Archives par mot-clé : ballade

Les leçons de « Fortune », une ballade de Michault Taillevent

poesie_medievale_michault_le_caron_taillevent_la_destrousse_XVe_siecleSujet : poésie, littérature médiévale, ballade, poète médiéval, bourgogne, poète bourguignon, bourgogne médiévale, poésie réaliste, poésie morale, fortune.
Période : moyen-âge tardif, XVe
Auteur : Michault (ou Michaut) Le Caron, dit Taillevent ( 1390/1395 – 1448/1458)
Titre : O folz des folz…

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici un nouvel extrait de la poésie de Michault Caron dit Taillevent. Loin du jeune auteur qui se faisait attaquer dans le bois de Saint-Maxence et contait dans La Détrousse, non sans un certain humour, sa malencontreuse aventure devant la cour du duc de Bourgogne, c’est un poète plus résolument moraliste que nous retrouvons ici. Tirée d’un traité de Sagesse appelé le régime de fortune et fait en référence à Horace, cette ballade est assurément plus une oeuvre de la maturité.

Les exigences et les caprices de Fortune

« Ce n’est que vent de la gloire du monde,
A ung hasart tout se change et se cesse. »
Michault Le Caron, dit Taillevent

Michault Taillevent nous rappellera ici cette notion de « Fortune » dont nous avons déjà parlé et qui se trouve être si importante au Moyen-âge. C’est ce sort, personnifié par sa roue qui tourne inexorablement. Symbole de l’impermanence et de l’arbitraire, elle vient sanctionner, de manière inéluctable l’impuissance des hommes à rien pouvoir saisir, ni tenir.

fortune_medievale_roue_du_sort_moyen-age_miniature_enluminure_Maître_Coëtivy_XVe

La Roue de Fortune, miniature médiévale de Maître de Coëtivy (Colin d’Amiens 1400-1450) grand maître enlumineur du XVe siècle.

C’est un fait bien établi, dans la vision chrétienne médiévale comme actuelle d’ailleurs, notre passage en ce bas monde matériel n’est que transitoire et n’a de raison que préparer notre entrée dans l’immatériel, le royaume du divin. Ce devrait ou pourrait être, en soi, une raison suffisante pour ne point s’obséder d’y accumuler biens et richesses  puisque le chrétien ne pourra pas, quoiqu’il advienne, les emporter avec lui de l’autre côté de la rive et ils pourraient même l’alourdir au jour de sa mort et de son jugement, mais si cela ne suffisait pas à lui faire comprendre la vanité de l’entreprise, les exigences du sort et les caprices de Fortune viennent s’y ajouter. Dans les représentations médiévales, tous les hommes sans exception, du plus démuni au plus grand prince, y sont, en effet, soumis.

Présente dès l’antiquité, dans le monde médiéval chrétien, Fortune si elle prend, par instants, les traits d’une déesse ambivalente et capricieuse, puise sa raison d’être ou ses origines dans la bible et l’Ecclésiaste :

« Puis, j’ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j’avais prise à les exécuter; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n’y a aucun avantage à tirer de ce qu’on fait sous le soleil. » 
Ecclésiaste, 2 – 11

C’est visiblement sous l’influence du philosophe Boèce (480-524) qu’elle sera, quelques siècles plus tard, représentée sous la forme d’une roue et connaîtra de belles heures dans l’iconographie et les miniatures du moyen-âge, à partir du XIe siècle.

  « Notre nature, la voici, le jeu interminable auquel nous jouons, le voici :
tourner la Roue inlassablement, prendre plaisir à faire descendre ce qui
est en haut et à faire monter ce qui est en bas
. »
Boèce  – Consolation de Philosophie

michault_taillevent_caron_fortune_ballade_poesie_medievale_bourguigne_moyen-age_XVe

« O folz des folz », ballade contre l’ambition
et les illusions de l’Avoir

Quoiqu’il en soit, se fier à la hauteur de son trône ou de sa position et s’en gargariser quand, d’aventure, Fortune vous a placé tout en haut, ne serait que pure déraison pour les auteurs du moyen-âge central. Le lendemain, elle peut tout aussi bien vous faire choir.

Se glorifier de ses possessions de ses richesses, les poursuivre, s’en croire même le juste détenteur ou, pire, l’artisan ?  Folie ! Pure Vanité !  Contre fortune, il faut garder raison. On peut conter sur l’auteur du moyen-âge tardif pour nous le rappeler. Nus comme au premier jour, nantis pour seuls habits de ceux que la nature nous a donnés et de ses dons, il nous enjoint à nous contenter de peu, en nous souvenant des leçons de fortune et en nous rappelant ses droits.

O folz des folz, et les folz mortelz hommes,
Qui vous fiez tant es biens de fortune
En celle terre et pays ou nous sommes,
Y avez vous de chose propre aucune ?
Vous n’y avez chose vostre nesune* (*aucune, pas même une)
Fors les beaulx dons de grace et de nature.
Se fortune donc, par cas d’aventure,
Vous toult* (*ôte)  les biens que vostres vous tenez,
Tort ne vous fait, ainçois vous fait droicture*, (*justice)
Car vous n’aviez riens quant vous fustes nez.

Ne laissez plus le dormir a grans sommes
En vostre lict, par nuit obscure et brune,
Pour acquester richesses a grans sommes,
Ne convoitez chose dessoubz la lune,
Ne de Paris jusques a Pampelune,
Fors ce qu’il fault, sans plus, a creature
Pour recouvrer sa simple nourriture ;
Souffise vous d’estre bien renommez,
Et d’emporter bon loz en sepulture :
Car vous n’aviez riens quant vous fustes nez.

Les joyeulx fruitz des arbres, et les pommes,
Au temps que fut toute chose commune,
Le beau miel, les glandes et les gommes
Souffisoient bien a chascun et chascune,
Et pour ce fut sans noise* (* bruit,querelle) et sans rancune.
Soyez contens des chaulx et des froidures,
Et me prenez Fortune doulce et seure.
Pour voz pertes, griefve dueil* n’en menez, (*deuil douloureux)
Fors a raison, a point, et a mesure,
Car vous n’aviez riens quant vous fustes nez.

Se fortune vous fait aucune* (*quelque) injure,
C’est de son droit, ja ne l’en reprenez,
Et perdissiez jusques a la vesture :
Car vous n’aviez riens quant vous fustes nez.

Michault Le Caron, dit Taillevent – Le régime de Fortune

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

La Ballade à double entendement d’Eustache Deschamps, lecture audio

lecture_poesie_medievale_vieux_francais_oil_audioSujet : poésie médiévale, morale,  réaliste, satirique, réaliste, ballade, moyen français
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre : « Ballade a double entendement, sur le temps présent»
Média : lecture audio
Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, pour faire écho à la Ballade à double entendement d’Eustache Deschamps que nous avions publié il y a quelque temps, nous vous en proposons une lecture audio dans le texte et en moyen-français, tout en profitant pour toucher un mot de l’auteur.

On notera encore ici que, loin des difficultés de compréhension, que peuvent soulever la poésie d’un Rutebeuf ou certains autres textes (poésies, fabliaux, etc) des XIIe et XIIIe siècles, la langue d’Eustache Deschamps reste largement plus accessible à l’oreille. Bien entendu, il faut  se défier de quelques faux-amis ou raccourcis de sens et il est encore vrai que certains textes sont plus ardus que d’autres. Cette ballade à double entendement est, quant à elle, plutôt facile d’accès. Pour plus d’informations la concernant et également pour sa version textuelle, vous pouvez valablement vous reporter à l’article précédent, à son sujet :  Une ballade sarcastique et grinçante d’Eustache Deschamps sur son temps

Note sur la prononciation

Vous noterez que je ne souscris toujours pas au « Oé » contre le « Oi », nonobstant le fait qu’on me l’ait fait remarquer à quelques reprises. En réalité et si l’on en croit certains auteurs ou traités de prononciation du vieux français ou ancien, le « Oé » semble postérieur au XVe siècle. On l’associe donc, semble-t-il faussement, aux siècles couvrant le moyen-âge, alors qu’il serait plus renaissant.

Tout cela étant dit, le « Oi » n’est certainement pas non plus correct. Diphtonguer en « Ohi », « Ouhi » ou « Oui » il le serait sans doute plus, mais prononcer tel quel (« Oi ») et, à ma défense, il a l’avantage de favoriser la compréhension. On se rapproche un peu ici de la conception de Michel Zink et de cet idée de ne pas ajouter trop d’obstacles à la compréhension des textes médiévaux lus. Autre argument, sans doute plus personnel, le R roulé associé au « Oé » à tous les coins de phrase, a tendance à me donner la sensation de drainer les textes tout entiers du côté de la ruralité et de certaines formes dialectales qu’elle a longtemps conservé. Non que j’ai quoi que ce soit contre le patois, vous connaissez ici mon amour des langues mais disons que sans la conjonction des deux, le texte me semble ainsi ressortir plus « moderne » ou moins connoté pour le dire autrement.

Tout cela étant dit, au long du chemin et pour ceux qui ont l’air d’y tenir, je finirai bien par faire quelques lectures avec de Oé en fait de Oi. A l’inverse, un autre exercice intéressant auquel je pense, serait de lire certains textes médiévaux avec la prononciation contemporaine pour justement ôter tout voile et les rapprocher encore d’autant de nous, en gommant totalement tout « archaïsme » de prononciation. Certains textes du XIVe ou XVe siècle s’y prêtent particulièrement bien.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes

Une ballade sarcastique et grinçante d’Eustache Deschamps sur son temps

poesie_medievaleSujet : poésie médiévale, morale,  réaliste, satirique, réaliste, ballade, moyen français
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps  (1346-1406)
Titre :  « Ballade a double entendement, sur le temps présent»
Ouvrage   : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps , G  A Crapelet (1832)

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà, pour aujourd’hui, une nouvelle ballade d’Eustache Deschamps et sa poésie morale, satirique, réaliste et politique. Témoin de son temps, critique de ses contemporains – princes, nobles, gens de cour et puissants mais pas uniquement – le poète du XIVe siècle faisait ici, non sans ironie et avec un humour plutôt grinçant, l’apologie de son temps. Et comme il s’agit là, en fait, d’une ballade à double entendement, il ne manque pas de nous rappeler, à chaque fin de strophe, qu’il pense tout le contraire de ce qu’il avance ou, à tout le moins, qu’il en pense bien plus : « je ne di pas quanque je pence », autrement dit, je ne dis pas « autant que » ou « tout ce que  » je pense.

C’est donc bien, à son habitude, une nouvelle satire en creux de son époque qu’Eustache Deschamps nous proposait là.  Notons que ce n’était pour lui qu’un exercice de style et d’humour et pas un faux-fuyant, puisqu’il a largement démontré, par ailleurs, qu’il n’hésitait eustache_deschamps_poesie_satirique_morale_moyen-age_ballade_litterature_medievale_XIVe_sieclepas à être plus direct et frontal dans ses attaques. Comme nous l’avons déjà dit ici, le fait de ne pas dépendre de sa plume pour survivre et s’alimenter lui a sans doute permis une liberté de ton qui, pour notre grand plaisir et intérêt, il faut bien le dire, le distingue d’un certain nombre d’autres poètes de cour. Concernant cette dernière, même s’il l’a longtemps pratiquée, le poète médiéval avait  fini par lui tourner le dos et on se souvient de certaines de ses poésies critiques sur la vie curiale, qui prennent parfois des allures de diatribes.

Quoiqu’il en soit, pour l’heure et dans cette ballade à double sens, ce sont les valeurs générales de son temps qu’il interpelle ou plutôt leur absence : cupidité, déloyauté, ambition, égoïsme, vice, haine mutuelle, sans oublier bien sûr, au passage, une petite pichenette de rigueur sur la tête des gens de cour, tout y est entre les lignes.

Ballade à  double entendement,
sur le temps présent d’Eustache Deschamps

L’en me demande chascun jour
Qu’il me semble du temps que voy,
Et je respons : C’est tout honour,
Loyauté, vérité et foy,
Largesce, prouesce et arroy (1),
Charité et biens , qui s’advance
Pour le commun ; mais , par ma loy,
Je ne di pas quanque je pence.

Chascuns doubte*  (redoute)  son Creatour,
L’un à l’autre ne fait annoy*, (d’ennui)
Sans vices sont li grant seignour,
Au peuple ne font nul desroy* (tort, mal, tourment),
Et appaisiez se sont li roy;
Cure n’ont d’or ne de finance,
Guerre fault* (manque, fait défaut) : c’est vrày, or me croy,
Je ne di pas quanque je pence.

Li grant, li moyen, ly menour,
Ne sont pas chascun à par soy,
Mais sont conjoint en une amour;
Sanz rebeller bien le congnoy;
Et se le contraire vous noy (2)
Et mon dit n’a vraie sentence,
Je vous pri, pardonnez-le-moy :
Je ne di pas quanque je pence.

Envoi

Prince, à court ont li bon séjour;
Honourez y sont nuit et jour,
Et li hault cuer plain de vaillance;
Mais ly menteur et ly flateour
N’y osent plus faire demour* (séjour) :
Je ne di pas quanque je pence. 


(1) arroy, aroi : dans ce contexte, contenance, discipline, bonnes manières?
(2) Et si on le nie ou si on vous dit le contraire

En vous souhaitant une excellente  journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com.
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

La ballade de Mercy de François Villon au Folk médiéval de Corvus Corax

poesie_medievale_epitaphe_villon_ballade_pendu_erik_satie_lecture_audioSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, auteur médiéval. ballade, folk médiéval.
Auteur : François Villon (1431-?1463)
Titre : Ballade de Mercy (Merci)
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle.
Interprétes  :  Corvus   Corax. Album: Seikilos 2006

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoilà quelque temps que nous n’avons parlé à la fois de François Villon   et de Folk médiéval et ce sont, cette fois-ci, les allemands de  Corvus Corax qui nous en fournissent  l’occasion. En 2005, le groupe enregistrait en effet, dans le texte,  La Ballade  par laquelle Villon  crye  mercy  à chascun, connue encore sous le nom de Ballade de Mercy,  en nous proposant cette poésie médiévale avec force orchestration et rien moins qu’une sérieuse touche celtique.

Corvus Corax: rock folk néo-médiéval

La postérité de François Villon a dépassé les frontières de la France auprès des amateurs de poésie médiévale et même de poésie tout court. Cependant, il demeure souvent amusant de constater les étranges travers que les auteurs prennent, quelquefois, pour nous revenir. Cette fois-ci, ce n’est donc pas par la Russie (voir article), mais par l’Allemagne que Villon le fait.

Corvus Corax a été fondé, à l’origine, en 1989 par deux allemands de l’Est ayant profité de la chute du mur de Berlin pour passer en RFA. L’histoire conte que les deux musiciens durent laisser derrière eux un Corbeau apprivoisé  d’où le nom du groupe. Depuis lors,, Corvus Corax a gratifié son public d’une bonne trentaine de productions énergiques entre albums studio, opéras, dvd et albums live.

corvus_corax_folk_neo_medieval_allemand_francois_villon_poesie_realiste_XVe_moyen-age_tardif

Toujours actifs depuis leur création, avec quelques changements de musiciens et d’artistes en cours de route qui n’ont pas affecté l’existence du groupe, Corvus Corax se produit principalement en concert en Allemagne. Leurs tournées s’étendent quelquefois à d’autres dates dans d’autres pays européens.

La marque de fabrique de Corvus Coras

La formation allemande propose un style néo-médiéval, soit une musique aux tendances rock et folk et aux accents celtiques et nordiques qui prend sa source d’inspiration dans le Moyen Âge mais n’hésite pas à l’enrichir de sonorités modernes.

La bande utilise de nombreux instruments d’époque. cornemuses et autres chalumeaux Corvus_corax_francois_villon_ballade_de_mercy_folk_neo-medieval_poesie_moyen-age_tardif_XVeet en fabriquent même de spéciaux pour chercher de nouvelles sonorités aux accents anciens.

Ajoutons que cette ballade de Villon, tiré de leur album   Seikilos, sorti en 2002 est la seule de l’auteur sur ce CD. Cet album est disponible  à la vente en ligne, sur le lien suivant : Seikilos de Corvus Corax.

Pour suivre de plus près les Corvus Corax, vous pouvez consulter leur site web (en allemand et en anglais).

La Ballade  par laquelle Villon
crye  mercy  à  chascun

francois_villon_ballade_de_merci_mercy_poesie_medievale_moyen-age_tardif

Dans cette ballade, Villon, se sachant condamné, implore la pitié de tous, en égratignant encore au passage, les tortionnaires et bourreaux qui l’ont soumis au dur régime du pain, de l’eau et de la torture et, avec eux, Thibaud d’Aussigny, le sévère et puissant évêque d’Orléans, responsable de son enfermement à Meung-Sur-Loire  et que Villon fit entrer dans la postérité avec lui.

Villon crie donc, ici, du fond de sa geôle, même si cette poésie semble plutôt être déclamée dans la rue, à l’attention de tout ce petit peuple qui y vit et que le poète connaît si bien.  Dans le second tome de son excellent ouvrage sur la vie du poète médiéval « François Villon, sa vie, son temps » (1913), Pierre Champion y verra même, de son côté, une référence certaine aux crieurs de corps qui annonçaient alors les noms des morts.

La Ballade originale de Villon dans le moyen français de l’auteur

francois_villon_ballade_mercy_poesie_medievale_moyen-age_tardifPour en terminer, les paroles utilisées par Corvus Corax dans leur interprétation de cette ballade de Villon, étant un peu modernisée, nous avons préféré publier ici une version plus fidèle à la langue originelle de Villon.

Elle est tirée des oeuvres de Maistre François Villon, par Jean-Henri-Romain Prompsault (1835) dont nous avons déjà parlé ici; l’ouvrage nous sert d’ailleurs aussi de guide principal pour les annotations.

A Chartreux et à Célestins,
A Mendians et à Dévotes,
A musars et claquepatins (1),
A servans et filles mignottes
Portants surcotz et justes cottes,
A cuideraulx d’amours transis, (2)
Chaussant, sans méhaing, fauves bottes,
Je crye à toutes gens merciz.

A fillettes montrans tétins,
Pour avoir plus largement hostes,
A ribleurs meneurs de hutins (3)
A basteleurs traynant marmottes,
A folz et folles, sotz et sottes,
Qui s’en vont sifflant cinq et six
A marmousetz et mariottes, (4)
Je crye à toutes gens merciz,

Sinon aux trahistres chiens mastins
Qui m’ont faict manger dures crostes, (5)
Et boire eau maintz soirs et  matins,
Qu’ores je ne crains pas trois crottes.
Pour eulx, je feisse petz et rottes ;
Voulentiers, si ne fusse assis;
Au fort, pour éviter riottes, (6)
Je crye à toutes gens merciz.

S’on leur froissoit les quinze costes
De bons mailletz, fortz et massis ; 
De plombée,  et de telz pelotes. (7) 
Je crye à toutes gens merciz.


Notes

(1)  Musars :  badauds. oisifs. Cliquepatins ; « galopins » qui court les rues.
(2)  Cuideraulx : de « cuideor »: présomptueux. Vaniteux élégamment chaussés.
(3) Ribleurs  : coureurs de nuit, crapules faisant du tapage de nuit
(4) Marmousets : petits garçon et petites filles
(5)  Crostes : croûtes de pain
(6) Au for pour éviter riottes ; Du reste pour éviter toute querelles
(7) De plombées  et de tels pelotes : garnis de plombs ou de choses semblables.

 En vous souhaitant une très belle journée.
Fred

Pour Moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.