Le 12eme Festival médiéval de la Rose d’Or à Avignon

Sujet : rassemblement médiéval, compagnies médiévales, marché médiéval, animations, tournois, campements, reconstituteurs.
Période : Moyen Âge
Evénement : le 12e Festival de la Rose d’Or
Lieu : Île de la Barthelasse, Avignon, Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Date : le dimanche 13 octobre 2024

Bonjour à tous,

e week-end verra le retour du Festival médiéval de la Rose d’Or en Avignon. Ce grand rassemblement médiévaliste fêtera là sa 12e édition et de nombreuses troupes de reconstituteurs y sont attendues.

A noter que s’il ouvre sur un grand défilé de rue le samedi après-midi, ce festival historique et médiéval se concentrera uniquement sur le dimanche, cette année. Quoi qu’il en soit, avec près de 80 compagnies médiévales invitées, l’événement devrait être l’occasion d’une belle immersion au cœur du Moyen Âge.

Au programme du festival de la Rose d’Or

Festival médiéval de la rose d'Or, affiche 2024

L’organisateur et les relais presse annoncent pas moins de 1200 chevaliers pour cette Rose d’Or 2024. Ce chiffre impressionnant fait de ce festival médiéval le plus grand du Sud de France. Il le classe également parmi les premiers événement de ce type du territoire, en nombre de reconstituteurs présents.

Joutes de chevalier, batailles et combats en armure y seront complétés par de nombreuses autres animations, au cœur des campements installés sur l’île de la Barthelasse. Théâtre de rue, saynètes et danses médiévales, mais aussi déambulations festives, jeux, ateliers (enluminure, calligraphie, etc…) sont également au programme. Côté restauration, en plus des divers stands qui ne feront pas défaut, un concours de gastronomie médiévale est prévu.

Marché artisanal et historique

Afin que la réussite soit complète, un marché artisanal et historique attend aussi les festivaliers de ce 12eme cru de ce festival de la Rose d’Or. Consultez la page Facebook de l’événement pour plus d’informations.

Pour les passionnés d’Histoire vivante, ajoutons enfin que le parti-pris historique reste de mise pour cet événement. Les organisateurs annoncent, en effet, sept périodes représentées, chacune ayant son espace réservé.


Voir d’autres articles sur ce festival médiéval : Edition 2017

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Monde Médiéval sous toutes ses formes.

Amour courtois & chant polyphonique du chansonnier de Montpellier

Sujet :   codex de Montpellier,   chanson médiévale, amour courtois, vieux-français,  chants polyphoniques, motets, fine amor
Période :   XIIIe siècle, Moyen Âge central
Titre:  
Dame que je n’os noumer
Auteur :   
 Anonyme
Interprète :  Anonymous 4
Album :   
Love’s Illusion Music from the Montpellier Codex 13th Century    (1993-94)

Bonjour à tous,

ous revenons aujourd’hui au Moyen Âge, en musique, avec le beau Chansonnier de MontpellierCe riche manuscrit du XIIIe siècle nous a légué de nombreuses pièces polyphoniques courtoises et motets accompagnés de leur notation musicale et cet article sera l’occasion d’en étudier une de plus dans le détail.

Pour la version musicale de ce motet, nous serons accompagné par la formation Anonymous 4. Depuis 1986, cet ensemble américain à quatre voix a gratifié son public d’un trentaine d’albums de qualité. La plupart puise largement dans le répertoire médiéval. D’autres se rapprochent un peu plus de musiques folkloriques, de chants de Noël et même de genre plus récents. Le motet à trois voix du jour nous entraînera, quant à lui, au temps de la courtoisie et des trouvères des XIIe, XIIIe siècles.

L’amour courtois au moment du départ

Il n’est rien qui blesse plus les amants que la séparation physique. La lyrique courtoise médiévale a fait de cet « amour de loin » et du déchirement qu’il occasionne l’un de ses thèmes privilégiés. Dans cette veine, le chant polyphonique du jour met en scène deux amants qui s’interpellent et se répondent dans un beau motet à trois voix. Tandis que le loyal amant se lamentera de la force de son amour et de la distance qui le sépare de sa belle, cette dernière l’assurera de ses sentiments. Si, au moment de la séparation, elle l’a un peu aiguillonné, c’était pour mieux qu’il s’attache à elle et cet éloignement lui fournira l’occasion de s’en dévoiler.

Aux sources médiévales de ce motet

Le motet du jour dans le manuscrit enluminé H196 ou chansonnier de Montpellier

Pour les sources et comme indiqué, nous vous renvoyons au chansonnier ou codex de Montpellier. Ce manuscrit encore connu sous la référence H 196 est conservé à la Bibliothéque Universitaire de Montpellier. On peut le consulter en ligne et même le télécharger.

Les Illusions d’amour ou le Codex de Montpellier par Anonymous 4

Love's Illusion, le chansonnier de Montpellier par la formation Anonymous 4

Pour l’interprétation, nous vous proposons donc de retrouver un extrait du très bel album : Love’s Illusion – Motets français des XIIIe et XIVe siècles de la formation Anonymous 4. Cette production a été largement encensée par la critique et la presse spécialisée, à sa sortie en 1994. A 30 ans de là, les performances vocales du quatuor féminin américain n’ont pas pris une ride et leur hommage au Chansonnier de Montpellier reste aussi pur qu’au premier jour.

Cet album d’Anonymous 4 a été réédité en 2005 chez Harmonia Mundi. Vous pourrez encore le trouver au format CD et à la commande chez votre meilleure disquaire. Il est également présent sur certaines plateformes légales au format dématérialisé. Voici un lien utile pour vous le procurer en ligne : Love’s Illusion – Motets français des XIIIe et XIVe siècles.

Artistes ayant participé à cet album

Ruth Cunningham, Marsha Genensky, Susan Hellauer, Johanna Rose.


Dame que je n’os noumer en vieux français
et sa traduction en français actuel

Dame que je n’os noumer,
Quant porrai je a vous parler,
Sade blondete?
Au cuer sent une amourete
Qui souspirer
Me fait et colour muer.
Mais merveilles puis penser
Comment ce est que riens tant
Ne desir qu’a vous aler;
Et si sent plus engrever
Mon mal quant
Plus prochaine estes de moi,
Et par ce sai je et voi
Que du privé larron ne se puet on garder.
(locution proverbiale)

Dame que je n’ose nommer
Quand pourrais-je vous parler
Douce et gracieuse blondette ?
Au coeur, je sens une amourette
Qui me fait soupirer
Et rougir.
Mais je m’étonne en pensant
Combien je ne désire rien d’autre
Qu’aller vers vous.
Et oui, je sens s’aggraver encore plus
Mon mal quand
Vous êtes plus proche de moi
Et je comprends alors et voit
A quel point on ne peut se prémunir contre un voleur familier (intime).

Amis, dont est engenree
En vo cuer tel volentés
Qu’estre cuidiés refusés
Pour ce que vous ai monstree
Chiere autre que ne volés?
Mais se bien saviés
Comment on doit retenir
Amant c’on crient departir,
Entendre porriés
Que le fis par tel desir
Qu’en aigrir
Vous feïsse en moi amer.
Fins cuers, ne veulliés cesser,
Car aillours que vous chierir
Ne puis penser.

Amour, ce qui engendre
En votre cœur telle conviction
Et cette pensée que vous avez été rejeté :
Parce que je vous ai montré
Un accueil (comportement) différent de vos attentes.
Mais si vous saviez vraiment
Comment on doit retenir
Un amant dont on redoute de se séparer.
Vous comprendriez
Que je le fis par désir
Pour qu’en vous aiguillonnant (exaspérer, irriter, litt : rendre amer)
Je vous fasse m’aimer plus encore.
Vrai cœur, ne cessez point de m’aimer
Car en dehors de vous chérir
Je ne puis avoir de pensée.

Lonc Tans a que ne vi m’amie
Trop me greva
Quant m’en covint partir,
Car je l’aim et desir.
Trop m’aïr
Quant pour li servir
M’estuet languir,
Et si ne m’en puis tenir.
Quant la remir,
De cuer souspir,
Si que tout me fait fremir,
Car je l’aim de fin cuer sans mentir.
N’en puis joïr –
Diex!-ne repentir:
Si m’estuet souffrir
Les maus dont je ne puis garir.

Cela fait si longtemps que je ne vis mon amour.
Ce fut trop douloureux
Quand j’ai dû m’en séparer,
Car je l’aime et la désire.
Cela me met en colère
Que pour la servir
Il me faille languir,
Et je ne puis m’en empêcher.
Quand je pense à elle,
Mon cœur soupire,
Et j’en frissonne tout entier,
Car je l’aime sincèrement et honnêtement
Mais je ne peux profiter d’elle.
Dieu ! Je ne puis non plus me repentir
Aussi il me faut souffrir,
Les maux dont je ne peux guérir.


En vous souhaitant une  excellente journée

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Musiques Médiévales : Trois Concerts d’Exception à la Basilique Saint-Denis

Sujet : concerts, musiques médiévales, patrimoine, cathédrale, ensemble médiéval, site d’exception, scène musicale médiévale.
Période : Moyen Âge (Xe au XVe s)
Evénement : Concerts de Musiques Médiévales
Dates : les 5, 16 et 19 octobre 2024.
Lieu : Basilique cathédrale Saint-Denis, Centre des Monuments nationaux, 1, rue de la Légion d’Honneur, Saint-Denis

Bonjour à tous,

ur la liste des événements aux couleurs du Moyen-Âge, voici trois dates à retenir du côté de l’Île-de-France. En octobre, la basilique cathédrale Saint-Denis vous propose, en effet, un cycle de concerts de musiques médiévales de haute tenue dans un cadre patrimonial d’exception.

Octobre en musique
à la Basilique Cathédrale Saint-Denis

Il s’agit de la quatrième édition de cet événement musical. Pour cette saison, deux premiers concerts ont déjà été donnés en septembre mais il en reste encore trois à venir. Et quels concerts !

L’Ensemble Oriscus à la découverte d’Hildegarde

Ce cycle ouvrira sur la plus jeune formation de la sélection : l’ensemble Oriscus. Bien que formé quelques années auparavant, ce talentueux trio s’est fait particulièrement remarquer avec sa prestation au Festival des musiques sacrées de Rocamadour en 2021.

Pour ce concert, l’ensemble Oriscus vous invitera à la découverte des musiques et du legs de Hildegarde de Bingen . Ce programme se propose notamment d’alterner des chants de la célèbre sainte, abbesse, mystique et compositrice du XIIe siècle, avec des présentations de sa vie et de son œuvre.

Oriscus : un jeune ensemble de grand talent sur la scène des musiques médiévales

Pour découvrir la formation Oriscus, le mieux est encore d’aller l’écouter mais si vous voulez un échantillon de leur talent, vous trouverez de superbes pièces de leur cru sur la chaîne YouTube du Festival de Rocamadour (Rocamadour – Musique Sacrée). Leur album « Stella Maris » est une autre piste intéressante pour les approcher. En tout état de cause, vous pouvez vous rendre à ce concert les yeux fermés. Leur interprétation des pièces d’Hildegarde servie par la voix d’Anne Bertin-Hugault est simplement envoûtante.

Samedi 5 octobre – 17h, « Hildegard, la vivante », Ensemble Oriscus
Musiciens, interprètes : Anne Bertin-Hugault (voix), Colin Heller (instruments à cordes) et Marc Vervisch (instruments à vent).

Sur les routes du Moyen-Âge avec Sequentia

Fondé en 1975 par Benjamin Bagby et Barbara Thornton, l’Ensemble Sequentia anime la scène médiévale depuis près de 50 ans avec des programmes toujours riches et ambitieux.
Avec une carrière exceptionnelle, il est aujourd’hui largement reconnu dans la sphère des musiques anciennes au niveau international. Nos pérégrinations autour des musiques du Moyen Âge nous ont souvent donné l’occasion de le croiser.

 Benjamin Bagby et Norbert Rodenkirchen de l'Ensemble de musiques médiévales Sequencia

Le thème du voyage médiéval sera le guide de ce concert. L’ensemble Sequentia vous entraînera sur les routes du Haut Moyen Âge au Moyen Âge central. Au programme, des pièces rares et notamment des sequelae ou « séquences », ces mélodies et formes instrumentales rarement jouées étaient propices à l’improvisation. Une fois encore, Benjamin Bagby aura l’occasion d’y démontrer son grand talent autant que sa capacité à dénicher des pièces originales.

Mercredi 16 octobre – 20h, « Le Voyageur », Ensemble Sequentia.
Musiciens, interprètes : Benjamin Bagby (voix, harpes médiévales) et Norbert Rodenkirchen (flûtes traversières médiévales) en partenariat avec l’Association Rue des Chantres.

l’Ensemble Obsidienne & les chansonniers des rois

Voilà un autre ensemble de musiques médiévales qu’on ne présente plus. Depuis sa création en 2009 par Emmanuel Bonnardot, l’ensemble Obsidienne a gratifié les amateurs de musiques du Moyen Âge de nombreux programmes et productions. Sa discographie comprend les cantigas de Santa Maria, des incursions sur les chansons du manuscrit de Bayeux, en passant par l’exploration du répertoire de Guillaume de Machaut et Guillaume Dufay mais aussi des chants et musiques plus liturgiques.

L'Ensemble Obsidienne, spécialiste des musiques du Moyen Âge central et tardif

Pour ce concert, Obsidienne vous propose de tourner les pages des riches chansonniers des rois. On connait un certain nombre en provenance du Moyen-Âge. Certains de ces manuscrits nous gratifient de centaines de pièces d’anthologie annotées musicalement. On imagine que le Chansonnier du Roi ou le MS Français 844 de la BnF devrait y trouver une belle place, ou peut-être même encore le Chansonnier de Saint-Germain des Prés ( Ms français 20050).

Samedi 19 octobre – 17h, « Chansonniers des rois », Ensemble Obsidienne
Musiciens, interprètes : Emmanuel Bonnardot (direction, vièle à archet, rebec, crwth), Camille Bonnardot (voix guiterne, vihuela, cornet à bouquin) et Colin Bonnardot (voix et percussions) en partenariat avec l’association Rue des Chantres.

Pour réserver et pour plus d’informations sur ces trois concerts-événements, nous vous proposons de vous rendre sur le site officiel de la Basilique Saint-Denis.

En vous souhaitant une belle journée
Frédéric Effe
Pour moyenagepassion.com
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Amour courtois, un trouvère entreprenant pour une belle pas facile à séduire

Sujet : vieux-français, poésie médiévale, poésie courtoise, amour courtois, trouvères, langue d’oïl, salut d’amour, loyal amant, fine amor, complainte d’amour.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur : anonyme
Titre : Douce bel, bon jor vous doinst
Ouvrage : Manuscrit médiéval Français 837 de la BnF.

Bonjour à tous,

os pérégrinations médiévales du jour nous ramènent, à nouveau, au Moyen Âge central et au temps de l’amour courtois. Nous y découvrirons un nouveau Salut d’amour.
Ces pièces courtoises, dont peu de traces ont subsisté, se retrouvent dans la poésie médiévale des XIIe et XIIIe siècles. Elles apparaissent d’abord chez les troubadours occitans. Puis, comme beaucoup d’autres formes poétiques de la Provence médiévale, elles seront adoptées par les trouvères du nord de France.

La complainte amoureuse d’un trouvère empressé

"Douce Bel", poésie courtoise médiévale et une enluminure du Codex Manesse

La pièce du jour a ceci d’original que l’auteur met en scène à la fois le salut de l’amoureux et la réponse de la demoiselle. Le prétendant souscrit à tous les codes de la lyrique courtoise et de la fine amor (fin’amor). Il souffre. Il est « dolent » et se tient à la merci de la demoiselle. Il lui sera loyal jusqu’à la mort, etc… Bien entendu, il ne tarira pas d’éloges sur les qualités et la valeurs de la dame. Lui accordera-t-elle pour autant ses grâces ?

Loin de se laisser séduire par le trouvère, la belle le mettra au pied du mur avec beaucoup de répartie. Sans l’éconduire, ni lui céder, elle raillera même sa prétendue souffrance et sa volonté de se sacrifier ou de mourir pour elle. Apparemment, le trouvère est allé un peu vite en besogne et la réponse de la demoiselle lui fournira l’occasion de recevoir une leçon de courtoisie.

Exercice littéraire contre retour au réel

Un certain humour se dégage de cet échange qui prend un peu de distance par rapport à la lyrique courtoise. La demoiselle oppose, en effet, à l’exercice poétique, un rappel direct au réel. C’est à la fois : « arrête de faire le lourdaud et d’en faire des tonnes » et « pas si vite, l’ami ! »

Autrement dit, il ne suffit pas d’une complainte enflammée et d’un loyal amant se disant prêt à se sacrifier pour s’attirer les faveurs d’une belle. Même avec une poésie flatteuse et bien menée, il en faut un peu plus pour faire tourner la tête d’une demoiselle de caractère. Celle du jour en a et si elle ne ferme pas la porte au trouvère, elle en exigera largement plus avant de tomber, plus tard peut-être, en pamoison. Au delà des formes de l’approche et de l’excès d’empressement du trouvère, valeurs morales, caractère, noblesse, réputation et statut social seront au programme de cette « recette » de la séduction courtoise.

Aux sources manuscrites de cette poésie médiévale

Pour la présentation des sources de cette poésie, nous revenons au Ms Français 837 de la BnF. Ce riche manuscrit médiéval daté de la dernière partie du XIIIe siècle nous propose pas moins de 249 œuvres d’auteurs divers entre fabliaux, contes, poésies et textes variés. A noter que Rutebeuf y tient une belle place avec 31 pièces signées de sa plume.

La poésie courtoise du jour dans le très riche MS français 837 de la BnF.

Dans le premier tiers du XIXe siècle, Achille Jubinal avait extrait de nombreuses pièces de ce manuscrit médiéval dont deux saluts d’amour (voir Jongleurs & Trouvères,  1835). Trois décennies plus tard, le philologue et chartiste Paul Meyer regroupait, à son tour, d’autres saluts d’Amours en langue d’oïl dans une parution de l’Ecole des Chartes (1). C’est sur cette dernière publication que nous nous sommes appuyés pour vous proposer la transcription de la poésie du jour, en graphie moderne.


Douce be, bon jor vous doinst
Le Salut d’amour d’un trouvère & sa réponse

NB : à l’habitude, nous vous proposons quelques clefs de vocabulaire pour mieux comprendre cette poésie en vieux français.

Douce bel, bon jor vous doinst
Li sainz Espirs, qui vous pardoinst
Les maus que vous me fetes trere.
Se vous m’elegiez mon afere
Et mon mehaing
(souffrance, blessure) et ma dolor
Mar vi onques
(par malheur je ne vis jamais)
votre valor (vertu, mérite)
Ne vostre biauté qui m’a mort
(touché, atteint)
Se de vous n’ai prochain confort
(aide, consolation).
Confortez moi d’aucune rien,
Douce bele, si ferez bien.

Frans cuers, je vous en pri merci
(pitié, miséricorde)
Por Dieu qui onques ne menti
Et qui soufri la trahison
Que Judas fist par mesprison.
S’aiez pitié de vostre amant
Qui por vous sueffre paine grant,
Et ferai tant com je vivrai
Ne ja ne m’en repentirai.

A ma complainte metrai fin.
Que Diex qui de l’eve
(eau) fist vin
Vous doinst vie, santé et joie,
Et que voz cuers au mien s’otroie,
Et me gardez ceste escripture,
Que Diex vous doinst bone aventure,
Si que de moi vous souvendra
Ne ja mes cuers n’en mentira.
Por Dieu ! bele, merci aiez
De moi et si me renvoiez
Vostre bon et vostre talent
(désir, envie).
Diex vous deffende de torment !

Ci parole la demoisele :

Je ne sai por qui vous avez
Cel mal de qoi si vous dolez
(lamentez, plaigniez).
Tant vous remant je bien et di
Se vous morez, que monte à mi
(en quoi y serais-je lié) ?
De vo mort ne m’est lait
(funeste) ne bel ;
Bien maschiez le putain lordel
(vous savez bien faire le sot, l’idiot);
Je croi que vous me cuidiez
(croyez) beste;
Trop vous plaingniez de saine teste,
N’estes mie
(aucunement) si angoisseus
Com vous maschiez le dolereus
(vous feignez d’être malheureux).

Cist
(ces) salut vous coustent petit
Et moi refont peu de porfit.
Tant vous di je bien et descuevre
Je ne les met de riens à oevre,
Ainz di que vous fetes folie
De ce que me clamez amie ;
Si ne sai pas se je vous aim,
Je n’aurai le cuer de mon sain
Armé si l’aurai esprové,
Vrai et fin et loial trové.

Quar amanz doit estre loiaus
Et deboneres comme aigniaus,
Et douz et simples que coulons (colombes)
Et hardiz de cuer de lyons.
Ne doit estre de chose clere
Ne beobanciere
(arrogant, orgueilleux) ne mentere
Ne borderes ne mesdisanz
Ne orguillex ne despisanz
(dédaigneux),
Mes ausi bien que quens
(comtes) ou rois
Soit de cuer larges et cortois,
Fame
(reconnu, réputé) par tout aime et boneure.

Ainsi puet venir au deseure
(triompher).
M’amor, biau douz, sanz longue broie
(sans délai, sans marchander)
Ne vous escondi ne otroie
(ne vous refuse, ni vous octroie),
Mes selonc ce que vous ferez
De ma part chier tenez serez ;
Adonc (Alors) aurez m’amor conquise
Ce sachiez vous tout sans faintise.
Dusqu’adonc n’ere vostre amie,
Quar ne sai se par blangerie
(flatterie)
Me saluez ou par buffois
(raillerie)
Tant que vous eüssiez foi de moi.

« Chanson va-t-en et se li di :
Qui por m’amor
Sueffre dolore
Mes amis bien l’emploie
Hastivement
A doubles .c.
Li doublerai sa joie. »

Explicit complainte d’amors.


Retrouvez d’autres saluts d’amours en vieux français et leur traduction ici :

En vous souhaitant une belle journée
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.


Notes

(1) Le salut d’amour dans les littératures provençale et française, Paul Meyer, Bibliothèque de l’Ecoles des Chartes (1867)

NB : sur l’illustration de la poésie, vous aurez reconnu une enluminure empruntée au célèbre Codex Manesse.

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