Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales

Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …

Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.

En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.

Musique medievale fantastique: neuheulbeuk, geek culture & humour de rôliste

Sujet : humour médiéval, humour viking, musique, geek culture, geek
Groupe : Naheulband
Auteur : John Lang (le donjon de  Naheulbeuk)
Période : médiéval fantastique
Titre :  Mon ancêtre Gurdil

Geek un jour, Geek toujours avec l’excellent Neuheulband

Bonjour à tous,

I_lettrine_moyen_age_passion copial faut bien assumer un peu ses racines et, je pense, sans me tromper pouvoir compter dans les rangs de tout ceux qui tiennent quelque part de l’homme cavernicole doté d’une « Cyber touch » et que l’on appelle communément les « Geeks ». En tout cas, j’ai un pied dans cette culture, ça ne fait aucun doute. Pour en donner une définition, le Geek est un peu un genre d’homme des cavernes mais avec une prise dans le mur (voir cinq ou six pour les geek_culture_humour_medieval_fantasy_moyen-age_fantastique_neuheulbandpériphériques!) et une ADSL gros débit, cavernicole donc mais cyber aussi. Voici d’ailleurs un certain nombre d’arguments qui pourrait sans doute et pour partie m’identifier à un de ces êtres étranges :

1/Pour être tombé, alors encore tout jeune et innocent dans la marmite des premiers PCs et finalement ne jamais en être vraiment sorti. Oui! Je sais ce que c’est qu’un émulateur de mémoire paginée et que se battre avec un fichier .ini.

2/Pour avoir passé plus d’heures à jouer ou à tourner autour des innombrables applications ludiques, graphiques, anamorphiques, sympathiques, idiosyncratiques  et même quelquefois pathétiques (y en a plein aussi) de cette carcasse de fer mystérieuse, que sur un terrain de foot d’un côté ou l’autre, gazon ou tribune ou même devant la sacro Sainte déesse télévision, sacrifiée sur l’autel des vendeurs de salades en boite et de jus lyophilisés à l’orange OGM croisée avec des têtes de sardines pour les vitamines.

Si tu ne comprends pas cette image, tu n’es pas trop Geek

3/Pour aimer les pizzas à emporter que j’ai, oui je l’avoue, trop souvent, dégusté devant mon PC. (même si avec le temps je me soigne, ça m’arrive encore).

4/Pour avoir quelques vieilles boites de jeu qui traînent encore quelque part avec des règles super compliquées que si tu sors ça devant des néophytes ou des pas geeks, ils te regardent et te disent: « tu veux pas plutôt faire un Yams ou un 4 21? » Super décevant, je sais… J’en pleurerais.

humour_geek_culture_naheulbeuk_naheulband_musique_moyen-age_fantaisie_medieval_fantastique

5/Pour savoir ce qu’est un D20 et avoir peint, même à mes heures, des figurines en plomb. Très entre nous, seuls ceux qui ont tenu une fois entre deux doigts un Frodon de 0,7 cm de haut avec un anneau à son cou de 2 millimètres, la langue tirée et le pinceau à un poil de l’autre main pour faire le reflet de lumière dans l’anneau unique, savent ce que ça veut vraiment dire que d’être barré. Là croyez moi, il n’est pas medieval_fantasy_geek_culture_humour_medieval_naheulbeuklourd que pour le mythique héros hobbit du seigneur des anneaux, l’anneau en question. (ci-contre sur la photo ce n’est pas Frodon. Si vous ne le savez pas vous n’êtes définitivement pas trop Geek.)

6/Pour savoir que quand un jeu de plateau a des cases hexagonales c’est pas juste pour faire joli et que même, sur les cases du Marais Maudit de Nyarladhur, y a un sale facteur de ralentissement et des saloperies de tirs de jets de dés qui peuvent te sortir des sangsues , grosse comme un bras d’enfant, qui te font perdre -2 pt de résistance si t’as pas la carte « onguent de la mort noire ». Donc à éviter quand même  quoi,  sauf si on n’est vraiment ultra pressé.

7/Pour sourire en coin quand on évoque le mot Donjon et Baldur, ou même tiens Mithrandir, d’un air de dire « Petit, crois moi je sais de quoi tu parles. J’en ai dézingué des squelettes et des gobelins et j’ai plus d’une boule de feu dans mon sac ».

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Le Donjon de Naheubeuk de John Lang
Humour médiéval fantastique

Bref ! Pour ça et pour encore une bonne trentaine d’autres raisons (mais on ne va pas y passer la nuit), je ressens une certaine appartenance à cette communauté humaine moderne étrange et trop souvent mécomprise, qu’on appelle les Geek. Comme on le vois, je n’ai pas appris que des conneries à l’université j’y ai aussi découvert plein de choses importantes pour la vrai vie. Bon, quelquefois, j’ai fait aussi un peu autre chose mais dans l’ensemble en mettant bout à bout les heures, il faut bien que je me rende à l’évidence. je reste adepte de la Geek Culture.

Au final, la seule chose que je ne m’explique pas c’est comment, avec tout ça, j’ai pu passé à côté de Naheulband et du donjon de Naheulbeuk du génial John Lang: série audio, chansons, romans, jeux de rôles. C’est un univers complet décliné sur de nombreux supports.  Ca tient la route à tous les niveaux, écriture, musique et je me félicite en tout cas de pouvoir faire quelques sessions de rattrapage sur la question. avec notamment cette première chanson sur l’ancêtre Gurdil et ses déboires hors la mine.

D’un autre côté, tout cela me met du baume au coeur pour la série audio écrite et déjà en boite avec trente épisodes et dont je me demandais si je devais la mettre en image ou essayer de la mettre en ligne telle quelle. J’avoue que la création image par image de plus de deux heures de série audio tout seul avec mes petites mains et mes deux ou trois softs de prédilection me laisse quelquefois un peu hésitant.

A part ça, si vous avez un moment vous pouvez aussi checker quelques âneries du cru en forme de bestiaire médiéval fantastique -> ici.

Une belle journée à tous! Gardez vos points de vie et n’oubliez surtout pas de monter vos niveaux de crochetage, on ne sait jamais ce qu’on peut trouver dans un donjon, même ultra miteux.

Fred
Pour moyenagepassion.com
On a bien dit à la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Le Manuscrit du Roy : chansons de troubadours & trouvères du XIIIe s

Sujet : musique médiévale, troubadours, trouvères, musique ancienne de provence
Période :  Moyen Âge central, XIIIe siècle,
Titre : Au Renouvel
Auteur  : anonyme
Tirée du manuscrit du Roy ou chansonnier du Roy, manuscrit 844 BnF
Interprète :  Les musiciens de Provence
Album :  Musique des trouvères et des troubadours, Volume 1  (1980)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous vous proposons une pièce musicale de Moyen Âge tirée d’un recueil de chansons des XIIe et XIIIe siècles : le manuscrit 844 de la BnF, appelé encore le manuscrit du Roy ou le chansonnier du Roy.

Le Manuscrit du Roy: manuscrit ancien
de chansons des XIIe XIIIe siècles

manuscrit du roi musique du monde medieval
Le chansonnier du roy, héritage du XIIIe siècle musical, manuscrit 844, bnF

On attribue la compilation de ce manuscrit  à Charles d’Anjou (1226-1285), Comte d’Anjou et du Maine, Comte de Provence, roi de Naples et de Sicile et frère de Saint-Louis. qui  l’aurait probablement fait réaliser en vue de l’offrir à William de Villehardouin prince d’Achaïe (ancienne région de la Grèce antique ) même s’il semble que le manuscrit soit finalement revenu  en sa possession.

Bien qu’assez mal conservé, le recueil contient près de six cents chansons, certaines composées par des troubadours célèbres, d’autres étant restées anonymes. Y est adjoint, également, un livret de chansons de Thibaut de Navarre, le roi poète chansonnier et comte de Champagne que nous n’en finissons pas de croiser quand il s’agit de parler de la musique et de la poésie de XIIIe siècle.

Troubadours et trouvères du Moyen Âge
Par l’ensemble les musiciens de provence

trouveres_troubadours_musique_medievale_de_provence_moyen-age_centralSur l’ensemble des chansons du manuscrit du roy, seule une cinquantaine comprend des partitions, c’est donc de ces dernières qu’est tiré le morceau que nous vous proposons aujourd’hui. Il est interprété par l’ensemble « les musiciens de Provence », groupe musical crée dans les années 1970, autour de Maurice Guis, pianiste, organiste, compositeur originaire de Marseille, passionné de musiques anciennes.

La vocation de l’ensemble était de faire revivre et mieux connaître les musiques anciennes de Provence sur une période qui s’étale du Moyen Âge et des trouvères provençaux jusqu’à la renaissance. Le fruit de leur travail et de leur recherche a permis de reconstituer et faire revivre des sonorités d’instruments à cordes anciens disparus,  mais aussi de remettre au goût du jour, un troubadours_maurice_guis_les_musiciens_de_provence_musique_medievaleinstrument traditionnel Provençal : le galoubet-tambourin que Maurice Guis affectionne particulièrement (pour l’instrument, voir photo en tête d’article).

La formation a laissé plus de dix albums autour de ces thèmes mais ne semble plus se produire depuis quelques années déjà, à tout le moins sous le nom qu’on lui connaissait, même s’il n’y a de doute que ces musiciens sont encore actifs. Ils se sont reformés notamment à l’occasion d’un concert privé en Provence courant 2012. On doit aussi à Maurice Guis la parution en 2015 d’un ouvrage sur le Galoubet tambourin justement (photo ci-dessus)

Sur ce nous vous laissons en compagnie de ce très joli morceau évocateur des temps anciens et du Moyen Âge central.

En vous souhaitant une excellente journée!

Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Monde Médiéval sous toutes ses formes

Guerre mener n’est que Damnation, une Ballade d’Eustache Deschamps de guerre lasse

poesie_medievale_satirique_eugene_deschamps_moyen_ageSujet : poésie médiévale, poésie satirique, ballade, auteur médiéval.
Période : moyen-âge tardif
Titre : « Guerre mener n’est que damnation », ballade contre la guerre.
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans un monde médiéval qui connait de nombreuses guerres, jusqu’à quel point est-il subversif de se positionner contre elle en les désapprouvant? Cette ballade contre la guerre d’Eustache Deschamps, poète-guerrier, commentateur et poète satirique du moyen-âge tardif, dénote, en tout cas, sur l’époque et les textes de ses contemporains par son ton anti-militariste. Il reste difficile de juger comment ce son de cloche a miniature_guerre_de_cent_ans_poesie_satirique_medievale_eustache_deschampspu le mettre en position délicate, lui qui naviguait dans la cour des rois et les servait par les armes mais cela ne l’a pas empêché, semble-t’il, d’affirmer haut et fort ses idées sur la question.

Il faut bien comprendre, en remettant cette ballade dans son contexte qu’Eustache Deschamps a lui-même été soldat et a participé à des campagnes. C’est donc de l’intérieur, en homme avisé et visiblement lassé, autant qu’en témoin des conflits sur le terrain, qu’il fait ce plaidoyer contre la guerre. Dans d’autres poésies, on le retrouvera encore s’exprimant sur la misérable condition des soldats, autant que sur les ravages de la guerre sur les petites gens et sur le monde rural. Il s’élèvera notamment dans son Lay de Vérité contre les dégâts des pillages et leur nature immorale en jetant l’opprobre sur ceux qui s’en rendent coupable.

« Vous qui la guerre menez
Vous Dampnez
Quant contre raison prenez
Du peuple communement
Les biens et les rançonnez »
Eustache Deschamps. Extrait du Lay de Vérité

Guerre médiévale et pillage : le pïllage de la ville de Grammont, fin XIVe, chroniques de Jean Froissart, BnF Manuscrits 2644
Guerre médiévale et pillage : le pïllage de la ville de Grammont, fin XIVe, chroniques de Jean Froissart, BnF Manuscrits 2644

Guerre mener n’est que dampnacion
Les paroles en vieux français

J’ay les estas de ce monde advisser
Et poursuiz du petit jusqu’au grant
Tant que que je suis du poursuir lassez
Et reposer me vueil doresnavant
Mais en trestouz le pire et plus pesant
Pour aame et corps, selon m’entencion
Est guerroier qui va tout detruisant
Guerre mener n’est que dampnacion

Autres estas ont de la labour assez
En seuretë vont leurs corps reposant
Et se vivent de leurs biens amassez
Jusques a fin vont leur aage menant
Et l’un estat va l’autre confortant
Sanz riens ravir, loy et juridicion
Tiennent entr’eulx, dont bien puis dire tant
Guerre mener n’est que dampnacion

Car on y fait les septs pechiez mortelz
Tollir, murdir, l’un va l’autre tuant
Femmes ravir, les temples sont cassez
Loy n’a entr’eulx, le mendre est plus grant
Et l’un voisin va l’autre deffoulant
Corps et aame met a perdiction
Qui guerre suit, aux diables la comment
Guerre mener n’est que dampnacion.

L’ENVOY

Prince, je vueil mener d’or en avant
Estat moien, c’est mon oppinion,
Guerre laissier et vivre en labourant :
Guerre mener n’est que dampnaction.

Guerre mener n’est que damnation
Les paroles adaptées en français moderne

J’ai les états de ce monde avisé
Et poursuivi du petit jusqu’au grand,
Tant que je suis de poursuivre lassé,
Et reposer me veut dorénavant
Mais entre tout, le pire et le plus pesant;
Pour âme et corps, selon mes conclusions,
Est guerroyer, qui tout va détruisant;
Guerre mener n’est que damnation.

Les autres états ont bien assez à faire
En sûreté vont leurs corps reposant,
Et vivent sur tous leurs biens amassés,
Jusqu’à la fin, vont leurs âges menant:
Et l’un état va l’autre confortant,
Sans rien ravir, loi et juridiction
Tiennent entre eux, dont bien puis dire tant:
Guerre mener n’est que damnation.

Car on y fait les sept péchés mortels,
Voler, meurtrir, l’un va l’autre tuant,
Femmes ravir, les temples sont cassés,
Loi n’a entre eux, le moindre est le plus grand,
Et l’un voisin va l’autre défoulant.
Corps et âme met à perdition
Qui guerre suit; aux diables la comment
Guerre mener n’est que damnation.

Envoi

Prince, je veux mener dorénavant
Etat moyen, c’est mon opinion,
Guerre laisser et vivre en labourant:
Guerre mener n’est que damnation.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

Sur les pas de François Villon: le moyenageux de Georges Brassens

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet :    monde médiéval, chanson, hommage à François Villon. poésie satirique
Titre : le moyenageux
Auteur : Georges Brassens
Période : contemporaine Année : 1966
AlbumSupplique pour être enterré à la plage de Sète

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passion‘est sans doute un des plus bel hommage de Georges Brassens à Maistre François Villon que cette poésie et chanson : le moyenâgeux. C’est un texte qui fera écho chez tous les amateurs de Villon, autant que les familiers du site puisque nous n’en sommes pas à notre première publication concernant le grand poète du moyen-âge tardif.  Brassens a truffé son texte de référence à la vie et aux amitiés de Villon  et lui emprunte même directement Francois Villon hommage Georges Brassens moyenageux_monde medievalquelques vers par endroits, notamment tirés du testament de Villon et de « ses hontes bues ».

(ci-contre partition de la chanson le moyenâgeux de Brassens, cliquez  sur l’image pour ouvrir)

En l’an trentiesme de mon eage,
Que toutes mes hontes j’eu beues,
Ne du tout fol, ne du tout sage.
Nonobstant maintes peines eues,
Lesquelles j’ay toutes receues
Soubz la main Thibault d’Aussigny.
S’evesque il est, seignant les rues,
Qu’il soit le mien je le regny!

François Villon (1431-1463?), le testament (extrait)

Brassens sur les pas de  François Villon

Sur les traces de Villon et de ses facéties, autant que de ses amitiés délictueuses, entre quelques clins d’oeil au « Prince » de l’envoi des ballades du Maistre, Brassens fait encore allusion au « trou de la pomme de pin », taverne fameuse de l’époque que le poète médiéval fréquentait et qu’il a mentionné, à plusieurs reprises, dans ses poésies et ses ballades. On retrouve aussi dans cet hommage,  l’inévitable spectre du gibet de Montfaucon qui hantait brassens_ballade_de_villon_poesie_medievale_satirique_dames_du_temps_jadisles nuits d’un Villon, emprisonné et qui se pensait alors condamné à la corde. A coup sûr, le mauvais garçon et illustre maître de poésie médiévale n’aurait pas renié le grand Brassens comme brillant disciple, pour son anticonformiste profond comme pour son amour de la poésie et de la langue,

Francois Villon Monde medieval gibet Montfaucon
Le gibet de Montfaucon, Gravure de Charles d’Aubigny, 1844, ouvrage :Notre Dame de Paris


Le Moyenâgeux de Georges Brassens,
hommage à  François Villon

Le seul reproche, au demeurant,
Qu’aient pu mériter mes parents,
C’est d’avoir pas joué plus tôt
Le jeu de la bête à deux dos.
Je suis né, même pas bâtard,
Avec cinq siècles de retard.
Pardonnez-moi, Prince, si je
Suis foutrement moyenâgeux.

Ah! que n’ai-je vécu, bon sang!
Entre quatorze et quinze cent.
J’aurais retrouvé mes copains
Au Trou de la Pomme de Pin,
Tous les beaux parleurs de jargon,
Tous les promis de Montfaucon,
Les plus illustres seigneuries
Du royaum’ de truanderie.

Après une franche repue,
J’eusse aimé, toute honte bue,
Aller courir le cotillon
Sur les pas de François Villon,
Troussant la gueuse et la forçant
Au cimetièr’ des Innocents,
Mes amours de ce siècle-ci
N’en aient aucune jalousie…

J’eusse aimé le corps féminin
Des nonnettes et des nonnains
Qui, dans ces jolis temps bénis,
Ne disaient pas toujours  » nenni « ,
Qui faisaient le mur du couvent,
Qui, Dieu leur pardonne ! souvent,
Comptaient les baisers, s’il vous plaît,
Avec des grains de chapelet.

Ces p’tit´s sœurs, trouvant qu’à leur goût
Quatre Evangiles c’est pas beaucoup,
Sacrifiaient à un de plus :
L’évangile selon Vénus.
Témoin : l’abbesse de Pourras,
Qui fut, qui reste et restera
La plus glorieuse putain
De moine du quartier Latin.

A la fin, les anges du guet
M’auraient conduit sur le gibet.
Je serais mort, jambes en l’air,
Sur la veuve patibulaire,
En arrosant la mandragore,
L’herbe aux pendus qui revigore,
En bénissant avec les pieds
Les ribaudes apitoyées.

Hélas ! tout ça, c’est des chansons.
Il faut se faire une raison.
Les choux-fleurs poussent à présent
Sur le charnier des Innocents.
Le trou de la Pomme de Pin
N’est plus qu’un bar américain.
Y’ a quelque chose de pourri
Au royaum’ de truanderi’.

Je mourrai pas à Montfaucon,
Mais dans un lit, comme un vrai con
Je mourrai, pas même pendard,
Avec cinq siècles de retard.
Ma dernière parole soit
Quelques vers de Maître François,
Et que j’emporte entre les dents
Un flocon des neiges d’antan…

Ma dernière parole soit
Quelques vers de Maître François…

Pardonnez-moi, Prince, si je
Suis foutrement moyenâgeux.


Près de cinquante ans tout juste après que cette chanson fut révélée au grand public, elle n’a pas pris une ride. Au delà du tribut à Villon, il y a même des fois où l’on se sentirait presque, avec Brassens,  foutrement moyenâgeux.

Une excellente journée à tous!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
historiques, contemporaines ou imaginaires.