Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

Tous vêtus de la même peau, une ballade sur l’égalité des hommes par Eustache Deschamps

poesie_litterature_ballade_medievale_egalite_homme_eustache_deschamps_morel_moyen-age_tardif_chrétienSujet : poésie satirique, politique, morale, littérature médiévale, ballade, français ancien, égalité, moyen-âge chrétien.
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : « tous d’une pel revestus » « ballade sur l’égalité des hommes »
Ouvrage : Œuvres inédites d’Eustache Deschamps, Prosper Tarbé (1849)

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici une ballade poétique et morale comme Eustache Deschamps en a le secret. Partant de la référence biblique à Adam et Eve, l’auteur médiéval réaffirme ici l’égalité des hommes entre eux. Sous couvert d’adresser cette poésie à tous, il medieval_frisure_decoration_ornement_moyen-age_passionfaut bien sûr lire, entre ses lignes, l’insistance qu’il met à rappeler cette vérité morale et politique aux rois, aux seigneurs et aux nobles, afin qu’ils se gardent de la condescendance comme du mépris.

On sait que le thème lui est cher et qu’il ne se prive jamais, au risque de déplaire, de rappeler aux puissants autant que leurs obligations, la vacuité de la vanité devant les richesses, les possessions ou les ambitions de conquêtes, devant les hommes, devant la mort, et encore et par dessus tout devant Dieu. Vilains ou nobles, tous vêtus de la même peau, nous dit ainsi, avec sagesse, Eustache le moraliste. Cette affirmation de l’égalité des hommes au delà de leur condition sociale, sera reprise dans des termes plus séculiers et consignée en lettres d’or, bien longtemps après lui, dans une célèbre déclaration, mais on le voit ici, un certain moyen-âge chrétien pouvait aboutir, par d’autres voies, aux mêmes conclusions.

Ballade de l’égalité des hommes (1382)
d’Eustache DESCHAMPS

Du point de vue langagier, le français ancien d’Eustache Deschamps appartient au français moyen ou moyen français. C’est une langue qui s’affirme au moyen-âge tardif comme la langue officielle en se différenciant des autres formes de la langue d’oil ou des autres idiomes parlés sur les terres de France.

Même s’il lui reste, au XIVe siècle, encore un peu de chemin à faire pour conquérir l’ensemble du territoire, autant que pour se formaliser et donner naissance au français classique, cette langue demeure toutefois bien plus compréhensible pour nous que le vieux français des XIIe et XIIIe siècles. De fait, pour vous permettre de comprendre cette ballade d’Eustache Deschamps  nous ne vous donnons ici  que quelques indications et quelques clés de vocabulaire.

Traduttore, Traditore…

Concernant la méthode permettant d’arriver à nos indications, nous croisons le sens des mots ou expressions présentant des difficultés, à l’aide de plusieurs dictionnaires anciens. Même ainsi, il reste parfois  difficile de percevoir toutes les nuances et les subtilités de certains termes usités mais cela permet, tout de même,  de s’en faire une idée relativement correcte. Au sujet des dictionnaires de vieux français ou de français ancien, il en existe de très nombreux et de toutes tailles qui couvrent des périodes variables (sans forcément qu’ils soient tous très précis ou spécifiques sur ce point).

dictionnaire_français_moyen_ancien_hilaire_van_daele_poesie_litterature_medieval_etymologie_definition_recherchesQuant  aux difficultés que  peuvent présenter certains vocables en usage chez Eustache Morel Deschamps, je dois avouer qu’un petit dictionnaire particulièrement bien fait s’est avéré extrêmement utile dans bien des cas. A toutes fins utiles. Il s’agit du Petit Dictionnaire de l’Ancien Français de Hilaire Van Daele (1901). On en trouve des versions digitalisées en ligne.  Si vous préférez acquérir le format papier, souvent plus pratique et plus rapide à manipuler, vous pouvez cliquer sur la photo ci-dessus ou sur le lien suivant: Petit Dictionnaire de l’Ancien Français 


Enfans, enfans, de moy Adam venuz,
Qui après Dieu suis père primerain
Crée de lui, tous estes descenduz
Naturellement de ma coste et d’Evain :
Vo mère fut. Comment est l’un villain
Et l’autre prant le nom de gentelesce* ? , (noblesse)
De vous frères, dont vient tele noblesceî
Je ne le sçay ; si ce n’est des vertus,
Et les villains de tout vice qui blesce :
Vous estes tous d’une pel* revestus. (peau)

Quant Dieu me fist de la boe où je fus,  (boue)
Homme, mortel, foible, pesant et vain,
Eve de moy, il nous créa tous nuz:
Mais l’espérit nous inspira à plain
Perpétuel; puis eusmes soif et faim,
Labeur, dolour, et enfans. en tristesce
Pour noz péchiez enfantent à destresce
Toutes femmes: vilment* estez conçus ; (grossièrement)
Dont vient ce nom villain, qui les cuers blesce.
Vous estes tous d’une pel revestuz.

Les roys puissans, les contes et les dus,
Le gouverneur du peuple et souverain,
Quant ils n’àissent de quoy, sont ils vestus?
D’une orde* pel.— sont ils d’autres plus sain? (impure)
Certes nennil* : mais souffrent soir et main* (non point) (matin)
Froidure et chault, mort, maladie, aspresce* (rudesse, âpreté)
Et naissent tous par une seule adresce,
Sans excepter grans, pelis ne menus.
Se bien pensez à vo povre fortresce :
Vous estes tous d’une pel revestus.


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Hé compaignons resvelons-nous ! un chant polyphonique festif du XVe, de Guillaume Dufay

musique_medievale_ancienne_guillaume_dufay_XV_moyen-age_tardifSujet: chant polyphonique, chanson, musique médiévale, ancienne, chant profane, chanson festive, à boire.
Période : Moyen Âge tardif (XVe)
Auteur : Guillaume Dufay (1400-1474)
InterprèteDiabolus in Musica
Titre : « Hé compaignons, resvelons nous »
Album : Mille Bonjours (2007 – ALPHA Productions)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous partageons un rondeau joyeux de Guillaume Dufay (Du Fay) composé autour de 1427. C’est un chant polyphonique festif issu du répertoire profane du maître de musique du XVe siècle auquel nous avions déjà dédié plusieurs articles dont un portrait et des éléments de biographie ici. On retrouve également ce chant dans le codex référencé MS Canonici 213 de la Bodleian library (Oxford) dont nous vous parlions dans ce même article, aussi nous vous y renvoyons, si vous souhaitez plus de détails sur ce manuscrit ancien.

Diabolus in Musica, musiques médiévales,
recherches historiques et sens du partage

Plus l’on se penche sur la musique médiévale et sur les artistes qui tentent par leur travail de recherche et d’interprétation de la faire revivre, et plus on découvre des formations de grande qualité. C’est le cas de celle d’aujourd’hui.

musique_repertoire_medieval_francais_ethno-musicologie_guillaume_dufay_ensemble_diabolus_in_musica_moyen-age_central_tardif

Formé en 1992 par Dominique et Pierre Touron et dirigé par Antoine Guerber, – qui, en plus d’être un talentueux directeur, est aussi ténor, harpiste, joueur de Guiterne (voir photo) et de divers tambours – l’ensemble Diabolus In Musica se dédie tout entier au répertoire musique_medievale_manuscrit_ancien_codex_213_canonici_guillaume_dufaymédiéval, avec une prédilection pour les compositeurs français et pour le Moyen Âge central. Ils ont déjà consacré vingt albums à  ce vaste sujet, recevant, au passage, la grande reconnaissance des milieux de la musique ancienne ou classique, à travers des prix et Awards variés.

Nous sommes avec cette formation sur un territoire que nous affectionnons tout particulièrement, entre ethnomusicologie et art vivant, c’est à dire entre l’humble ambition de restituer les compositions médiévales au plus près de leurs sonorités et de leur esprit, et celle d’émouvoir et d’initier le public moderne à la force et la beauté de la musique en provenance du Moyen Âge.

Agenda, concerts et actualité

Au niveau des concerts et des performances scéniques, on a pu retrouver l’ensemble  Diabolus in Musica tour à tour sur des pièces de musiques sacrées ou profanes et même à l’occasion de représentations à la fusion de la musique et du théâtre. Ce fut notamment le cas d’un spectacle complet autour du Perceval et du Conte du Graal de Chrétien de Troyes.

Du ami_francois_assise_antoirne_guerber_musique_medievale_anceinne_XII_sieclecôte de leur agenda, ils sont actuellement en tournée au Pays-bas et nous vous conseillons si vous voulez les suivre efficacement de le faire via leur page Facebook.

Enfin dernières mentions du côté de l’actualité de leur directeur, à la fin 2016, Antoine Guerber était appelé à collaborer au niveau musical, sur la bande son du film « L’Ami François d’Assise et ses frères » de Renaud Fély et Arnaud Louvet (consacré comme son titre l’indique à Saint-François d’Assise). Il est également régulièrement l’invité de programmes de Radio France autour des musiques anciennes, classiques ou médiévales.

Mille bonjours, l’album.
chansons de Guillaume Du Fay

L’album « Mille Bonjours » qui date de 2007 était dédié tout entier à des chansons de Guillaume Dufay. Il a été primé et a reçu le prix « Supersonic » du Magazine Luxembourgeois  consacré à la Musique Classique Pizzicato.

Tristesse et deuils,  louanges royales et princières, amour courtois et amant transi, mais encore joies et fêtes, l’ensemble Diabolus in Musica nous y invite à plus d’une heure quinze en compagnie du compositeur médiéval. Dix-neuf pièces y sont présentées, qui explorent le répertoire profane de Dufay et suivent les contours de ses émotions et de son art, au fil de rondeaux, de ballades ou encore de bergerettes (ces poésies pastorales typiques du XVe) variés.

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L’album est disponible à la vente en ligne sur Amazon. En voici le lien si vous souhaitez plus d’informations: Guillaume Du Fay: Mille Bonjours!  Vous pouvez également cliquer sur l’image ci-dessus.


He Compaignons, les paroles de la chanson de Guillaume Du Fay en français moyen

He, compaignons, resvelons nous (1)
Et ne soions plus en soussy :
Tantost vendra le temps joly,
Que nous aurons du bien trestous (2).

Laissons dire ces jauls jalous
Ce qu’ils veulent je vous en pry.

He, compaignons …

Quant est de moy, je boy a vous,
Huchon, Ernoul, Humblot, Henry,
Jehan, Francois, Hugues, Thierry,
Et Godefrin dira a tous:

He, compaignons …

(1)  réveillons-nous
(2)  qui sera bon pour nous tous


En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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1964-1978 Eric Rohmer à la rencontre des légendes arthuriennes et du Perceval de Chrétien de Troyes.

chrétien_de_troyes_legendes_arthuriennes_litterature_medievale_conte_du_graal_moyen-age_central_XIIe_siecleSujet : légendes arthuriennes, littérature médiévale,
Période : moyen-âge central, XIIe
Auteur : Chrétien de Troyes (1135-1185)
Titre : le conte de Graal ou Perceval le Gallois
Média : documentaire et trailer
Réalisateur :  Eric Rohmer

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn 1964,  bien avant la sortie de son film Perceval le Gallois, le cinéaste Eric Rohmer connaissait déjà bien son sujet. Il en faisait la démonstration en réalisant un documentaire de vingt minutes sur le roman de Chrétien de Troyes pour le compte de l’institut Pédagogique National et dans le cadre de la série « En profil dans le texte ».

eric_rohmer_regards_sur_chetien_de_troye_perceval_le_gallois_litterature_medieval_moyen-age_centralPour ceux qui ne connaissent pas du tout le Perceval de Chrétien de Troyes et qui souhaiteraient en avoir une première approche, voila donc une excellente introduction. Peut-être vous donnera-t’elle l’envie d’aller au plus près d’un des textes fondateurs des légendes arthuriennes à la française. Comme nous l’expliquait Richard Trachsler dans une conférence sur le roman arthurien donnée à la grande Ecole des chartes, Chrétien de Troyes  semble bien avoir été, et de loin, l’un des auteurs les plus populaires du corpus arthurien durant la période médiévale. De fait, on peut difficilement s’intéresser aux légendes arthuriennes en en faisant l’économie.

Ce documentaire d’Eric Rohmer a, en quelque sorte, une double valeur historique. La première renvoie, bien sûr, au moyen-âge central et aux prémices du roman arthurien à la française: les vers de Chrétien de Troyes feront date et marqueront à jamais le cycle de la légende du Graal.  Pour ce qui est de la deuxième valeur historique de ce programme, elle concerne le septième art et nous témoigne de l’intérêt de longue date d’Eric Rohmer  pour l’oeuvre de chretien_de_troyes_litterature_auteur_medieval_moyen-age_central_XIIe_legendes_arthuriennes_perceval_graalChrétien de Troyes avant de la porter sur grand écran.

(Gravure supposée de Chrétien de Troyes, anonyme,  XVIe siècle BnF)

Illustré par de nombreuses enluminures d’époque et quelques beaux extraits de l’oeuvre originale, nous suivons ici, pas à pas, le Perceval de Chrétien de Troyes. C’est le plus ingénu des chevaliers d’Arthur, mais aussi celui qui sera le plus proche d’atteindre le but ultime de la quête : le Saint Graal. On regrette presque que le programme n’ait pu être réalisé en couleurs pour apprécier à plein les enluminures, mais hormis cela, sa valeur pédagogique n’a pas pris une ride au moment d’approcher ce très célèbre conte du moyen-âge central.

Le Conte du Graal

« Et lui, qui ne savait son nom, le devine et répond qu’il s’appelait Perceval le Gallois. Il ne sait s’il dit vrai ou non, mais il disait vrai, bien qu’il n’en sût rien. »
Chrétien de Troyes – Perceval le Gallois ou Le Conte de Graal 

Ceux qui connaissent le Kaamelott d’Alexandre Astier ne pourront s’empêcher de sourire à la lecture de la citation en prose ci-dessus  (« Provençal le Gaulois ! même pas foutu de connaître son nom). Il faut dire que le Perceval de Chrétien de Troyes semble personnifier l’ingénuité et la spontanéité qui l’accompagne. On se souviendra notamment de la première apparition de ce personnage dans le roman médiéval et de sa rencontre avec les chevaliers qu’il prend pour des anges et qu’il harangue de ses questions, au risque d’émousser la patience de certains d’entre eux, par son ignorance.

Le Conte du Graal Perceval, Chrétien de Troyes Manuscrit ancien, 12577 Bnf (1330)
Le Conte du Graal Perceval, Chrétien de Troyes Manuscrit ancien, 12577 Bnf (1330)

Avec le roman de Perceval le Gallois, Chrétien de Troyes nous contera donc le voyage initiatique de ce jeune « valet » d’abord tenu loin du monde et qui sera finalement rattrapé par sa destinée, à la grande tristesse de sa mère qui avait tout fait pour le préserver de l’univers de la chevalerie, de crainte qu’il n’en périsse comme ses frères et son père avant lui. Finalement adoubé, Perceval se signalera par ses faits, mais il  passera pourtant à côté des épreuves les plus importantes qui lui seront soumises sans les relever, même si ce sera pour mieux en tirer les leçons.

Le paradoxe d’une innocence nécessaire et nécessairement perdue

Cette parabole d’un Perceval, « récipient » vide ou récipiendaire » qui fait de son mieux pour s’emplir des valeurs de la chevalerie, les suivant même trop littéralement, pour finir par comprendre qu’il  aurait dû savoir s’en affranchir et dépasser sa timidité pour deco_medievale_epeerejoindre sa véritable destinée est à l’image même de la difficulté de la quête du Graal. L’erreur et l’errance sont nécessaires dans ce parcours qui conduit au dépassement de soi véritable et à la renaissance dans les valeurs chrétiennes qui deviennent ici, et plus que jamais, indissociables de celles de la chevalerie.

Paradoxalement, cette innocence qui semble presque être une des raisons, sinon une des conditions nécessaires pouvant expliquer le succès de Perceval, est à jamais perdue mais peut-être n’a-t-elle pas été sacrifiée en vain ? La leçon sera lourde pourtant qui résonnera comme une sentence imparable et une malédiction pour n’avoir pas poser les bonnes questions qui auraient pu sauver le roi et le royaume, autant que pour avoir laissé mourir sa mère. A peine nommé « Perceval le Gallois » le voilà déjà rebaptisé « Perceval l’infortuné ».

Le Conte du Graal Perceval, Chrétien de Troyes Manuscrit ancien, 12577 Bnf (1330)
Le Conte du Graal Perceval, Chrétien de Troyes Manuscrit ancien, 12577 Bnf (1330)

« Perceval l’infortuné. Ah ! malheureux Perceval, comme il t’est mésavenu de n’avoir pas posé ces questions. (sur le Graal et sur la lance) C’eût été un tel bienfait pour le bon roi infirme qu’il eût retrouvé l’usage de ses jambes et eût été désormais capable de gouverner sa terre. Et quel service rendu à tous les autres ! Mais maintenant sache qu’il. en coûtera cher à autrui et à toi. Et c’est ton péché qui en est la cause, car deco_medievale_epeetu as fait mourir ta mère de douleur. »
Chrétien de Troyes – Perceval le Gallois ou Le Conte de Graal 

Au final, le héros devra parvenir à trouver son propre chemin et sa propre vérité dans une allégorie du dépassement de soi qui passera par la transcendance. La quête du chevalier ne peut se faire sans Dieu. Dernier roman de Chrétien de Troyes, le conte de Graal restera inachevé et sans doute l’auteur médiéval a-t-il laissé ainsi involontairement ouvert le mystère de Perceval et de sa destinée, autant que celui du Graal, pour de longs siècles après lui. Le plus pur et le plus innocent des chevaliers de la table ronde était-il à jamais destiné à faillir ? Certains auteurs ont écrit leur propre suite, en le faisant triompher et en lui faisant trouver et, cette fois, saisir le Graal. Chrétien de Troyes n’en a pas eu le temps. L’aurait-il fait du reste?

Le Perceval d’Eric Rohmer sur grand écran

Il faudra pas moins de quatorze ans pour que la fascination d’Eric Rohmer pour l’oeuvre de Chrétien de Troyes et pour le personnage de Perceval le Gallois qu’il exprimait déjà dans ce documentaire, prenne forme sur grand écran.

Loin des tendances visuelles du cinéma d’alors, le réalisateur décidera de coller à l’approche graphique médiévale pour les décors de son litterature_poesie_medieval_legendes_arthuriennes_chretien_de_troyes_perceval_gallois_conte_graal_eric_rohmer_documentaire_moyen-agefilm, utilisant des codes ambitieux qui ne seront pas décryptés par tous avec la même facilité. Les châteaux plus petits que les personnages, les décors plus théâtraux que cinématographiques, Eric Rohmer entendra situer son oeuvre dans un espace visuel reconstruit en référence aux miniatures médiévales, en prenant les codes du cinéma à contre-pied.

Nous partageons ici le trailer donné à l’époque pour présenter le film. On y reconnaîtra outre Fabrice Luchini qui décrochait là un premier rôle de taille, la présence de Arielle Dombasle en Blanchefleur et celle de André Dussollier en Gauvain.

Le choix de coller au plus près de l’oeuvre écrite avec des jeux d’acteurs qui, là aussi, s’inscriront dans un espace pas tout à fait vraiment théâtral mais pas sans doute pas non cinématographique, ne destinera pas le film au plus grand nombre, ni aux amateurs de format « standard ».  Il recevra tout de même de nombreux éloges et trouvera ses détracteurs et son public. Le film obtiendra d’ailleurs le prix Méliès en 1979 et 2 nominations aux César en 1980 et il est indéniable que Eric Rohmer signera là une oeuvre totalement originale et au plus près du texte de Chrétien de Troyes et de son roman arthurien médiéval.

En vous souhaitant une très belle  journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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Douzain d’un curé, l’humour satirique des débuts du XVIe siècle avec Melin Sainct-Gelays

poesie_medievaleSujet : douzain, poésies courtes,  ouvrage ancien. poésie satirique, humour médiéval, épigrammes
Période : moyen-âge tardif, renaissance
Auteurs : Melin Sainct-Gelays ou Mellin Saint- Gelais (1491-1558)
Titre : La fleur de poésie Françoyse, annoté par A Van BEVER, 1909

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons ici sur la fleur de poésie françoyse dont nous vous parlions, il y a quelques jours, pour vous faire partager, cette fois, un douzain largement plus drôle et satirique.

poesie_satirique_cour_humour_renaissance_XVI_moyen-age_tardi_saint_gelaisOn le doit à Melin Sainct-Gelays, poète de cour qui fut contemporain de Marot et qui connut lui aussi les faveurs de François 1er, puis d’Henri II. Même si avec le temps, Clément Marot lui a quelque peu damé le pion, ce poète était très prisé et reconnu de ses contemporains. L’esprit de Sainct-Gelays était en tout cas largement aussi aiguisé quand il s’agit d’humour et de satire. Il nous en donne aujourd’hui la preuve avec ce Douzain d’un curé

Au passage, son humour et ses railleries lui vaudront d’ailleurs quelques sérieuses inimitiés. Il fut notamment l’instigateur d’une querelle contre Ronsard, qu’il tourna en ridicule auprès de la cour en son absence ce qui donna lieu, une fois Ronsard informé du fait,  à une guerre ouverte par textes interposés qui dura plusieurs années.

poesie_satirique_ancienne_XVIe_Melin_Sainct_Gelays_renaissance_humour_douzain

« Nostre vicaire, ung jour de feste,
Chantoit ung agnus gringotté,
Tant qu’il povoit à pleine teste,
Pensant d’Annette estre escouté ;
Anette, de l’aultre costé,
Ploroit comme prise à son chant,
Dont le vicaire en s’approchant
Luy deist : Pourquoy plorez vous belle ?
Ha! messire Jan, ce deist elle,
Je plore ung asne qui m’est mort,
Qui avoit la voix toute telle
Que vous quant vous criez si fort. »
Melin Sainct-Gelays –
Epigramme douzain d’un curé

Une belle journée  à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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