Fable médiévale : Du renard piègé par un reflet de lune

Enluminure de Marie de France

Sujet  : fable médiévale, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poésie morale
Période : XIIe s, Moyen Âge central.
Titre : De vulpe et umbra lunae ou Dou Leu qi cuida de la Lune ce fust un fourmaige
Auteur Marie de France (1160-1210)
Ouvrage  : Die Fabeln De Marie de France, Karl Warnke (1898)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous repartons à la fin du XIIe siècle, avec l’étude des fables de Marie de France. Nous y suivrons les mésaventures tragiques d’un renard, ou même d’un loup dans certains manuscrits. Dans les deux cas, le récit et la morale ne changeront pas et la poétesse nous contera comment un reflet de lune piègera cruellement l’animal.

Comme on le verra, il ne sera pas question, ici, du reflet dans l’eau qui avait trompé le Narcisse de la mythologie, pas d’avantage que celui de la fable très connue du cerf se mirant dans l’eau. Le thème du jour est plutôt celui de la convoitise et de l’obstination à vouloir posséder plus que ce qu’on l’on doit, au risque de devenir « zinzin » (oui, c’est trivial, je l’admets), voire même de connaître le pire des sorts.

"Le renard et le reflet de la lune" Une fable de Marie de France avec enluminure

De vulpe et umbra lunae,
dans l’anglo-normand de Marie de France

D’un gupil dit ki une nuit
esteit alez en sun deduit.
Sur une mare trespassa.
Quant dedenz l’ewe reguarda,
l’umbre de la lune a veü ;
mes ne sot mie que ceo fu.
Puis a pense en sun curage
qu’il ot veü un grant furmage.
L’ewe comenga a laper ;
tres-bien quida en sun penser,
se l’ewe en la mare fust mendre,
que le furmage peüst bien prendre.

Tant en a beu que il creva,
lluec chaï, puis n’en leva.


Meint humme espeire, utre dreit
e utre ceo qu’il ne devereit,
a aver tutes ses volentez,
dunt puis est morz e afolez.

Du renard piégé par un reflet de lune
adapté en français actuel

D’un renard, on dit, qu’une nuit
Alors qu’il était de sortie
Il passa tout près d’une mare
.
En jetant, dans l’eau, un regard,
La lune ronde s’y reflétait
Mais il ne sut ce que c’était.
Puis, il pensa devant l’image
Qu’il s’agissait d’un grand fromage
.
Et lors, commença à laper
Etant certain en sa pensée
Qu’une fois l’eau en la mare basse
Sur la tomme, il ferait main basse.
Or, en boit tant et tant qu’il crève
Tombé raide, point ne s’en relève
.

Beaucoup espèrent plus de droits,
Et de choses que ne leur échoient
Voulant tous leurs désirs comblés
Les voilà morts et mortifiés
.


Esope aux origines de cette fable médiévale

Comme mentionné plus haut, suivant les manuscrits, on trouve un renard ou bien un loup comme triste héros de cette fable de Marie de France. Dans les deux cas, l’issue est identique. L’animal se trouve piégé par sa gloutonnerie et quand bien même il s’agit d’un goupil, sa ruse ne le sauve pas d’avantage qu’un loup. L’obstination à posséder rend aveugle. Elle peut même être meurtrière, nous dit la morale de cette fable.

Les deux chiens qui crèvent à force de boire
& le chien et le fromage

Bien avant la poétesse anglo-normande du Moyen Âge central, on retrouve les traces de cette fable chez Esope (reprise plus tard par le fabuliste Phèdre). Chez le grec du sixième siècle avant notre ère, la fable des deux chiens qui crèvent à force de boire et celle du chien et du fromage sont sans doute, celles qui ont inspiré Marie de France. Dans la première, deux chiens voient une peau, au fond de l’eau d’un fleuve (ou encore un morceau de chair). Pour atteindre le précieux butin, ils décident de faire descendre le niveau d’un point d’eau et boivent jusqu’à plus soif, au point de finir par y laisser la leur (de peau).

L’autre fable, similaire du point de vue de la thématique — reflet, illusion, et convoitise — est celle du chien et du fromage qu’on trouve chez Esope mais qui sera également, reprise par Marie de France sous le titre « Dou chien et dou formage« . Elle raconte l’histoire d’un chien passant sur un pont, avec un fromage dans sa gueule. Voyant le reflet de ce dernier dans l’eau, l’animal se fourvoie et pense pouvoir obtenir, là, un deuxième fromage. Hélas, il lâchera la proie pour l’ombre et son avidité lui fera perdre son fromage bien réel et le reflet de celui-ci, au fond des eaux. Le chien, le loup et le renard se trouvent donc tous logés à la même enseigne.

NB : sur le thème du reflet dans l’eau mais, cette fois, avec un angle plus narcissique, on trouvera encore chez Marie de France, la fable du cerf se mirant dans l’eau et tombant en pamoison devant la beauté de ses bois.

Chez Jean de La fontaine

En faisant un bond en avant dans le temps, on retrouvera deux fables du célèbre Jean de La Fontaine sur les thèmes précédemment évoqués : les deux chiens et l’âne mort et encore Le loup et le renard.

Les deux chiens et l’âne mort

Dans la première, les deux chiens et l’âne mort, deux mâtins voyant le cadavre d’un âne flottant dans l’onde, décident de boire toute l’eau de la rivière, pour le récupérer :
« Buvons toute cette eau ; notre gorge altérée
En viendra bien à bout : ce corps demeurera
Bientôt à sec, et ce sera
Provision pour la semaine. »

Et la morale de déclamer, dans le style toujours très enlevé du fabuliste du XVIIe siècle :
Mais rien à l’homme ne suffit :
Pour fournir aux projets que forme un seul esprit
Il faudrait quatre corps ; encor loin d’y suffire
A mi-chemin je crois que tous demeureraient :
Quatre Mathusalems bout à bout ne pourraient
Mettre à fin ce qu’un seul désire.

Le loup et le renard

La deuxième fable de Lafontaine sur le thème du reflet de la lune dans l’eau est « le loup et le renard« . Elle emprunte à la fois au chien et au fromage d’Esope mais aussi à une autre fable de l’écrivain grec : le renard et le bouc dans laquelle un renard et un bouc assoiffés se retrouvent pris au piège au fond d’un puits. Le goupil sollicitera l’appui du bouc pour l’aider à sortir, et une fois dehors, laissera le mammifère caprin à son triste sort.

Dans le récit de La Fontaine du loup et du renard, le goupil sera sauvé, cette fois-ci, par sa malice. Ayant succombé à l’illusion du reflet de lune au fond d’un puits et l’ayant pris pour un fromage, il y descendra dans un premier temps :

Voici pourtant un cas où tout l’honneur échut
A l’hôte des terriers. Un soir il aperçut
La lune au fond d’un puits : l’orbiculaire image
Lui parut un ample fromage.
Deux seaux alternativement
Puisaient le liquide élément :
Notre renard, pressé par une faim canine,
S’accommode en celui qu’au haut de la machine
L’autre seau tenait suspendu.
Voilà l’animal descendu,
Tiré d’erreur, mais fort en peine,
Et voyant sa perte prochaine

S’apercevant bientôt de son illusion, il finira par pigeonner un loup de passage. Utilisant le même reflet de lune au dépens de ce dernier pour lui vendre un fromage, le goupil pourra se sortir de ce mauvais-pas par la ruse, en y plongeant son confrère prédateur. La morale restera une leçon sur notre propre capacité à nous illusionner sur nos propres désirs en les prenant, quelquefois, pour des réalités.

… »Descendez dans un seau que j’ai là mis exprès. »
Bien qu’au moins mal qu’il pût il ajustât l’histoire,
Le loup fut un sot de le croire ;
Il descend, et son poids emportant l’autre part,
Reguinde en haut maître renard.
Ne nous en moquons point : nous nous laissons séduire
Sur aussi peu de fondement ;
Et chacun croit fort aisément
Ce qu’il craint et ce qu’il désire.


Une enluminure créée de toutes pièces
pour l’occasion de cette fable médiévale

Enluminure d'un Renard - Bestiaire médiéval MS 3401, Bibliothèque Sainte Geneviève.


Notez que l’image ayant servi à l’en-tête de cet article, ainsi qu’à l’illustration (plus haut) est une création de toutes pièces à partir d’enluminures provenant de divers manuscrits. En voici le détail :

Le fond, l’eau et le paysage proviennent du Lancelot en Prose de Robert Boron, soit le MS Français 113 (XVe siècle) de la BnF, mais aussi de la « compilation arthurienne de Micheau Gonnot, référencé MS Français 112.3 (XVe siècle). Le renard, du deuxième plan, est tiré du manuscrit médiéval Français 616. Conservé lui aussi à la BnF, ce superbe ouvrage ancien contient Le Livre de Chasse de Gaston Phébus ainsi que Les Déduits de la chasse de Gace de La Buigne. Il est, quant à lui, daté du XIVe siècle. Enfin, le renard au premier plan (enluminure également ci-contre) est issu d’un ouvrage plus récent. Il s’agit d’un superbe bestiaire référencé Ms 3401 et actuellement conservé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève. C’est l’enluminure la plus tardive de toute notre illustration. Elle provient du XVIe siècle (voir ce manuscrit en ligne). Tous les autres manuscrits sont consultables sur gallica.bnf.fr. Quant à la provenance de la lune et de son reflet, nous en garderons le secret pour lui préserver ses mystères.

En vous souhaitant une très belle  journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Zoom sur les 37eme Médiévales de Provins

Blason, armoirie ville de Provins

Sujet : fêtes, animations médiévales, compagnies médiévales, agenda médiéval, reconstituteurs, campements médiévaux, spectacles équestres, tournois, fauconnerie
Thème: Moyen Âge festif, Moyen Âge central
Lieu : Provins, Seine-et-Marne, Ile de France
Evénements: Les 37e médiévales de Provins.
Dates : les 25 et 26  juin 2022

Bonjour à tous,

es 25 et 26 juin prochain, le Moyen Âge festif sera, enfin, de retour en la cité de Provins pour deux grandes journées de fêtes. Il s’agira de la 37eme fête médiévale de la ville et, pour l’occasion, les petits plats ont été mis dans les grands comme vous allez pouvoir le découvrir dans cet article.

Le programme de la fête

Après deux ans d’absence, la grande fête médiévale de Provins signe son retour en force avec un programme des plus roboratifs, comme aurait pu le dire le Yvain de Kaamelott. Sur le thème des bâtisseurs médiévaux, les organisateurs de cette édition 2022 sont bien décidés à vous entraîner dans un grand voyage qui vous mènera au cœur des grandes foires de Champagne et au temps de Thibaut le Chansonnier.

Des animations médiévales pleins les yeux

Animations médiévales Provins, affiche

Des campements médiévaux ? Il y en aura comme s’il en pleuvait les 25 et 26 juin à Provins et sur de nombreux thèmes : danseurs, bretteurs et combattants, chevaliers et artisans du XVe siècle, soudards de la guerre de cent-ans, archers, tourmenteur et gueux, et même ferme berbère.

Viendront s’y ajouter de nombreux ateliers d’artisanat pour découvrir les métiers du Moyen Âge : forge, vannerie, corderie, calligraphie, confection de vitraux, mais encore un grand chantier avec engins de levage et techniques de construction d’antan animé par les bâtisseurs médiévaux. Ajoutez un grand bal et un concert médiéval, le samedi soir, une parade géante avec plus 700 personnes attendues en costume d’époque, le dimanche mais encore, tout au long de la fête, une bonne dose d’animations de rue, entre déambulations musicales et festives, théâtre à ciel ouvert, farces, saynètes et bonne humeur, vous aurez une idée des réjouissances qui vous attendront à Provins, durant ce week-end de fêtes. La liste des artisans, troupes musicales et compagnies médiévales invités vous donnera une idée de la densité du programme.

Compagnies médiévales, artisans et artiste invitées

Compagnie Bric à Brac – Os Gambuzinos – La Compagnie de Cléry – Compagnie Zoolians – Sembadelle – Trybu – Lanceurs de drapeaux ASTA – Compagnie Via Cane – Atelier du Renard Vert – Les Collégiens de Paris – Les casse-museaux – Chœur du Montois et du Provinois – Les Ménétriers – Claudio Quadros Ménestrel – Myrias – La Forge de l’Histoire – La Léproserie de Close Barbe – Compagnie de Théobaldus – Les Bâtisseurs Médiévaux – Les Colporteurs de Couleurs – Soñj – Compagnie d’arc de Provins – Les Forges de la Brume – Cie Dovahkiin – Sorga – Compagnie du Polisson – A’TE’LIER – Ensemble Tormis – La Bet-elgueuse – Les Danceries Thibaud de Champagne – La Maisnie du Mont Ferrand – Les Bretteurs Caudaciens – L’Ambroisie – Confrérie du Cerbère – Corazon – Compagnie Crealid – Les aigles des remparts – La légende des Chevaliers – Compagnie Gueule de loup.

Fête de Provins - Île de France -Animations et compagnies médiévales

Spectacle équestre, fauconnerie et rock celtique

Temps forts des réjouissances, les spectacles seront aussi nombreux, une grande épopée équestre à l’évocation des légendes du temps de Thibaut IV de Champagne et de Blanche de Castille, des vols de rapaces et démonstrations de fauconnerie, mais encore un festival rock celtique. Pour y assister, il faudra compter un petit supplément de paiement. Pour plus d’informations sur les réservations et conditions, nous vous laisserons vous reporter au lien plus bas dans cet article.

Village du livre et lectures médiévales

Une village du livre sera également présent sur place avec une vingtaine d’auteurs, enlumineurs et calligraphes. Et puisque nous en sommes à ce thème, une fois dans la cité, n’hésitez pas à faire un tour à la librairie Le Roy Lire de Provins, librairie de charme, dans un cadre unique et dont Max, le tenancier passionné s’est fait du Moyen Âge une vraie spécialité.

Voir le programme complet et réservez vos billets sur le site officiel

Bien sûr, pour qui ne connaîtrait pas Provins, cet événement pourrait aussi fournir l’occasion de découvrir le riche patrimoine médiéval de la cité. Des visites spéciales seront d’ailleurs organisées, à cet effet, au musée, au prieuré Saint Ayoul, dans les souterrains de la ville, à la tour César et encore d’autres lieux historiques célèbres de la ville.

Découvrir nos articles précédents sur les Médiévales de Provins :
Edition 20192018 –  2017 –  2016

Une très belle journée à tous et de belles fêtes à Provins si vous vous y rendez.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

NB : les photos utilisées dans le cadre de cet article proviennent toutes de compagnies médiévales présentes à l’occasion de ces médiévales. 

Gilles de Binche, rondeau courtois & une esquisse de biographie

Sujet : chanson, poésie médiévale, Amour Courtois, musique médiévale, lyrique courtoise, rondeau, moyen-français.
Auteur-Compositeur : Gilles de Binche, Gilles Binchois (1400-1460)
Titre : De plus en plus se renouvelle
Période :  XVe siècle, Moyen Âge tardif
Interprètes : Ensemble  Gilles Binchois
Album :  Mon souverain désir, Virgin Classics 1998

Bonjour à tous,

ontemporain de la première moitié du XVe siècle, Gilles Binchois (Gilles de Binche ou encore Gilles de Bins) nous a légué une œuvre musicale d’importance composée de chants polyphoniques représentatifs de l’Ecole Bourguignonne.

Du point de vue thématique, ce compositeur d’origine flamande s’est essayé à des pièces liturgiques comme profanes mais ces dernières demeurent celles qui ont plus connu les faveurs de la postérité. On y dénombre un peu plus d’une cinquantaine de chansons courtoises d’une grande sensibilité dont certaines empruntent leurs textes à des poètes célèbres du temps de Binchois (Charles d’Orléans, Alain Chartier, …). Aujourd’hui, nous vous entraînerons à la découverte d’un nouveau rondeau d’amour de ce compositeur du Moyen Âge tardif, mais avant disons un mot de sa biographie.

Esquisse de biographie

Gilles de Binche est vraisemblablement issu d’une famille bourgeoise originaire de Binche, près de Mons, dans l’actuelle province de Hainaut, en Belgique. Avant d’être le compositeur qui marqua ses contemporains, ce fut, semble-t-il, un homme d’armes. Nous sommes dans le contexte de la guerre de cent ans avec encore une forte présence anglaise en France et des jeux d’alliances changeantes de la part des différentes provinces qui composent le royaume.

Quelques repères scandent la biographie de Gilles Binchois. Ainsi, on le trouve à Paris en 1424, attaché au service de William de la Pole (Guillaume de La Pole), comte, puis marquis et finalement duc de Suffolk et capitaine de la guerre de cent ans, du côté des angloys. Gilles Binchois sert alors encore sous les armes (peut-être comme corps d’archer (1)) mais il est déjà reconnu pour ses talents musicaux et ses compositions. Il compose même un rondeau pour le comte et militaire anglais de Suffolk. S’il vit à Paris, son cœur ne semble jamais très éloigné du duché de Bourgogne. Une anecdote le dépeindra, en effet, aux côtés du comte de Suffolk, en route pour le Hainaut et prenant verbalement la défense de Philippe le Bon.

A la cour de Bourgogne

Autour de 1430, Gilles de Binche a, du reste, rejoint la puissante et riche cour bourguignonne. Entré dans les ordres, entre-temps, il est alors attaché à la chapelle de Philippe III le Bon. Il y demeurera pour le reste de sa vie, occupant les fonctions de second chapelain, puis de chantre. Plus tard, en 1437, il sera aussi ordonné chanoine de Mons, Soignies et Cassel.

Le nom de Gilles Binchois demeure indissociable de celui de Guillaume Dufay dont il est contemporain. Les deux hommes se sont même connus et côtoyés à la cour de Bourgogne. Martin Franc, religieux et poète de ce même XVe siècle en a témoigné dans son ouvrage de 1440 : Le Champion des Dames. Il en est d’ailleurs ressorti une enluminure célèbre que nous ne nous privons pas d’utiliser en tête de cet article ( aux côtés de Dominique Vellard de l’ensemble Gilles Binchois). Elle est tirée du superbe manuscrit médiéval Français 12476 de la BnF ( consultable ici). Aux dires de Martin Franc, Dufay et Binchois ont été clairement influencés par le compositeur anglais John Dunstable (1390-1453) même s’ils ont su enrichir leurs inspirations de leur propre style et talent.

De plus en plus se renouvelle
Un rondeau sur l’amour de loin

La pièce de Gilles de Binche que nous vous proposons aujourd’hui, de découvrir compte parmi les chansons les plus célèbres du compositeur. C’est un rondeau empreint de courtoisie dans lequel le poète partage à la fois sa tristesse et son sentiment amoureux. On y retrouvera un peu du thème courtois classique de l’amour de loin cher au troubadour Jaufré Rudel, trois siècles auparavant. L’ombre de la querelle et de la séparation y plane aussi. La dame est-elle momentanément froissée à l’égard du poète ? A-t-elle décidé de prendre quelques distances ou ne fait-il que l’anticiper et le redouter ? Quoiqu’il en soit, en bon loyal amant, il en saisit l’occasion pour lui renouveler, son engagement et sa fidélité de cœur.

De plus en plus se renouvelle, par l’ensemble médiéval Gilles Binchois

Gilles Binchois : Mon souverain désir,
par l’ensemble Gilles Binchois

Dans cette belle version, on retrouve encore, ici, l’Ensemble Gilles Binchois dirigé par Dominique Vellard. Il faut dire que la formation médiévale a su se rendre incontournable sur la scène des musiques anciennes, au moment d’aborder l’œuvre du compositeur du moyen-âge tardif.

Sur l’album Gilles Binchois : Mon souverain désir, sorti en 1998, Dominique Vellard et ses complices nous proposaient pas moins de 17 pièces profanes du compositeur, pour une durée de 60 minutes. Ce ne sera pas la seule production que l’ensemble dédiera à Gilles de Binche et aux musiques de la cour de Bourgogne. D’autres albums viendront s’y joindre sur le même thème sans pour autant étancher la soif d’exploration de la formation talentueuse. Durant sa longue carrière, l’ensemble Gilles Binchois aura, en effet, l’occasion d’élargir son répertoire à bien d’autres aspects de la musique liturgique et profane du Moyen Âge (voir portrait de l’ensemble Gilles de Binchois). A date, elle a produit pas moins de 51 albums.

En ce qui concerne celui du jour, ce très bel album n’a pas pris une seule ride et on peut toujours le trouver à la vente chez tout bon disquaire ou même en ligne. Voici un lien utile pour plus d’informations.

Musiciens présents sur cet album

Anne-Marie Lablaude (voix soprano), Lena-Susanne Norin (mezzo-soprano), Akira Tachikawa (countretenor), Dominique Vellard (tenor, luth), Emmanuel Bonnardot (bariton, vièle), Pierre Hamon (flûte,  instruments à vent, tambourin), Randall Cook (vièle, rebec), Jan Walters (harpe), Miriam Anderson (harpe)


De plus en plus se renouvelle,
dans le moyen français de Gilles de Binche

NB : le moyen français de Gilles Binchois ne devrait guère vous poser de difficultés. Aussi, nous vous le livrons dans sa pureté à une note près.

De plus en plus se renouvelle
Ma douce dame gente et belle
Ma volonté de vous veir.
Ce me fait le tres grant desir
Que j’ay de vous ouir nouvelle.

Ne cuidiés pas que je recelle
(2)
Comme a tous jours vous estes celle
Que je vueil de tout obeir.
De plus en plus se renouvelle
Ma douce dame gente et belle
Ma volonté de vous veir.

Helas, se vous m’estes cruelle
J’auroie au cuer angoisse telle
Que je voudroie bien morir
Mais ce seroit sans desservir
En soustenant vostre querelle.

De plus en plus se renouvelle
Ma douce dame gente et belle
Ma volonté de vous veir.
Ce me fait le tres grant desir
Que j’ay de vous ouir nouvelle.


En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

Notes
(1) Archives de Arts, Sciences et lettres, document inédits publiés et annotés par Alexandre Pinchard (Tome 3), 1881
(2) Ne croyez pas que je cache, que je tiens secret.

Agenda : des centaines d’aventures sous le signe de l’Archéologie

Sujet : archéologie, archéologie médiévale, archéologie française, archéologie expérimentale, archéologie européennes, portes-ouvertes, découverte, chantiers de fouilles, atelier, reconstitution historique.
Evénement : les journées de l’Archéologie
Dates : le 17, 18 et 19 juin 2022

Bonjour à tous,

eux qui nous lisent régulièrement savent tout l’intérêt que nous portons à l’archéologie. Nous avons partagé, ici, plus d’un article au sujet de sites de fouilles datés du Moyen Âge, mais aussi d’archéosites médiévaux et d’archéologie expérimentale. Quant à l’archéologie médiévale discipline relativement récente qui, depuis son envol dans les années 70-80, a affirmé son autonomie pour venir compléter utilement, la compréhension du Moyen Âge nous l’avions abordé dans nos articles et vidéos sur les mottes castrales et à d’autres occasions encore (voir liens en pied d’article). Mais reprenons, ici, un peu de hauteur pour nous intéresser à l’archéologie au sens large.

L’archéologie, discipline majeure

Archéologue devant un chantier de  fouilles

Pour qui s’intéresse aux sciences humaines, à l’histoire de l’homme et, finalement, à ce que nous sommes, l’archéologie est une discipline simplement incontournable. En dehors même des vestiges monumentaux, la culture des objets du quotidien, des vêtements, des parures, l’étude de leurs formes et de leur destination a toujours été au cœur de la compréhension des cultures humaines, présentes ou passées. L’ethnologie (une de nos formations de base), s’en est souvent passionnée autant qu’elle s’est souciée de leur conservation et de muséologie.

Dans la sphère plus particulière de l’anthropologie préhistorique (autre passion provenant de la même source), il existe même un point de fusion pour ainsi dire, entre le terrain archéologique et les conclusions et extrapolations théoriques. A l’origine, le chercheur était souvent d’ailleurs, un paléontologue et un archéologue et, avant toute trace d’archives et de documents écrits, ces deux spécialités continuent de régner en maître sur un territoire temporel qui couvre des centaines de milliers d’années. De fait, les sciences préhistoriques et protohistoriques n’auraient jamais pu voir le jour sans terrain de fouilles, pas d’avantage qu’une bonne partie de nos connaissances sur les origines de l’humanité. Ce n’est même que, bien plus tard dans le temps, que l’archéologue doit partager ses découvertes et mutualiser ses conclusions avec celles de « ceux qui marchent debout au milieu des vieux livres* » (Heu ! désolé ! nous voulons dire, bien sûr, les historiens). Du reste, on croise quelquefois des historiens pluridisciplinaires qui sont, aussi, archéologues.

De l’image d’Épinal à la réalité scientifique

Archéozoologie - terrain de fouilles

Attachée, dans nos imaginaires, à des personnages comme Indiana Jones au cinéma ou même comme Lara Croft dans le domaine des jeux vidéo, la réalité quotidienne de l’archéologie, autant que ses différentes formes et la profondeur de son intérêt, demeure, quelquefois, assez méconnue du public. Bien sûr, on pourra sûrement s’accorder sur le fait que dans tout archéologue demeure souvent nichée l’âme d’un chercheur de « trésors » guidé par l’amour de la connaissance et toujours prompt à s’émerveiller à chaque nouvelle découverte. Pourtant, aujourd’hui plus encore qu’hier, les défis qu’il a à relever sont de plus en plus pointus et scientifiques.

L’archéologie s’est, en effet, ramifiée en de nombreuses disciplines en fonction des périodes mais aussi des terrains. Elle s’est aussi enrichie de l’apport de sciences du vivant connexes, toutes plus pointues et passionnantes les unes que les autres. Ses méthodes, elles aussi, se sont perfectionnées au point d’en faire une science pluridisciplinaire qui s’épanouit dans la collaboration enthousiaste de ses experts (archéozoologie, archéobotanique, palynologie, …). Enfin, depuis une trentaine d’années, sur le terrain des chantiers d’aménagements ou réaménagements, l’avènement de l’archéologie préventive a rendu cette discipline d’une grande utilité plus présente dans notre environnement immédiat.

Voilà pour ces quelques mots d’introduction sur l’Archéologie, ses réalités et et son grand intérêt, mais nous avons encore bien mieux pour vous. Un événement de taille déboule sur l’agenda qui devrait vous permettre de découvrir directement cette belle discipline, sous toutes ses formes. Le week-end prochain mettra, en effet, l’archéologie à la fête et vous serez conviés au cœur d’une foule d’aventures et d’activités liées à cette discipline.

Le grand retour des Journées de l’Archéologie

Affiche des journées européennes de l'archéologie

Du 17 au 19 juin 2022, auront donc lieu Les Journées Européennes de l’Archéologie. Cet événement à ne pas manquer à été créé, originellement, en 2010, par le ministère de la culture en partenariat avec l’INRAP. Il était alors connu sous le nom de « Journées de l’archéologie » ou « Journées nationales de l’archéologie ». Ces dernières sont demeurées franco-françaises jusqu’en 2019, date à laquelle d’autres pays européens ont suivi l’exemple (peut-être sous l’impulsion du gouvernement actuel. L’histoire ne le dit pas). Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, selon les chiffres du ministère, 26 pays de la communauté européenne y participent et se sont joints à l’événement avec leur propres activités.

Pour recentrer un peu sur les terres de France, pendant ces 3 journées, l’archéologie y sera donc à la fête. A cette occasion, de nombreuses sites de fouilles, habituellement réservés aux professionnels, seront même exceptionnellement ouverts au public. Ils couvriront toutes les périodes historiques que vous puissiez rêver découvrir ou approfondir : de la préhistoire à l’âge de bronze, jusqu’à l’antiquité gallo-romaine ou des périodes bien plus récentes en passant, bien sûr, par le Moyen Âge.

Visite guidée d'un chantier de fouilles archéologique - Inrap
Archéologie préventive – Visite guidée d’un chantier de fouilles préventives en milieu urbain – Inrap.fr

600 lieux pour découvrir l’archéologie
et ses trésors sur tout le territoire

Archéologue de l'Inrap et céramiques anciennes

Les portes ouvertes de sites de fouilles sont loin d’être les seuls événements prévus pour ces trois journées de l’archéologie : projections, spectacles et reconstitutions, villages de l’archéologie, conférences, visites guidées spéciales de monuments et de sites d’intérêt, ateliers et démonstrations seront de la partie, mais encore événements spéciaux dans les musées et monuments, archéologie expérimentale dans les parcs archéologiques et les archéosites, … La liste est longue des animations prévues et les journées prévoient aussi des activités particulières en direction du milieu scolaire. Pour en prendre la mesure, le site web officiel affiche près de 600 lieux, en France uniquement, qui proposeront chacun leurs activités et événements. Notez que, côté budget, de nombreux établissements et institutions normalement payantes afficheront, exceptionnellement, des entrées gratuites pendant ces 3 jours de grande effervescence culturelle.

Concernant le Moyen Âge, quelques premières recherches avancées nous ont fait remonter quantité d’activités de haut vol. Nous n’allons pas les détailler ici. Sur le site officiel de l’Inrap, vous retrouverez un suivi de tout ces événements, mais aussi des articles fouillés et encore un dossier complet sur l’archéologie médiévale. Pour découvrir le riche programme de ces trois journées découverte, le site officiel des journées de l’archéologie reste également incontournable. Il vous permettra d’obtenir le programme complet de votre région ou des régions voisines et même de le télécharger au format PDF. C’est un bon moyen de ne rien manquer de l’événement.

Tout cela étant dit, inutile d’ajouter que ces journées qui célèbrent en grand l’archéologie, ses réalités, ses trésors, ses trouvailles n’attendent que vous pour partir en aventure !

Archéologie médiévale : Maquette village lacustre - Musée du Lac de Paladru
Archéologie médiévale : Maquette village lacustre – Le superbe nouveau Musée Archéologique du Lac de Paladru à la fête

Retrouvez nos articles les plus populaires sur l’archéologie médiévale

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous  toutes ses formes

* Ceux qui marchent debout est une expression qui désigne les hommes dans la bande dessinée préhistorique Rahan de Roger Lécureux et André Chéret (Pif gadget représente)

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