Sujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, ballade, Villon chanté, chanson. Période : moyen-âge tardif Titre : « Ballade des menus propos » Auteur : François Villon (1431- ?1463) Interprètes : Monique Morelli Album :François Villon (1974)
‘est une voix surgie du passé qui entonne ici la ballade des menus propos de François Villon, celle d’une chanteuse populaire dans la veine d’une Piaf qui, dans les années soixante-dix chantaient les poètes.
Pour ceux qui se souviennent de la série télévisée Mandrin, Monique Morelli (1923-1993) y incarnait encore le rôle de La Carline et c’est elle qui prêtait aussi sa voix puissante au chant de Mandrin et à toutes les variations narratives chantées qui ponctuaient la série. Sans doute fut-elle une des dernières et dignes représentantes d’une certaine façon de chanter.
A partir de 1962, son cabaret parisien Chez Ubu fut un espace de création et d’expression pour de nombreux artistes et ce n’est pas par hasard si l’on peut encore entrevoir une parenté entre elle et la très créative Brigitte Fontaine, dans l’ambition littéraire et poétique au moins, même si leur style vocal diffère. Quoiqu’il en soit, à l’image de Léo Ferré, le récital de Monique Morelli est resté ambitieux et elle a contribué à faire connaître de nombreux poètes en les chantant.
Pour le reste, hormis les troubadours ou trouvères occitans, les poètes médiévaux de langue d’oil sont relativement peu chantés dans le texte original et elle a sans doute été une de celle qui a le plus exploré le fait de mettre en chanson la poésie de Villon en lui dédiant un album complet.
En vous souhaitant une belle journée!
Fred
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Sujet : poésie satirique, politique, moral, littérature médiévale, ballade, vieux français, exercice du pouvoir, bonté, prince Période : moyen-âge tardif Auteur : Eustache Deschamps 1346-1406) Titre : « Des vertus nécessaires au prince»
Bonjour à tous,
oilà quelque temps que nous n’avons publié un peu de la poésie d’Eustache Deschamps, dit Morel, et cette ballade d’aujourd’hui nous en donne l’heureuse l’occasion. Elle est tirée, à nouveau, de l’ouvrage que l’imprimeur Georges-Adrien Crapelet édita, au début du XIXe siècle, pour nous présenter une sélection des « Poésies morales et historiques » de l’auteur médiéval.
C’est une ballade sans envoi, comme ce grand formaliste et amoureux du style en a tout de même fait quelques unes. Elle nous parle des qualités nécessaires à l’exercice juste du pouvoir. Il y est question de bonté, d’équanimité et bien d’autres choses encore.
Dans l’Europe chrétienne médiévale, un prince qui n’aurait pas soumis sa propre autorité à celle du créateur – et même ici, à l’église, dans une conception toute augustinienne du pouvoir politique dont Eustache Deschamps se fait écho -, n’aurait pas été concevable. On y trouve donc aussi et bien évidemment cette dimension. La concernant, à la réserve que chacun mettra ou non en fonction de ses propres croyances sur la nécessité d’aimer Dieu pour gouverner les hommes, le reste de cette poésie morale en forme de ballade a-t-il résisté au temps ? Encore une fois, et prenant les précautions d’usage, les vertus et valeurs morales qu’elle prône dans l’exercice du pouvoir semblent bien toujours véhiculer du sens et nous parler, à quelque six siècles du moment où elles furent couchées sur le papier.
Ballade des vertus nécessaires au prince
Comment pourroit princes bien gouverner, Ne grant peuple tenir en union, S’en soy meismes ne povoit rafrener Les meurs mauvais de sa condicion. Il ne pourroit nullement ; Car seignourir se doit premièrement, Et corrigier pour l’exemple d’autrui, Qui veult avoir commun gouvernement, Si qu’on voie toute bonté en lui.
Premier il doit Dieu et l’Eglise amer, Humble cuer ait , pitié , compassion Le bien commun doit sur touz préférer, Son peuple avoir en grant dilection*, (*affection, charité) Estre saige et diligent ; Vérité ait : tel doit estre régent, Lent de pugnir, aux bons non faire ennuy, Et aux mauvais rendre droit jugement, Si qu’on voie toute bonté en lui.
D’entour lui doit touz menteurs rebouter, Justice avoir, équité et raison, Le poure oïr, le plaintif escouter, À touz venans avoir large maison, Requérir crueusement* (*cruellement) Son ennemi , et mener doucement Ses vraiz subgiez sanz asservir nulli; Avarice doit haïr mortelement, Si qu’on voie toute bonté en lui.
Eustache Deschamps
Pour conclure, finissons par une petite question ouverte au regard de l’actualité. Comment l’éviter ? Sous le fard, tout le cirque et les facéties de théâtre de nos politiques « markétisés » et « conseillés » jusque dans leur couleur de cravate, y-a-t-il, en ces temps d’élections présidentielles, un « prince » qui soit réellement de ces valeurs et qui en ait les moyens ? Interrogés sur la question, sans doute que peu les renierait, mais dans le concret ?
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : poésie, littérature médiévale, réaliste, satirique, épitaphe, auteur médiéval, testament, rondeau. Période : moyen-âge tardif Titre : « épitaphe et rondeau » Oeuvre : le grand testament Auteur : François Villon (1431- ?1463)
Bonjour à tous,
oilà un peu de la poésie médiévale de Maître François Villon en forme d’épitaphe, avec un extrait de cet entêtant testament qui résonne encore jusqu’à nous. C’est la poésie de celui qui attend dans sa geôle une mort et une pendaison qu’il pense déjà certaines. Cette Camarde, il l’a tellement apprivoisée dans la solitude désespérée de sa prison qu’il s’est projeté dans son au-delà. Et ce testament, presque déjà post-mortem et qui semble quelquefois être celui d’un revenant, c’est encore un chant de détresse et de rédemption : Villon déjà mort, déjà pendu, déjà oublié, sacrifié sur l’autel de ses misères et de ses erreurs, priant pour que son âme soit sauvée et avec la sienne, les nôtres aussi un peu. Il sera relâché pourtant, pour disparaître peu après avec ses mystères sans que l’on ait jamais su ce qu’il était advenu de lui, en nous laissant, avant de partir comme un grand cri, ce testament, qui a marqué depuis la poésie au fer rouge.
Épitaphe et rondeau
Ci gît et dort en ce solier, Qu’amour occit de son raillon, Un pauvre petit écolier Qui fut nommé François Villon. Oncques de terre n’eut sillon. Il donna tout, chacun le sait : Table, tréteaux, pain, corbillon. Pour Dieu, dites-en ce verset :
Repos éternel donne à cil, Sire, et clarté perpétuelle, Qui vaillant plat ni écuelle N’eut oncques, n’un brin de persil.
Il fut rés, chef, barbe et sourcils, Comme un navet qu’on ret ou pèle. Repos éternel donne à cil.
Rigueur le transmit en exil Et lui frappa au cul la pelle, Nonobstant qu’il dît : » J’en appelle ! « Qui n’est pas terme trop subtil. Repos éternel donne à cil. François Villon – Epitaphe et rondeau
Improvisation a Cappella de G. Brassens
sur l’épitaphe de Villon.
‘est un document rare que nous partageons ici, une petite improvisation de Georges Brassens, à la faveur d’un interview, sur cet épitaphe de Villon. C’est encore une référence et un tribut de plus à ajouter au compte du grand chanteur anarchiste et non conformiste sétois du XXe, envers celui dont on fit son maître et qu’il finit par adopter. Tous les articles sur la poésie de Villon chez Brassens sont ici.
En vous souhaitant une belle journée!
Fred
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Sujet : poésie médiévale, François Villon, poète, épigramme, poésies courtes, édition Villon. Période : fin du moyen-âge, début renaissance Auteur : Clément Marot (1496-1544) Titre : « Epigramme à Francois 1er sur Villon »
Bonjour à tous,
vec l’arrivée du mois de Mars, il sera bientôt temps de reprendre le chemin des événements et des fêtes médiévales qui nous reviennent déjà avec la promesse des beaux jours, mais comme il est encore un peu tôt pour le faire, nous publions aujourd’hui, une nouvelle épigramme de Clément Marot de Cahors que voici :
« Si, en Villon on treuve encore à dire, S’il n’est reduict ainsi qu’ay pretendu, A moy tout seul en soit le blasme (Sire) Qui plus y ay travaillé qu’entendu : Et s’il est mieulx en son ordre estendu Que paravant, de sorte qu’on l’en prise, Le gré à vous en doyt estre rendu, Qui fustes seul cause de l’entreprise. » Clément MAROT, (1496-1544) Epigramme au Roy François Ier, sur Françoys Villon (1532).
C’est cette fois-ci une poésie qui, d’une certaine manière, réunit trois poètes: l’auteur de l’épigramme Clément Marot lui-même, l’hommage qu’il rend au Roi François 1er, mécène, grand amateur d’art et poète à ses heures, pour lui avoir demandé de réimprimer et rééditer François Villon, et enfin l’hommage qu’il fait directement dans ses lignes à Villon lui-même. Le roi, Marot lui-même nous l’apprend, était un grand amateur de Villon. Qu’on ne pense pas pourtant que le grand Maistre de poésie médiévale ait dû attendre si longtemps pour être révélé. De la plus ancienne édition connue de l’oeuvre de Villon parue en 1489, à celle de Marot, datant de 1533, on retrouve, en effet, ce dernier publié dans plus de neuf autres éditions, en l’espace de ces quelques quarante années.
Si la popularité de ce dernier était alors indéniable, l’édition de Marot « les oeuvres de François Villon de Paris, revues et remises en leur entier par Clément Marot, Valet de chambre du Roy »est pourtant reconnue comme la première à rendre véritablement justice au poète médiéval, en publiant son oeuvre dans son intégralité, Plus loin, Marot fera également un véritable travail de fond pour restituer le texte de l’auteur au plus proche du verbe original, fustigeant au passage les imprimeurs pour leur négligence dans le traitement de l’oeuvre originale de Villon : coquilles variées, libertés prises avec le texte, et par dessus tout, attribution à l’auteur médiéval de poésies dont il n’est pas l’auteur, ce que Marot résumera au début de son ouvrage avec ses deux simples vers qui disent bien son ambition:
« Peu de Villons en bon savoir
Trop de Villons pour decevoir »
C’est donc tout à la fois avec son expérience d’éditeur (il a publié quelques années auparavant le roman de rose), et toute l’exigence et la rigueur de l’auteur et poète qu’il est lui-même que Clément Marotse posera en véritable défenseur du verbe de Villon et de son oeuvre originale. Il y mettra même, sans doute, plus d’exigence que Villon en avait lui-même projeté de son vivant, déjà conscient qu’il était que son oeuvre serait galvaudée, élargie ou même modifiée. Faut-il voir là deux conceptions de la notion d’oeuvre et d’auteur? L’une médiévale finissante qui n’a pas encore tout à fait mis en place une définition stricte du statut d’auteur et qui considère même l’oeuvre comme quelque chose de vivant et « d’élastique », une sorte de patrimoine « collectif » dans un monde qui privilégie encore de manière forte l’oralité, et l’autre plus résolument renaissante qui entend cerner déjà plus précisément les contours de l’auteur, pour le séparer de ce que l’on pourrait nommer « un corpus ». Certains historiens le pensent et l’avancent.
Quoiqu’il en soit, le public saura reconnaître la qualité du précieux travail de Marot puisque son édition rencontrera un franc succès et sera republiée dix fois, de sa première parution à l’année 1542. Elle fera longtemps autorité et il faudra même attendre le XIXe siècle pour la voir remise en question et critiquée à la faveur des nouvelles méthodologies dont se sera alors dotée l’Histoire: datation, authentification des sources et également accès à un nombre plus large de documents anciens sur l’oeuvre de Villon.
Quelques articles complémentaires utiles
sur l’édition de Marot :
Si vous souhaitez creuser un peu plus le sujet, voici quelques sources très utiles comme point de départ :