quar destriers ferrans ni bais Trameton als Mors per paor: Que lor orgolh lor an doblat, Don ilh son vencut e sobrat; E fora melhs, s’a lor plagues, Qu’entr’els fos patz e leis e fes.
Quant aux rois d’Espagne, ils m’affligent Parce qu’ils veulent tant se faire la guerre entre eux. Et parce que destriers gris et bais Ils envoient aux maures, par peur. En doublant l’orgueil de ces derniers Qui les ont vaincus et surpassés Il serait meilleur, s’il leur plait, Qu’entre eux se maintiennent paix, loi et foi.
VI
Mas ja no.s cug hom qu’eu m’abais Pels rics, si’s tornon sordejor ; Qu’us fis jois me capdela e.m nais Que.m te jauzent en gran doussort; E.m sojorn’ en fin’ amistat De leis qui plus mi ven en grat : E si voletz saber quais es Demandatz la en Carcasses.
Mais ne laissez jamais qu’un homme pense que je m’abaisse Pour les riches, s’ils se mettent à s’avilir (à empirer): Car une joie pure en moi me guide Qui me réjouit en grande douceur Et je me tiens dans la fine amitié (amor) De celle qui me plait le plus: Et si vous voulez savoir qui elle est Demandez-le dans la province de Carcassonne.
VII
Et anc no galiet ni trais Son amie ni.s pauzet color, Ni.l cal, quar cela qu’en leis nais Es fresca com roz’ en pascor. Bel’es sobre tota beutat Et a sen ab joven mesclat : Per que.s n’agrado’l plus cortes E’n dizon laus ab honratz bes.
Elle n’a jamais déçu, ni trahi Son ami, ni ne s’est fardé devant lui Elle n’en a pas besoin car son teint naturel Est frais comme une rose de Pâques Elle est belle, au dessus de toute beauté Et elle a sens (raison, intelligence) et jeunesse à la fois, Qui la rendent agréable aux plus courtois Qui en font l’éloge avec une honnêteté (honneur?) bienveillante.
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes