Sujet : citations médiévales, proverbe, poésie morale, morale médiévale, proverbe moral, mort, réflexions sur la mort. Auteur : Christine de Pizan (Pisan) (1364-1430) Période : moyen-âge central à tardif Ouvrage : Oeuvres poétiques de Christine de Pisan, publiées par Maurice Roy, Tome 3, (1896)
“Quoy que la mort nous soit espouventable
A y penser souvent est prouffitable.”
Proverbes moraux. Oeuvres poétiques, Tome 3. Christine de Pizan,femme de lettres et de sciences, écrivain, poétesse des XIVe et XVe siècles.
Sujet : musique, chanson et poésie médiévale, troubadours, servantois, sirventes. chanson de voeux, portrait, éléments biographiques, vidas. Titre : « Ar’ agues eu mil marcs de fin argen », « Puisse-je avoir mil marcs d’argent fin » Auteur : Pistoleta, troubadour provençal, Aquitaine et Languedoc Période : moyen-âge central, XIIIe siècle
Bonjour à tous,
u troubadour Pistoleta, les vidas ou le parnasse occitan nous apprennent qu’il fut lui-même le chanteur du troubadour et conteur Arnaud de Mareuil. Clerc d’assez pauvre condition, ce dernier colporta son art dans l’entourage de Raymond V de Toulouse et notamment de la soeur de ce dernier la contesse de Burlats. Il est d’ailleurs entré plus largement dans la postérité que l’artiste qui nous intéresse aujourd’hui mais il faut dire qu’à la période contemporaine de Pistoleta et au vue de leur nombre, les troubadours qui se tenaient en Provence, en Aquitaine et au delà se trouvaient exposés à une sérieuse concurrence.
Vida de Pistoleta et parnasse occitanien
« Pistoleta si fo cantaire d’en Arnaut de Maruoill e fo de Proensa; e pois venc trobaire e fez cansos con avinens sons. E fo ben grazitz entre la bona gen ; mais hom fo de pauc solatz, e de paubra enduta, e de pauc vaillimen. E tolc moiller à Marseilla ; e fes se mercadier e venc rics ; e laisset d’anar per cortz. »Le parnasse occitanien. Edtion de 1819.
Le peu d’informations biographiques que l’on trouve concernant Pistoleta puise, de manière plus ou moins explicite, à la même source : les Vidas. Nous l’avons déjà dit par ailleurs mais il est sans doute bon de le répéter ici : issues vraisemblablement de la tradition orale provençale colportée sur les troubadours, ces « biographies » furent rédigées près d’un siècle plus tard et se présentent toutes sous une forme plus ou moins anecdotique et romancée. Leur nature littéraire a été largement soulignée par Michel Zink qui recommande de prendre, à leur égard, un certain recul critique, en privilégiant plutôt l’analyse littéraire justement, la véritable valeur historique des faits rapportés ne pouvant, dans bien des cas, pas être corroborée par d’autres sources. Nous mettons donc quelques guillemets à ces éléments biographiques mais comme ils sont à peu près les seuls en notre possession, il nous faut bien au moins les citer ici.
Ci-contre représentation de Pistoleta, Chansonnier provençal dit chansonnier K, manuscrit ancien, ms 12473 Bnf, milieu du XIIIe siècle)
En activité de la fin du XIIe siècle au début du XIIIe (1230), il semble donc qu’à force de colporter et de chanter les oeuvres d’Arnaud de Mareuil, Pistoleta fut lui-même tenté de s’essayer à la composition et à la rédaction de ses propres chansons. Homme de pauvre apparence et peu de moyens (toujours d’après les vidas), il se serait fait plus tard marchand en la ville de Marseille ce qui lui aurait réussi plutôt bien . Il aurait alors laisser de côté l’art de trobar et ses errances de cour en cour pour se consacrer entièrement à cette nouvelle activité.
Histoire générale de Provence
En fouillant un peu plus loin dans les sources, nous trouvons encore les lignes suivantes (plutôt lapidaires) concernant notre troubadour. L’ouvrage est une Histoire générale de Provence, rédigée vers la fin du XVIIIe siècle :
« Pistoleta, après avoir longtems chanté les chansons des autres, voulut en faire ; mais il n’eut point de succès : on n’en aima que les airs qui furent trouvé agréables. Il nous reste de lui cinq chansons triviales, sur l’amour qu’il avoît pour une dame d*un haut rang, qui ne pouvoit le souffrir. C’est lui-même qui nous apprend cette circonstance dans une pièce, où il dit, que le tems qu’il passe avec elle, « lui paroit si court y que l’adieu touche presqu’au bon jour ». La dame ne devoit pas le trouver de même, s’il est vrai, comme le dit l’historien provençal, qu’il fut peu amusant, qu’il eût peu de mérite et peu d’usage du monde.
Dans ce cas-là, il fit très-bien de renoncer à la poésie, & de se faire marchand à Marseille, où il s’enrichit ; ce qu’il n’auroit pas fait dans la carrière du bel esprit, ingrate même pour les talens & où l’on se couvre de ridicules, quand on n’y porte que des prétentions. Pistoleta avoit été dans plusieurs cours : nous avons de lui une chanson dont l’envoi est au comte de Savoie, ( probablement Amédée IV), prince sage, dit-il, doué de toutes les belles qualités, aimant le mérite et se faisant aimer. » Histoire générale de Provence T2, page 414. (1778)
Pistoleta connut-il un succès relatif ou pas du tout ? Suivant qu’ils se fient ou non aux Vidas, Les auteurs semblent plutôt mitigés sur cette question même si le changement d’orientation dans la carrière de l’infortuné troubadour semble plutôt plaider en défaveur de son art. Quoiqu’il en soit, la chanson que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui est joliment tournée et on devine bien, à travers ses lignes, la vie de misère et les difficultés que l’artiste dut traverser, du temps où il s’exerçait à la poésie et au chant. Sans être très caustique, ni d’une satire manifeste, elle est sans doute à ranger dans les « sirventes » pour sa dimension sociale puisqu’elle compte les misères du poète et ce même si elle comprend aussi des éléments courtois.
Servantès ou chanson de vœux adaptée
Ar agues eu mil marcs de fin argen
Contre l’Histoire générale de Provence citée plus haut, dans un ouvrage de 1893, intitulé La poésie lyrique et satirique au moyen-âge, le philologue et chartiste lyonnais Léon Clédat se rangeait lui-même, implicitement (et même mot pour mot, mais sans les citer), du côté des Vidas pour nous parler de Pistoleta : « Il se fit troubadour à son tour, et il eut beaucoup de succès parmi les bonnes gens ». ( « E fo ben grazitz entre la bona gen ») .
Dans la foulée, il faisait encore remarquer que la chanson du troubadour que nous vous présentons aujourd’hui avait due connaître un succès suffisamment important pour se voir traduite en français et nous fournissait même l’adaptation de deux de ses paragraphes (hélas sans en citer la source, ni l’auteur précis).De son titre provençal qui est, en général, la reprise de la première ligne de la chanson « Ar agues eu mil marcs de fin argen », le titre de la version française était alors devenu « Chanson de Voeux ».
Pour le reste de la traduction, hormis ses deux paragraphes livrés « clefs en main » par Leon Clédat(voir image en tête d’article) nous nous sommes basés pour « adapter » le reste de la chanson sur une traduction de Cyril Heshon, paru en 2003, dans la revue des langues romanes(la partition moderne que nous livrons plus haut provient du même article). Pour être honnête, nous n’avons pas cherché la rime et cette adaptation mériterait franchement que l’on y revienne à un moment ou à un autre. Pour le moment, elle aura au moins le mérite de rendre un peu plus intelligible l’Oc original de Pistoleta.
Ar agues eu mil marcs de fin argen et atrestan de bon aur e de ros, et agues pro civada e formen, bos e vacas e fedas e moutos, e cascun jorn .c. liuras per despendre, e fort chastel en que·m pogues defendre, tal que nuls hom no m’en pogues forsar, et agues port d’aiga dousa e de mar.
Puissé-je avoir mil marcs de fin argent Et tout autant de bon or et de roux, Et quantité d’avoine et de froment. Boeufs et vaches et brebis et moutons, Et chaque jour cent livres à répandre, Et fort château où me pusse défendre, Tel que nul homme y forcer ne me pût ; Puissé-je avoir port d’eau douce et de mer !…
Et eu agues atrestan de bon sen et de mesura com ac Salamos, e no·m pogues far ni dir faillimen, e·m trobes hom leial totas sasos, larc e meten, prometen ab atendre, gent acesmat d’esmendar e de rendre, et que de mi no·s poguesson blasmar e ma colpa cavallier ni joglar.
Et si j’avais suffisamment de sens Et de mesure comme en eut Salomon, Ne me trompant jamais, ni en faits, ni en dits, Et si j’étais loyal en toutes circonstances, Large et généreux, fidèle à mes promesses, bien prompt à m’amender et à payer mes dettes, Et que de moi jamais on ne puisse blâmer Ni critiquer mes faits, jongleurs ou chevaliers.
Et eu agues bella domna plazen, coinda e gaia ab avinens faissos, e cascun jorn .c. cavallier valen que·m seguisson on qu’eu anes ni fos ben arnescat, si com eu sai entendre; e trobes hom a comprar et a vendre, e grans avers no me pogues sobrar ni res faillir qu’om saubes atriar.
Et si j’avais aussi une dame plaisante aimable, belle et gaie, aux manières avenantes, Et chacun jour pour moi des chevaliers vaillants qui me suivent où que j’aille et où que je me tienne Bien harnaché, comme je sais m’y entendre; Et si j’avais assez pour acheter et vendre, Et que grands avoirs ne me manquent jamais Ni ne me manque rien que l’on puisse acquérir.
Car enueis es qui tot an vai queren menutz percatz, paubres ni vergoinos, perqu’eu volgra estar suau e gen dinz mon ostal et acuillir los pros et albergar cui que volgues deissendre, e volgra lor donar senes car vendre. Aissi fera eu, si pogues, mon afar, e car non pois no m’en deu hom blasmar.
Car dur il est tout l’an d’aller chercher Menus profits comme un pauvre honteux. Aussi voudrais être heureux et tranquille Dans mon hôtel et accueillir les preux. Et héberger qui voudrait y descendre, Et je voudrais leur donner sans rien vendre. Si je pouvais, mènerais telle vie : Quand ne le puis, ne m’en doit-on blâmer.
Domna, mon cor e mon castel vos ren e tot quant ai, car etz bella e pros; e s’agues mais de que·us fezes presen, de tot lo mon o fera, si mieus fos, qu’en totas cortz pois gabar ses contendre qu’il genser etz en qu’eu pogues entendre. Aissi·us fes Dieus avinent e ses par que res no·us faill que·us deia ben estar.
Mon cœur et mon château, Dame, je vous remets Et tous les biens que j’ai, car êtes noble et belle; Si j’avais plus encore, présent je vous ferais, pour peu qu’il soit mien du monde en son entier Car en toutes les cours je vante sans ambages que plus belle que vous, on ne puisse trouver. Ainsi comme Dieu vous fit, charmante et sans égale que jamais rien ne manque qui puisse vous contenter.
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : poésie, littérature renaissante, poète, poésies courtes, ballade, Noël, exercice de style. Période : début renaissance, XVIe siècle Auteur : Clément MAROT(1496-1544) Titre : « Du jour de Noël » Ouvrage : Oeuvres complètes de
Clément Marot, P. Jannet (1873) et divers.
Bonjour à tous,
ous publions aujourd’hui, une ballade de saison et de circonstance qui nous vient du XVIe siècle et de Clément Marot. Elle est dédiée aux fêtes de Noël et on y retrouve la légèreté à laquelle le poète nous a souvent habitué ici.
Peut-être est-ce une commande, comme le suppose le commentateur d’une édition des œuvres complètes du poète datant de 1731 (chez P. Gosse & J. Neaulme) qui nous dit encore, à juste titre, au sujet de cette poésie que « c’est un jeu d’esprit qui fait moins connaître le génie du poète que la fertilité de son imagination ».
En Bref, pas satirique, pas non plus totalement dévote, cette ballade reste plus proche d’un exercice de rhétorique ou de style. C’est une invitation légère à la fête et à l’amusement dans le pur esprit marotique et, en dehors de ses références bibliques nombreuses et certaines, il ne faut sans doute pas lui chercher plus de profondeur sur le fond. Au delà de sa thématique et sur sa forme, sa particularité reste que toutes ses rimes finissent en C et qu’on les retrouve aussi précédées des différentes voyelles de l’alphabet, au fil de la poésie : ac, ec, ic, oc, uc.
Ballade XI. Du jour de Noël
Or est Noël venu son petit trac*, (piste, chemin) Sus donc aux champs, bergieres de respec; Prenons chascun panetiere et bissac*, (besace) Fluste, flageol, cornemuse et rebec, Ores n’est pas temps de clorre le bec, Chantons, saultons, et dansons ric à ric*: ( avec application et rigueur) Puis allons veoir l’Enfant au povre nic, Tant exalté d’Helie, aussi d’Enoc*, (Elie, Henoch biblique) Et adoré de maint grand roy et duc; S’on nous dit nac, il faudra dire noc. Chantons Noël, tant au soir qu’au desjuc (1).
Colin Georget, et toy Margot du Clac. Escoute un peu et ne dors plus illec (ici, en ce lieu) : N’a pas longtemps, sommeillant près d’un lac, Me fut advis qu’en ce grand chemin sec Un jeune enfant se combatoit avec Un grand serpent et dangereux aspic; Mais l’enfanteau, en moins de dire pic, D’une grand’ croix luy donna si grand choc Qu’il l’abbatit et luy cassa le suc*(col, tête); Garde n’avoit de dire en ce defroc*(déroute, désastre) : Chantons Noël tant au soir qu’au desjuc.
Quand je l’ouy frapper, et tic et tac, Et luy donner si merveilleux eschec, L’ange me dit d’un joyeux estomac: Chante Noël, en françoys ou en grec, Et de chagrin ne donne plus un zec, (2) Car le serpent a esté prins au bric. Lors m’esveillay, et comme fantastic Tous mes troupeaux je laissay près un roc. Si m’en allay plus fier qu’un archiduc En Bethleem : Robin, Gauthier et Roch, Chantons Noël tant au soir qu’au desjuc.
ENVOY. Prince devot, souverain catholic, Sa maison n’est de pierre ne de bric, Car tous les vents y soufflent à grand floc; Et qu’ainsi soit, demandez à sainct Luc. Sus donc avant, pendons soucy au croc, Chantons Noël tant au soir qu’au desjuc.
(1) Desjuc : petit matin, moment où l’on se lève
(2) De zest : un rien, une chose sans valeur (glossaire d’un édition des oeuvres complètes de Marot, Edition Rapilly, Tome 3,1824 )
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, satirique, morale, fables, métaphores animalières, Isopets, Ysopet, littérature médiévale, ballade, moyen-français Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle. Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Le renard et le corbeau » Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, Georges Adrien Crapelet (1832)
Bonjour à tous,
n le sait, en plus de ses centaines de ballades ou poésies, on doit à Eustache Deschamps quelques jolies fables. Nous avions déjà publié celle du chat et des souris et, aujourd’hui, nous partageons ici sa version du Renard et du Corbeau (ou l’inverse) que nous connaissons presque tous sous la plume de Jean de La Fontaine, pour l’avoir apprise sur les bancs de l’école.
De Marie de France à Eustache Deschamps, pour aller jusque La Fontaine justement et pour ne citer qu’eux, il serait bien présomptueux de prétendre faire des échelles entre tous les auteurs qui se sont attaqués au genre de la fable depuis le célèbre Esope : autres temps, autres langues, autres mondes. La proximité du francais du XVIIe siècle avec le nôtre (ou ce qui en demeure), autant que le talent stylistique de La Fontaine en ont fait invariablement l’un de ceux que l’on étudie le plus. Pourtant, qui aime les langues à travers le temps ne pourra que se laisser séduire par cette version médiévale du Corbeau et du Renard, autant que par la musicalité et les charmes du moyen-français du XIVe siècle, sous la plume d’Eustache Deschamps ; si cette dernière ne l’est pas toujours, elle se fait ici légère avec son très laconique et enlevé « On se déçoit par légièrement croire » qui vient scander cette fable, en manière de ballade. Pour peu, on aurait presque envie que Fabrice Luchini sorte un peu de sa fascination du XVIIe de La Fontaine et de Molière aux auteurs contemporains pour s’y essayer, en s’aventurant un peu sur des terres plus médiévales.
Pour le reste, comme dans la reprise de la même fable, quelques siècles avant maître Deschamps par Marie de France, la viande qu’avait mis Esope dans le bec de son Corbeau s’est définitivement changée ici en fromage, mais le fond reste le même : perfidie et intérêts à peine voilés des flatteurs et des beaux parleurs, crédulité et naïveté des flattés, aveuglés par leur si beau reflet dans un si beau miroir et qui en redemandent. Vérités inchangées, Les métaphores animalières d’Esope ont été taillées, indubitablement, pour traverser les âges. Bien sûr, chez Eustache Deschamps, les travers de la cour ne sont jamais loin et la vie curiale se niche encore entre les lignes de cette fable, même si l’on s’en voudrait de l’y restreindre.
Avant de lui céder la place, nous ne résistons pas au plaisir de citer, dans le verbe, la morale que faisait deux siècles avant lui, de cette même fable, la poétesse médiévale Marie de France (1160–1210) :
« Cis example est des orgueillox Ki de grant pris sunt desirrox Par lusenger è par mentir Les puet-um bien a gré servir. Le Jur despendent follement Pour fause loange de la gent »
« Ainsi est-il des orgueilleux Qui de gloire sont désireux Par tromperie et par mentir On peut, à bon gré, les servir Et ils dépensent follement Pour les fausses louanges des gens. »
Corbel qui prist un Fromaisges ou Dou Corbel è d’un Werpilz – Marie de France
« On se déçoit par légièrement croire »
La fable du Renard et du Corbeau
Renart jadis que grant faim destraignoit Pour proie avoir chaçoit par le boscage ; Tant qu’en tracent, dessur un arbre voit Un grant corbaut qui tenoit un frommage. Lors dist renars par doulz et humble langaige Beaus thiesselin (1), c’est chose clere et voire, Que mieulx chantes qu’oisel du bois ramage : On se déçoit par légièrement croire (2).
Car li corbauls le barat* (ruse) n’apperçoit, Mais voult chanter; po fist de vasselage*(prouesse) ; Tant qu’en chantant sa proye jus chéoit. Renart la prist et mist à son usaige ; Lors apperçut le corbaut son dommaige : Sanz recouvrer perdit par vaine gloire. A ce mirer se doivent foul et saige : On se déçoit par légièrement croire.
Pluseurs gens sont en ce monde orendroit* (désormais), Qui parlent bel pour quérir adventaige ; Mais cil est foulz qui son fait ne congnoit, Et qui ne faint à telz gens son couraige. Gay* (geai) contre gay doivent estre en usaige ; Souviengne-vous de la corneille noire De qui renars conquist le pasturage : On se déçoit par légièrement croire.
1) Thiesselin : nom donné au corbeau dans le Roman de Renard
(2) Légièrement : facilement. “On se fourvoie à être trop crédule”
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes