Sujet : agenda médiéval, animations médiévales, fêtes historiques, marché artisanal, Moyen Âge festif, compagnies médiévales Evénement : Les Médiévales de Tonnerre Lieu : Tonnerre, Yonne, Bourgogne-Franche-Comté Dates : les 10 et 11 sept 2022
Bonjour à tous,
ette semaine de rentrée n’arrêtera pas les amoureux d’animations évocatrices du Moyen Âge. Ainsi, pour notre sélection du week-end, nous vous invitons du côté de la Bourgogne-Franche-Comté, à la rencontre des Médiévales de la cité de Tonnerre.
Au programme de ces médiévales 2022
La dernière édition des Médiévales de Tonnerre date de 2018. A l’image de nombreux autres événements sur le territoire, ces festivités avaient été annulées ces deux dernières années, pour cause de mesures sanitaires, mais l’année 2022 devrait les voir renaître sous de bons auspices. Sur les deux jours du week-end des 11 et 12 septembre, les visiteurs et résidents de Tonnerre pourront, en effet, profiter d’un beau programme d’animations médiévales dans différents lieux clés du centre ville.
Tournois de chevalerie, campements et animations en continue
En plus du marché artisanal et médiéval et des déambulations festives dans les rue de la cité, on retrouvera des jeux pour grands et plus petits, ainsi que des campements d’époque animés par les troupes invités. De la fin de matinée jusqu’au soir, d’autres animations s’enchaîneront également à un rythme soutenu, tout au long des deux jours de fêtes entre spectacles équestres et tournois de chevalerie, concerts de rue mais encore saltimbanques et comédiens.
Pour compéter le tableau, on pourra encore compter sur un grand spectacle nocturne, le samedi soir. En un mot, les visiteurs devraient trouver là de quoi tourner le dos à la grisaille de la rentrée, en prolongeant un peu le plaisir des vacances, dans un bel esprit de fête.
Compagnies médiévales attendues
Cie Action Equestre – Les Goliards – Prima Nocta – Les derniers trouvères – Tan Elleil – L’Aboyeur – Cie Vrehnd – Association des Médiévales de Tonnerre
Voir notre article sur l’édition précédente de cette fête : Edition 2018
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Monde Médiéval sous toutes ses formes.
NB : les photos sur l’illustration au format carte postale proviennent de compagnies médiévales qui seront présentes aux médiévales de Tonnerre : du haut vers la droite, au bas : Action Equestre, Tan Eilleil, les derniers trouvères, Prima Nocta et les Goliards.
Sujet : auteur médiéval, conte moral, Espagne médiévale, littérature médiévale, valeurs chevaleresques, Europe médiévale, oisiveté, code de conduite, mentalités médiévales Période : Moyen Âge central ( XIVe siècle) Auteur : Don Juan Manuel (1282-1348) Ouvrage : Le comte Lucanor traduit par Adolphe-Louis de Puibusque (1854)
Bonjour à tous,
ans l’Espagne des XIIIe et XIVe siècles, Don Juan Manuel est une figure marquante, au destin digne d’un personnage du Trône de Fer. D’abord, il est de sang royal par son père, Manuel de Castilla, frère d’ Alphonse X le sage et dernier des fils de Fernando III de Castille. Ensuite, Don Juan Manuel est un stratège, doublé d’un grand combattant, Sa carrière est constellée de hauts faits et on le vit guerroyer dès son plus jeune âge.
Du point de vue nobiliaire, ses titres sont tout aussi impressionnants : Duc et Prince de Villena, Seigneur d’Escalona , de Peñafiel , de Cartagena et de plus de 7 autres localités. Il a également servi comme majordome sous Ferdinand IV et sous Alphonse XI dont il fut même le tuteur. Plus tard, des complots s’ourdiront entre ce dernier devenu jeune souverain et Don Juan Manuel. Les tensions entre les deux hommes dureront pendant de longues décennies. On y trouvera tous les ingrédients d’un roman d’aventure : princesse captive (sa propre fille), pièges et tentatives d’assassinat, mensonges, trahisons, conseillers perfides,… A ce sujet, nous vous invitons à consulter notre biographie détaillée de Don Juan Manuel.
Un auteur et un lettré
Don Juan Manuel n’est pas seulement un grand seigneur de guerre et il n’est pas de la même branche familiale qu’Alphonse X le savant pour rien. Lettré et cultivé, il sut démontrer ses talents de plume à de nombreuses occasions : livre de chasse, livre du chevalier et de l’écuyer, livres des états, … D’entre tous ses écrits, celui qui a résisté le mieux à la postérité auprès du public est aussi le plus accessible. Il s’agit de l’ouvrage : Le comte Lucanor.
Le principe en est simple : seigneur et noble lui-même, le comte Lucanor, sorte de double littéraire de Don Juan Manuel, se pose des questions à tout propos : gouvernance, morale, stratégie, alliance, amitié, conduite de vie, etc… Pour l’éclairer, il peut compter, à chaque fois, sur son proche conseiller Patronio qu’il ne manque jamais de questionner. Sollicité par le noble, ce dernier use de métaphores, de paraboles et d’exemples pour guider, du mieux qu’il le peut, son seigneur ; ce dernier finit toujours par se ranger aux arguments du sage Patronio et cela donne lieu à une morale en vers à la fin de chaque conte.
De nos jours, cet ouvrage médiéval est encore lu et diffusé en Espagne et dans les pays de langue espagnole et ce, à l’attention de tout public. De notre côté, sur moyenagepassion, nous œuvrons modestement à mieux le faire connaître aux passionnés de littérature médiévale francophones en publiant, de temps à autre, quelques-uns de ces contes moraux. L’exercice permet de mieux appréhender les mentalités de l’Espagne médiévale autant que de faire certains liens entre les différentes cultures de l’Europe du Moyen Âge. Pour la traduction française, pour une fois elle n’est pas de notre fait. Nous nous appuyons sur les travaux d’un homme de lettres du XIXe siècle, auteur et spécialiste de littérature espagnole Adolphe-Louis de Puibusque. Il existe des traductions plus récentes du Comte Lucanor mais nous nous servons aussi des sources anciennes et plus récentes en Espagnol pour comparer la version française de Puibusque (datée de 1854). Pour l’instant, nous nous en contentons.
Sources manuscrites et conte du jour
Aujourd’hui, le conte que nous vous proposons est l’Exemple XXIII du comte Lucanor. Il nous entraînera dans une parabole et une leçon sur les dangers de rester oisifs, en dilapidant ses avoirs. Comme il y sera question de fourmis industrieuses, ce texte ne manquera pas de rappeler à certains d’entre vous les fables de Jean de La Fontaine, ou plus près du Moyen Âge celles de Marie de France. Au début du XIIIe siècle et, près de cent ans avant Don Juan Manuel, cette dernière rendait déjà hommage, en effet, avec son Grillon et sa fourmi (D’un Gresillon e d’un Fromi) à la sauterelle et la fourmi du vieil Esope.
« El Conde Lucanor » est connu à travers diverses sources manuscrites anciennes. Cinq en tout. Sur l’image ci-contre, vous pourrez retrouver le feuillet correspondant à l’Exemple du jour dans le manuscrit Mss. 4236 de la Bibliothèque Nationale d’Espagne. Ce manuscrit médiéval, daté de la fin du XVe siècle, est consultable sur le site de la Bibliothèque virtuelle Miguel Cervantes. Sur le feuillet, on peut voir apparaître la fin du conte XXII que nous avions déjà étudié, par ailleurs, et sa morale (voir Amitié contre mauvais conseillers, l’exemple XXII du Comte Lucanor). Au passage, c’est le même feuillet que nous avons utilisée sur l’image en-tête d’article, en arrière plan de la fourmi.
Exemple XXIII, « de ce que font les fourmis… » du Comte Lucanor de Don Juan Manuel
Le comte Lucanor s’entretenait un jour avec son conseiller : « Patronio, lui dit-il, grâce à Dieu je suis passablement riche : aussi, de plusieurs côtés, on m’invite à me donner du temps : « Puisque vous le pouvez, me répète-t-on sans cesse, ne pensez qu’à mener joyeuse vie, buvez, mangez, dormez, amusez-vous tout à votre aise ; qu’avez-vous à craindre ? N’êtes-vous pas toujours sûr de laisser à vos enfants un bel héritage ? » En vérité, cela me sourit beaucoup ; avant, toutefois, de suivre le conseil qu’on me donne, je veux avoir votre avis.
— Seigneur comte, répondit Patronio, c’est une douce chose très certainement que l’oisiveté et le plaisir, mais souffrez que je vous fasse connaître toutes les peines que prend la fourmi pour assurer sa subsistance et vous saurez ensuite ce que vous devez faire. — Volontiers, dit le comte et Patronio poursuivit ainsi : — Quand on considère combien la fourmi est chétive, on ne se douterait pas qu’il pût loger une grande prévoyance dans une si petite tête, et pourtant voyez : dès que le temps de la moisson arrive, cette ménagère diligente se rend aux aires, en rapporte autant de grains qu’elle peut en traîner et les emmagasine. Ce n’est pas tout : la première fois qu’il pleut, le blé est mis dehors ; on dit que c’est pour qu’il sèche, mais c’est là une erreur que repousse le bon sens : s’il fallait exposer ainsi le froment chaque fois qu’il est mouillé, le pauvre insecte aurait une rude besogne, et d’ailleurs où pourrait-il le faire sécher ? Le soleil luit rarement pendant l’hiver. Un autre motif explique la conduite de la fourmi : après avoir déposé dans ses greniers tout le blé qu’elle a ramassé et avoir grossi ses approvisionnements autant qu’il lui est possible, elle profite de la première pluie pour sortir une partie de son blé, parce que s’il germait dans l’intérieur de la fourmilière, il se gâterait, et pourrait même l’étouffer au lieu de la nourrir ; les grains mis dehors ne sont pas perdus, la fourmi mange ceux qui sont sains, et attend, pour faire usage des autres, qu’ils aient cessé de germer, car cette fermentation n’a qu’un temps limité, et il n’y a plus rien à craindre ensuite.
La fourmi pousse la prévoyance encore plus loin ; lors même qu’elle a des provisions suffisantes, elle ne manque pas, chaque fois qu’il fait beau, de charrier tout ce qu’elle rencontre, soit de peur de n’avoir pas assez, soit pour ne pas rester oisive ou pour ne rien perdre des dons du bon Dieu.Et vous seigneur comte Lucanor, que cet exemple vous instruise ! Quoi ! Une si frêle créature que la fourmi montre tant de prudence, tant d’activité, tant d’économie, uniquement pour pourvoir à ses propres besoins, et un seigneur tel que vous, maître d’un grand Etat et chargé de gouverner tant de monde, ne songerait qu’à manger son bien ! Je dis manger, et c’est le mot, car, soyez-en convaincu, on a beau être riche, un trésor ne dure guère lorsqu’on dépense chaque jour sans amasser jamais. Et d’ailleurs ne serait-il pas honteux de vivre dans la dissipation et dans la fainéantise ! Pour moi, je n’ai qu’un conseil à vous donner et le voici : prenez du repos et amusez-vous, si tel est votre bon plaisir, vous en avez le droit et le pouvoir, mais que ce ne soit aux dépens, ni de votre honneur, ni de votre état, ni de votre bien. Quelques que soient vos richesses, vous n’en aurez jamais trop si vous saisissez toutes les occasions qui pourront s’offrir d’ajouter à l’éclat de votre renommée et au bonheur de vos vassaux. »
Le comte Lucanor goûta beaucoup le conseil. Il le suivit et s’en trouva bien. Don Juan, estimant aussi que l’exemple était bon à retenir, le fit écrire dans ce livre et composa deux vers qui disent ceci :
« Ne dissipe jamais ce que le ciel te donne, Vis, quel que soit ton bien, en honnête personne. »
A propos de la morale et de sa traduction
Comme nous l’avons vu à l’occasion de nos articles précédents, concernant la traduction du XIXe siècle, son auteur prend, parfois, quelques libertés, en particulier sur les morales versifiées qui interviennent toujours à la fin des contes de Don Juan Manuel. On ne peut guère lui en vouloir. Il n’en contredit pas nécessairement l’esprit, mais il prend souvent plus de libertés d’adaptation à ce niveau là que pour le reste de ses traductions, assez fidèles par ailleurs. Pour cet exemple XXIII, en allant chercher dans les versions originales du Comte Lucanor, dans l’espagnol ancien de son auteur, on trouve la morale suivante :
« Non comas sienpre lo que as ganado; bive tal vida que mueras onrado. »
Autrement dit : Ne mange jamais tout de que tu as gagné Vis de telle façon, que tu meures honoré »
Les versions espagnoles récentes nous donnent cette traduction, également, assez proche de l’original :
No comas siempre de lo ganado Pues en penuria no moriras honrado.
Ne mange jamais tout ce que tu as gagné Sans quoi dans la difficulté, tu ne mourras pas honoré.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, auteur médiéval, moyen-français, manuscrit ancien, poésie, chant royal, vanité, convoitise, poésie morale, poésie politique, satire. Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle. Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : «Toy mort, n’aras fors que .VII. piez de terre» Ouvrage : Œuvres complètes d’Eustache Deschamps, T III Marquis de Queux de Saint-Hilaire (1882)
Bonjour à tous,
chaque fois que nous abordons l’œuvre d’Eustache Deschamps, nous ne cessons de le dire : cet homme d’armes, employé à la cour et qui fut au service des rois, dans diverses fonctions, a écrit sur pratiquement tous les sujets, au cours de sa vie.
Une œuvre colossale de plus de 80000 vers
Si l’on trouve mentionnés, dans l’œuvre d’Eustache Deschamps, les misères du peuple, la cruauté des jeux de cours, les affres de la peste ou de la guerre de cent ans, son amour de la France, ses comptes-rendus de voyage, ses poésies sentimentales et courtoises, ses poésies morales mais encore ses réflexions sur la vie, la mort et sur le sens de l’existence, ou ses déroutes (les souffrances de l’âge, de l’indifférence ou de la maladie), les sujets ne sont pas tous de haut vol.
Tout, Eustache a presque tout couché en rimes, de manière presque systématique. L’écriture est inégale, pas toujours très digeste mais, au final, il nous a laissé plus de 80000 vers sur ses états d’âme, ses goûts, ses aversions, ses attractions, bref ses réactions à tout et sur tout. Avec une telle abondance, il ne faut pas toujours s’attendre à une grande profondeur de vue. Ainsi, on y trouvera plus d’un chose triviale : son goût pour les petits pâtés ou pour la moutarde, son vœu de ne plus jamais prêter de livres parce qu’on ne lui rend pas, son agacement pour avoir été mal reçu ou mal traité, et une bonne dose de détails qui pourraient nous paraître bien insignifiants avec le recul du temps, mais qui peuvent aussi nous le rendre plus réel, plus proche et plus attachant.
Le chant royal d’Eustache Deschamps dans le Ms Français 840 de la Bnf
Les découvreurs & historiens du XIXe siècle
Dans le courant du XIXe siècle, l’un des premiers auteurs à opérer un tri dans ce gigantesque corpus pour le mettre à la lumière fut Georges Adrien Crapelet. Autour de 1832, il sélectionna dans l’œuvre d’Eustache des ballades de moralité qu’il fit publier : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, écuyer, huissier d’armes des rois Charles V et Charles VI, châtelain de Fismes et bailli de Senlis.
D’autres auteurs, à sa suite, s’essayeront à des sélections. Prosper Tarbé fut notamment l’un de ceux-là avec ses Œuvres inédites d’Eustache Deschamps en 2 tomes, datées de 1849. Un peu plus tard, c’est au Marquis de Queux de Saint-Hilaire relayé par Gaston Raynaud que l’on doit la publication es œuvres complètes d’Eustache, publiées sur pas moins de 11 volumes (1878-1903). L’histoire ne s’arrêtera pas là et on retrouvera l’auteur médiéval mentionné dans d’autres anthologies. Bien connu des historiens, des philologues et des médiévistes, sa célébrité n’atteindra pourtant jamais celle d’un Villon, ni d’un Charles d’Orléans auprès du grand public.
Plus près de nous
Aujourd’hui encore, les médiévistes, philologues et érudits exploitent l’œuvre d’Eustache sous des angles différents, soit pour aborder l’histoire du temps de cet auteur, soit encore à l’occasion de recherches spécifiques ou d’études thématiques transversales sur sa poésie : la table chez Eustache Deschamps, les jeux de cour, les âges de la vie, etc… En 2017, son œuvre a également fait l’objet d’une Anthologie dans l’esprit de mieux la faire connaître et de fournir un point de départ utile à son étude : Eustache Deschamps ca. 1340–1404 : Anthologie thématique de Laidlaw James et Scollen-Jimack Christine, Editions Classiques Garnier, 2017.
Nous concernant, nous parcourons les nombreuses poésies d’Eustache, en dilettante, pour y suivre les inspirations de l’auteur et pour y retrouver un peu de l’esprit de son temps. Inutile de dire que les aspects les plus moraux et politiques sont ceux qui nous séduisent le plus ; l’homme a le privilège de ne pas être un poète de cour. Il ne vit donc pas de sa plume, ni n’en dépend pour vivre. De fait, il souffle un vent de liberté sur certains de ses écrits et il n’hésite pas à se montrer caustique ou satirique par instants, ce qui est, de notre point de vue, plutôt rafraîchissant.
Aux sources de l’œuvre d’Eustache Deschamps
Concernant cette œuvre massive et les sources manuscrites d’époque, le manuscrit médiéval Français 840 du département des manuscrits de la BnF, est un incontournable dans lesquels on n’imagine que plus guère de paléographes ne doivent mettre le nez depuis le travail de transcription de Auguste-Henry-Édouard Queux de Saint-Hilaire et de Gaston Raynaud.
De notre côté, nous le faisons pour aller chercher la source ancienne et historique à chaque nouvelle étude de texte. C’est un peu, pour nous, comme une façon de remonter au premier trait de plume médiéval, celui qui, il y a plus de 500 ans et dans le courant du XVe siècle, a permis d’immortaliser ce corpus impressionnant et l’œil de l’homme sur son temps ; une façon, en somme, de réconcilier le passé et le présent. Pour le reste, ce manuscrit ancien est consultable sur Gallica. A noter que la poésie du jour y apparait deux fois, à quelques feuillets d’intervalle. L’œuvre est si grande que sur 1200 pages, on conçoit que même les copistes aient pu quelquefois s’y perdre.
Eustache contre la convoitise & la vanité
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Le texte d’Eustache Deschamps que nous vous proposons, aujourd’hui, est un chant royal. On peut le retrouver dans le tome III des Œuvres Complètes de l’auteur par le marquis de Queux de Saint-Hilaire. On y retrouvera un Eustache en réflexion sur la convoitise et la vanité, notamment celles des hommes de pouvoir et de leurs guerres.
C’est, donc, une fois de plus une poésie politique et morale que nous vous invitons à découvrir. L’auteur médiéval se placera du côté du peuple victime des guerres et contre le sang versé et son discours ira aux princes insatiables de terre, d’avoirs et de conflit.
Certes, l’enfer est évoqué et leur sera promis. Pourtant, l’exhortation que leur fait Eustache de rechercher la paix et de mettre fin à leur convoitise touche non pas tant, ici, leur salut dans l’au-delà, que la vacuité de leur vanité et leur orgueil face à l’évanescence de la vie. Si puissants soient-ils, ils mourront comme les plus grands. L’envoi viendra encore le souligner en mêlant héros antiques, héros arthuriens et héros médiévaux. Mais où sont les neiges d’Antan ? chantera un peu plus tard François Villon, peut-être en écho à ces questionnements.
« Toy mort, n’aras fors que VII piez de terre« dans le moyen-français d’Eustache
PS : à l’habitude, pour faciliter la compréhension de cette poésie en français ancien, nous vous indiquons quelques clefs de vocabulaire.
O convoiteus de l’avoir (de possessions) de ce monde, Que tu ne puez un certain jour tenir; Des que tu nais, la mort en toy habonde : Voy que tu muers et te convient fenir (finir), Et ne scez quant, et sur le mieulx venir (dans le meilleur des cas) N’as le terme fors que de soixante ans ; Et si lairas les richesces mourans, Ou te lairont par fortune de guerre ; Pour quoy veulz tu estre si acquerans ? (1) Toy mort, n’aras fors que .VII. piez de terre.
Par convoitier voy que guerre se fonde Entre les roys pour terres acquérir ; Le sang humain font espandre a grant onde, Les vaillans cuers et le peuple mourir, Clercs et marchans, et l’Eglise périr, Crestienté, frères participans De foy, de loy, un baptesme prenans, Pour le vain nom d’autrui pais acquerre; Désiste toy, tes frères delaissans ; Toy mort, n’aras fors que .VII. piez de terre.
Tu qui es faiz a l’assemblance ronde Du firmament et de Dieu, puez veir Que tout créa, et tout homme redunde A s’ymaige ; pour ce dois tu cremir (craindre) De deffaire, par convoiteux désir, Ce qu’il forma a ta forme semblans ; Car le corps mort, les esperis (esprit, vie, âme) tremblans Seulent (de soloir : ont l’habitude) a Dieu de toy vengence querre (réclamer); Se tu es bien ces choses remembrans (souvenant), Toy mort, n’auras fors que .VII. piez de terre,
Tu auras bien ta fosse plus parfonde, Et grant tombel pour icelle couvrir, Mais la convient que ton convoiter fonde, Et de .VII. piez te fault content tenir (il te faudra te contenter), Estre oublié et cendre devenir. Ton nom pervers yert au monde manans (2), Ton esperit aura divers tourmens; Pour ses péchiez seras mis soubz la serre Des infernaulx ; es tu au monde grans ? Toy mort, n’auras fors que .VII. piez de terre.
Chascuns doubter doit vie et mort seconde, Et de s’ame lui doit bien souvenir, Qui tousjours vit, et plustost c’une aronde (hirondelle) Du corps mortel la convient départir (se séparer). Et lors la fault selon ses faiz merir (être payé en retour) Ou bien ou mal, car c’est drois jugemens ; Roys, faictes paix, ne soiez guerrians Sur vostre loy, alez paiens requerre (attaquer, livrer bataille) (3), Car dire puis (je puis) a chascun des tirans : Toy mort, n’auras fors que .VII. piez de terre.
L’Envoy Prince, ou est or Oliviers et Rolans, Alixandres, Charles li conquerans, Artus, César, Edouard d’Angleterre ? Ilz sont tous mors et si furent vaillans. Et se tu es bien ce considerans, Toy mort, n’auras fors que .VII. piez de terre.
(1)Pour quoy veulz tu estre si acquerans ?Qu’est-ce qui te pousses à vouloir posséder autant ? (2)Ton nom pervers yert au monde manans : ton nom détruit n’est plus de ce monde, ton nom disparu n’habite plus ce monde. A vérifier. Dans la recopie du feuillet 114 sur le manuscrit 840 : on peut lire « Le nom » et pas « Ton nom ». Du reste, je ne lis pas « pervers » mais « puers » ou « puezs » dans les deux cas : « Ton nom puers yert au monde manans » (108) et « Le nom puers ert au monde manans » (114) (3) Si l’on se fie à l’analyse de Miren Lacassagne (Présence de l’épopée dans l’œuvre d’Eustache Deschamps, dans Études de littérature médiévale offertes à André Moisan, Presses universitaires de Provence 2000), Eustache fait ici, un clair appel pour la paix franco-française.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
NB : l’enluminure utilisée pour l’image d’en-tête comme pour l’illustration est tirée du Ms Royal 20 C VII : Chroniques de France ou de St Denis. Le manuscrit médiéval, daté de la fin du XIVe siècle (vers 1380) et contemporain d’Eustache Deschamps, est actuellement conservé à la British Library. Vous pouvez le consulter ici. L’enluminure de la mort triomphant dans le coin inférieur de l’illustration est, quant à elle, tirée du Livre d’heures à l’usage de Rome. Référencé Rés 810367, ce manuscrit du début du XVIe (1510) et actuellement conservé à la Bibliothèque municipale de Lyon.
Sujet : agenda médiéval, fêtes médiévales, fêtes historiques, patrimoine, animations, marché médiéval, Moyen Âge festif, animations médiévales. Evénement : la 10e fête historique de Vienne Lieu : Vienne, (Civitas Sancta), Isère, Auvergne-Rhône-Alpes Dates : les 2 et 3 sept 2022
Bonjour à tous,
es samedi 2 et dimanche 3 septembre prochain, l’histoire vivante investira à nouveau les murs de la cité de Vienne, en Auvergne Rhône-Alpes. Comme chaque année, à la fin août, on y célébrera, durant un week-end complet et à grands renforts d’animations, la ville du temps de ses évêques et de son Moyen Âge.
10e édition de la fête historique de Vienne
Annulées en 2020, ces célébrations historiques qui attirent, chaque année, près de 25000 visiteurs avaient échappé, de peu, au même sort, l’année dernière, pour se tenir, finalement, dans un contexte encore incertain et des mesures sanitaires changeantes. Pour cette 10e édition, elles reviennent, cette fois, au mieux de leur forme et dans la sérénité. De fait, l’organisateur de cet événement, l’Association Vienne Historique, compte bien renouer avec la tradition et faire oublier les aléas des deux années passées ; le programme est là pour en témoigner.
500 bénévoles et de nombreuses compagnies
Si la fête historique de Vienne est très fréquentée, sa réussite tient aussi beaucoup à l’implication de ses organisateurs et des habitants de la cité historique. Pour donner la mesure du nombre d’acteurs locaux engagés dans sa réussite, il est question de plus de 500 bénévoles auxquels viendront s’ajouter pour cette 10eme édition, de nombreuses artistes, bateleurs, musiciens et compagnies médiévales.
Sur le thème « Les Templiers – de Calixte II à Clément V« , le voyage dans le temps s’envolera en direction du Moyen Âge central, pour évoquer l’histoire des templiers, de Calixte II, premier pape à les avoir placés sous sa protection à Clément V, celui qui scella tristement leur sort ; la cité vit même ce dernier événement passer en ses murs, lors du Concile de Vienne qui, entre 1311 et 1312 vit s’associer le roi Philippe le Bel et le Pape Clément V pour mettre fin à l’ordre des moines chevaliers.
Animations médiévales permanentes
Pour l’occasion, le monde médiéval sera donc à l’honneur dans tout le centre historique de Vienne, mais aussi dans ses hauts lieux patrimoniaux comme le jardin de Cybèle et le théâtre antique. Des campements animés par les troupes et compagnies médiévales invitées, y proposerons des démonstrations et passes d’armes, mais aussi divers ateliers à la découverte de la vie quotidienne médiévale. Déambulations, musiques et spectacles de rue seront aussi de la partie.
Toujours apprécié des visiteurs pour dénicher quelques pièces d’artisanat ou quelques gourmandises, la marché médiéval viendra également compléter le tableau avec ses échoppes.
Compagnies médiévales attendues
Les gueux de Volonnes – Celva Tereï – Les Tanarücks – Compagne Faï – Sylvain le magicien – Compostelle – Maître Scavino – La conteuse Doune – Compagnie Bric à Brac – Les pennons de Baraban – La Mesnie de Kallungen – Le courtil des courils – L’ost du Lyon – Midir et Etoile – Equid’Events -Antéa classica – La petite Flambe – Les Goliards – Cantamen – Marina Lys – Merwenn -le Quintette Vocal – Cie Escossor – La Piedtailhe – Le Cercle d’armes du Dauphiné – Les chevaliers des terres d’Occitanie – Les petits Pédestres – La petite Ferme.
Spectacles et temps forts
Du point de vue des temps forts, on pourra compter sur de grands spectacles équestres à la façon des tournois de chevalerie. Ils se tiendront au théâtre antique, à 3 reprises durant le week-end (voir programmation pour ne pas les manquer.) Dans la journée, la place de l’hôtel de ville verra aussi s’affronter les troupes d’infanterie dans de spectaculaires mêlées en armure et de grandes batailles. Autre moment attendu de la fête, le samedi soir s’ouvrira sur un bal médiéval suivi d’un défilé aux flambeaux et de spectacles de magie et de feu, en nocturne.
Pour ceux qui veulent en apprendre plus sur le thème des templiers entre les deux papes, notez qu’une conférence sera donnée, en avant première de la fête, le vendredi 2 septembre à 19h00.
Festival de musiques anciennes
L’ensemble Merwenn
Cette 10e fête historique hébergera également, en son sein, un festival de musiques anciennes. Il se tiendra en la Chapelle Saint Théodore, le samedi et le dimanche. Les auditeurs auront l’occasion d’y assister à 11 concerts sur les deux jours avec les ensembles musicaux Cantamen, Marina Lys Duo, La Petite Flambe, Merwenn, le Quintette Vocal et Antea classica. Assez riche et éclectique, le programme couvre un répertoire qui va de chants polyphoniques et de madrigaux à des chants de gospel, en passant par de la musique baroque et renaissante, des chants vikings ou de la musique celte, en fonction des concerts. Tous les détails sont sur le site de Vienne-Historique.