Le mythe du Graal, entre quête initiatique et existentielle et aventure épique, une citation de Michel Zink

michel_zink_litterature_medievale_academicien_philologie_citation_moyen-age_medievalismeSujet : citation sur le moyen-âge,littérature médiévale, Chrétien de Troyes, quête du Graal, légendes arthuriennes, roman arthurien, médiéviste, Michel Zink, mythe du Graal, aventures médiévales.

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avions déjà publié cette citation de Michel Zink dans notre article sur la conférence « La quête du Graal » qu’il donnait, en 2009, à l’Académie royale de Belgique, mais ses qualités valaient bien un visuel et une mention à part. Ce sera donc chose faite.

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« Le mythe littéraire du Graal combine en lui deux éléments. D’une part, une quête spirituelle promettant la révélation d’une vérité sur le monde et sur soi-même. flattant l’illusion que nous pourrions, une bonne fois, trouver la clef de notre destin. (… ) Et d’autre part, le monnayage de cette quête en une aventure concrète palpitante, faite de voyages, de rencontres, de combats. »
Michel Zink – Citation extraite de la conférence « La quête du Graal »,  Académie Royale de Belgique (2009)

Tout est dit. Promesse de belles aventures épiques, la quête du Graal vient encore ajouter, à travers sa dimension initiatique, l’espoir de réponses claires sur le sens de l’existence. En dehors ou au delà même de sa dimension chrétienne, près de 900 ans après Chrétien de Troyes l’histoire n’a pas pris une ride. C’est le propre des mythes, De fait, cette grande épopée médiévale et les questions qu’elle soulève continuent de fasciner et il n’est nul besoin d’être chevalier pour se l’approprier.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Maquette médiévale : « Odes à Mélusine », une nouvelle oeuvre de Pascale Lainé et toute l’histoire de la fée « bâtisseuse »

pssion_medievale_art_maquettes_miniatures_artiste_passionné_histoire_moyen-ageSujet :  reconstitution, maquettes, reproduction, artiste, passion médiévale, portrait de passionné, architecture médiévale,  maquettes médiévales.
Période : moyen-âge gothique et roman
Artiste : Pascale Laîné
Réalisations : maquettes et miniatures médiévales, exposition.
Oeuvre : Odes à Mélusine (2018)

Bonjour à tous,

I_lettrine_moyen_age_passion copial y a quelque temps, nous vous avions présenté ici le travail de l’artiste Pascale Lainé autour de ses fabuleuses maquettes médiévales. Si vous aviez vu l’article d’alors, vous n’avez pu oublier ses univers et ses scènes d’ambiance miniatures, au carrefour de l’architecture gothique et médiévale et du moyen-âge fantastique. Elle nous avait alors promis de revenir vers nous sitôt que le projet sur lequel elle se trouvait occupée verrait le jour et c’est désormais chose faite. Après des centaines et des centaines d’heures de travail, elle vient, en effet, de mettre la touche finale à sa nouvelle oeuvre : un ode à la fée médiévale Mélusine qui nous avons le plaisir de vous présenter ici en image.

Maquettes médiévales : Ode à Mélusine, un oeuvre de Pascale Lainé
Maquettes médiévales : Odes à Mélusine, un oeuvre de Pascale Lainé

Nous en profiterons pour faire un large crochet et pour vous parler de la fée Mélusine et de son émergence dans la littérature médiévale. Grande bâtisseuse, la fille de la fée Présine et du Roi Elinas fait sans doute partie des personnages les plus fantastiques de la mythologie du moyen-âge central à tardif, de la Bretagne au Poitou et  à l’Aquitaine, en passant par la Provence. Sa réputation a traversé les siècles puisqu’elle demeure encore populaire dans de nombreuses régions.

XIVe siècle
naissance de la Melusine de Jean d’Arras

S_lettrine_moyen_age_passioni plusieurs sources antiques font mention d’une déesse ou fée mi-femme mi-serpent, la mythologie médiévale autour de Mélusine fut définitivement fixée et rendue populaire par Jean d’Arras, auteur médiéval qui écrivit vers la fin du XIVe siècle (1392-1394) un récit en prose connu sous les noms de  La noble histoire de Lusignan ou Le roman de Mélusine en prose. L’histoire mettait en scène la jeune femme, lui donna son nom définitif et encore ses véritables lettres de noblesse. A peu près à la même époque (1401-1405) un autre auteur Couldrette achèvera une oeuvre en vers sur le même sujet, présentant de fortes ressemblances avec celle de Jean d’Arras: Mélusine, Roman de Parthenay ou Roman de Lusignan. Il est possible que les deux écrivains se soient inspirés de la même source, des hypothèses ont été soulevées dans ce sens qui demeurent, à ce jour, invérifiables. Quoiqu’il en soit, les deux ouvrages connurent un franc succès et consacrèrent la popularité médiévale de ce conte fantastique.

Le résumé du Roman de Jean d’Arras

fee_melusine_batisseurs_mythologie_litterature_medievale_art_gothique_maquettes_miniatures_Pascale_Laine_moyen-agePour revenir sur le récit de Jean d’Arras, l’auteur affirme s’être inspirée d’une chronique dont nulle trace ne subsiste. Nous explorerons quelques pistes à ce sujet dans un deuxième temps mais résumons tout d’abord son histoire pour mieux comprendre qui est Mélusine.

Ayant enfanté trois filles de son mariage avec le roi Elinas, la fée Présine fut contrainte de fuir et de se réfugier sur l’île d’Avalon pour les élever. Au moment de son union avec le roi d’Ecosse, elle lui avait fait promettre de ne jamais chercher à la voir durant ses accouchements mais manipulé par le fils d’un premier mariage, le souverain avait fini par transgresser l’interdit.

A l’adolescence, ayant appris les agissements de leur père et son implication dans leur bannissement, les trois soeurs décidèrent de se venger de lui et le firent enfermer dans une geôle magique. Leur mère Présine, encore éprise du roi, fustigea ses filles pour leur comportement, les condamnant chacune à une malédiction. Mélusine hérita sans doute de la pire. Tous les samedis, la partie inférieure de son corps serait, en effet, changée en serpent et elle serait ainsi condamnée à vivre pour l’éternité. Le seul moyen pour elle d’y échapper serait d’épouser un mortel. Elle deviendrait alors à son tour mortelle et pourrait être sauvée, à la condition que son promis ne la voit jamais sous sa forme fantastique.

Quelque temps plus tard, un jour qu’il chassait au coeur de son Poitou natal, le jeune noble Raimondin, fils du comte de Forez, tua par accident son oncle, le comte de Poitiers. Au coeur de la forêt et au bord d’une fontaine, il rencontra bientôt, ce même jour, trois jeunes filles dont l’une lui promit de l’aider à se laver de son crime s’il melusine_litterature_art_maquettes_luth_miniatures_medievale_Pascale_Laine_moyen-agel’épousait, la seule condition étant qu’il ne cherche pas à la voir les samedis. C’était bien sûr Mélusine désireuse de se soustraire à sa terrible malédiction. Le jeune seigneur accepta et ces épousailles lui valurent bientôt une belle fortune, de nombreux enfants et tout le faste et la gloire dont il avait jamais pu rêver. Mélusine se chargea même de lui faire construire les plus beaux châteaux dont celui de Lusignan. Elle y démontra même une grande adresse (nous y reviendrons).

Las ! là-encore, sous la foi de rumeurs colportées par son propre frère, l’époux, fou de colère et de jalousie, finira par transgresser l’interdit : Mélusine le tromperait les jours fatidiques ou pire serait, en réalité, une fée et userait de ces jours ci pour s’amender et faire pénitence ! N’y tenant plus, il fera un trou dans le mur de la pièce où la belle se tenait enfermée le samedi pour l’espionner et en avoir le coeur net. Et là fatalement, il la surprendra au bain, dans son étrange forme et métamorphose. Rien ne se produira sur l’instant et les époux sachant le tabou transgressé n’en piperont mot, mais plus tard, échauffé par le mauvais comportement d’un de leurs fils qui avait mis le feu à un monastère, Raimondin lèvera le ton sur Mélusine, la rendant coupable des exactions de sa descendance en faisant clairement allusion à sa forme (maléfique) et sa malédiction :  « Ah très fausse serpente… ».  Elle se changera alors en serpent ailé et disparaîtra par la fenêtre à jamais. melusine_litterature_art_maquettes_miniatures_medievale_Pascale_Laine_moyen-age

L’histoire conte qu’elle viendra toutefois veiller sur sa progéniture comme elle apparaîtra ensuite à tous ceux de son lignage. De son côté, rendu au désespoir, l’époux se retirera dans l’érémitisme à Montserrat, quant àu fils poufandeur de moines, après être aller se confesser à Rome, il rebâtira le monastère de Maillezais qu’il avait indûment détruit.

Aux sources médiévales
de l’Histoire de Mélusine

U_lettrine_moyen_age_passionn peu avant Jean d’Arras, on retrouve chez d’autres auteurs, la trace et même la trame qui allait servir de fond à son récit. A la fin du XIIe siècle, Gaut(h)ier Map, clerc de la cour d’Angleterre allait mentionner dans de Nugis Curialium (1181-1193), les épousailles d’un jeune seigneur avec une étrange créature rescapée d’un naufrage. Elle lui donnera une belle descendance, mais le comportement d’évitement de la jeune femme à l’égard des rituels chrétiens, alertera la mère de l’époux. Ayant percé un trou dans le mur de la chambre pour l’observer, la belle-mère surprendra sa bru, ayant pris, dans son bain, la forme d’un dragon. Décidé à conjurer la malédiction, l’époux, assisté d’un prêtre, viendra pour asperger l’étrange créature impie d’eau bénite mais celle-ci s’enfuira pour disparaître à jamais dans les airs.

melusine_litterature_art_maquettes_medievales_miniatures_Pascale_Laine_moyen-ageUne histoire similaire relatée dans les Otia Imperialia ( 1209-1214) est réputée cette fois-ci s’être passée près de Valence dans la Drôme. Elle fait mention de la dame du château d’Esperver, elle aussi rétive à certains rites chrétiens et qui évitait toujours le début des messes, de peur sans doute que l’Ostie ne la brûle. Retenue finalement contre son gré par son époux et ses valets dans l’église au moment de la consécration, l’histoire conte qu’elle se transforma elle-aussi en une étrange créature ailée pour disparaître avec fracas par le plafond de l’édifice, sans que nul n’en entendit plus jamais parler.

Plus proche encore du récit de Jean d’Arras et moins de deux siècles auparavant, Gervais de Tilbury (1150-1228), clerc, chevalier et auteur des XIIe, XIIIe siècle avait déjà posé les grandes lignes de l’histoire de la fée, sans encore la nommer. A quelques variations près, on y retrouvait déjà tous les ingrédients du récit de Jean d’Arras à ceci près que l’histoire se passait en Provence, au château de Rousset, près de Aix : malédiction qui condamne la jeune fille à avoir le bas du corps changé en serpent une fois la semaine, épousailles d’un certain « Raimond », interdiction faite à l’époux de chercher à la voir les jours où la malédiction la frappe, fortune et réussite du mari une fois la jeune fille épousée, grande fertilité, descendance nombreuse et, pour finir, transgression inévitable de l’interdit par le mari avec renvoi de la jeune fille à sa  malédiction éternelle. Cette fois-ci, avec Gervais de Tilbury c’est en serpent aquatique qu’elle se changeait et non plus en Serpent ailé ou en Dragon, disparaissant dans les eaux et non plus dans les airs.

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Enfin, pour clore ce panorama historique et médiéval de l’Histoire de Mélusine, il faut encore mentionner le récit d’un moine bénédictin vendéen du nom de Pierre Bersuire, autour de 1300. Sans citer lui non plus le nom de la jeune fille, il reprenait à nouveau les éléments de l’histoire en la ramenant vers le Poitou. Il posait aussi, au passage, un cadre encore plus précis que l’on allait retrouver chez Jean d’Arras en mentionnant la construction du château de Lusignan. (1)

Mélusine, fée bâtisseuse

N_lettrine_moyen_age_passionous l’avons dit on retrouvera Mélusine dans bien des régions et elle se présente même souvent comme un personnage ambivalent. Nourricière et féconde, elle peut aussi se montrer en d’autres endroits, bien plus versatile. On la retrouvera notamment dans l’Yonne et dans la région de Maulnes où à l’aide de ses filtres et sortilèges elle mettra des bâtons dans les roues de quelques moines décidés à faire bâtir d’abord un monastère, puis une église non loin de ses terres. L’histoire est supposée avoir eu lieu avant la rencontre avec le seigneur Raimondin, et on comprend bien, à travers elle, comment cette fée et la fascination qu’elle exerce a pu donner lieu à de nombreuses histoires et variations locales.

Au delà de cette ambivalence, un des aspects fort de l’image de la fée reste avec et après Jean d’Arras, ses qualités de bâtisseuse.

melusine_litterature_art_maquettes_manuscrit_miniature_medievale_Pascale_Laine_moyen-age« Si vous vueil desormais commencier la vraye histoire des merveilles du noble chastel de Lisignen en Poictou, et comment ne par quel maniere il fu fondez (…) L’ystoire dit que entretant que Remondin fu en Bretaigne, Melusine fist bastir la ville de Lusignen et fonder les murs sur la vive roche, et la fit estoffer de fortes tours: drues, machicolees et a terrace, et les murs maschicolez, et alees au couvert dedens la muraille pour deffendre a couvert par les archieres autant bien par dehors comme par dedens, et parfons trancheiz et bonnes brayes. Et fit bastir en le bourc et le chastel une forte tour, mur de la tour de XVI e XX piez d’espez. »
Jean d’Arras, La Noble Histoire de Mélusine

Cette nature de bâtisseuse sous la plume de l’auteur du moyen-âge central est sans nul doute intimement liée à la fortune générale qu’apporte la fée à son époux. Elle s’inscrit, en tout cas, dans ce cadre. Plus que jamais au XIIIe et XIVe siècle, le château de pierre, édifice puissant, fastueux, spacieux est la marque incontestable et le symbole par excellence de la réussite et de la richesse de son hôte autant qu’il est le signe de son pouvoir militaire. L’histoire économique et politique de ce moyen-âge central, l’essor économique et l’importance du château viennent ici donner à Mélusine ses qualités nouvelles.

melusine_maquettes_medievales_miniatures_Pascale_Laine_moyen-age_fantastique

Il faut préciser que tous les bâtisseurs et ouvriers sollicités pour réaliser les oeuvres gigantesques de la fée y trouvent largement leur compte et sont réglés rubis sur l’ongle et sans retard. On comprend mieux après coup que certains d’entre eux aient pu voir en elle une muse :

« …Et fesoient les ouvriers dessuz diz tant d’ouvrage et si soubdainement que tous ceulx qui qui par la passoient en estoient esbahiz. Et les paioit Melusigne tous les samediz, si qu’elle ne leur devoit denier de reste. Et trouvoient pain,vin, char et toutes choses propices que il leur failloit, par grant habondance. Ne nulz homs ne savoit dont cilz ouvriers venoient, ne dont ilz estoient. Et en brief temps fu faitte la forteresse, non pas une mais deux fortes places, avant que on peust venir au dongon. »
Jean d’Arras, La Noble Histoire de Mélusine

Habile bâtisseuse qui traite avec largesse ceux qui l’assistent dans cette tâche, encore une fois, on ne peut pourtant pas réduire Mélusine à ces qualités qui ne sont qu’un prolongement de ses dons et de ses talents : fertilité, fécondité, et même l’exercice d’une certaine bonté malgré sa nature fantastique et peu chrétienne la caractérise sans doute bien plus.

Si la plupart de ses auteurs médiévaux la considéreront, par ailleurs, comme une créature de laquelle il faut se défier, quand ce n’est pas un ange déchu, elle fait, la plupart du temps tout son possible pour s’amender et se soustraire à sa funeste malédiction. Les conditions qu’elle pose semblent même bien maigres au regard de tout ce qu’elle prodigue et pourtant la fatalité finit toujours par la rattraper. D’une manière ou d’une autre, il faut que l’interdit soit transgressé et que Mélusine retourne à son destin tragique par la main même de celui qu’elle avait « élevé » et qui avait aussi le pouvoir de la sauver.

Retour à l’oeuvre de Pascale Lainé

A_lettrine_moyen_age_passionprès ce long détour qu’il nous fallait bien faire, vocation du site oblige, voilà cette maquette médiévale de Pascale Lainé mieux replacée dans son contexte. Ingrédients magiques et potions, instruments de musique pour célébrer Mélusine, on y trouve encore des myriades d’autres détails évocateurs de la fée.

Comme nous le disions en introduction, les heures de travail sont innombrables pour arriver à cette oeuvre totalement aboutie aux détails époustouflants. A son habitude, l’artiste a travaillé l’ensemble des pièces du décorum d’après manuscrits ou au moyen de recherches précises sur les instruments, objets, vitraux, éléments d’architecture d’époque.

fee_melusine_batisseurs_mythologie_litterature_medievale_art_maquettes_miniatures_Pascale_Laine_moyen-ageEst-ce un autel dressé par quelques bâtisseurs inspirés, en l’honneur de la fée ou Mélusine elle-même est-elle revenue en secret, pour élire domicile dans cette belle chapelle abandonnée et déjà reconquise  par la végétation ? Voilà ce que nous en dit l’auteur elle-même :

« Dans cette maquette, j’ai voulu mettre à l’honneur la femme, la musique, la liberté de culte ou de non culte, les bestiaires imaginaires, et surtout : les courbes… Partout, les courbes se répondent en échos envoûtants. L’ambiance est méditative, sereine. Ni violence, ni intransigeance, Mélusine ne rêve que de bâtir , construire. »  Pascale Lainé 

Pourtant et c’est ainsi que la magie opère, l’art ne peut jamais donner en quelques mots, toutes ses clefs.  Rendu face à l’oeuvre et immergé dans son ambiance, on jurerait sentir qu’une présence invisible habite l’endroit.

Précisons-le d’ailleurs sachant qu’elle nous en saura gré, l’art quel qu’il soit visuel, sculptural, pictural, scénique a toujours vocation à se donner « vivant ». La mise à plat photographique ne lui fait que rarement justice; les couleurs naturelles, l’atmosphère, la profondeur (dans les deux sens du terme), sont autant de choses qui ne se livrent qu’en face de l’oeuvre véritable. Aussi, pour merveilleux que l’effet puisse être à la vue des images qui émaillent cet article, nous espérons qu’il ne soit qu’une invitation à aller voir de près les oeuvres de Pascale Lainé, là où elles sont exposées.

Au château de Bordes jusqu’en mai prochain

Concernant cette belle maquette médiévale en forme d’hommage à Mélusine, elle s’est déjà envolée vers son destin et elle sera visible dans la tour Jeanne d’Arc du Château de Bordes, dans la Nièvre, jusqu’au mois de mai prochain. Elle y rejoindra les autres maquettes  de Pascale qui s’y trouvent déjà exposées. Les oeuvres devraient ensuite voyager en direction du château de Sagonne dans le Cher, jusqu’en septembre.

Pour retrouver d’autres oeuvres de Pascale et suivre son calendrier d’expositions, voici son FB : Maquettes d’Architecture médiévale.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.


(1) Sources : voir  Mélusine maternelle et défricheuse,
 Emmanuel Le Roy Ladurie Jacques Le Goff, sur l’excellent Persée.

Une conférence de Michel Zink sur la quête du Graal, de Chrétien de Troyes à ses premiers successeurs

moyen-age_quete_graal_legendes_arthuriennes_conference_matiere_de_bretagne_auteurs_medievaux_roman_arthurien« Sujet : Roman Arthurien, Graal, légendes Arthuriennes, quête du Graal, table ronde, châteaux et chevaliers, Conférence, Chrétien de Troyes, Robert de Boron, Wolfram Von Eschenbach
Période ; moyen-âge central, XIIe, XIIIe siècle
Titre : La quête du Graal
Auteur: Michel Zink
Lieu : Académie Royale de Belgique (2009)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous revenons à la Matière de Bretagne, au roman arthurien et aux aventures médiévales des chevaliers  du Graal avec le médiéviste et philologue français Michel Zink, dans le cadre d’une conférence qu’il donnait, en 2009, au collège de l’Académie royale des Sciences et des lettres de Belgique.

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Eluminure du Manuscrit Ancien MS Fr 112 « Messire lancelot du Lac » de Gauthier Map, 1470, BNF, Départements des manuscrits

L’académicien français et grand spécialiste de littérature médiévale nous invitait ici à une réflexion qui, partant de Chrétien de Troyes, « inventeur du modèle du roman chevaleresque d’aventure et d’amour » et allant jusqu’à ses premiers successeurs, tentait de décrypter le sens et les messages nichés derrière l’allégorie du Graal. Il y faisait aussi le constat que les premiers ouvrages du cycle arthurien, à partir de Chrétien de Troyes, étaient loin de faire une éloge manichéenne ou « simpliste » de la chevalerie et de ses valeurs et ne pouvait, en tout cas, pas se résumer à cela.

La Quête du Graal, par Michel ZINK, Académie royale de Belgique, 2009


Loin d’une promotion manichéenne des valeurs chevaleresques, les leçons du Graal

E_lettrine_moyen_age_passionn se penchant d’abord sur l’époque moderne pour montrer combien le récit arthurien semble y avoir supplanté les autres histoires, mythes ou récits en provenance du Moyen-âge (Roland, Tristan & Yseult, Jeanne d’Arc,…), le médiéviste fera un crochet par les usages actuels du terme Graal. Au passage, il notera que cette mention du Graal (encore bien présente dans les jeux de rôle, les jeux vidéo, l’Heroïc Fantasy, le langage et finalement l’imaginaire médiéval contemporain) constitue « le seul cas » de référence positive au Moyen-Age. Nul doute que la quête du Graal nous fascine et nous parle encore pour deux raisons principales  qu’il nous exposera  :

michel_zink_litterature_medievale_academicien_philologie_citation_moyen-age_medievalisme« Le mythe littéraire du Graal combine en lui deux éléments. D’une part, une quête spirituelle promettant la révélation d’une vérité sur le monde et sur soi-même. flattant l’illusion que nous pourrions, une bonne fois, trouver la clef de notre destin. (on arrive dans un château, on dit ce qu’il faut et, bon sang mais bien sûr !, c’est  ça la clef de la vie). Et d’autre part, le monnayage de cette quête en une aventure concrète palpitante, faite de voyages, de rencontres, de combats. »
Michel Zink – La quête du Graal – Citation –
Conférence à l’Académie Royale de Belgique (2009)

Ayant souligné les relations entre la Sainte relique et  les mythologies liées à la fertilité, il passera encore en revue ici les différentes formes prises par le Graal dans le roman arthurien, avant de nous gratifier d’un résumé, par le menu, de la première partie de Perceval, le roman de Graal inachevé de Chrétien de Troyes, non sans avoir au préalable resituer l’auteur médiéval dans son innovation :

cycle_roman_legendes_arthuriennes_litterature_medievale_moyen-age_central« Chrétien est l’inventeur du chevalier errant, un pur type littéraire à concevoir dans la réalité du temps, mais qui incarne en lui cette idée d’un cheminement qui conduit à la fois à l’aventure extérieure et à la révélation de soi-même, image dont l’aventure extérieure est l’image et que l’aventure extérieure provoque, donc ce parallélisme de l’aventure extérieure de l’aventure intérieure. »  
Michel Zink – La quête du Graal – Citation Citation (Conférence citée)

Ayant suivi à la trace les premiers pas de Perceval, l’exercice lui permettra de mieux s’interroger, dans un second temps, sur le sens véritable de cette quête chevaleresque, devenue avec Chrétien et les premiers auteurs médiévaux du roman arthurien  (Robert de Boron,  Wolfram  Von Eschenbach), pétrie de valeurs chrétiennes et même cisterciennes.  Et comme nous le disions plus haut, loin d’y voir à l’oeuvre une mise en valeur sans condition de la chevalerie, Michel Zink s’évertuera à nous démontrer qu’en réalité, l’éloge qui lui est faite « n’est pas sans restriction », les aspects les plus critiques s’étant peut-être dilués avec le temps et les auteurs suivants :

« Il me semble que, tout au contraire, les tout premiers de ces romans  (ceux du cycle arthurien) montrent les tensions de l’être au monde à travers les contradictions entre la fin et les moyens, entre cette voie chevaleresque qui, seule, conduit à la révélation des mystères du Graal, et le sens profond mais aussi tout proche de ces mystères qui renvoient à leur néant l’aventure et la gloire chevaleresque. »
Michel Zink – La quête du Graal – Citation (Conférence citée)

simone_weil_philosopheAu delà des valeurs chevaleresques, le médiéviste nous expliquera finalement que, du point de vue du cheminement intérieur, cette quête du Graal qui ne regarde en rien l’habileté au combat du chevalier, pas plus que sa volonté ou sa force, nous parle aussi et peut-être même surtout de l’oubli de soi-même. S’oublier pourquoi ? Peut-être pour retrouver « l’attention » (à ce qui est tout proche, à l’autre) dans la définition qu’en donnait la philosophe Simone Weil et prise comme « la forme la plus rare et la plus pure de la générosité » (Correspondance,  Simone Weil, Joe Bousquet).

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-Age sous toutes ses formes.

Une chanson d’amour courtois du trouvère Adam de la Halle avec l’ensemble Les Jardins de Courtoisie

trouveres_troubadours_musique_poesie_medievale_musique_ancienneSujet : musique, chanson, poésie médiévale, vieux français, trouvères d’Arras, théâtre profane. amour courtois, langue d’Oil.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Adam de la Halle (1235-1285)
Titre : Amours m’ont si douchement
Interprètes : Les Jardins de courtoisie
Album : D’Amoureus Cuer Voel Chanter (2007)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous revenons aujourd’hui vers la poésie en vieux français et en langue d’oïl du trouvère Adam de la Halle avec une chanson médiévale d’amour courtois monodique du XIIIe siècle. Cette pièce se situe dans le registre « profane »; on se souvient que l’œuvre abondante que nous a laissé ce célèbre auteur, poète, musicien et compositeur du moyen-âge central ne contient pas de pièces et de compositions proprement liturgiques.

L’interprétation que nous en présentons ici nous vient de l’Ensemble français Les Jardins de Courtoisie dont nous allons aussi dire pouvoir dire un mot.

Amours m’ont si douchement par L’ensemble Les Jardins de Courtoisie

 

Les Jardins de courtoisie

Le milieu artistique et la création autour des musiques anciennes en provenance de la région  lyonnaise nous a régalé décidément de bien des surprises. Nous parlions encore récemment de l’Ensemble Céladon mais aussi du jeune ensemble Apotropaïk et c’est aujourd’hui au tour d’une autre formation qui nous vient du même endroit d’être présentée ici. L’ensemble de musiques anciennes Les jardins de courtoisie a en effet été crée à Lyon, en 2004, par la chanteuse soprano Anne Delafosse  Quentin. 

Parcours

Anne_delafosse_quentin_musique_medievale_soprano_ensemble_jardins_de_courtoisieEn dehors de sa participation et de la direction de cette formation, cette artiste passionnée des répertoires médiévaux, renaissants et baroques avait encore cofondé l’Ensemble Musica Nova et également apporté sa pleine contribution vocale à des formations comme l’Ensemble Gilles Binchois ou encore l’Ensemble Céladon de Paulin  Bündgen, pour ne citer que ces deux-là. Devenue enseignante à plein temps au Conservatoire National Supérieur de Musique de Lyon depuis quelques années déjà, elle organise encore des ateliers ou des stages dans le domaine des musiques anciennes et donne aussi, à l’occasion, des cours au Centre de Musique Médiévale de Paris. De fait, toutes ces activités ne lui laissent pratiquement plus le temps de se produire sur scène.

Production et « actualité »

D’un point de vue artistique, Les Jardins de courtoisie explore le répertoire des musiques anciennes sur une période allant du moyen-âge central au XVIIe siècle en passant par la Renaissance et avec une prédilection, comme son nom pouvait le laissait présager, pour les pièces issues de la lyrique courtoise.

A l’image de sa fondatrice et de facto, l’ensemble semble avoir arrêté de se produire sur scène depuis les années 2010-2011. Il n’existe pas vraiment de site web actualisé sur leur activité et les dernières ensemble_medieval_poesie_chanson_musiques_anciennes_les_jardins_de_courtoisieinformations sur leur page Facebook datent de 2009. Gageons qu’ils sont donc, pour l’instant, tous occupés en d’autres endroits et réjouissons-nous qu’il nous reste, au moins jusqu’à nouvel ordre, leurs productions passées pour les apprécier.

De ce point de vue, ils ont, à ce jour, produit trois albums, l’un sur les chansons de la cour de bourgogne au XVe siècle, l’autre sur Marguerite d’Autriche et son univers musical au XVIe  et enfin le troisième, celui du jour, autour du trouvère Adam de La Halle. Un quatrième annoncé sur le site web de la chanteuse Soprano et qui semblait faire partie d’un programme du Conservatoire de Musique de Lyon (faisant intervenir Les Jardins de Courtoisie en collaboration avec Paulin Bündgen) n’est, semble-t-il, pas encore paru.

« D’amoureus cuer voel Chanter »
un album autour d’Adam de la Halle

Sorti en 2007, cet album de la formation était tout entier dédié à Adam de la Halle et à sa poésie courtoise. Du point de vue des titres, il abonde littéralement puisqu’il en contient pas moins de dix-sept, pris dans le répertoire des chansons et rondeaux du trouvère artésien.

musique_chanson_poesie_medievale_jardin_de_courtoisie_trouvere_Adam_de_la_Halle_moyen-ageD’un point de vue vocal, aux côtés d’Anne Delafosse Quentin, on pouvait noter la présence du ténor Lisandro Nesis, mais aussi celle du contre-ténor Paulin Bündgen.      

Distribué par le label Zig-Zag Territoires, il ne semble pas, hélas pour l’instant, que l’album ait fait l’objet d’une réédition depuis sa sortie. On en trouve donc quelques exemplaires au format CD et en import mais les prix en sont relativement élevés. Affaire à suivre donc.

Amours m’ont si douchement
Dans le vieux-français d’Adam de la Halle

Amours_si_douchement_chanson_medievale_amour_courtois_trouvere_adam_de_la_halle_moyen-age_XIIIe_siecle
Partition (notation ancienne et nouvelle) prise dans les oeuvres complètes d’Adam de la Halle du musicologue et ethnologue ‎Charles Edmond Henri de Coussemaker (1872)

Amours m’ont si douchement (doucement)
Navré* (blesser) que nul mal ne sench (de sentir),
Si servirai bonnement
Amours et men
douch ami* (douce amie), a cui me rent.
Et fas de men cors present,
Ne jamais, pour nul torment
Que j’aie n’iert (de être) autrement,
Ains voeil user mon jouvent
En amer loialment.

Et si ne m’en caut (chaloir : ne m’importe pas) comment
On m’aparaut laidement,
Puis que j’ai fait mon talent
Et je puis jesir* (m’allonger) souvent
Lès* (près) son cors gent* (beau,noble).
Je ne crieng*  (de craindre) ore ne vent,
Mais bon se fait sagement* (coiement autre MS)
Déduire et si soutieuement* (subtilement  – sagement autre MS) 
C’on n’en puisse entre le gent,
Parler vilainement.

Trop me sistés* (jugez?) longement
Amis, a moi proïier ent.
Se vous m’amiés loialment,
Je vous amoie ensement* (pareillement),
Ou plus forment
Mais femme, au commenchement
Se doit tenir fièrement:
Pour chou, s’ele se deffent,
Ne doit laissier qui i tent
A requerre asprement.

En vous souhaitant une très belle journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
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