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Excalibur, l’épée d’Arthur: aux origines de la légende

excalibur_legendes_arthuriennes_conference_histoire_medieval_litterature_moyen-age_michel_pastoureauSujet : Roi Arthur, légendes arthuriennes, roman arthurien, Excalibur, épée, tradition celtes, mythologie et légendes.
Période : haut moyen-âge et moyen-âge central
Sources : Excalibur, Britannia.com
Auteur : David Nash Ford (historien britannique),
Traduit de l’anglais

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous remontons aux sources des légendes arthuriennes et notamment à la partie qui concerne la célèbre épée du roi : Excalibur. Nous le faisons en bonne compagnie puisque nous vous proposons, cette fois-ci, la traduction d’un article issu du très sérieux site Britannia.com.

Nous le devons à David Nash Ford, jeune historien et archéologue britannique littéralement tombé, enfant, dans les légendes arthuriennes, après avoir visité le site du château de Tintagel et qui s’en est fait, depuis, une spécialité.  Pour faire bonne mesure, en plus de sa traduction depuis l’anglais, nous y adjoignons quelques notes et éléments explicatifs, ainsi que des illustrations provenant d’autres sources.

En vous souhaitant une très bonne lecture !

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EXCALIBUR
Une discussion sur les origines de l’épée du Roi Arthur, par D Nash Ford

La tradition

Llegendes_arthuriennes_excalibur_symbole_origine_archeologiee nom Excalibur fut utilisé pour la première fois par les romanciers français pour désigner l’épée du Roi Arthur . Ce n’était pas alors la célèbre « épée du rocher » (qui s’est brisée lors d’une bataille), mais une deuxième épée acquise par le roi par l’intermédiaire de son conseiller  druidique Merddyn (Merlin). Inquiet qu’Arthur puisse tomber à la bataille, Merlin emmena le roi jusqu’à un lac magique où une main mystérieuse jaillit de l’eau, brandissant une épée magnifique. C’était la Dame du lac offrant à Arthur une épée magique incassable, forgée de la main même d’un elfe forgeron d’Avalon, ainsi qu’un fourreau qui permettrait de la protéger autant que son porteur, tant qu’il l’aurait sur lui. (ndt; le fourreau en lui-même était doté du pouvoir magique d’empêcher la mort de son porteur en cas de perte de sang occasionnée par des blessures). 

Près de la fin du règne d’Arthur, durant les temps troublés de la rébellion de Medrod (Mordred ou Mordred), Excalibur fut volée par la demi-soeur sorcière d’Arthur, la Fée Morgane. Bien que l’épée fut retrouvée, le fourreau, quant à lui, fut perdu à jamais.

excalibur_legendes_arthuriennes_epee_arthur_fee_morgane_jete_fourreau_magiqueLa fée Morgane se débarrasse du fourreau magique d’Excalibur (gravure de Henri Justice Ford 1902)

C’est ainsi qu’Arthur fut mortellement blessé durant la bataille de Camlann*. Suite à cela, le roi donna l’instruction à Bedwyr (ou Girflet) (le chevalier de la table ronde nommé Bedivere)  de rendre Excalibur au lac d’où elle était venue. Toutefois, questionné sur les circonstances autour du retour d’Excalibur dans l’eau, Bedwyr clama n’avoir rien noté d’extraordinaire. Arthur sut dès lors que Bedwyr avait gardé Excalibur pour lui-même et le renvoya une nouvelle fois au Lac. Ayant cette fois lancé l’épée dans les eaux troubles, Bedwyr vit la main mystérieuse apparaître et s’emparer d’Excalibur pour l’entraîner dans les fonds du lac pour la dernière fois.

L’évolution du nom

Les histoires arthuriennes les plus anciennes nomment l’épée du Roi Arthur Caladwich, un nom gallois dérivé de Calad-Bolg et qui signifie « Foudre puissante » (« Hard Lightning »). Par la suite, le nom a évolué pour devenir « Caliburn » chez Geoffroy de Monmouth, ce qui a finalement donné lieu au francisé Excalibur que nous connaissons aujourd’hui.

Les origines anciennes

Des figures légendaires sont associées à des épées magiques à travers le monde, ces dernières représentant souvent le symbole de leur pouvoir royal. Il est intéressant de noter que Curtana, une épée  datant du XVIIe siècle et succédant à l’épée originale de Ogier de Danemarche (Ogier the Dane, chevalier Danois légendaire) est encore utilisée jusqu’à ce jour durant les cérémonies de couronnement anglaises.  La légende du roi Arthur a aussi des similarités particulières avec la légende nordique de Sigurd, mais des parallèles encore plus frappants peuvent être faits avec le héros irlandais: Cu Chulainn (Cúchulainn) qui possédait lui aussi une épée du nom de Caladbolg.

Cuchulainn_heros_mythologie_irlandaise_celtique_legendes_arthuriennes_excaliburCúchulainn héros et guerrier aux pouvoirs extraordinaires parmi les plus importants personnage de la mythologie celte irlandaise.

De telles épées étaient en général réputées avoir été créées par un forgeron elfe. Dans la mythologie saxonne, on le connait sous le nom de Wayland, mais pour les celtes il s’appelait Gofannon. On peut encore l’identifier au Dieu romain Vulcain et au Dieu grec Hephaistos (Hephaestus) qui forgèrent des armes magiques que les muses donnèrent à Persée, et que Tétis (Thétis) donna a Achille. La capitulation ou la destruction ultime de l’épée est une symbole universel bien connu de défaite. Dans le cas présent, elle est emblématique de la mort elle-même.

Curtana, épée cérémonielle britannique du XVIIe siècle
Curtana, épée cérémonielle britannique du XVIIe siècle

Le « dépôt » d’épée, d’armes ou d’autres objets de valeurs dans les lacs sacrés et les rivières était une pratique répandue chez les peuple celtes. Strabon (historien géographe grec -64 BC. +25 AC)  a mentionné de tels rituels près de Toulouse en France et a noté que d’autres lacs sacrés ont existé à travers l’Europe. Grégoire de Tours (538-594) fait une allusion à des festivités de trois jours autour du lac Gévaudan dans les Cévennes, dédiées à ces rites_celtiques_legendes_arthuriennes_excalibur_origine_legende_dame_du_lacrituels. Certains érudits avancent que de telles pratiques faisaient parties des rites funéraires celtes.

Guerriers celtes et « dépôt » d’armes. Illustration sur la base de découvertes archéologiques dans la Ljubljanica  (rivière de Slovènie).

Des découvertes archéo-logiques de dépôts de pièces de métal venues de lointaines destinations, sont attestés dans le lac de Llyn Fawr  dans le comté de Glamorgan (Morgannwg- Sud du pays de Galles). Elles incluent des haches et des faucilles datant de l’an 600 avant JC. D’autres armes ont été découvertes dans le lac de Llyn Cerrig Bach de l’île galloise d’Anglesey. Leur datation va du 2e siècle avant J.C. jusqu’au 1er siècle Après J.C. De tels dépôts dans les rivières, durant l’âge de fer celtique,  sont si nombreux qu’on ne peut les compter. Parmi les plus célèbres d’entre eux, on peut mentionner le superbe bouclier de Battersea ainsi que le Casque du Waterloo Bridge trouvés dans la Tamise. La grande majorité des rivières anglaises semble avoir été communément  utilisée pour y déposer des épées du type de celle d’Arthur.« 

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David Nash Ford (historien britannique),
Traduit de l’anglais par moyenagepassion.com.

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*Bataille de Camlann : dernière bataille auquel Arthur aurait pris part, la plus ancienne référence historique de sa mention se trouve dans les annales de Galles (Annales Cambriae). Ce manuscrit datant du Xe siècle est vraisemblablement une compilation d’auteurs divers. Voilà ce que dit l’entrée pour l’année 516 et 537 de notre ère:

« 516. La bataille de Badon, durant laquelle Arthur porta la croix de notre seigneur Jésus-Christ durant trois jours et trois nuits sur ses épaules et les bretons furent victorieux.
« 537. La bataille de Camlann, durant laquelle Arthur et Medraut (Mordred) tombèrent. Et il y eu de nombreux morts (« plague ») sur l’ïle de Bretagne (Britain) et en Irlande. »

Une belle journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Chrétien de Troyes, légendes arthuriennes médiévales et quête du très Saint Graal

legendes_medievales_arthuriennes_chretien_de_troyes_perceval_chateaux_moyen-age« Sujet : Citations et poésie médiévales, légendes Arthuriennes, Saint Graal, table ronde, châteaux et chevaliers
Titre :  roman du Graal, conte du Graal, Perceval.
Auteur : Chrétien de Troyes
Période : moyen-âge central, XIIe siècle

« C’était au temps que les arbres fleurissent, que les bocages se couvrent de feuilles et les prés d’herbe verte, alors que dès l’aube les oiseaux chantent doucement en leur latin et que toute créature s’en­flamme de joie. »
                         Chrétien de Troyes, le conte du Graal, Perceval le Gallois

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Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionvant de faire plus grand tribut à Chrétien de Troyes et son oeuvre sur le Saint Graal et les légendes arthuriennes, oeuvre qui a marqué le monde médiéval et les valeurs de la chevalerie du moyen-âge de manière indélébile, nous voulons ici partager un peu de sa belle poésie, avec un extrait du roman de Graal sur le chevalier Perceval. Nous en profitons aussi pour soulever quelques idées sur cette fascinante quête du Saint Graal des légendes arthuriennes qui inspirera bien des auteurs, mais aussi simplement des hommes, longtemps après Chrétien de Troyes.

Qui est Chrétien de Troyes?

Que sait-on de Chrétien de Troyes en dehors de la fascination qu’exerce encore sur nous les légendes qu’il nous conte? Comme de nombreux auteurs médiévaux, son identité reste mystérieuse et on ne sait pas grand chose de précis le concernant. Il a vécu au XIIe siècle, serait né autour de 1135(?) et mort autour de 1183(?). Il a laissé pour nous une oeuvre poétique fournie mais pourtant inachevée, cinq récits en rimes, dont ce roman de Graal sur le chevalier Perceval qu’il n’aura pu finir et dont nous livrons aujourd’hui un court extrait. De l’héritage de cet auteur, on s’accorde à dire que plus qu’avoir simplement reflété la période médiévale qui l’a vu naître, il lui aura insufflé et inspiré, à travers les légendes du grand roi Arthur et de ses chevaliers, des valeurs, un idéal, une façon chrétienne d’être au monde. Noble chevalerie en quête de justice et roi_arthur_legende_arthuriennes_chrétien_de_troye_poesie_medievalede sacré, amour courtois magnifié et pourtant sitôt transgressé, les hommes y luttent avec leur nature et quelquefois même contre elle, pour s’élever dans des valeurs qui sont à la fois humaines, religieuses et sociales. (ci- contre le couronnement du roi Arthur, XVe siècle, BnF, voir le document original ici)

L’inspiration des légendes Arthuriennes

On l’a souvent dit, s’il est certainement celui qui donnera la consistance véritable et qui cristallisera les légendes du roi Arthur et de ses chevaliers de la table ronde, Chrétien de Troyes aura puisé son inspiration dans le Roman de Brut, un ouvrage que l’auteur médiéval anglo-normand Robert Wace, avait composé, autour de 1155, dans l’entourage de Henri II Plantagenêt (1133-1189), roi d’Angleterre, époux d’Aliénor d’Aquitaine, et père, entre autres enfants célèbres, de Richard Coeurlegendes_arthuriennes_medievale_chretien_de_troye_moyen_age_passion de Lion et de Jean Sans terre. (photo ci-contre, Roman de Brut, Brutus débarquant dans l’île d’Albion,  gravure médiévale du XIVe siècle , BnF, voir l’original).

L’inspiration de Wace connaît elle-même, comme filiation, celle de l’incontournable Geoffroy de Monmouth, ecclésiastique féru de littérature, ayant fini de publier, autour de l’an 1139, l’ouvrage « Historia regum Britanniae ». Il y contait alors déjà, entre autres mythes et histoires,  les conquêtes d’un certain roi Arthur. Bien que réfuté par les historiens contemporains de notre ecclésiastique, l’ouvrage connaîtra un grand succès et inspirera de nombreux chroniqueurs et auteurs, dont Robert Wace, qui poursuivront ainsi le vaste corpus des légendes arthuriennes auquel Chrétien de Troyes contribuera aussi. Des nombreuses sources d’inspirations de ce dernier, qui s’en est allé aussi boire à la source des légendes celtes pour écrire ses ouvrages, il reste indubitable que Chrétien de Troyes aura contribué à christianiser cette légende.

L’allégorie de la quête du Saint-Graal
au service d’un idéal humaniste et chrétien.

Le départ des chevaliers pour la quête du Saint Graal, tapisserie du XIXe siècle,Edward Burne-Jones,
Le départ des chevaliers pour la quête du Saint Graal, tapisserie du XIXe siècle,Edward Burne-Jones,

Un moyen-âge profondément chrétien

Nous l’avons dit et ce loin d’être une idée nouvelle, le moyen-âge du XIIe siècle reste profondément chrétien.  Nous sommes dans les siècles des croisades où l’on n’hésite pas à prendre la croix, au péril de sa vie, pour traverser le monde aux appels des papes : protéger les chrétiens d’orient ou le tombeau du christ, aller quérir les saintes reliques et se sanctifier à son tour. Les nobles et seigneurs d’alors sont portés par ces idéaux et dans les campagnes et les villes, on peut faire varier la forme de seslegendes_medievales_roi_arthur_excalibur_chretien_troyes_moyenage_passion croyances chrétiennes (au péril de sa vie, quelquefois), mais « ne pas croire » ne semble une option pour personne. Cette dimension et ce contexte ne peuvent être dissociée de   l’oeuvre de Chrétien de Troyes.

Bien sûr, il y a  dans les légendes arthuriennes, comme dans tout mythe ou légende, l’aventure et la féerie, l’action, les rebondissements, les hommes face à la réalité du monde, mais nos preux chevaliers sont, dans l’oeuvre du poète et à travers leurs quêtes, plus que jamais face à la quête profonde de la divinité et dans un recherche initiatique constante. Fusse-t’il un plat devenu coupe sous la plume de Chrétien de Troye, le Saint Graal n’est pas qu’un objet fait de matière, il est aussi un prétexte pour nos chevaliers à se chercher eux-mêmes dans un idéal chrétien, et au delà, à se sanctifier au sens encore chrétien du terme. (photo ci -dessus, le Saint Graal apparaît aux chevaliers de la table ronde, XVe siècle, BnF. consultez l’original ici)

Égaux  dans la quête et devant Dieu

Unir les hommes de toutes origines dans un idéal de valeurs et de transcendance, c’est, sans aucun doute à travers la recherche du Saint-Graal une des idées fortes des légendes arthuriennes du moyen-âge.

« La table ronde n’a pas d’angles pour que personne n’en soit exclus ».
C’est la quête, plus que l’éducation ou l’origine sociale qui unit nos chevaliers, une communion de valeurs, un élan vers un idéal et cet idéal est chrétien et les rend égaux entre eux et devant Dieu. Même s’il n’est pas dénué d’origine noble par le sang, sans doute que celui qui personnifie le mieux cette idée dans les légendes Arthuriennes reste le chevalier Perceval; être simple et rustre à la naïveté touchante, élevé par sa mère loin du monde des hommes, de la chevalerie et même des églises, mais que le destin prophétisé finira par rattraper pour le faire entrer dans la légende. Il n’est pas une adaptation ou une seule version de l’histoire d’Arthur et des chevaliers de la table ronde digne de ce nom, depuis, qui ne réussisse pas àlegende_medievale_roi_arthur_chevalier_table_ronde_chretien_troye nous le faire aimer, pour ce qu’il est et pour ce qu’il représente, Je ne peux en disant cela, m’empêcher de penser au Perceval d’Alexandre Astier dans Kaamelott(photo ci-contre, la quête du Saint-Graal, arrivée de Galaad à la cour d’Arthur et à la Table ronde, parchemin 1380-1385, Bnf voir original ici).


DES ORIGINES RUSTRES DE PERCEVAL
Parenthèse Kaamelott  très à propos, pour se détendre un peu.

Souffrez que je cite ici, au milieu de tant de sérieux, le très cher Alexandre Astier, en le laissant exprimer lui-même, sa vision des origines de Perceval, par la bouche même de ce dernier:

perceval_kaamelott_alexandre_astier_legendes_arthuriennes_medieval« Excusez, c’est juste pour vous dire que je vais pas pouvoir rester aujourd’hui! Faut que je retourne à la ferme de mes vieux ! Y a ma grand-mère qui a glissé sur une bouse ! C’est le vrai merdier ! »
Perceval, (Franck Pitiot), Chevalier de Kaamelott


Concernant cette table ronde et la symbolique de ces chevaliers au service du Christ dans leur quête, il faut encore relever ce détail que nous livre Jean Pierre Bordier, professeur agrégé de l’Université dans son article consacré à Merlin l’enchanteur sur Universalis. Il nous dit bien jusqu’où va la symbolique chrétienne chez les auteurs médiévaux des légendes d’Arthur, ici dans le roman de Robert de Boron, clerc de la fin du XIIe et du début du XIIIe siècle, qui nourrira  encore l’oeuvre arthurienne de ses vers très chrétiens.

« La Table ronde ne réunit pas seulement l’élite des chevaliers d’Arthur, tout en prévenant par sa forme toute querelle de préséance, mais reproduit aussi la table du Graal, dressée par Joseph d’Arimathie (d’après le roman en vers de Robert de Boron) en mémoire de la table de la Cène. »

legende_medievale_arthur_chretien_de_troyes_auteur_moyen-ageArthur, ô roi des rois!, porteur de l’épée sacrée, union personnifiée des mondes celtes et romains en un seul homme, réconciliant tous les contraires,  messager des Dieux sur la terre, il est le garant de cette union des mondes et de ces valeurs chrétiennes et il lui faut de larges épaules et de l’humanité tout autant qu’une foi sans borne, pour les porter par devers tous et pour tous ses chevaliers; être le guide qui montre le chemin, même si, au fond, chacun d’entre eux, avec ses forces et ses faiblesses, est aussi en quête de lui-même. Et il n’en reste pas moins homme et de la faiblesse de cette nature, ils failliront aussi, parfois, dans cette quête de perfection. (ci dessus, Lancelot du Lac conte ses aventures au Roi Arthur, illustration médiévale du XIIIe siècle, Bnf, voir original et détail ici)

La quête intérieure

Et les voilà, nos chevaliers de la table ronde, questionnant leurs origines, leurs actions et leur devenir, vivant et agissant dans une recherche constante d’eux-même qui les pousse, vers l’avant, comme pour mieux s’y trouver, et, à travers cette quête, pour retrouver un idéal d’homme. Et cet idéal avec Chrétien de Troyes et ses successeurs, est celui du noble chrétien, protégeant les déshérités, aimant les dames de cet amour distant et courtois, emprunt de grand respect, dans l’espoir qu’elle les invitent, peut-être un jour, à s’approcher. C’est encore ce noble chrétien qui part sur les routes, s’oubliant dans ses quêtes pour mieux s’y retrouver, à chercher les saintes reliques, à pourfendre l’injustice et à suivre, en tentant de ne pas faiblir, le chemin du Saint Christ et les traces sacrées qui ont pu demeurer. Ces roi_arthur_excalibur_legendes_medievales_chretien_de_troyes_moyen-age_passionhéros qui se cherchent eux-même dans un idéal de chevalerie et à travers le Saint Graal, réussiront-ils à devenir les réceptacles de la lumière divine et sacrée? Mériteront-ils, par leurs actes et leurs faits, la reconnaissance de Dieu? Et par la découverte du Saint Graal, se verront-ils confirmer par la toute puissance divine, le bien fondé de leurs actions, leur juste tenue sur le chemin ? Pourront-ils s’élever et devenir, à leur tour, réceptacles sacrés de la lumière divine? Leur sang pourra-t’il jamais être aussi pur que celui du Saint Christ?   (photo ci-dessus, Arthur triomphant de l’épreuve de l’épée et tirant Excalibur du rocher, parchemin du XIVe siècle, BnF, voir original ici)

Au fond, comme dans toute quête mystique, le chemin importe plus que sa finalité, la route compte plus que la destination. Et l’immortalité qu’on prête au Saint Graal semble au sortir moins importante que la pureté de sa sainte quête qui est un idéal du devenir et de la transformation, la clef d’un questionnement tout à la fois humain, religieux et social.  Ne sont-ils pas, d’ailleurs, devenus immortels?  Trouver sa place en soi-même, parmi les hommes et dans la lumière du divin et du Saint Christ, c’est là que se situe l’allégorie du Saint Graal. C’est celle d’un monde médiéval profondément chrétien dans lequel Chrétien de Troyes nous invite et c’est un monde qui, à travers les légendes arthuriennes, aspire à l’élévation de l’homme, dans une quête humaniste et sacré du divin.

Chrétien de Troyes, merveilles du roman
de Graal et de la poésie médiévale

L’extrait suivant est tiré du conte de Graal. Il nous conte les merveilles d’un château médiéval que Gauvain croise sur son chemin, palais splendide de richesses et de puissance comme on en voit se multiplier dans le courant de ce XIIe, que l’on a nommé le siècle de l’âge d’or des châteaux-forts.


Extrait original de Chrétien de Troyes
en vieux français

De l’autre part de l’eve sist
.I. chastiax trop bien compassez
Trop fors et trop riches assez
Ja ne quier que mentir m’en loise
Li chastiax sor une faloise
Fu fermez par si grant richece
Qu’onques si riche fortereche
Ne virent oeil d’ome qui vive,
Car sor une roche naïve
Ot .i. palais molt grant assis
Qui toz estoit de marbre bis
El palais fenestres overtes
Ot bien .v .c totes covertes
De dames et de damoiseles
Qui esgardoient devant eles
Les prez et les vergiers floris

Extrait adapté en français moderne

De l’autre côte, posé sur l’eau,
Se tenait château si bien fait,
Si puissant et riche à la fois,
Je ne crois mentir en disant,
Le château sur une falaise
Etait fait de tant de richesses
Que jamais si grande forteresse,
Homme qui vit put contempler.
Car sur la roche brute et vive,
Se tenait un palais si grand,
Tout entier fait de marbre gris.
Au palais, les fenêtres ouvertes,
près de cinq cent, étaient couvertes
De dames et de damoiselles
Qui regardaient au devant d’elles,
Les prés et les vergers fleuris.


Une belle journée à vous, mes bon amis, puisse la dame du lac vous inspirer et puissiez-vous goûter avec elle la poésie de notre monde et sa magie, la beauté du chant des rivières et toute la profondeur des belles légendes arthuriennes!  Longue vie à tous!

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C