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« Soutenir le pauvre dans la querelle », Justice et magnanimité de Saint Louis

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«À justice tenir et à droit rendre, sois loyal et droit envers tes sujets […] et soutiens la querelle du pauvre jusqu’à ce que la querelle soit éclaircie.»

Louis IX,  Roi de France, (1214-1270), dit « le prudhomme », plus connu encore  sous le nom de Saint Louis,

T_lettrine_moyen_age_passionrès pieu et très chrétien, autant qu’épris d’un grand souci de justice pour son peuple et ses gens, Saint Louis, petit fils de Philippe Auguste, est un roi qui, à bien des égards, est entré dans la légende pour sa magnanimité et son sens de la justice. Il est mort, emporté par la dysenterie, durant la VIIIe croisade (Tunis).

__________________________________________________________________________Citation médiévale &  chrétiens du moyen-âge

L’ère des châteaux forts: Castlewood, motte féodale et forteresse du Xe siècle

Castlewood, motte féodale et forteresse du Xe siècle

I_lettrine_moyen_age_passion copial y a quelques temps, nous avions présenté ici un premier article à propos des mottes castrales, ces fortifications qui marquent l’entrée du moyen-âge dans l’ère de la féodalité et des châteaux. Nous vous avions alors proposé une vidéo accélérée de la construction de Castlewood, forteresse fictionnelle et motte féodale du Xe siècle. Cette fois-ci, nous vous proposons une visite plus détaillée et plus explicite de cette carte; vous y trouverez une dimension tout à la fois historique et ludique puisque la motte castrale de Castlewood (réalisée à l’aide du moteur du jeu « Medieval Engineers »),  se destine aussi à des joueurs potentiels.

Un peu  d’Histoire  : l’entrée dans l’ère des châteaux forts

motte_castrale_chateau_fort_charlemagne_passion_moyen-ageAprès la dislocation de l’empire de Charlemagne, les invasions de byzantins et de barbares viennent, en effet, en horde, piller les terres du grand royaume de France au pouvoir alors divisé, et la multiplication autant que la fréquence de ces attaques, trouvent l’armée carolingienne impuissante à leur faire face. On encourage alors les barons et autres seigneurs à assurer eux-même et autant que faire se peut, la protection de leur territoire et dans la mesure du possible, la protection de leur gens. Ce phénomène verra alors la mise en place d’une nouvelle forme d’organisation sociale, économique et politique des territoires autour de la personne du seigneur, et marquera aussi l’entrée dans une nouvelle ère de l’architecture médiévale défensive. (photo ci-contre, Statue équestre de Charlemagne, Bronze, IXe siècle, Louvre, PARIS)

Cette période durera plus de cinq siècles pour aller des forteresses et des mottes féodales principalement faites de bois jusqu’aux châteaux forts de pierre nantis des systèmes de défense les plus élaborés; au fil du temps, les bâtisseurs de châteaux et l’architecture militaire redoubleront, en effet, d’ingénuité pour contrecarrer les envahisseurs potentiels, fussent-ils des barbares venus de loin ou même simplement d’ambitieux seigneurs voisins.

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L’empire carolingien du temps de Charlemagne

Architecture et éléments des mottes castrales et féodales

On commencera donc autour du IXe, Xe siècle à établir des mottes castrales. Elles auront des visées prioritaires de défense du territoire et de survie sur des terres troublées régulièrement par envahisseurs ou pillards, mais où sévissent aussi les tensions entre seigneuries voisines, en l’absence d’un pouvoir centralisé fort et reconnu de tous.

Pour assurer des défenses efficaces, on creuse alors des fossés sur le périmètre de la motte. Ils peuvent être secs ou emplis d’eau, quand on à la chance d’avoir une rivière ou un fleuve non loin. On cherche aussi les hauteurs, quand on peut les trouver, pour en avoir les avantages défensifs et l’on borde le pourtour des fossés, surélevé par les remblais de terre venus de l’escavation, de hautes palissades de bois.

Dans ces mottes féodales, la division sociale de l’espace et sa codificationmotte_castrale_histoire_medievale_chateaux-forts_forteresses préfigureront déjà celles que l’on retrouvera dans la plupart des forteresses et châteaux qui y succéderont, Il y a, en effet, derrière les premières grandes portes, ce premier grand espace auquel on accède, la « basse-cour », où se tient une partie du petit peuple de manière permanente et en fonction des places disponibles. Les autres qui n’ont pas la chance d’y être établis et qui vivent à l’extérieur des remparts pourront toujours s’y réfugier en cas d’attaque. On trouve aussi dans cette basse cour, à la mesure de sa taille, les métiers nécessaires à l’autonomie de la forteresse (forgerons, charpentier, serfs ou vilains, …), mais encore la religion avec chapelle ou église dans cette France devenue depuis longtemps chrétienne.  Et comme c’est bien connu, l’eau c’est la vie et qu’il est nécessaire d’en avoir pour faire face à tout siège, il y a aura toujours un puits, à l’intérieur de l’enceinte de la motte castrale.

Dans cette motte castrale, sur une butte elle-même fréquemment surélevée, qui préfigurera ce qui deviendra, plus tard, la haute cour des châteaux forts, on trouvera le seigneur et ses proches, qu’ils se tiennent comme souvent au Xe siècle dans un donjon de bois ou, plus tard et à partir du XIe, dans un donjon de pierre qui évoluera encore vers un logis seigneurial plus élaboré dans les châteaux plus récents.

Une motte Castrale fictionnelle du Xe siècle

Défense des mottes castrales & pierre contre bois

Depuis les premières mottes castrales du neuvième siècle, jusqu’aux château-forts les plus élaborés des treizième, quatorzième ou même quinzième siècles, l’évolution de l’architecture médiévale défensive et des châteaux est indissociable de l’évolution des armes qui les assiègent.

Dans les premiers siècles des mottes féodales, on fait, certes, souvent face à des hordes de barbares à cheval ou à pied, mais les catapultes sont déjà là depuis plusieurs siècles puisqu’on date leur invention de -399 avant Jésus-Christ. Quand elles sont aux mains des assaillants, ces armes de siège font donc principalement face à des forteresses de bois; c’est le sujet que nous abordons dans cette vidéo, à travers la reconstitution de cette grande motte féodale fictionnelle. 

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Réalisme de Castlewood vs les mottes castrales « usuelles » retrouvées par l’archéologie

La forteresse de Castlewood est particulièrement grande et particulièrement nantie en terme de systèmes défensifs. Si une telle « motte » avait existé, elle préfigurerait ce que pourrait être le noyau d’une ville défensive, sans doute plus qu’un simple château-fort. Par ailleurs, pour ménager une grande visibilité et éviter les angles morts, les mottes castrales sont bien plus souvent installées sur des périmètres circulaires que sur des périmètres rectangulaires tel que l’est Castlewood. Il y a toujours des chateau_fort_mottes_feodales_castrales_moyen_age_passionexceptions en Histoire et en architecture et c’est dans ce champ de possibles que se situe donc cette motte castrale. De la même façon, ses catapultes défensives frisent le luxe ostentatoire, autant que le nombre de ces tours qui égalent et même supèrent en nombre celles que l’on retrouvera dans l’architecture philippienne une fois que Philippe Auguste l’aura formalisée, au début du XIIe siècle (voir, à ce propos, notre vidéo sur le château de Guedelon).

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Au fond, cette forteresse féodale de Castlewood s’inscrit dans une « modernité », doublé d’un « luxe » défensif qui ne reflète sans doute pas les caractéristiques que présente la plupart des mottes féodales de l’époque, en tout cas celles que l’archéologie et l’Histoire nous ont pour l’instant restitué.  Il faut bien se rendre compte aussi que les moyens alloués à la défense, au moment de l’émergence de ce phénomène « d’enchâtellement » des territoires, dépendront alors grandement du nombre de gens disponibles pour les fabriquer et des ressources présentes sur site. N’oublions pas que le succès rencontré par les mottes castrales à travers toute l’Europe, dans cette partie du moyen-âge, s’explique aussi par le peu de moyens nécessaires pour les construire et la rapidité relative de leur construction. D’une manière générale, il ne semble pas que l’on s’engage alors dans des chantiers de longue haleine et il y a, semble-t’il, dans cette période du IXe Xe siècle comme une urgence à se protéger. Si les mottes castrales évoluent et s’étoffent certainement avec le temps, le noyau doit donc être, dans la plupart des cas, créé rapidement, sans compter le fait que les ressources présentes tant en moyen humain que matériel sur site, doivent permettre de renforcer ou réparer les fortifications entre les attaques.

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Dans ce sens, la motte castrale fictionnelle de Castlewood n’a d’autres prétentions que de nous fournir un support au débat pour approcher cette période, plus que d’en être le témoin  réaliste. Même si nous restons dans le champ de possibles, si une telle forteresse avait existé, elle serait sans doute plus l’exception que la règle et, encore une fois, se présenteraient sans doute plus comme l’ancêtre d’une ville fortifiée que d’un « simple »  château-fort.

Mauguio ; la plus grande motte castrale artificielle découverte en Europe à ce jour.

grande_motte_castraile_moyen_age_passion_A titre de comparaison, l’une des plus grandes mottes castrales d’Europe reconnue se situe dans le sud de la France, à Mauguio,  et voici à droite une illustration de cette dernière. Erigée autour de l’an 960, elle trône encore au coeur de la ville dont elle semble être  le coeur originel.

 Bonus : Castlewood par Medieval Engineers et Keen Software 

Je dois avouer que nous avons été assez content de voir que cette création de Castlewood a été saluée par la société productrice du jeu vidéo Medieval Engineers qui lui a même dédié quelques minutes au début d’une de leurs vidéos, il y a quelques temps de cela. Nous avons le plaisir de vous la présenter ici.

En vous souhaitant une très belle journée!

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com

A la découverte du moyen-âge et du monde médiéval sous toutes ses formes, jusque dans les plus imaginaires.

Chanson et poésie médievale : « la complainte du prisonnier » de Richard Coeur de Lion

Sujet : poésie médiévale, musique médiévale, chanson, trouvère, troubadour, complainte.
Titre : la complainte du prisonnier ou  Ja nuns hons pris
Auteur : le roi Richard Coeur de Lyon.
Langue originale : provençale
Genre musical : rotruenge*
Epoque : moyen-âge central , fin du XIIe siècle (1193-1194?)
Interprète-compositeur dans la vidéo : Owain Phyfe

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oici une pièce et un texte qui nous viennent tout droit du monde médiéval et du XIIe siècle. On dit, en effet, de cette complainte qu’elle a été composée, en langue provençale, par le célèbre  Roi et Chevalier Richard Coeur de Lion en personne, durant sa captivité en Autriche autour des années 1193-1194. Elle est interprétée, ici, de fort belle manière et dans sa langue originale, par feu le troubadour moderne Owain Phyfe (1949-2012).

Un peu d’Histoire : une querelle de Rois

Richard Ier, par Merry Joseph Blondel, 1841.
Richard 1er, dit Coeur de Lion, Merry Joseph Blondel, 1841.

Revenant de croisades, Richard Ier d’Angleterre, dit « Coeur de Lion » est capturé par le duc Léopold V de Babenberg, autour de Vienne, en Autriche. En réalité, ce dernier agit pour le compte du roi de France Philippe Auguste. vieil « ami » de Richard, mais devenu au fil du temps son ennemi.  Dans le cas précis, Philippe Auguste fait arrêter Richard Ier au motif que ce dernier l’aurait insulté publiquement durant une croisade. Les deux souverains avaient, en effet, « pris la croix », ensemble, pour la troisième croisade,  lancée par le pape Grégoire VIII dans l’intention de reprendre Jérusalem et la terre sainte à Saladin, et pour laquelle l’empereur germanique Frédéric Barberousse avait déjà embarqué.

La querelle de Richard Coeur de Lion et Philippe Auguste, enluminure du XIVe siècle (bnF)
La querelle de Richard Coeur de Lion et Philippe Auguste, enluminure du XIVe siècle (bnF)

C’est durant cet emprisonnement que Richard Coeur de Lion va composer ce poème et cette complainte du prisonnier dont nous vous livrons ci-dessous la traduction/interprétation de la langue originale vers le français moderne.

Traduction, adaptation des paroles de la complainte du prisonnier de Richard Ier

Ja nus hons pris ne dira sa raison
Adroitement, se dolantement non;
Mais par effort puet il faire chançon.
Mout ai amis, mais povre sont li don;
Honte i avront se por ma reançon
Sui ça deus yvers pris.

Jamais nul homme pris ne dira sa pensée
De manière juste et sans fausse douleur ;
Mais il peut faire l’effort d’une chanson ;
J’ai beaucoup d’amis, mais pauvres sont leurs dons.
La honte sera sur eux si, faute de rançon,
Je reste deux hivers prisonnier.

Ce sevent bien mi home et mi baron
Ynglois, Normant, Poitevin et Gascon
Que je n’ai nul si povre compaignon
Que je lessaisse por avoir en prison;
Je nou di mie por nule retraçon,
Mais encor sui [je] pris.

Ils le savent bien, mes hommes et mes barons,
Anglais, Normands, Poitevins et Gascons :
Que jamais je n’eu si pauvre compagnon
Pour le laisser, faute d’argent, en prison.
Je ne le dis pas pour leur en faire reproche
Mais je suis encore prisonnier.

Or sai je bien de voir certeinnement
Que morz ne pris n’a ami ne parent,
Quant on me faut por or ne por argent.
Mout m’est de moi, mes plus m’est de ma gent,
Qu’aprés ma mort avront reprochement
Se longuement sui pris.

Maintenant,  je sais pour vrai et certain
Que morts ou prisonniers n’ont amis ni parents,
Quand ils me laissent ici pour or ou pour argent
C’est bien mal pour moi, mais pire pour mes gens,
Qui jusqu’après ma mort en auront le reproche,
S’ils me laissent  ici prisonnier

N’est pas mervoille se j’ai le cuer dolant,
Quant mes sires met ma terre en torment.
S’il li membrast de nostre soirement
Quo nos feïsmes andui communement,
Je sai de voir que ja trop longuement
Ne seroie ça pris.

Je ne m’étonne plus si j’ai le coeur souffrant
Car mon seigneur* met ma terre en tourment
Il ne se souvient plus de notre serment
Que nous fîmes ensemble au Saint,
Mais je sais bien en vérité que guère longtemps
Je ne serai, en ces lieux, prisonnier

(* Richard fait référence ici au roi Philippe Auguste)

Ce sevent bien Angevin et torain,
Cil bacheler qui or sont riche et sain
Qu’encombrez sui loing d’aus en autrui main.
Forment m’amoient, mais or ne m’aimment grain
De beles armes sont ores vuit li plain
Por tant que je suis pris.

Ils savent bien Angevins et Tourangeaux,
Ces jeunes gens désormais riches et forts :
Que suis captif, loin d’eux, aux mains d’autrui.
Ils m’aimaient fort alors, ne m’aiment plus du tout.
Les belles armes ont déserté les plaines
Depuis que je suis prisonnier.

Mes compaignons que j’amoie et que j’ain
Ces de Cahen et ces de Percherain
Di lor, chançon, qu’il ne sunt pas certain,
C’onques vers aus ne oi faus cuer ne vain;
S’il me guerroient, il feront que vilain
Tant con je serai pris.

Mes compagnons que j’aimais et que j’aime,
Ceux de Caen et ceux du Perche,
Conte pour moi, chanson, qu’ils ne sont pas fidèles
Quand jamais envers eux, mon coeur ne fut faux ou vide.
S’ils guerroient contre moi, ils se portent en vilains
Tant que je serais prisonnier.

Contesse suer, votre pris souverain
Vos saut et gart cil a cui je me clain
Et por cui je sui pris.
Je ne di mie a cele de Chartain,
La mere Looÿs.

Soeur comtesse, votre titre souverain
Vous sauve et vous garde de celui à qui je fais appel
Et qui me tient  prisonnier !
Je ne le dis pas pour celle de Chartres*,
Le mère de Louis.

(* la comtesse de Chartes)

*rotruenge : « genre de poésie lyrique des troubadours et trouvères, caractérisé par un refrain interne, situé dans le corps de la strophe, au milieu ou à la fin » (http://cnrtl.fr/definition/rotruenge)

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Une très belle journée à tous!

Fred
Moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

La saga du trône de fer de Georges RR Martin

games_of_thrones_livres_medieval_fantastique_fantaisieSujet : romans, livres, série télévisée, médiéval fantastique ou fantaisie
Genre : aventure, guerre et jeux de pouvoirs.
Auteur : GRR Martin
Titre : « le Trône de Fer », la saga
Titre original : « A Song of Ice and Fire », « Games of thrones » pour la télévision (HBO)
Editeur : Pygmalion et J’ai lu
Sortie : de 1996 à ce jour.

Bonjour à tous,

‘est aux romans et livres de GRR Martin que nous dédions cet article, même si, inévitablement, on ne peut en parler sans parler de son adaptation télévisuelle tant elle rencontre un succès énorme au niveau mondial. A l’image de la sérié télévisée, la saga écrite n’est pas encore tout à fait achevée, mais elle est déjà bien avancée et son adaptation au petit écran en refait chaque année, un sujet d’actualité brûlant jusque dans le monde du livre. A noter que son auteur aura consacré au  « trône de fer » déjà plus de vingt cinq ans de sa vie, puisque le premier livre de la saga a été édité en 1996 et qu’il l’avait écrit en 1991.

SUSPENSE QUAND TU NOUS TIENS

En réalité, je suis, comme beaucoup, entré dans cette saga livresque à partir de la série télévisuelle. C’est assez rare que je fasse les choses dans ce sens, préférant généralement toujours faire l’inverse, soit lire d’abord et, éventuellement après, voir les adaptations  à l’écran des oeuvres écrites.  Je trouve, en effet, que l’on entre mieux dans un livre quand l’imagination n’est pas encore figée dans des imagesgames_of_thrones_livre_medieval_fantaisie_pigmalion toutes faites. On a alors tout loisir de se les fabriquer soi-même et c’est tout l’intérêt de la lecture d’ailleurs; c’est un acte alchimique entre deux imaginations ou esprits qui se rencontrent et c’est surement pour cela que ceux qui lisent aiment cela, autant qu’ils aiment souvent « l’objet » livre lui-même; lire restera toujours un acte magique. D’un point de vue psychologique, le roman creuse également bien plus ses personnages là où, souvent,  un simple film  ne fait qu’en effleurer la surface par la nécessité qu’il a de couper dans le texte pour en extraire un scénario finalement assez court en pages, quand on le compare à un livre de taille moyenne. (photo ci-dessous l’écrivain Américain du Trône de Fer, Georges RR Martin).

L'auteur GRR MARTINCela étant dit, il faut tout de même rendre justice aux séries télévisées découpées en « saison » dont la longueur offre une bonne solution pour coller à l’oeuvre écrite et rattraper ainsi des détails ou certains traits des personnages qu’un long métrage n’aurait pas permis d’aborder. Le pendant de cela est que ce format ménage une dépendance incommode et un suspense qui, souvent, pèse d’une semaine sur l’autre, dans l’attente du prochain épisode, et pire, d’une année sur l’autre, dans l’attente de la « nouvelle saison ». Personnellement, je me sens toujours un peu otage de ce genre de formules que ce soit à la télévision ou au cinéma. J’attends donc en principe toujours que tout soit sorti et fini avant d’acquérir les DVDs.

Dans le cas du trône de fer, j’ai toutefois dérogé à la règle sur les conseils de personnes de mon entourage qui, connaissant ma passion pour le monde médiéval, ne se lassaient pas de me vanter les qualités de la série télévisuelle. Je m’y suis donc plongé en faisant l’acquisition des DVD’s. Nous étions alors à la fin de la saison trone_de_fer_serie_tele_dvd_HBO_moyen_agetrois. A leur décharge, la série télévisuelle est excellente et, après avoir vu les trois premières saisons d’un coup, je l’ai donc prise en route jusqu’à la fin de la saison cinq. Fatalement, arrivé là, frustré une fois de plus de rester sur ma faim, je décidais de m’atteler à la lecture de ce « trône de fer » dans le texte. (ci-contre la photo du coffret DVD de la série chez HBO).

LE RESUME DE L’HISTOIRE

Je serais court sur le résumé de l’histoire parce que ceux qui ont vu la série la connaissent et ceux qui ne l’ont pas vu n’ont pas vraiment besoin d’en  savoir énormément pour se plonger dans les livres. Pour ceux qui regardent la série télévisée, comme pour les autres d’ailleurs, je précise que vous ne trouverez ici aucun « spoil ».

La Carte du « Trône de fer »

L'univers du Trône de fer
L’univers du Trône de fer (Games of Thrones) de Georges RR MARTIN

Sur les territoires (fictionnels) de Westeros et d’Essos,  et dans un temps que seul connaît le médiéval fantastique et qui n’est donc pas daté précisément, se tiennent sept royaumes, qui sont aussi des grandes familles, régions et cultures. L’organisation y est résolument féodale. Par le passé, l’union de ces sept régions et familles a été mise en place et une paix relative s’est maintenue dans ce que l’on a appelé et que l’on continue d’appeler  « le royaume des sept couronnes » mais cela ne durera pas et les tensions vont bientôt gronder et menacer cette paix et son équilibre fragile.

Lutte et jeux de pouvoir
au royaume des Sept couronnes

Juché sur le « trône de fer » depuis lequel il gouverne les sept couronnes, le roi Robert Baratheon a vieilli et n’est plus à la hauteur de la tâche. Des complots s’ourdissent dans son dos pour la prise de pouvoir et, pour les déjouer, autant que pour l’assister dans la conduite du royaume, il nommera  comme « la main du roi » son vieux compagnon de bataille « , », le seigneur du royaume du nord. Mais le poison continuera pourtant de se distiller dans le royaume et la nouvelle main du roi dérange. Eddard Stark le_trone_de_fer_moyen-age_passion_medievaledécouvrira bientôt, en effet, un terrible secret sur les héritiers de du roi Robert Barathéon qui leur coûtera cher à tous deux. Le roi mourra, en effet, bientôt d’un « accident de chasse », dit-on, et cet événement mettra définitivement en péril l’équilibre de la paix à Westeros et sera le détonateur de l’ensemble des luttes de pouvoirs et des intrigues de la saga du « trône de fer ».  Personnage aussi obscure qu’impitoyable, la Reine Cersei y est-elle mêlée? Il faut dire que sa lignée, les Lannister, une famille honnie de presque tous, semble capable de tout, et même surtout du pire, pour assouvir ses ambitions. Les trois générations, du grand-père jusqu’au petit-fils (jeune héritier tyrannique et immature, mis à la hâte sur le trône), ont toujours, en effet, convoité le pouvoir, dusse être à coup de manoeuvres politiques ou dans le sang. Seul semble les garder de la folie totale, le plus raisonnable d’entre eux, Tyron Lannister, dit « le lutin », homme de petite taille, grand par l’âme et l’intelligence, mais qu’à peu près l’ensemble du clan semble s’accorder à détester.

Un Héritier et  trois dragons pour le Trône de fer

dragon_princesse_trone_de_fer_monde_médiévalEt tandis que bien des nobles de Westeros convoiteront secrètement ou réclameront ouvertement le « trône de fer »,  deux autres dangers planent et menacent Westeros. Sur le grand territoire de Essos, on conte, en effet, que se dressera bientôt l’héritier légitime du roi Aerys II Targaryen, roi devenu fou, dit-on, souverain des sept couronnes avant que Robert Baratheon ne  le tue de sa main et ne se juche  lui-même sur le trône,  Cet héritier légitime posséderait des dragons et viendrait bientôt, avec leur aide, réclamer son due et son trône, ce que personne ne croit vraiment, car toute trace de créatures magiques a disparu depuis bien longtemps de ces terres.

La garde de nuit et  les « autres »

Dans le nord également, un autre danger, peut-être même plus grand encore menace de mettre en péril non seulement le trône de fer mais aussi bien des vies  dans les  sept royaumes, en frappant quiconque se trouvera sur son chemin. D’étranges créatures, « les autres », qui porteraient en elles un froid glacial pourraient, en effet, s’y éveiller la nuit, changeant les vivants en morts qui revivraient bientôt, transformés à leur tour en zombies sanguinaires, et alors,  un long et interminable hiver reviendra, qui cachera, en son sein, cette mort blanche. medieval_fantaisie_games_of_thrones_georges_martinMais qui peut croire, là encore, de telles histoires ? Elles font partie de la mythologie lointaine de Westeros et bien peu de gens prête foi à ces vieilles légendes. Pourtant, à la frontière de ce grand nord, on a, par le passé,  construit un mur gigantesque, gardé depuis toujours et en permanence, par « la garde de nuit », une vaillante légion de soldats, pour la plupart repris de justice, et auxquels on a épargné la vie en échange de leur voeu de passer leur vie entière à garder le mur. Et tous, ici, craignent le pire, sachant bien que s’ils ont pour mission d’empêcher les forces rebelles et sauvages  menées par le rebelle « Mance Rayder » et qui menacent, à tout instant,  d’attaquer le mur,  ils ne sont pas là que pour résister à ces envahisseurs humains. Bientôt, ils en sont convaincus l’hiver et la mort blanche reviendra pour réclamer son tribu sur Westeros,

Voilà, en quelques traits, le cadre de l’histoire du « trône de fer » et vraiment pour en faire une synthèse courte, car nous parlons là d’un total de quinze romans et ce monde est complexe tant en intrigues qu’en personnages.

IMPRESSIONS DE LECTURE

Je dois avouer  qu’il m’a fallu empiler quelques pages quand même avant de me retrouver totalement immergé, mais par contre avec grand plaisir, dans cette saga écrite de GRR Martin, pour finir par la lire d’une traite jusqu’à sa fin actuelle. Comme nous le
disions plus haut, il manque encore quelques livres à cette saga pour être terminée. Officiellement, Georges RR Martin dit qu’il lui en reste deux à écrire, mais il est possible que son histoire l’emporte plus loin qu’il ne le pense; nous ne le saurons donc vraiment que quand il en aura terminé.

Une aventure médiévale fantaisie pour tous.

L’écriture de GRR Martin est une écriture factuelle et efficace, caractéristique des romans d’action ou d’aventure anglo-saxons. Je n’ai pas de « snobisme » en lecture et j’aime assez me divertir sans trop me donner de migraines. Qu’on me raconte une histoire ou un conte et me voilà satisfait. C’est un peu comme au cinéma, l’écriture qui réfléchit un peu trop à elle-même en même temps qu’elle s’écrit, ne me détend que très rarement.  Sans contester games_of_thrones_roman_medieval_fantaisie_pigmalionl’intérêt de la haute littérature, bien entendu, disons que c’est une affaire de moment. Au fond aussi, tout cela est un peu comme la nouvelle cuisine. Il n’y a pas de recettes et il faut un vrai talent pour réussir ce genre d’exercice de style, alors, de la même façon que je préfère largement une bonne blanquette de veau traditionnelle réussie à un feuilleté aux truffes au jus de rutabaga et son coulis de framboises mentholé douteux et raté, je préfère un bon roman d’action réussi à un ouvrage prétendument littéraire mais au final pompeux, illisible, et parfois, en plus, mâtiné de cynisme. Encore une fois cela ne me détend pas*

winter_is_coming_trone_de_fer_humour_medieval_fantaisieDonc, tout cela est bien clair, avec le trône de fer, nous voilà en face d’un conte  et si, paradoxalement, c’est peut-être la nature factuelle et dépouillée du style de GRR Martin qui m’a, au premier plan, un peu fait faire la moue, le temps de traverser quelques situations, de trouver les repères et  l’affaire était faite. L’intérêt de la saga du trône de fer se révèle sur la longueur et l’histoire prend vite le dessus sans fioritures inutiles, qui, par ailleurs, sur la longueur aurait peut-être finie par alourdir le tout. Pas de longues pirouettes littéraires donc chez Georges RR Martin, et pas non plus de longues descriptions interminables  mais du coup et, ce faisant, vous ne vous y perdrez pas non plus. (photo ci-contre, je sais, ça n’a rien à voir, mais c’était juste pour voir si vous suiviez, sans compter qu’elles déchirent ces moon boots).

Les personnages

Ce qui compte, en dehors du monde du « trône de fer » lui-même, de sa complexité, de sa taille et de ses conflits, de toutes ces intrigues qui s’entremêlent et finalement de sa grande richesse, ce sont les personnages qui rythment la saga, et, sur la longueur, sont merveilleusement bien creusés, complexes à souhait et ne semblent jamais jugés par leur auteur quelque soit leur actes. Au fil des chapitres, l’oeuvre passe ainsi d’un personnage à l’autre, en restant dans un style impersonnel, qui privélégie le « il » sur le « je » et qui crée cette distance narrative très agréable de l’auteur avec ses personnages. Il y a aussi cette dimension générationnelle des pères ou des mères d’un côté et des fils ou filles de l’autre qui doivent être à la hauteur de leur héritage et en porter le poids, qui donne un rythme particulier à cette saga et en font aussi une oeuvre ouverte à un large public.

Georges RR Martin, auteur facétieux

passion_ecriture_auteur_moyen-age_fantastiqueJe retiens aussi comme impression de fond, le plaisir jubilatoire que semble prendre l’auteur Georges RR Martin à écrire et à nous surprendre en ne tombant pas dans les schémas conventionnels « attendus ». Les héros, quels qu’ils soient, peuvent, à tout instant, mourir et peu lui importe que nous nous y attachions ou pas, ils suivent leur destinée et l’écrivain se laisse guider par les lois de son monde. Passion et plaisir, voila ce que l’on sent dans ce flot de personnages, de cultures et de situations qu’il nous a concocté dans ce « trône de fer ». Nul doute que c’est une histoire qu’il se raconte d’abord à lui-même, mais on ressent aussi de la facétie et de la truculence dans cette écriture, dans les méandres par lesquels il nous oblige à passer pour le suivre.

Alors à lire ou pas, même si on est spectateur de la série?

Oui, largement! Et pas seulement pour compter les points et jouer au jeu des sept différences entre l’auteur de « trône de fer » et les scénaristes de HBO qui adaptent la saga pour le petit écran. L’intérêt va bien au-delà de cela et si vous aimez les romans d’aventure, vous passerez de vrais bons moments sur ses terres imaginaires de Westeros et d’Essos, en compagnie de Georges Martin.

A quand la fin de la saga & le prochain livre  ?

C’est pour bientôt mais de gràce, ne demandez pas à GRR Martin je pense que la question lui sort un peu par les trous de nez pour le dire trivialement! La preuve en image ci-dessous :

monde_medieval_moyen-age_fantaisie_trone_de_fer_livres_grr_martin

Une très belle journée à tous!

Fred
pour moyenagepassion.com

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* Encore une petite couche sur le simple plaisir de lire?

magie_de_la_lecture_roman_medievalJe m’excuse de m’étaler un peu sur ce sujet, mais c’est un fait aussi que nombre d’auteurs/conteurs français de romans à succès sont dédaignés, au mieux ignorés, au pire lapidés, par une certaine critique parce qu’ils ne versent pas dans notre « grande » tradition littéraire française mais s’attellent simplement à conter des histoires par l’écrit.. Au fond, pourtant, si ce ne sont pas leurs critères, pourquoi les juger au prisme d’un filtre dont ils n’ont jamais eu la prétention de se revendiquer? On peut aimer le genre du contes, des histoires et du roman d’action ou d’aventure, sans forcément que tout y soit « hollywoodien » et « attendu » au mauvais sens du terme. J’ai de mon côté en mémoire bien des romans « de gare » qui m’ont fait aimer les trains et mon amour de la lecture de tout temps est aussi dans ceux-là. Il y a peut-être encore en France un espace (médiatique?) à combler de la « Grande » littérature aux « simples » romans, même si j’ai quand même le sentiment que l’on médiatise de moins en moins l’intérêt de la lecture et les livres. Je dis tout cela pour réhabiliter simplement l’acte de lire, quelque soit les goûts du lecteur  car il y en a vraiment pour tous les goûts. En résumé, que vivent longtemps les livres, les salons du livre et la lecture sous toutes ses formes!