Archives par mot-clé : danse médiévale

Une bonne et heureuse année 2024 à tous !

Bonjour à tous,

omme le veut la tradition, nous commençons ce nouvel an, en vous souhaitant une excellente année 2024 avec tous nos vœux de réussite, de santé et de bonheur.

Pour cette carte de vœux de 2024, nous avons choisi une enluminure festive extraite d’un best-seller incontesté du Moyen Âge français : le Roman de la Rose. De la fin du XIIIe siècle jusqu’à la Renaissance et au XVIe siècle, cet ouvrage rédigé par deux plumes très différentes a, en effet, connu un succès retentissant. Ce dernier fut tel qu’on en connait, encore aujourd’hui, près de 300 manuscrits anciens dont un partie importante est conservée en France, au départements des manuscrits de la BnF.

Une belle enluminure tiré du manuscrit médiéval Français 19137 et du roman de la rose pour notre carte de vœux 2024

Un best-seller du Moyen Âge sur l’aventure amoureuse

Maintes gens dient que en songes
N’a se fables non et mençonges;
Mais l’en puet tiex songes songier
Qui ne sunt mie mençongier.

Le Roman de la Rose,
Guillaume de Lorris (1200-1238)

Guillaume de Lorris, auteur de la première partie du Roman de la Rose, a débuté son récit en nous contant un rêve passé qui, finalement, s’est avéré prémonitoire. Dans ce songe fait quelques années auparavant, le poète s’était trouvé entraîné dans un étrange jardin pour y faire la découverte de l’Amour, de ses attraits et ses charmes comme de ses obstacles.

Quelques années plus tard, le récit de Guillaume de Lorris sera repris par Jean de Meung là où il l’avait laissé. Erudit et clerc à la plume plus critique et acerbe, ce deuxième auteur donnera un nouveau souffle et une nouvelle profondeur au roman. Plus satiriques par endroits, ses ajouts susciteront même quelques débats houleux chez certains penseurs des siècles suivants.

Amour, joie et surtout paix & fraternité pour 2024

Le sujet de l’enluminure du Roman de la rose que nous avons choisi pour notre carte de vœux se retrouve dans de nombreux manuscrits illustrés médiévaux et renaissants. Celle-ci est tirée du manuscrit Français 19137 de la BnF. L’ouvrage, daté du XVe siècle, contient divers textes en français donc le Roman de la Rose, ainsi que La consolation de la philosophie de Boèce traduit par Renaud de Louhans. Ce manuscrit ancien peut être consulté sur le site de Gallica.

L’illustration représente la carole à laquelle assiste l’auteur à son arrivée dans le jardin. Amour mène cette danse joyeuse entouré de plusieurs personnages. Il tient à la main une flèche prête à toucher le poète au cœur. Ce dernier est, pour l’instant, penché sur la fontaine : celle là même qui avait piégé le pauvre Narcisse épris de son image. En fait de s’abîmer dans sa propre contemplation, Guillaume de Lorris apercevra le reflet d’un buisson de roses dans l’eau. Son aventure et sa quête amoureuse est sur le point de commencer.

Joie, amour, danse et insouciance, que pourrait-on souhaiter de mieux pour le monde en 2024 ? Après les tragiques événements de cette année et de la précédente, il nous semble que c’est aussi de paix et de fraternité dont l’humanité ait besoin et de beaucoup moins de va-t-en-guerre de tous bords, et notamment les plus dangereux, ceux qui officient dans les milieux politiques, technocratiques et médiatiques… Alors tant pis ! Même si le message peut encore paraître un peu naïf dans ce monde empreint de cynisme, de notre côté, nous formons le vœux, ou peut-être le rêve, pour marcher dans les pas de Guillaume de Lorris, que cette année 2024 voit enfin le conflit ukrainien se résoudre dans la paix, ainsi que celui qui touche de près le Moyen-Orient et encore tous ceux qui font saigner le continent africain.

Encore une très bonne année 2024 à tous !

Frédéric Effe
Pour Moyenagepassion.com
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« Hélas, mon cueur », une chanson courtoise du manuscrit de Bayeux

Sujet :  chanson, musique, médiévale, poésie médiévale,  manuscrit de Bayeux, amour courtois, loyal amant, courtoisie, chanson d’amour.
Période  : Moyen Âge tardif (XVe)
Auteur :  anonyme.
Titre :  Hélas, mon cueur n’est pas à moy
Interprète  : Ensemble La Maurache
Album :  Dance at the court of the Dukes of Burgundy (1988)

Bonjour à tous,

n ce mois de rentrée, nous reprenons notre exploration des chansons, de la musique et de la littérature du Moyen Âge avec une pièce tirée du célèbre manuscrit de Bayeux. Composé entre la fin du XVe siècle et les débuts du XVIe, ce bel ouvrage enluminé contient un peu plus de 100 chansons notées musicalement, datées, elles-mêmes, du XVe siècle.

Du point de vue des thèmes abordés, le manuscrit de Bayeux reste un chansonnier plutôt éclectique. Si l’amour et la lyrique courtoise y trouve une belle place, le travail de compilation a aussi fait la part à d’autres thèmes plus populaires : chansons satiriques et humoristiques, chansons à boire ou encore chansons plus politiques et narratives, … Aujourd’hui conservé au département des manuscrits de la BnF, dans un superbe état, il est aussi disponible à la consultation sur le site Gallica.

"Hélas, mon cœur" la chanson médiévale du jour et ses enluminures dans le chansonnier Ms Français 9436
La chanson du jour notée musicalement dans le Manuscrit de Bayeux original

Le chant courtois d’un amant dépossédé

La chanson du jour est une pièce inspirée de la lyrique courtoise. Il s’agit de la deuxième dans l’ordre du ms Français 9346 de la BnF, plus connu sous le nom de Manuscrit de Bayeux. Comme on le verra, l’amant implore sa douce amie de le garder en ses faveurs, tout en lui faisant des invitations explicites et même plutôt légères. On retrouvera également mentionner les éternels médisants (ici désignés comme envieux), qui accusent le poète de jouer un double jeu entre ses conquêtes. Est-il tout à fait loyal ? Peut-être pas tant que cela et le fait qu’il implore le pardon de la belle laisse quelque place au doute.

Autre difficulté de compréhension, la poète nous explique qu’il aurait composée cette chanson « à l’ombre d’un couppeau de moy« . Le mot pourrait désigner « le sommet d’un arbre couvert de ses premières feuilles » (cf Le Manuscrit de Bayeux, textes et musiques d’un recueil de chanson du XVe siècle, Théodore Gérold,1921). ie : une chanson composée « à l’ombre de mes (propres) frondaisons » ? On pourrait voir là une allusion printanière, finalement assez classique en lyrique courtoise. Quelle meilleure période, en effet, que celle du « renouveau » pour chanter l’amour ? L’auteur aurait-il voulu aussi jouer sur les proximités sonores entre les mots « mai » et « moé » ? « A l’ombre d’un couppeau de moé » … « A l’ombre d’un couppeau de may » ? C’est peut-être un peu capillotracté.

D’autres sens cachés sous les frondaisons ?

En creusant un peu, on trouve encore une définition de « coupeau » désignant le sommet d’une montagne ou le faîte de quelque chose. La poète aurait-il utilisé une image pour signifier « de toute sa hauteur » ? Autrement dit, « j’ai composé cette chanson avec tout ce que je possède, avec tout mon talent de plume » ? L’allusion aux frondaisons printanières semble largement plus parlante et sûrement plus dans l’esprit courtois.

En cherchant dans le dictionnaire de Trévoux, on retrouve encore une définition intéressante de « coupeau ». Au sens figuré, le vocable aurait désigné un mari trompé ou l’infidélité d’une femme à l’égard d’un homme. En l’absence de datation précise de cet usage dans le Trévoux, il est difficile de savoir si l’auteur a voulu jouer ici sur le double-sens des mots. Le cas échéant, cela pourrait éclairer d’autant sa supplique, en renforçant l’allusion sur sa tromperie et la clémence qu’il sollicite. En fait d’amant loyal, on aurait donc plutôt à faire à un amant léger et une chanson un peu plus grivoise ou railleuse qu’elle ne pourrait le laisser paraître ?

Dans l’attente de recherches plus approfondies, nous nous garderons de trancher entre toutes ses pistes. L’hypothèse courtoise au premier degré reste peut-être la plus évidente. N’hésitez pas à commenter si vous avez des éléments ou des idées sur la question.

L’ensemble la Maurache
& « la danse à la cour des ducs de Bourgogne »

Pour la version en musique, nous avons choisi une interprétation de l’ensemble de musiques médiévales et renaissantes La Maurache, sous la direction de Julien Skowron.

Musique et danse médiévales à la cour de Bourgogne, oar l'ensemble La Maurache

En 1988, la formation faisait paraître un album sur les danses du Moyen Âge tardif et de la Renaissance, à la puissante cour de Bourgogne : « La Danse à la Cour des Ducs de Bourgogne« . Entre basses danses, branles, pavanes et saltarelles mais aussi chansons, on pouvait y trouver 25 pièces musicales datées des XVe et XVIe siècles, exécutées avec brio. Pour être issues de l’Europe médiévale, les pièces présentées dans cet album restent de provenance et d’origines assez diverses et sont issues de manuscrits variés : de l’Allemagne, à la France, l’Italie ou l’Espagne d’alors. De fait, la chanson du jour est, en réalité, la seule à être tirée du manuscrit de Bayeux.

Avec près de 68 minutes d’écoute, cet album de choix, édité chez Arion, est sorti à l’occasion du quatrième centenaire de l’Orchésographie » de Thoinot Arbeau. On peut encore se le procurer à la vente au format CD ou même digitalisé MP3. Voici un lien utile pour plus d’informations.

Musiciens ayant participé à cet album

Nicole Robin (chant soprano), Claudine Prunel (clavecin), Hervé Barreau (chant, bombarde, chalémie, cornemuse, instruments à vent), Francisco Orozco (chant, luth, guiterne, percussions), Julien Skowron (chant,  rebec, Jouhikko, Viole de gambe), Georges Guillard (orgue portatif, clavecin, régale), Marcello Ardizzone (orgue, rébec, viole de gambe, citole, tournebout, percussions), Bernard Huneau (chant, flûte traversière, flûtes, tournebout, bombarde, percussion), Louis Longo (Sacqueboute), Henri Agnel (luth, cistre, darbouka, crotales, percussions), Franceoise Delalande (Viole de Gambe, percussions), Muriel Allin (viole de gambe)


Hélas, mon cueur n’est pas à moy,
dans le moyen français du manuscrit de Bayeux


Hélas, mon cueur n’est pas à moy,
Il est à vous, ma doulce amye;
Mais d’une chose je vous prie:
C’est vostre amour, gardez le moy
C’est vostre amour, gardez le moy.

Bien heureux seroye sur ma foy,
Se vous tenoys en ma chambrette
Dessus mon lict ou ma couchette,
Plus heureus seroys que le roy
Plus heureus seroys que le roy.

Faulx envyeux parlent de moy
Disant de deulx j’en aymes une.
De cest une j’ayme chacune
Plus qu’on ne pence sur ma foy
Plus qu’on ne pence sur ma foy.

Je vous supply, pardonnez moy,
Et ne mectez en oubliette
Celuy qui la chanson a faicte
A l’ombre d’ung couppeau de moy
A l’ombre d’ung couppeau de moy.


Découvrir d’autres chansons du manuscrit de Bayeux ici :     le roy  engloys  –  La belle se siedUng espervier venant du vert boucaigeTriste plaisir & douloureuse joyeHélas Olivier Basselin

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Vielle à roue : une danse d’inspiration médiévale mêlée de sonorités slaves, signée Andrey Vinogradov

musique_folk_ethno-musicologie_sonorites_medievales_vielle_a_roue_russieSujet : musiques anciennes, inspiration médiévale, folk, ethnomusicologie, musiques traditionnelles, vielle à roue, danse médiévale,
Titre :    Reverse dance,   Medieval Dance.
Compositeur/ Interprête  :  Andrey Vinogradov
Album  :   Music For Hurdy-Gurdy, 2016.
Média  : chaîne youtube officielle de l’artiste

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui,  nous effectuons un retour en musique aux inspirations médiévales du compositeur et joueur de vielle à roue Andrey Vinogradov. Cette fois, c’est une pièce dansée que nous propose le maître de musique russe.  Conforme à son style, mais aussi aux sonorités de cet instrument unique, sa composition s’étire du côté de répétitions envoûtantes. Elle a pour titre « Reverse dance » et nous espérons que vous l’apprécierez autant que nous l’apprécions nous-même. 

L’album d’Andrey Vinogradov

musique_folk_danse_medievale_vielle_a_roue_Andrey_Vinogradov

Pour rappel, l’album de ce talentueux musicien est toujours  disponible à la vente en ligne, au format CD ou même MP3 dématérialisé. Pour plus d’informations, vous pouvez vous reporter au lien suivant   Music for Hurdy-Gurdy by Andrey Vinogradov

Découvrez d’autres articles au sujet de  ce  musicien que le Moyen Âge inspire :   Spiral, Medieval   Dance Ballade nordique

En vous souhaitant une belle journée.
Fred

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La Quinte Estampie Royale dans un album de Anne Azema, dédié au culte marial et ses miracles

chanson_musique_danse_medievale_manuscriit_ancien_français_844_chansonnier_du_roi_moyen-ageSujet :  danse, musique médiévale,   estampie,  manuscrit ancien, chansonnier du Roy, trouvères, troubadours, Miracle, Vierge Marie, Culte marial,  Français 844, chansonnier du Roy.
Période :  moyen-âge,  XIIIe siècle.
Auteur :  anonyme
Titre    : La quinte estampie royale
Interprètes    :   Anne Azema – Shira Kammen
Album : Etoile du nord – Le Miracle Médiéval (2003)

Bonjour  à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn 2003, la directrice d’orchestre, musicienne et chanteuse soprano Anne Azema sortait un album dédié aux poésies et chansons médiévales sur le thème des miracles de la Vierge, ayant pour titre: Gauthier de Coincy. Etoile du Nord, le Miracle médiéval.

De Coincy. Etoile du nord, le miracle marial
par Anne Azema

Avec onze pièces datant du moyen-âge central, Anne Azema faisait le choix, dans cet album, d’une formation réduite à minima, en s’accompagnant uniquement de la talentueuse vielliste et instrumentiste américaine Shira Kammen. Du reste, les deux artistes n’en étaient pas à leur première collaboration puisqu’elles avaient déjà eu l’occasion d’exercer leur talent mutuel et leur complicité, bien avant cela, et notamment dès le début des années 90, dans le cadre de la Boston Camerata et de la  Camerata Mediterranea.

culte-marial-medieval_miracle_vierge-marie_album_musique-poesie_moyen-age_Anne-Azema

Du point de vue des pièces présentées, l’idée directrice de  Anne Azema était la mise en miroir des miracles chantés ou narrés par les trouvères du Nord de la France avec ceux de l’Espagne médiévale. A ce titre,, l’oeuvre majeure compilée par Alphonse X le Sage de Castille dont nous sommes familiers ici (voir index des Cantigas de Santa Maria) y tenait une bonne place.

Contenu de l’album

On peut ainsi  trouver, dans cette Etoile du Nord, des compositions de trouvères célèbres de la fin du XIIe et même plutôt du XIIIe, siècle florissant du culte marial : une chanson de Rogeret de Cambrai, une de Thibaut de Champagne, trois Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse le Sage et encore quatre pièces de Gauthier de Coincy, qui occupe un place particulière dans cet album puisque ce dernier lui est dédié. On peut encore y écouter deux pièces demeurées anonymes dont la Quinte Estampie Royale du manuscrit médiéval Français 844 ou Chansonnier du roy que nous vous présentons ici. En terme de contenu, ce n’est, certes, pas la plus représentative de l’album et elle pourrait même sembler y faire un peu office d’interlude, mais comme elle est, à l’image du reste des pièces, très réussie, nous avons jugé intéressant de vous la faire connaître.

Du point de vue distribution, l’album est encore édité à ce jour et toujours disponible à la vente en ligne. On peut le trouver au format  CD, mais aussi au format digitalisé, ce qui offre l’avantage de pouvoir en pré-écouter les différentes titres pour s’en faire une meilleure idée ; L’album Etoile du Nord: le miracle médiéval, de Anne Azema

La quinte estampie royale sous la vielle de Shira Kammen

Gauthier de Coincy (1177-1236)

Disons un mot ici de Gauthier de Coincy (Gautier) avant que l’occasion nous soit donnée, d’en faire un portrait plus complet. On doit à ce moine trouvère de la fin du XIIe et des débuts du XIIIe siècle nombre de chansons et récits de Miracles au sujet de la vierge ( Les Miracles de notre Dame). Certains inspireront même d’autres auteurs médiévaux et notamment certaines Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille.

Dans cet album, on notera parmi les pièces présentées du trouvère, de courts récits de miracles mais aussi de beaux échantillons de son talent courtois. Sa chanson « Ja pour yver, pour noif ne pour gelee »  notamment, est une véritable ode à la vierge et à son amour sur le modèle de la lyrique courtoise des troubadours. Nous aurons assurément l’opportunité de vous la présenter plus tard dans le temps.

Ecouter une autre version de la Quinte estampie par le Early Music Consort of London.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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