
Période : moyen-âge central (XIIe et XIIIe siècles)
Média : émission de radio, France Culture
Titre : la fabrique de l’Histoire, l’amour courtois (2016) par Emmanuel Laurentin
Intervenants : Michel Zink, Didier Lett, Damien Boquet.
Bonjour à tous,

NB ; ce n’est pas à proprement parler une conférence mais comme il s’agit d’un échange assez ouvert et informatif sur la question, nous indexons aussi cet article sous cette catégorie.
L’amour courtois, invention originale
du monde médiéval et occidental chrétien
Né dans le contexte d’une réforme grégorienne qui affirme plus que jamais le mariage comme institution et définit aussi clairement les lignes entre prêtres et laïques en faisant injonction formelle à ses derniers de demeurer célibataires, faut-il y voir là une relation de 
Au vue du contexte dogmatique et clérical des XIIe et XIIIe siècles, on pourra alors sans doute mieux comprendre ce sentiment amoureux ou cette définition d’une « nouvelle forme » d’amour (littéraire), qui se cherche entre l’interdiction du passage à l’acte (hors mariage pour l’homme, adultérin pour la femme) et l’assouvissement symbolique d’un désir interdit, condamné d’avance à ne jamais se poser sur son objet :
« … C’est une poésie (celle de l’amour courtois) qui essaye d’intégrer à la vision chrétienne de l’amour cet amour relevant de l’Eros, mais qui dépasse largement le simple désir charnel et qui essaye de le récupérer… »
Michel Zink – Extrait La Fabrique de l’Histoire
Lien vers le podcast original sur le site de France Culture
Ce serait donc aussi ce même « Amour » avec un grand A qui se tient au centre du christianisme, celui de Dieu, celui des uns et des autres qu’on cherche aussi à décliner, dusse-t-on le tirer du côté charnel et émotionnel, tout en ménageant les conditions pour transcender ces deux dimensions matérielles et le rendre, finalement, spirituel ?
En dehors de cette idée de l’exaltation, cette Delectatio Morosa qui lui sert de pendant ou d’argument (ce plaisir venu de l’attente et de la non satisfaction du désir qui excite et agite l’imagination), cette fine amor (fin’amor) et son désir jamais assouvi (quand la dame est sage ou que l’on respecte les interdits,) se transforme si souvent en souffrance et en complainte – celle de l’attente, celle de la distance infranchissable physique ou symbolique, celle du rejet, celle de la frustration pesante du non passage à l’acte, cet état où l’on n’en finit pas de se mourir d’amour – qu’on pourrait se demander s’il ne ménage pas encore une forme de « pénitence » qui ne serait, après tout, pas totalement étrangère au christianisme.

Faut-il voir là une forme de valorisation symbolique de l’adultère, et une sorte de « poésie résistante » ou plutôt ne pas perdre de vue que cet amour courtois naît aussi, au sein des méandres et des jeux de pouvoir de la féodalité. N’y aurait-il pas, encore ici, une forme de report ou d’extension symbolique de la relation de soumission, forte et codée du seigneur à ses vassaux ou ses sujets, vers ses proches ? En d’autres termes, faut-il aimer ou louer la dame de son maître comme on est supposé l’aimer et le louer lui et lui être fidèle ? Peut-être, à condition de ne pas déraper trop loin sur le terrain glissant des analyses de genre et de la théorie des « affects », en invoquant un peu hâtivement la grille commode de la psychanalyse moderne pour la calquer sur l’époque.
Et puisque nous n’en sommes plus à une question près, si je voulais ici semer une autre hypothèse, sans doute plus terre à terre et en tout cas plus micro-sociologique, au risque de me faire tirer l’oreille pour son manque cuisant de romantisme. Sans prétendre épuiser le sujet mais pour offrir un autre angle : au delà du simple attrait et de la séduction qu’inspire la femme du seigneur, et par contagion quelquefois sa sœur, sa cousine, bref encore la gente féminine alliée au pouvoir et souvent de condition supérieure à celui qui la convoite, pourrait-il y avoir, là aussi, quelques niches secondaires, pour paraphraser Erving Goffman dans Asiles, ou, pour le dire plus trivialement, quelques avantages indirects à retirer (économiques, politiques, jeux d’influences ou supplément de soupe, 
Bref, pour en revenir à l’émission du jour, si elle ne répond pas à toutes les questions, elle a le mérite d’en soulever un certain nombre en donnant trois approches assez différentes de cet amour courtois, qui peuvent se rejoindre par endroits (quoique) : une qui se centre sur l’analyse des genres et les lignes de démarcation entre les sexes, l’autre un peu plus axée sur la fine amor comme une forme de réponse littéraire, « anticléricale » ou « résistante » dans le cadre de la réforme grégorienne, et la troisième, sans doute un peu moins sociale ou psychologique et, de fait, plus prudente et moins spéculative aussi, basée sur une analyse qui se situe plus au niveau littéraire et au cœur des textes.
En vous souhaitant une bonne écoute et une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
PS ; vous aurez certainement reconnu, tout au long de cet article, des miniatures (quelque peu retouchées par nos soins) du Codex Manesse, célèbre manuscrit ancien allemand, contenant près de 700 chansons d’amour courtois.

ous repartons ici pour la Perse du moyen-âge central et du XIIIe siècle, à la découverte d’un autre conte ou historiette de Mocharrafoddin Saadi. Il nous invite, cette fois-ci, à méditer tout à la fois sur l’humilité nécessaire face à ses propres connaissances ou sa propre « science » et par conséquent sur la relativité de l’érudition, autant que sur les grandes vertus du silence. L’historiette est d’ailleurs tirée d’un chapitre dédié tout entier à ce dernier thème.

n très bel événement est à retenir, cette fin de semaine, sur l’agenda médiéval pour tous ceux d’entre vous qui se trouvent en Bretagne : le 6e Festival du livre médiéval et de l’imaginaire, à Châteaugiron.


Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, pèlerinages médiévaux.
n route pour la grande Espagne médiévale du XIIIe siècle, celle de la cour d’Alphonse le Sage et l’incontournable héritage musical et poétique qu’il nous a laissé avec les célèbres Cantigas de Santa Maria.
Il est donc ici question d’un miracle survenu en Flandres, nous dit le poète. Une femme avait apporté à la vierge et en son église, son petit enfant pour que la Sainte le prenne sous sa garde et le protège du malheur.