Sujet : fêtes, animations médiévales, sorties historiques, moyen-âge, troubadours, compagnies médiévales Période : du milieu du XIIIe au XIVe Evénement : Les Trobades médiévales de Perpignan 2017 Lieu : Perpignan (Pyrénées-Orientales, Occitanie) Date : les 14 et 15 octobre 2017
Bonjour à tous,
ous avions dédié un long article à l’édition précédente de ces célébrations médiévales et voilà qu’elles sont de retour. Comme chaque année, cette fin de semaine, la cité de Perpignan fête ses trobades.
Organisée par l’office du tourisme de Perpignan, cette grande fête autour du moyen-âge s’affirme, d’année en année, comme un véritable succès. Ainsi, pour cette édition, on attend plus de 250 reconstituteurs pour célébrer une période qui se situera entre le milieu XIIIe et le XIVe siècle, au temps où Perpignya la Catalana était encore la capitale continentale du Royaume de Majorque.
Alors à la main de Jacques II, troisième fils du roi d’Aragon Jacques 1er le Conquérant, la cité connaissait de grandes heures. Florissante, on y édifiait de nouveaux remparts, ainsi qu’un palais royal et on y lançait encore les travaux de sa cathédrale. Comme nous avions déjà largement abordé ces questions, nous vous renvoyons à notre article précédent pour en savoir plus sur l’Histoire médiévale de Perpignan et nous revenons, de notre côté, au programme de ces Trobades 2017.
Trobades 2017, une édition résolument ludique et un programme bien rempli
n plus de la grande parade déambulatoire et du traditionnel marché médiéval, plus que jamais, cette édition 2017 ménage une vaste place à l’aspect ludique et interactif. En voici quelques exemples, tous destinés, bien sûr à vous immerger dans le moyen-âge et l’Histoire, tout en vous divertissant : parcours initiatique pour se faire adouber chevalier, jeu d’évasion et d’énigmes dans un décor médiéval fantastique, jeux de plateau et jeux anciens, jeu de rôle grandeur nature avec les héritiers de Trencavel, jeux de stratégie avec Terra Historica, mais encore Cluedo médiéval autour de la découverte du centre ancien de Perpignan.
Tout au long de ces deux journées, il y aura aussi, bien entendu, de nombreuses animations permanentes dans le centre historique de la cité catalane entre théâtre de rue, musiques anciennes, danses d’époque, spectacles équestre et encore camps dédiés à la découverte de la vie militaire et de l’artisanat au moyen-âge. La liste des compagnies médiévales, mesnies de combattants, mais aussi artistes ou musiciens attendus à Perpignan ce week end, pour faire vibrer ces Trobades 2017, suffit, à elle-seule, à présager d’une belle intensité festive et d’un grand divertissement.
Bocs de Biterna – Tartaruga Teatro – Les tanneurs de Drac et Artémuses – Les troubadours de OGME – La Compagnie Gueule de Loup – Les Haras de la Soulsoure – La Compagnie du Paladin – Les Fauns – Les troubadours de l’amour – Cie de danse Comha – Le club Médiéval du Lycée Pablo Picasso – Le club des lévriers – Les dentellières de Saint-Cyprien – Les Baladins de Ceret – Les chevaliers du roi d’Aragon – Les Compagnons d’Ancelin – Les chiens de Saint-Martin – Les Compagnons du Chêne Ardent – Les Conquérants de Majorque – – La mesnie des Turlupins – L’Ordre des Lames
Sujet : poésie médiévale, auteur, poète médiéval, bourgogne, biographie, portrait, Période : moyen-âge tardif, XVe Auteur : Michault (ou Michaut) Le Caron, dit Taillevent ( 1390/1395 – 1448/1458)
Bonjour à tous,
près avoir quelque peu raillé les Burgondes à la facon de la série Kaamelott, dans notre article précédent, nous nous rattrapons, aujourd’hui, en parlant d’un poète bourguignon du moyen-âge tardif et plus précisément du XVe siècle. Il nous est connu sous le nom de Michault Le Caron dit Taillevent, ou même simplement Michault Taillevent et, on s’accorde à dire qu’il inspira à François Villon, certains de ses vers, et au delà d’autres auteurs de son temps.
Ci contre gravure de couverture d’une version ancienne du Passe-temps de Michault nouvellement imprimé, qui fut également utilisé pour une édition du testament de Villon
Pendant longtemps, on l’a confondu avec un autre poète du nom de Pierre Michault. Plus célèbre, ce dernier l’a d’ailleurs quelque peu éclipsé jusque dans le courant du XIXe siècle, mais l’ouvrage de Robert Deschaux, « Un poète bourguignon du XVe siècle, Michault Taillevent« , sorti en 1975 (et qui se trouve être une thèse soutenue en 1973, à la Sorbonne) a dissipé depuis et définitivement tout malentendu à ce sujet, pour le cas où il en aurait encore subsisté. Nous suivons d’ailleurs ici le fil de cet auteur et universitaire, fin connaisseur de la littérature bourguignonne du XVe, pour les éléments biographiques concernant notre poète, en nous empressant d’ajouter qu’avant lui Michel Duchein, archiviste paléographe et historien français chartiste, avait largement balisé le terrain, dans une thèse parue en 1949, ayant pour titre : « Le poète Michault Le Caron, dit Taillevent ». Et puisque nous en sommes aux sources, ajoutons que nous nous appuyons encore dans cet article ici sur l’approche de Pierre Champion et ses pages consacrées à l’auteur médiéval, dans son Histoire poétique du XVe siècle, datée de 1926.
Portrait & biographie d’un poète de cour
« Ce n’est que vent de la gloire du monde, A ung hasart tout se change et se cesse… » Le régime de Fortune – Michault Taillevent
Valet de chambre et joueur de farces
i l’on ne sait pas grand chose de ses origines, ni de son lieu de naissance, que l’on suppose en Artois, autour de Saint-Omer et de Aire-sur-la-Lys dans le Pas-de-Calais, nous sommes mieux loti du côté de la biographie plus tardive de Michault Taillevent, notamment grâce à la richesse des archives de Bourgogne. Voici d’ailleurs une des premières mentions qu’on retrouve le concernant :
« A Michault Taillevent, varlet de chambre de mondit seigneur, que aussi tant pour considération des services qu’il a fais a icelluy seigneur, fait chascun jour et espoire que encore en face en tamps avenir, comme pour recompensacion d’aucuns frais qu’il a faiz en faisant aucuns esbatemens et farses devant mondit seigneur, il lui a donné XVI livres » Année 1426 – Archives du Nord, Recette générale de finances.
On sait donc de source sûre et grâce aux archives, que le poète fut attaché au service de Philippe III, Duc de Bourgogne (1396-1467) en tant que « Varlet de chambre » et même « joueur de farces ». Le duché de bourgogne est alors allié de l’Angleterre et de la Bretagne et Philippe le Bon est, sans conteste, un des princes les plus riches et les plus puissants de son temps.
(ci-contre portrait du Duc de Bourgogne par Rogier Van Der Weyden, XVe siècle).
De fait, Michault Taillevent passa la plus grande partie de sa vie dans cette fonction, à partir de 1426 et durant les vingt-trois années qui suivirent, jusqu’au moins l’année 1448. Sur cette période, les mentions faites dans les archives permettent même de retracer le fil des émoluments, dons et gratifications qu’il a perçus pour ses services. Si le détail vous en intéresse, nous vous renvoyons à l’ouvrage de Robert Deschauxqui le donne par le menu (Pour l’instant, il est disponible à la vente en ligne, aux éditions Droz et en version brochée : Un Poete Bourguignon du Xve Siecle : Michault Taillevent )
Entre proximité ducale & « menu peuple de cour »
insi donc, l’homme joue des farces, amuse la cour de Bourgogne et le Duc et organise même des spectacles (c’est même selon Pierre Champion sa fonction principale). Si on le trouve quelquefois immergé dans la cohorte des ménestrels, fous et autres amuseurs de la cour, il jouit indéniablement de plus grands privilèges que ces derniers mais aussi d’une plus grande proximité avec le Duc, par sa fonction même de Valet de Chambre. Il accompagne d’ailleurs le noble dans certains de ses déplacements entre la Bourgogne et Bruxelles, et s’est même vu doter de sa propre monture.
Pour être demeuré aussi longtemps au même office, il est indéniable que l’homme donna satisfaction dans ses fonctions ; les sommes qu’il a pu percevoir à quelques reprises, semblent même confirmer qu’il est apprécié même si, en suivant les pas de Robert Deschaux, il faut aussi constater qu’il est demeuré de simple rang durant sa vie entière et ne sera jamais véritablement élevé ou appelé à remplir d’autres fonctions. Pour paraphraser le biographe, Michault Taillevent fait partie du « menu peuple de la cour ».
(Michault Taillevent dans le Manuscrit ancien mS 0776 de Valenciennes, fin du XVe)
Pour mettre quelques bémols sur la notion de privilèges attachés à sa fonction, il faut d’ailleurs ajouter que les émoluments d’un valet de chambre sont alors plutôt chiches. Bien qu’à l’abri de la faim par son statut – il ne connaîtra pas non plus les affres de la faim ou les misères d’un Rutebeuf, d’un Villon, ou d’un troubadour errant -, Michault demeure donc de condition humble. Dans son histoire poétique du XVe siècle, Pierre Champion sera même d’avis un peu plus tranché, puisqu’il ne cessera, de donner du « pauvre Michault » à l’auteur médiéval et décrira même la vie de ce dernier comme « aventureuse et misérable », en faisant notamment référence au poème « la destrousse » dans lequel le poète conte une triste nuit passée à la belle étoile, suivi d’une attaque par des brigands de grand chemin à l’occasion de laquelle il se fera rosser. Suite à ses déboires, il demanda d’ailleurs « humblement » audience auprès de la cour, afin de pouvoir rapporter ses misères et obtenir quelques réparations.
Pour en finir avec ses élément biographiques et concernant son décès, on ne sait rien de précis. On perd, en effet, la trace du poète bourguignon et de ses gratifications comme valet de chambre, dans les archives après 1448 et il faut ensuite attendre 1458, pour trouver une dernière mention à son sujet, confirmant l’engagement d’un nouveau valet de chambre auprès du Duc, en remplacement de feu Michault Taillevent, entérinant ainsi la mort de ce dernier, sans pour autant fournir de date précise la concernant. Elle est forcément intervenue entre 1448 et 1458, et on peut le supposer peu de temps avant cette dernière mention. Si c’est le cas l’homme avait alors autour de soixante ans.
Les oeuvres de Michault le Caron Taillevent
oète de cour, Michault Tailleventa conté, en observateur et témoin partial plus qu’en chroniqueur objectif (ils demeurent rares, même à l’époque), les espoirs de paix comme les départs en guerre, les fastes ou les vicissitudes de la vie de la cour de Bourgogne de la première moitié du XVe et, bien sûr, les grandeurs de Philippe le bon, son protecteur. On notera aussi dans son legs, quelques traités mettant en exergue les valeurs de la noblesse, dont un, le « Psautier des vilains » fait en écho au Bréviaire des nobles du poèteAlain Chartier qui l’a d’ailleurs inspiré à plus d’un titre.
On lui doit également des oeuvres plus personnelles qui ont retenu bien plus favorablement l’attention. on pense à la Destrousse, au congé d’Amour mais surtout à son Passe-temps qui est sans doute le poème qui le fit entrer, de son temps au moins, dans la postérité, avant d’être oublié pour être finalement « un peu » redécouvert. C’est d’ailleurs ce passe-temps qui inspira peut-être directement Villon au moment de la rédaction des quelques strophes sur le temps perdu et passé de son grand Testament.
Le passe-temps de Michault dans le Manuscrit ancien Vu 22 de la bibliothèque de Stockholm (fin du XVe)
Une fois le tri fait d’avec Pierre Michault, l’autre auteur et poète du XVe siècle, avec lequel on l’a longtemps confondu, voici la liste des oeuvres léguées, de manière certaine, par Michault Taillevent :
La Destrousse – Dialogue fait par Michault de son voiage de Saint Glaude – Le Songe de la Thoison d’or (1431) – Moralité faicte par Michault Taillevent (ou Moralité de Povre Commun) (1435) – Le Psautier des Vilains – Le Passe Temps Michault – Les Poèmes sur la prise de Luxembourg (1443) – Le Debat du Cœur et de l’Œil – Le Regime de Fortune – Lai sur la mort de Catherine de France – Congé d’amour – La Bien Allée – L’Edifice de l’hôtel douloureux d’Amour – La Ressource et relèvement du douloureux hôtel.
Comme à l’habitude, nous émaillons cet article avec quelques extraits mais nous aurons l’occasion de revenir, dans le futur, sur d’autres poésies de cet auteur médiéval.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : humour, Kaamelott, série télévisée, série culte, lectures, livres, quête du Graal, légendes arthuriennes, comédie, médiévalisme, Guillaume Briat, Burgondes. Période : moyen-âge central pour le roman arthurien & haut moyen-âge pour la légende. Auteur:Alexandre Astier Distribution : CALT production, M6 Médias : détournement, humour
Bonjour à tous,
uste pour la détente, voici un autre détournement humoristique autour de la série Kaamelottet de la quête du Graal, à la façon d’Alexandre Astier. Il s’agit cette fois, d‘un nouvel ouvrage imaginaire que vous ne trouverez donc pas dans le commerce, j’en ai peur.
Encore une fois, nous sommes, ici, bien plus clairement dans le registre de la farce, la comédie moderne et le médiévalisme que dans l’humour médiéval à proprement parler, aussi que les puristes veuillent bien nous excuser ce glissement catégoriel, ce ne sera pas le premier. Pour le reste, s’il y a des Burgondes dans la salle et pour paraphraser Pierre Desproges, ils peuvent rester.
Sujet : musique médiévale, Cantigas Santa Maria, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, Période :XIIIe, moyen-âge central « Auteur » :Alphonse X de Castille, Alphonse le Sage (1221-1284) Interprète :Ensemble Syntagma Titre:Cantiga de Santa Maria 49
Bonjour à tous,
ous suivons de nouveau, aujourd’hui, le fil des Cantigas de Santa Maria, célèbres chants et odes à la vierge composés sous le règne et sous la férule d’Alphonse X de Castille.
Cette fois, nous parlons de la Cantiga 49, et nous vous en présentons une version interprétée par l’excellent ensemble de Musiques Anciennes Syntagma. Pour plus d’informationssur cette formation musicale et son directeur Alexandre Danilevsky, nous vous invitons à vous reporter à l’article détaillé les concernant. Nous en profitons aussi pour toucher un mot du culte marial dans l’Occident médiéval et chrétien.
Alphonse le Sage, ici « conteur » des Cantigas Santa Maria et médiateur entre la Vierge et les musiciens, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l’Escorial, XIIIe (1284)
La Cantiga 49 : des pèlerins perdus & sauvés, histoire d’un miracle et d’une apparition
En introduction de ce chant poétique galaïco-portugais du XIIIe siècle, dédié à la Sainte-vierge, on trouve la phrase suivante : « Esta é de como Santa Maria guiou os romeus, que yan a sa eigreja a seixon e erraran o camo de noite. »
Ce qui donne, une fois adapté en français moderne : « Cette Cantiga conte comment Sainte-Marie guida les pèlerins qui se rendaient à son église de Soissons et s’étaient perdus la nuit, en chemin. »
Ainsi, ce chant nous narre le récit de pèlerins que la nuit avait surpris en pleine montagne. Perdus et effrayés, ils se mirent à redouter l’attaque de voleurs et à prier la vierge de leur pardonner leurs péchés et de les protéger, afin qu’aucun mal ne leur soit fait. Le miracle survint et la Sainte leur apparut dans une grande lumière pour les guider dans l’obscurité, jusqu’à leur destination. Comme le conteur (est-ce Alphonse le sage lui-même?) nous le rapporte, à la fin du chant, dès leur arrivée à l’église de Soissons, nos voyageurs, sains et saufs, se mirent à genoux devant l’autel et prièrent, à nouveau, la vierge pour la remercier.
Bien sûr, entre temps, le poète nous aura expliqué à quel point tout cela démontre combien il faut se garder de faire le mal et garder foi en la Sainte Vierge qui jamais n’oublie ses ouailles. Elle vient, nous dira-t-il encore, les secourir des « grands soucis et angoisses qui ne cessent de les assaillir »et cette histoire n’est qu’un exemple parmi tant d’autres des miracles qu’elle peut accomplir pour ceux qui lui sont dévoués, car « il a vu de nombreuses hommes et femmes qu’elle a assistés, de jour comme de nuit ». Comme le chant le scandera d’ailleurs tout du long, en guise de refrain :
« Ben com’ aos que van per mar a estrela guia, outrossi aos seus guiar vai Santa Maria. »
« Comme ceux qui vont par les mers, sont guidés par l’étoile Elles vient aussi guider les siens Sainte-Marie. »
La Cantiga Santa Maria 49, dirigée par le talentueux Alexandre Danilevsky
L’importance du culte marial au moyen-âge central
Présent à l’origine du christianisme et dans son essence même pourrait presque t-on dire, le culte autour de la Sainte Vierge, prendra dans l’occident médiéval, et à partir du XIe siècle, des proportions fortement marquées. On lui vouera alors un véritable amour et quand on ne voudra, ni n’osera s’adresser directement à Dieu, ou même au Christ (qui plus que le « fils » du créateur est aussi considéré comme Dieu lui-même incarné et mort en croix. cf Thibaut de Champagne), on s’adressera souvent et avec, semble-t-il plus de facilité, à sa Sainte-Mère dans l’espoir qu’elle intercède auprès de lui.
Alphonse le Sage, priant devant la vierge Marie et l’arbre de Jessé, Cantigas Santa Maria, Miniature du Manuscrit MS TI1 de l’Escorial (1284)
De la même façon, pour paraphraser l’historien, écrivain et académicien chrétien Daniel Robs (1901-1965), spécialiste de ces questions dans un article de 1952 (références plus bas dans cet article), on se tournera plus favorablement vers les Saints dans une recherche de « médiateurs » qui apparaissent plus proches, peut-être plus terrestres et donc mieux à même de comprendre les faiblesses de notre nature humaine, autant que les souffrances et les petites misères à laquelle elle se trouve exposée.
Quoiqu’il en soit, pour en revenir au culte voué à Sainte-Marie, il s’étendra dans l’Europe catholique, bien au delà de l’Espagne médiévale et ne se limitera pas, loin s’en faut, aux Cantigas de Santa Maria. La puissance de cette dévotion religieuse, mais aussi affective et directe, qui pourra même parfois prendre des tours passionnels, s’affirmera encore aux XIIe et XIIIe siècles.
« Marie, Mère du Christ, est aimée d’un amour qui ne ressemble à nul autre, comme une mère à qui l’on cache ses peines, comme à une avocate qui plaidera en haut lieu la cause des pécheurs, et même presque comme une surnaturelle amante ; n’est-elle pas celle que le franciscain Jacques de Milan, dans l’Aiguillon d’amour, appelle « la ravisseuse des cœurs » ? On recherche dans l’Ancien Testament les figures qui prophétisent la sienne ; on médite – Eva, Ave, – le mystère qui fait que la faute de la première femme ait été rachetée par le moyen d’une autre femme. » Daniel-Rops – Le Moyen-âge époque mariale.
Revue Marie (1952)
Pour faire écho à cette citation, on retrouve d’ailleurs littéralement cette idée du rachat de la faute de l’Eve originale, dans cette Cantiga 49 : « Ca ela nos vai demostrar de como nos guardemos do demo e de mal obrar, e en como gãemos o seu reyno que non á par, que nos ja perdemos per don’ Eva, que foi errar per sa gran folia ». « Elle (la Sainte Vierge) nous montrera comment nous garder du démon et du mal, et comment nous gagnerons son Royaume sans égal, et ce que nous avons perdu par la faute de Doña Eva, qui est tombée dans l’erreur par sa grande folie. »
Ainsi donc, on lui élèvera des cathédrales que l’on baptisera de ce « Notre Dame » que les cisterciens auront contribué à consacrer et promulguer dans un rapprochement avec les valeurs courtoises qui confirme encore la nature fortement affective de la relation qu’on entretient avec la Sainte. On fera de grands pèlerinages vers ses lieux saints (cathédrales, églises ou lieux d’apparition). On donnera encore pour elle des miracles. Bernard de Clairvaux, empreint de dévotion, s’enflammera pour elle et les poètes du moyen-âge lui voueront encore d’innombrables odes, hommages ou prières. Au final, le culte marial se répandra dans le monde chrétien et son imagerie, et Sainte-Marie trouvera, au sein de l’église comme dans le coeur des hommes du moyen-âge, une place bien plus grande qu’aucune époque lui avait jamais consacrée, devenant indissociable de la religion catholique et de l’occident médiéval, ce qui fera encore dire à l’Historien Daniel Rops dans un grand élan, indéniablement affectif et chrétien :
« Ainsi, en occupant dans la religion la place éminente que nous lui voyons, le culte de la Vierge donne au Christianisme une nuance de tendresse unique, irremplaçable : il est un des fleurons du Moyen Âge. » Daniel Rops. – Opus cité.
Les paroles originales de la Cantiga 49
On notera que, dans la version musicale présentée plus haut, le texte de la Cantiga 49 est plus court que l’original et ne présente que la première partie de l’histoire. De notre côté, nous avons choisi de vous livrer, ici, le texte complet.
Au passage, pour les plus anglophones d’entre vous, notez que l’Université d’Oxforda mis en ligne un base de données très utile pour l’étude et la compréhension des Cantigas de Santa Maria. Vous n’y trouverez pas la traduction littérale de l’ensemble des chants, mais de bonnes pistes pour les comprendre et surtout d’excellentes références en termes de bibliographie, de manuscrits anciens et d’imagerie médiévale. Si cela vous intéresse, elle se trouve ici : The Oxford Cantigas de Santa Maria Database.
Ben com’ aos que van per mar a estrela guia, outrossi aos seus guiar vai Santa Maria.
Ca ela nos vai demostrar de como nos guardemos do demo e de mal obrar, e en como gãemos o seu reyno que non á par, que nos ja perdemos per don’ Eva, que foi errar per sa gran folia.
Ben com’ aos que van per mar …
E ar acorre-nos aqui enas mui grandes coitas, segund’ eu sei ben e oý, quaes avemos doitas; ca muitos omees eu vi e molleres moitas a que el’ acorreu assi de noit’ e de dia.
Ben com’ aos que van per mar…
E, segund’ eu oý dizer, ha mui gran conpanna de romeus ar foi guarecer en ha gran montanna, en que ss’ ouveran de perder con coita estranna, porque lles foi escurecer e perderon via.
Ben com’ aos que van per mar…
E sen aquest’ un med’ atal enos seus corações avian mui fero mortal, ca andavan ladrões per y fazendo muito mal; porend’ orações fezeron todos y sen al, quis come sabia.
Ben com’ aos que van per mar…
E chamand’ a Madre de Deus, com’ é nosso costume, que dos graves pecados seus perdess’ ela queixume; e logo aqueles romeus viron mui gran lume e disseron: «Ai, Sennor, teus somos todavía.»
Ben com’ aos que van per mar…
E en aquel gran lum’ enton viron ha mui bela moller de corp’ e de faiçon, e ben come donzela lles pareceu; e pero non siia en sela, mas ta na mã’ un baston que resprandecia.
Ben com’ aos que van per mar…
E poi-la donzela chegou, todas essas montannas do seu gran lum’ alumou, e logo as compannas dereito a Seixon levou e per muit’ estrannas terras en salvo os guiou come quen podia.
Ben com’ aos que van per mar a estrela guia, outrossi aos seus guiar vai Santa Maria.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.