Sujet : vièle à roue, musique, folk, rock, instrument ancien, electro-rock, néo folk, vidéo, inspiration médiévale, Artiste : Guilhem Desq Titre : le château magique Album : Visions (2017)
Bonjour à tous,
propos de vieille à roue, nous avions déjà mentionné ici les envolées de Andrey Vinogradov et sa revisite du fascinant instrument ancien pour nous transporter du côté d’inspirations médiévales mêlées de sonorités slaves. Nous avions aussi parlé du talentueux Efren Lopez et de sa art musical ouvert sur le berceau méditerranéen, ses traditions et son Histoire. Aujourd’hui, c’est à un autre vielliste talentueux que nous voulons faire tribut : il a pour nom Guilhem Desq et si son art ne croise pas non plus, à la lettre, le champ des musiques médiévales, il nous entraînerait bien plutôt du côté de l’electro-rock et folk, aux multiples influences,
Itinéraire et parcours
Né en France d’une famille de musiciens traditionnels, avec un père luthier, Guilhem a fait l’apprentissage de la vielle à roue de manière très précoce. Plus tard, il a suivi une formation classique, en passant par le conservatoire d’Albi, avant de poursuivre son étude de l’instrument avec des maîtres en la matière. Parallèlement, il s’est aussi formé aux percussions et à la batterie et a eu l’occasion d’exercer ses talents rythmiques dans plusieurs formations. En 2009, il mettra au point avec son père une vielle à roue électrique qui lui ouvrira de nouvelles perspectives et tout un nouveau terrain d’exploration musicale.
Si Guilhem a pu être surnommé, dans la presse, le « Hendrix du Hurdy-Gurdy« , on trouve, dans certaines de ses compositions, des accents rock et des solos endiablés qui nous aident à mieux comprendre ce rapprochement avec le légendaire guitariste américain. Pour peu, on aurait presque souhaité que ce vielliste inspiré et féru d’improvisation, ait pu croiser le chemin d’un Franck Zappa, un peu comme le violoniste Didier Lockwood l’avait fait, en son temps, et on imagine d’ici les nouveaux univers sonores et mélodiques qu’une telle collaboration aurait pu faire naître.
Nous partageons ici un morceau très inspiré de Guilhem, doublé d’une superbe réalisation visuelle. En plus de la partie musicale, le vielliste aux multiples talents a d’ailleurs mis, lui-même, la main à la pâte, du côté de la conception graphique et de l’animation 2D.
Le château magique de Guilhem Desq
Visions
Après divers projets et collaborations, suivis d’une grande tournée sur tous les continents, Guilhem sortira, en 2017, « Visions », son premier album solo. Disponible au format numérique ou au format CD, on y retrouve 10 compositions originales. Vous pourrez en découvrir de large extraits et l’acquérir sur la page Bandcamp de l’artiste ou encore sur Amazon au lien suivant : Visions. La superbe vidéo-animation du château magique est tiré de cet album.
Aujourd’hui, Guilhem continue de tourner activement en France mais aussi au delà des frontières, et vous pourrez même quelquefois le croiser au détour d’un festival folk ou fantastique comme ce fut le cas pour l’édition du festival Echos et Merveilles 2018
En vous souhaitant une bonne journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : fêtes, festivités, festival, rock celtique, folk, neo-folk medieval, metal, animation, compagnies médiévales, monde viking, Norvège, reconstitution historiques, légendes nordiques. Yggdrasil. Période: moyen-âge central (an 1000) Lieu : Simandre sur Suran (Ain, Rhône-alpes) Evénement: Festival Ragnard Rock 2017,
Children of Yggdrasil Dates : du jeudi 20 au dimanche 23 juillet 2017
ATTENTION ! Cet événement a été annulé à la dernière minute!
ne vieille légende conte qu’il y a fort longtemps, un forgeron vivait au milieu d’une verte vallée, au coeur des terres de Midgard. Les guerres effroyables avaient décimé les villageois et laissé l’homme seul, pauvre et miséreux. Au plus fort de sa solitude, jamais pourtant il ne désespéra, priant tous les jours les Dieux pour qu’ils lui mandent une solution, de quoi faire renaître son monde. L’histoire dit qu’au milieu de deux grandes batailles, Thor entendit ses prières et qu’il descendit alors d’Azgard à sa rencontre. Il trouva l’artisan à l’ouvrage, achevant de battre le fer pour forger une épée du plus bel alliage et il s’adressa à lui en ces mots :
– Hé, toi, enfant de Midgard, fils de Yggdrasil, pourquoi restes-tu ici à forger des armes quand plus aucun guerrier n’est là pour les croiser et que même les derniers ennemis de ces terres s’en sont, eux aussi, allés ?
– O grand Dieu du tonnerre ! répondit le forgeron qui avait reconnu Thor, au premier regard. Les Dieux m’ont donné pour seul pouvoir celui de mêler le fer de la pierre au feu afin de le changer en lames. Depuis l’aube des temps, mon père, et le père de mon père et tous les siens avant lui, ont suivi ce chemin. Que pourrais-je faire d’autre qu’emprunter la voie qu’ils m’ont tracée et qui est mienne, en priant pour qu’ils m’envoient un jour des guerriers capables d’honorer mes armes ou des mains pour user les outils qui sortent de ma forge.
– Tu as bien parlé, fils de l’homme, aussi je ferais un geste pour toi. Pose cette lame que tu tiens là, sur l’enclume.
L’épée rougeoyait encore et le forgeron qui s’apprêtait à la plonger dans l’eau pour la refroidir, s’exécuta. Thor brandit alors son immense marteau vers le ciel. La foudre irradia l’objet d’un éclair de feu et le Dieu s’en servit pour frapper l’épée du forgeron par trois fois. La lame ne se brisa pas. Elle irradia d’une lueur bleutée et vibrante. L’air s’était chargée de la forte odeur de l’ozone et, pendant un instant, tout l’endroit crépita de mille pailles de feu. Puis, le calme revint. L’épée brillait de l’éclat d’un métal à nul autre pareil et le forgeron la toisa, les yeux encore plein de surprise, avant de se ressaisir :
– Qu’attends tu que je fasse de cette lame, ô grand Dieu ? demanda-t’il à Thor. Un guerrier viendra-t-il la prendre pour faire renaître ma vallée du cri des victoires, comme à l’aube des premiers jours ?
– Fils du fer et du feu, les Dieux sont lasdes guerres et le temps est venu pour que les hommes cessent aussi les leurs. Je ne vois ici qu’un guerrier et il se tient devant moi. Comme tu changes la pierre en lames, tu utiliseras cette épée pour former ici, une fois l’an, le plus grand rassemblement de tes frères, à l’ouest de Midgard.
– Mais comment ferais-je cela, ô grand fils d’Odin! moi qui ne suis que forgeron ?
– Tu es cela et bien plus que cela à la fois, fils de Yggdrasil. Quand Sól caressera les champs et les bois de ce lieu de ses longs cheveux d’or et à l’approche des beaux jours, brandis la lame haut et fort vers le ciel et des plus lointains confins des terres de Midgard, ils recevront tous ton appel et ils viendront. Oeuvre pour les accueillir, prépare ripailles, boissons à flots et victuailles à foison, musiques et jeux sans compter. Que ce rassemblement soit l’occasion de célébrer l’amitié, le fer, le feu, l’abondance de la terre nourricière, la pureté de ses eaux et la joie des plus grandes réunions des fils de l’homme. Qu’on y scelle les traditions ancestrales et que cette belle vallée se peuple d’immenses cris de fête et de liesse qui résonneront jusqu’aux frontières des neufs mondes. Voilà à quoi te servira l’épée.
Puis, Thor s’en fut dans un éclair vers Azgard et de ce jour, le forgeron sut, sans l’ombre d’un doute, ce qu’il lui restait à faire.
Compagnons et amis, enfants d’Yggdrasil ! Comme chaque année, l’épée a de nouveau été brandie dans la vallée de la légende et des quatre directions de Midgard, le grand rassemblement aura lieu et vous y serez attendus.
Du 20 au 23 juillet 2017, Ragnard-Rock,
le festival pagan rock de tous les possibles.
Bonjour à tous,
uand le rock fusionne avec le paganisme, le folk celtique ou médiéval, les légendes nordiques, les musiques traditionnelles et encore le Metal pour donner lieu au plus grand festival du genre en Europe et quand, en plus, cet événement se tient sur les terres de France, cela mérite bien une légende nordique pour le célébrer!
Du 20 au 23 juillet prochain, se tiendra en effet en plein coeur de la vallée du Suran une nouvelle édition du festival Ragnard Rock. Avec plus de 45 groupes de musique de la mouvance Pagan rock attendus, l’événement se place comme un des plus grands festival du genre en Europe.
L’événement durera trois jours pleins et entre tous les artistes invités, dont le célèbre groupe de néo-folk médiéval allemand FAUN ou encore les facétieux compagnons du Gras Jambon et j’en passe, il y aura encore une scène spéciale dédiée à des groupes folkloriques, neuf en tout, venus des quatre coins de l’Europe, avec leurs instruments historiques et traditionnels pour représenter leurs cultures ancestrales.
Après le succès de l’édition 2016, le Ragnard-rock de cette année promet encore de nombreuses surprises et du côté des organisateurs, on a voulu s’assurer que les amateurs de pagan rock, et de rock d’inspiration celtique ou nordique, comme les passionnés d’histoire, de culture et de musique y trouvent leur compte.
Listes des Groupes présents
Vous pourrez retrouver toutes les infos sur la programmation sur le site officiel du Ragnard-Rock, mais voilà une première liste des groupes présents sur place cette année pour vous en faire une idée.
ARAKIRI FOR THE SKY – KZOHH – NYTT LAND – ZNICH – KAWIR – KAMPFAR – FAUN – KHORS -MALEPESTE – LES COMPAGNONS DU GRAS JAMBON – SATYRICON – MELECHESH – ARKONA -TAAKE – SKÁLMÖLD – WOLFCHANT – SUIDAKRA – TENGGER CAVALRY – SAOR – GOCOO – ANGANTYR – HELHEIM – AETERNUS – UADA – MOR DAGOR – ACHERONTAS – DARKEND – BORGNE – ROMUVOS – HEAVYDEATH – HORDAK – ENISUM – ATAVISMA – UDYR – MÖHRKVLTH – GJELDRUNE – WARBELL – FIR BOLG – FORNDOM – SOWULO – THE MOON & THE NIGHTSPIRIT – JAR – ARNICA – DAYAZELL – SHIBALBA
Teaser vidéo officiel Ragnard Rock 2017
Légendes nordiques et monde viking :
la Norvège au coeur de la célébration 2017
ette année, le festival célébrera la Norvège et sur les 10 hectares de verdure dédiés du site, se tiendront encore un grand camp Viking, ainsi qu’un marché médiéval. De nombreuses compagnies historiques seront donc au rendez-vous pour animer la fête de leurs ateliers, camps, démonstrations artisanales ou encore mêlées et combats à l’escrime ancienne.
On l’aura compris, l’Histoire vivante sera bien présente sur cette partie du festival et l’on entend bien, à l’aide des quelques 150 reconstituteurs ou férus de réalisme historique qui se tiendront sur place, contribuer à corriger quelques préjugés sur le moyen-âge, autant que sur le monde viking.
Ajoutons que cet événement se veut ouvert à tous. Des espaces de jeux et activités ont donc été prévus pour les enfants. Seul, en couple, entre amis ou en famille, chacun devrait donc y trouver sa félicité.
Programmation, tarifs, et détails pratiques
u côté concerts, les accès sont très flexibles : du classique Pass Festival qui vous donnera un accès royal à l’ensemble des groupes à partir de 80 euros, jusqu’au très spécial Golden Pass ou à de simples accès journées. En plus de son aspect immersif et au vue de la différence de prix, le Pass de 3 jours semble bien être la meilleure option. Comme les dates se rapprochent et que les premiers pack à un peu plus de 60 euros sont déjà tous épuisés, nous ne saurions que vous conseiller de faire vite si vous voulez avoir accès au Pass restant. (tous les tarifs que nous vous indiquons ici sont indicatifs et non contractuels et vous pourrez les trouver actualisés sur le site de l’événement).
Pour plus de détails pratiques sur les concerts, la programmation, les possibilités d’hébergement et de camping, rendez-vous sur le site web officiel du Festival. Une Page Facebook spéciale a été également créée pour l’événement.
En bref, fils du nord, du sud, de l’ouest et de l’est, passionnés de légendes nordiques ou curieux d’en apprendre plus sur le monde viking, amateurs de musiques traditionnelles ou de pagan rock, celtique ou nordique, de néo folk ou de folk médiéval, ne manquez sous aucun prétexet l’édition 2017 du grand festival Ragnard Rock, c’est là-bas que cela se passe. Il n’y en aura qu’un seul en France cette année et c’est celui-ci.
En vous souhaitant une belle journée et un excellent festival si vous vous y rendez en juillet prochain.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : poésie et chanson médiévales goliardiques, Troubadours modernes Style : rock néo-médiéval Titre :Estuan Interius, les confessions de l’Archipoète, les confessions de Golias. Période : XIIe siècle, moyen âge central Interprétation : Corvus Corax. (XXe!)
Estuans Intrinsecus (Interius), les confessions de l’Archipoète de Cologne.
Bonjour à tous
ous restons, ici encore, en compagnie de la poésie médiévale des Goliards, pour, cette fois, présenter le poème médiéval Estuans Intrinsecus, que l’on connait encore sous le nom de confessions de l’Archipoète, ou confessions de Golias.
Cette fois-ci, l’interprétation moderne et musicale de ce texte ne va pas du côté de Carmina Burana de Carl Orff, même si c’est dans le même ouvrage qui avait inspiré la cantate du compositeur allemand que cette poésie a été retrouvée, et même si on peut supposer que c’est par le biais que le groupe Corvus Corax, également allemand, l’a découvert. Avec cette interprétation des confessions de Golias, nous nous éloignons donc clairement des orchestrations de Carl Orffpour partir à la découverte d’une version résolument « rock néo-médiéval » qui part dans des accélérations qui ne vont pas sans rappeler certains titres de la troupe des compagnons du Gras jambon. Au fond, remis au goût musical du jour, le contenu de cette poésie qui nous conte la vie d’un poète vagabond en révolte s’y prête assez bien.
Estuans Interius ou Estuans Intrinsecus est donc un chant profane latin qui s’inscrit totalement dans la tradition goliardique et la poésie des Goliards. On dit d’ailleurs de son auteur, l’Archipoète de Cologne, qu’il était un immense poète du XIIe siècle et du moyen-âge central et on le désigne même souvent comme un des maîtres de cette tradition littéraire satirique.
Carmina Burana version Corvus Corax
Qui est l’archipoète ou plutôt qui n’est-il pas?
On rapproche quelquefois l’archipoète de Hugues Primat, autre poète médiéval quelque peu mieux connu. On a même pu dire qu’il n’était qu’une seule et même personne, seulement voilà, il demeure également de nombreux points d’interrogations sur la vie et l’identité réelle de ce Hugues « Primat » et le fait qu’il ait pu cacher comme seconde identité et signature celle de l’archipoète n’est confirmé, au final, presque nulle part: il y a, pourtant, il est vrai, des parentés troublantes entre ces deux personnages que l’on attache, de manière égale, à la tradition goliardique.
Tout d’abord, les deux hommes sont contemporains ; l’archipoète a supposément vécu entre 1130-1167 et Hugues « Primat » (d’Orléans?) en 1095-1160, même si l’on date, avec encore quelques incertitudes, la chanson Estuans Intrinsecus de 1162-1164, date à laquelle Hugues Primatest supposé être déjà décédé. On reconnaît, aussi, aux deux auteurs un don véritable et un talent égal pour la poésie en latin. Primat était, en effet, au même titre que l’Archipoète, un surdoué du verbe; certaines chroniques du XIIIe siècle (rédigées donc près de cent ans plus tard, ça part mal…) reportent de lui qu’il était un « grand truand et grand farceur, et surtout grand versificateur et improvisateur » et ne tarissent pas d’éloges sur sa capacité à improviser et son aisance avec les mots et les vers (1). En même temps, deux grands poètes peuvent être contemporains, cela s’est vu et ne prouve, au final, pas grand chose.
Au titre des « similitudes » encore, on ajoute souvent à notre mystérieux Archipoète, la « particule » de Cologne, car on le disait alors protégé par Reginald Von Dassel, archevêque de Cologne et chancelier de Frédéric Barberousse(ci-dessus portrait de Frédéric 1er, Barberousse)(2)Concernant Hugues Primat, certains textes anciens affirment qu’il était chanoine de Cologne, mais en d’autres endroits, d’autres soutiennent qu’il était chanoine d’Orléans. Nous voilà donc bien avancé. D’une certaine manière, on comprend les tentations qui ont pu voir le jour, à un moment donné, de ranger ces confessions de Golias sous le corpus de Hugues Primat et de lui en attribuer la paternité, mais il reste que sur le papier, rien n’est sûr du tout.
Quand les auteurs se changent en corpus
Manuscrit de Maître Ermengaut. « Bréviaire d’amour », fin du XIIe siècle. Bibliothèque royale de Madrid. (un peu remanié, je l’avoue, l’original n’a pas de trous)
Concernant ce type de regroupement d’un corpus de textes sous un même auteur, il n’est, hélas, pas rare qu’on ait procédé de la sorte à un certain moment, soit par confusion, soit par commodité. On l’a fait avec de nombreux auteurs du passé et les plus célèbres d’entre eux, au moins. L’Histoire n’en est d’ailleurs sans doute pas l’unique responsable. « On ne prête qu’aux riches », dit-on, mais pour rester dans l’étymologie de l’usure, il faut avouer que c’est parfois usant, même si les historiens du XIXe et le XXe siècles ont contribué à démêler un certain nombre de malentendus.
Au final, dans son article sur Hugues Primat (qui n’est donc pas l’archipoète de Cologne jusqu’à ce que des sources fiables établissent le contraire), l’historien du XIXe siècle Léopold Delisle(portrait ci-contre) va même d’ailleurs jusqu’à désintégrer pratiquement Hugues Primat, l’homme à défaut du poète, pour en faire une sorte de mythe archétypal ou disons au moins, un « nom » sous lequel les étudiants ou les Goliards, ces clercs insubordonnés du XIIe siècle , « rangeaient », en quelque sorte, les textes goliardiques : « C’est un type légendaire, c’est la personnification de l’écolier farceur et quelque peu mauvais sujet » (sic). Et voilà, cette fois, voilà un auteur dissout totalement dans un corpus !
L’archipoète de cologne, un grand maître de la poésie goliardique
Pour revenir à notre archipoète, il semble bien que notre homme, si grand fut-il, ait souhaité rester anonyme ou le soit, de fait, demeuré. Dans le contexte de l’époque, on peut, cela dit, supposer et comprendre qu’une certaine prudence des poètes goliardiques ait pu être de mise, au moment de signer de leur main certaines de leurs poésies ou chansons. Concernant son oeuvre, on lui connait peu de textes, le plus célèbre à ce jour restant ces confessions reprises par Carl Orffdans la cantate Carmina Burana, et par quelques autres troubadours modernes dont notre groupe allemand (décapant) du jour.
Quoiqu’il en soit, quelque soit l’homme qui se cachait derrière cette mystérieux plume, et espérant que l’Histoire fasse, à la faveur de nouvelles découvertes, un peu plus de lumière sur lui, les critiques restent unanimes à louer son style, son rythme et son verbe latin. L’encyclopédie Larousse va même jusqu’à reconnaître qu’il est sans conteste un des grands maîtres de la poésie médiévale des goliards : « ses compositions sur des sujets politiques ou satiriques font de lui un des maîtres de la poésie latine rythmique et portent la tradition poétique des clercs errants à son apogée. » (3).
De fait, outre la beauté du texte, ces confessions de l’Archipoète font l’effet d’un véritable manifeste de l’esprit des goliards et reflètent bien l’inspiration qu’ont suivi ces clercs insoumis ou ces étudiants qui prirent la route pour se laisser aller à l’hédonisme, aux plaisirs d’une vie au jour le jour, mais aussi au vagabondage, dans le courant du XIIe siècle.
Voilà donc notre poète médiéval, vagabond, errant et insubordonné, son « manifeste » parvenu jusqu’à nous, et qui peut, encore aujourd’hui et pour certains, faire figure d’ancêtre lointain aux premiers poètes « maudit ». Et l’on n’est pas surpris de voir que l’on attache à son nom celui d’un François Villon, d’un Rutebeuf, mais encore d’un William Blake et d’autres de nos poètes contemporains. Avec le vent de liberté qui y souffle, ces confessions, devenue un véritable symbole de la poésie satirique des goliards du XIIe siècle, demeurent comme le lointain témoignage d’une volonté de s’affranchir des normes et la bienséance sociale et, pour être resté anonyme, on est bien forcé de constater que notre archipoète n’en est pas moins entré, à sa manière, dans la postérité!
Estuans intrinsecus (interius) traduction paroles latines originales et version française
Ne nous en veuillez pas mais nous avons fait à notre habitude. Il existe de très belles et très allégoriques traductions de cette poésie, du côté des anglais notamment ( voir The Wandering Scholars of the Middle Ages, de Helen Waddell), mais elles demeurent presque totalement intraduisibles sans être revisitées totalement, ce qui les éloignerait encore d’autant du texte original. On trouve encore sur le web une très jolie version du côté belge (André Wibaux). Fortement remaniée, elle se présente plus comme une poésie à part entière, inspirée de l’originale. Du côté français, il existe encore quelques traductions plus littérales mais hélas peu convaincantes. Alors face à tout cela, nous avons décidé de vous proposer, en toute modestie, notre propre adaptation de ces confessions de Golias et cet Estuans intrinsecus; l’idée étant d’approcher le sens originel de cette poésie, nous n’avons pas cherché la rime à tout prix. Nous y reviendrons sans doute plus tard; un peu comme un bon vin, il faut toujours un peu de temps pour s’approprier une poésie.
ira vehementi in amaritudine loquor mee menti: factus de materia, cinis elementi similis sum folio, de quo ludunt venti.
Colère Bouillonnante aux relents amers Je vous livre ma pensée: Moi qui suis fait de matière, élément de poussière, Je suis semblable à la feuille dans le vent joueur.
Cum sit enim proprium viro sapienti supra petram ponere sedem fundamenti, stultus ego comparor fluvio labenti, sub eodem tramite nunquam permanenti.
Comme il est approprié pour un homme sage, d’asseoir sur pierre solide fondations et bases, Je suis, quant à moi, un fou un ruisseau sauvage, suivant le même trajet sans jamais dévier.
Feror ego veluti sine nauta navis, ut per vias aeris vaga fertur avis; non me tenent vincula, non me tenet clavis, quero mihi similes et adiungor pravis.
Navire sans matelot Je vais, je dérive, et, dans l’air, comme l’oiseau me laisse porter, Nulle chaîne qui me tienne, Nulle clef qui me lie, Je cherche ceux comme moi Et rejoint leurs meutes.
Mihi cordis gravitas res videtur gravis; iocus est amabilis dulciorque favis; quicquid Venus imperat, labor est suavis, que nunquam in cordibus habitat ignavis.
La gravité de mon cœur m’est trop lourd fardeau; plaisanter plus agréable, plus doux que le miel. Que Vénus me commande et la tâche est douce, car elle n’habite jamais dans le cœur des faibles.
Via lata gradior more iuventutis inplicor et vitiis immemor virtutis, voluptatis avidus magis quam salutis, mortuus in anima curam gero cutis.
Je vais sur la large route, en pleine jeunesse, Me laissant aller au vice oubliant ma vertu, Avide de voluptés, Plus que de Salut; Et si mon âme est perdue Je soigne ma peau.
Bonne journée!
Fred pour moyenagepassion.com. A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes