
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : « Car tout desplais fors estude et sience»
Bonjour mes amis,

L’oeuvre que nous a laissée Eustache Dechamps dit Morel est, nous l’avons déjà dit ici, colossale. S’il s’est essayé au genre de l’amour courtois, il lui a largement préféré le registre de la poésie satirique, morale ou même réaliste. C’est heureux pour nous car, ainsi, son legs a le grand avantage de nous éclairer sur un large pan de la société du moyen-âge tardif, qui est aussi celle de la guerre de cent ans et des épidémies de peste. Valeurs morales, moeurs et pratiques, costumes, tournois, jeux de cour, duels, etc.., ses textes sont une source inépuisable d’enseignement sur le monde médiéval du XIVe siècle.

Et le voilà clerc et savant, Eustache le sage, Eustache le désabusé aussi, revenu pour nous aujourd’hui, de six cents ans d’Histoire pour nous faire l’éloge de l’Etude et des « Sciences », cette large appellation de « sciences » qui, au moyen-âge, recouvre les nombreuses disciplines qui font de l’homme « un savant », un détenteur du savoir dans les « matières savantes ».
Formé dans sa jeunesse à la prestigieuse Université d’Orleans qui, depuis le début de ce XIVe qui l’a vu naître, dispense notamment le Droit, sa longue et variée carrière d’employé de cour lui fournira l’occasion de l’exercer, mais au delà, cette formation lui donnera sans doute aussi une rigueur qu’il 
Revenu de tout. il a vécu longtemps et certains lisent quelquefois à travers ses rimes, l’aigreur d’un homme qui a servi sa vie entière les rois et les puissants, sans pour autant en retirer ni le prestige, ni la fortune. Le sens critique n’est pas une valeur de cour. A-t-il payé le prix d’une plume trop acerbe et trop prompte à souligner de ses traits les abus de pouvoir de tous bords? Sans doute. Pourtant indéniablement de son travail et ses loyaux services, Eustache Deschamps se démarque encore d’autres poètes de son temps en ce qu’il ne dépend pas de sa plume pour subsister. Si elle a pu lui jouer des tours, elle demeure affranchie de toute contrainte alimentaire et c’est un fait qui éclaire largement l’oeuvre de ce poète médiéval et les libertés qu’il y prend.

Car tout desplaist fors estude et science
dans le verbe d’Eustache Deschamps
Des plaisirs de l’Etude et de la Science.
Il n’est délit, joie, feste, soûlas,
Joustes, tournois, déduit, esbatement,
De quoy chascuns ne soit à la foiz las,
Combien que tout plaise au commencement.
Continuer telz choses longuement
Engendre ennui ou quelque desplaisance;
Estudier n’a pas ce mouvement :
Car tout desplaist fors estude et science.
Et ce puet-on veoir en pluseurs cas
Chascun le scet qui a entendement,
De grans festes dient pluseurs, Hélas!
Et des deliz de chacier ensement,
Et de voler, et de tournoiement,
De dame avoir, et de mener la dance;
Vanitez sont , croy donc certainement :
Car tout desplaist fors estude et science.
Mais plus vit homs, et plus passe le pas
De l’aage humain, plus quiert diligemment
L’art de sçavoir dont il veult faire un tas;
De jour en jour croist l’estudiement,
Sanz lui lasser , et continuelment,
Pour acquérir renommée et prudence,
Mais trop petit lui chaut du rémanent:
Car tout desplaist fors estude et science.
Prince, qui a terre et gouvernement
Doit voulentiers aprandre dès s’enfance,
Pour soy garder et vivre saigement:
Car tout desplaist fors estude et science.
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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ous revenons, aujourd’hui, vers une pièce d’anthologie de la musique classique « moderne » composée dans les années 35 par Carl Orff et basée sur le 
destinée. Il ne peut que subir ce que le sort (personnifié ici au centre de l’illustration), lui réserve.


Versailles et près de quatre siècles après Eustache Deschamps et pourtant. Sans dire que rien n’a changé du XIVe au XVIIIe, à lire le poète du moyen-âge tardif, il semble qu’il y ait tout de même des constantes qui se dessinent dans ses jeux de pouvoir et de flatterie, dans cette hypocrisie et ces excès, cette prison du paraître dans lesquels les nobles se piègent eux-même et se trouvent intriqués, au risque d’y brûler leurs ailes.

ujourd’hui, nous vous proposons de continuer de suivre le fil poétique d’Eustache Deschamps avec un peu de sa plume critique et morale.
