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Exemple XXXVIII : une critique de l’avidité dans le Comte Lucanor de Don Juan Manuel

armoirie_castille_europe_medievale_espagne_moyen-ageSujet  : auteur médiéval, conte moral, Espagne Médiévale, littérature médiévale, réalité nobiliaire, vassalisme, monde féodal, Europe médiévale.
Période  : Moyen Âge central ( XIVe siècle)
Auteur  :   Don Juan Manuel  (1282-1348)
Ouvrage  :  Le comte Lucanor, traduit par Adolphe-Louis de Puibusque (1854)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous restons ici, aujourd’hui, dans le cadre de l’Europe médiévale et plus particulièrement de l’Espagne du XIVe siècle. Nous y serons en bonne compagnie puisque c’est un grand seigneur du Moyen Âge central qui nous gratifiera de sa plume : Don Juan Manuel de Castille et de Léon, duc et prince de Villena, duc de Penafiel et d’Escalona, seigneur de Cartagena, et bien d’autres titres encore sur lesquels nous passerons.

deco_medieval_espagne_moyen-age Petit-fils du souverain Ferdinand III de Castille (1199-1252), il fût aussi neveu de Alphonse X le savant. Le goût de ce dernier pour les arts et les lettres a d’ailleurs été commun à une partie de cette lignée de hauts nobles castillans et Don Juan Manuel en a hérité. Il nous a, en effet, légué un certain nombre d’écrits : le comte Lucanor étant demeuré un des plus célèbres. Bien avant Servantes et son Don Quijote, cet ouvrage de Don Juan Manuel a été souvent mis en avant comme fondamental, pour la littérature médiévale espagnole, sinon fondateur.

Dans ces contes philosophiques et moraux assez courts et d’inspiration diverses, l’auteur met en scène un noble, le comte  Lucanor et son sage conseiller du nom de  Patronio. Leurs échanges fournissent  l’occasion de diverses leçons morales à propos de la vie politique, les stratégies de pouvoir, mais aussi, plus simplement, la conduite de vie de tout un chacun.

Valeurs  médiévales : ou quand Don Juan faisait rimer avidité avec stupidité

« L’exemple » (autrement dit, le conte) que nous vous présentons aujourd’hui a pour thème l’avidité : une  avidité telle que celui qui en sera frappé courra à sa perte, et n’écoutera même pas les conseils d’un roi pour sauver sa peau.

don-juan-manuel-le-comte-lucanor-citation-moyen-age-monde-medieval-XIVe-siecleL’Europe du Moyen Âge : garde-fous moraux contre prédation sans bornes

Charité contre convoitise, éloge de la mesure et du détachement contre obsession de l’or, sens du partage et  bonnes œuvres contre avarice, le moins qu’on puisse dire est que,  dans ses valeurs, l’Europe du Moyen Âge n’a pas plébiscité le capitalisme sauvage, pas plus que le néo-libéralisme effréné. Elle s’en est même tenue aux antipodes… Certes, à partir des XIIe et XIIIe siècles, avec ses grandes foires, ses routes commerciales, ses nouveaux centres urbains, elle se développe et croît, de manière « capitalistique » et, s’ils ne font pas l’unanimité, les banquiers lombards et autres usuriers participent déjà activement de ses développements. deco_medieval_espagne_moyen-agePourtant, dans la ligne du Nouveau Testament et des évangiles, cette Europe médiévale chrétienne ne cesse de se défier de « mammon »  et elle met constamment, au centre de ses valeurs, des garde-fous moraux contre les abus de l’avidité aveugle et sauvage : taux d’usure prohibitifs, appétit féroce de biens matériels, poursuite frénétique et à tout crin de  l’accumulation de richesses et de gains… La conscience de l’homme médiéval et son salut résident dans sa façon d’être au monde et en relation avec ses semblables, plus que dans le compte de ses avoirs.  On ne cesse, d’ailleurs de rappeler que la roue tourne et d’opposer, à  l’illusion d’une quelconque pérennité des possessions, l’impermanence  de l’homme et la réalité de sa finitude.

Ses valeurs sont promues par une Église, mais aussi des ordres monastiques, dont on sait qu’ils ne parviendront pas toujours  à échapper à la logique de l’enrichissement : l’émergence de certaines hérésies, comme la naissance des ordres mendiants, viendront leur rappeler leurs devoirs. Certains auteurs aussi, à travers satires et fabliaux ne s’en priveront pas (voir, par exemple, la bible de Guiot de Provins).  Dans le concert des valeurs contre l’avidité, Rome n’est pas la seule à faire entendre sa voix ; hors de l’institution cléricale, ces appels à la moral sont aussi relayés par une certaine forme de sagesse populaire, mais aussi par des classes sociales plus élevées d’auteurs médiévaux qui, en bons chrétiens, ont, eux aussi,  totalement intériorisés ces valeurs morales et se les sont appropriés. C’est le cas  de Don Juan manuel dans le conte du jour mais on pourrait donner des légions d’autres exemples pris dans le monde médiéval occidental.  En voici deux :

Si ne fait pas richesce riche
Celi qui en trésor la fiche :
Car sofîsance solement
Fait homme vivre richement

Citation – Le Nom de la Rose (XIIIe s) – voir extrait ici sur l’avidité

Le temps vient de purgacion
A pluseurs qui sont trop replect
De mauvaise replection,
Pour les grans excès qu’ilz ont fet.
C’est ce qui nature deffet
De trop et ce qu’en ne doit prandre ;
Pour ce les fault purgier de fect :
Qui trop prant, mourir fault ou rendre.

Citation – Eustache Deschamps (XIVe s) – Voir  la ballade entière

Sur les pas de Adolphe-Louis de Puibusque

Pour revenir à ce conte de Don Juan Manuel, nous continuons d’y suivre,  à la lettre,  les travaux de Adolphe-Louis de Puibusque datés de 1854 et sa traduction du comte de Lucanor depuis le castillan ancien. « Traduttore, traditore« , il y prend, il est vrai , certaines libertés mais, dans l’ensemble, il colle relativement aux textes.  Comme vous le verrez, pour la morale, il a choisi de traduire l’Espagnol ancien  de manière assez libre  :

« Quien por grand cobdiçia de aver se aventura,
sera maravilla que el bien muchol’ dura. »

Dans l’illustration ci-dessus, nous vous en proposons une version différente qui nous semble peut-être plus proche de l’originale :

« Qui, par avidité, sa vie jette en pâture,
Qu’il ne s’étonne pas si son trésor ne dure. »


Le Conte Lucanor – Exemple XXXVIII

De ce qu’il advint a un homme qui était chargé de choses précieuses, et qui avait une rivière à passer.

Le comte Lucanor s’entretenait un jour avec son conseiller :

— Patronio, lui dit-il, j’ai grande envie d’aller en un certain pays où l’on doit me compter une forte somme, et où j’ai en vue quelques bonnes affaires ; mais je crains, si je fais ce voyage, de m’exposer à des graves dangers, car les amis que j’ai là sont des amis très douteux : conseillez-moi donc, je vous prie.

— Seigneur comte Lucanor, répondit Patronio, permettez-moi de vous raconter ce qu’il advint à un homme qui portait une chose d’un grand prix suspendue à son col, et qui avait une rivière à passer.

—  Volontiers, dit le comte, et Patronio poursuivit ainsi :

—  Un homme courbé sous le poids d’une charge précieuse arrive au bord d’un rivière pleine de vase. Voyant qu’il n’y avait ni pont, ni bac, ni bateau pour passer d’un côté à l’autre, il ôta ses chaussures et entra dans l’eau ; mais plus il avançait , plus il s’embourbait ; le limon était si épais vers le milieu de la rivière, que lorsqu’il y parvint, il s’enfonça jusqu’au menton. Le roi et un autre homme qui se trouvaient par hasard sur la rive opposée lui crièrent que s’il ne jetait pas sa charge, il allait infailliblement se noyer. Cet insensé ne les écouta point : au lieu de réfléchir que le courant était aussi rapide que le fond était fangeux, et que s’il était emporté ou submergé, il perdrait sa charge et sa vie, il ne put se résoudre à faire le sacrifice qu’on lui conseillait ; victime de sa sotte avarice, il tomba bientôt, ne put se relever et périt.

—  Et vous, seigneur comte Lucanor, ne vous laissez pas séduire par cette grosse somme qu’on doit vous compter et par tous ces beaux projets dont votre imagination se berce. Assurément, je ne vois rien là qui soit à dédaigner ; mais quand il y  a des risques, on ne doit s’y exposer qu’à bon escient et pour les choses seules où l’honneur est intéressé. Dans ce dernier cas, il serait honteux de s’arrêter devant le péril ; dans l’autre, au contraire, il ne serait ni honorable, ni raisonnable d’aller le chercher. Tenez pour certain que l’homme qui est toujours prêt à jouer son existence dès que, par aventure, sa convoitise est excitée,  n’a pas à cœur de bien faire et d’être utile aux autres : celui qui s’estime veut être estimé et agit en conséquence. Il sent que sa vie a un prix réel et se garderait bien de la compromettre pour un vain lucre ; il la conserve avec soin pour les occasions où il peut se distinguer, et alors plus elle a de valeur à ses yeux, plus il la risque avec empressement.

Le comte goûta beaucoup le conseil de Patronio ; il le suivit et s’en trouva bien. Don Juan estimant aussi que l’exemple était utile à retenir, le fit écrire dans ce livre avec deux vers qui disent ceci :

Risque tout pour l’honneur pour l’or ne risque rien :
Qui veut trop amasser finit rarement bien.


« Barbarie » médiévale vs sauvagerie moderne

Encore une fois, au Moyen Âge, ce conte moral de Don Juan Manuel aurait trouvé bien des échos dans les pays voisins de l’Espagne. Face à ses propres développements urbains, commerciaux, économiques, et pour en contrôler les trop grands débordements, le monde médiéval  européen  n’a cessé de mettre en balance son sens moral chrétien. C’est même, certainement, une des composantes essentielles d’une  Europe des valeurs qui a prévalu durant de longs siècles, au delà même des  temps médiévaux.

deco_medieval_espagne_moyen-ageLoin de tels garde-fous et depuis une période relativement récente, nous ne cessons d’assister à des formes nouvelles de prédations économiques et financières qui finissent même, à bien y regarder, par prendre l’allure d’une guerre sans merci livrée au genre humain (1). Au cœur de ces comportements, une avidité débridée s’est développée qui s’exerce bien en deçà de tout sens moral, et bien loin même du capitalisme raisonné,  « à la papa », comme on a pu le nommer parfois : familial, aux regroupements contrôlés, aux échelles souvent plus nationales que transnationales… Contre le nanti de l’histoire de Don Juan Manuel qui traverse la rivière avec sa charge précieuse, cette avidité n’a même  plus de visage, que celui de corporations  titanesques et leurs intérêts financiers, lobbyistes et spéculatifs. Aucune éthique ici que celle de la sacro-sainte croissance et du profit : pas de coupables, plus de responsables et plus aucun frein non plus. Les États et leurs lois leur sont devenus, au pire, des obstacles à contourner, au mieux des entités à soudoyer et à corrompre ; pour ces nouveaux « idéologues » et leurs nouveaux prédateurs, plus question d’intermédiaires entre eux, leurs appétits de conquête et les consommateurs : pas de morale que les lois mécaniques du marché.

Dans ce contexte, ceux qui parlent encore « d’âges sombres » à propos des temps médiévaux, pourront se poser légitimement la question de savoir si le vrai visage de la barbarie n’est pas plutôt celui de ces formes inquiétantes de prédation moderne. C’est le visage d’un monde sans conscience et livré à lui-même, (qu’on nous présente comme idéal à défaut d’admettre qu’il n’est qu’idéologique) et, de concert avec lui, suit celui d’une Europe qui ne semble avoir pour horizon que le rêve de  s’aligner.   A-t’elle, aujourd’hui,  autre chose à   opposer à ces formes nouvelles de sauvagerie que la complaisance de ses technocrates et l’entrain de ses lobbyistes, dans le silence (ou pire le sommeil) de peuples et de cultures qu’elle ne rêve que de déconstruire ? Pardon de le dire, mais si l’on en doutait encore, cette Europe qui cède sans grande retenue à toutes les logiques de prédations, n’est ni l’Europe historique, ni l’Europe culturelle, et ni l’Europe morale, de sorte qu’à l’évidence, cette construction là n’est sans doute pas du tout l’Europe et n’en mérite même pas le nom.

Une belle journée à tous.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge  sous toutes ses formes.

(1) Si vous en voulez quelques exemples. 1/ Pensez aux effets de la spéculation et à l’opération orchestrée depuis les plus hautes sphères financières    sur la dette de la Grèce et ses conséquences dévastatrices sur l’état économique de ce pays : des millions de chômeurs dans la rue pour une crise sans précédent. 2/Souvenez-vous aussi de la phrase du PDG de Nestlé qui nous expliquait, il y a quelque temps, ne pas considérer que « le droit d’accéder à l’eau potable soit nécessairement un droit humain » alors que  son groupe achète, à compte privé, depuis des années, tous les lacs, sources, rivières, nappes d’eau potables qu’il peut à travers le monde.  3/Ayez, avec nous, une autre pensée  pour le Rana Plaza au Bangladesh : cet immeuble insalubre et précaire s’est écroulé, en 2013, en voyant périr des centaines de travailleurs, dont une grande majorité de femmes, payés une misère et œuvrant dans des conditions déplorables, pour confectionner, à forte marge, des vêtements de prêt-à-porter occidentaux pour des marques connues. 4/Souvenez-vous enfin des opérations de spéculations régulières, orchestrées par les marchés et  leurs cohortes de financiers sur les prix de denrées premières alimentaires comme le maïs, le blé ou le riz. Ces pratiques ont déjà eu pour conséquences directes et silencieuses le décès  de millions d’humains, en particulier dans les pays du Sud (Afrique, Amérique , …)  privés d’accès à ces ressources pour des hausses de prix purement spéculatives. Nous  vous passerons ici, les exemples de pressions   de lobby et de stratégies spéculatives dans le domaine direct de la santé… Ceux qui suivent un peu les   événements  récents  ont déjà pu s’en faire une idée.  

On ne récolte que ce qu’on a semé : la sagesse et les contes de Mocharrafoddin Saadi

saadi_mocharrafoddin_sagesse_persane_moyen-age_XIIIe_siecleSujet : citations médiévales, sagesse persane,  morale miroirs des princes, sagesse politique,   bien, mal,
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Mocharrafoddin Saadi  (1210-1291)
Ouvrage  : Le Boustan  (Bustan) ou Verger,  traduction de  Charles Barbier de Meynard   (1880)


« Deux sortes de gens, les uns bienfaisants, les autres pervers, creusent des puits pour leurs semblables : les premiers afin de désaltérer les lèvres desséchées du voyageur, les seconds pour enfouir leurs victimes. Si tu fais le mal, ne compte pas sur le bien, autant vaudrait demander au tamaris le doux fruit de la vigne. « 

Une citation médiévale de   Mocharrafoddin Saadi – Le Boustan


Bonjour à tous,

S_lettrine_moyen_age_passioni les contes de Mocharrafoddin Saadi nous accompagnent, souvent, dans notre exploration du monde médiéval, c’est qu’ils ont traversé le temps pour  continuer de résonner jusqu’à nous, 800 ans après leur auteur. Morale éternelle ou grande modernité ? D’aucuns pourront les trouver quelquefois anecdotiques,   légers même peut-être ?  On ferait, pourtant, une erreur à confondre simplicité  et trivialité.

citation-Saadi-boustan-sagesse-persane-conte-moral-monde-medieval-moyen-age

Un adage vieux comme le monde

Dans les contes moraux ou spirituels, chez Saadi comme chez d’autres, la sagesse la plus profonde se drape souvent de la plus grande simplicité ; de même qu’on doit savoir différencier compréhension et expérience, la difficulté,  dans la parole du sage, ne réside jamais dans son intellectualisation mais dans son actualisation  et sa mise en pratique.

Quant à la dimension culturelle de l’adage du jour, du  biblique    « Ils deco-monde-medieval-saadi-moyen-age-passionsèment le vent, ils récolteront la tempête »  de l’Ancien testament au  « On ne récolte que ce qu’on a semé »   de Saadi,  sa morale causale est vieille comme le monde. Elle est aussi connue  de la perse du XIIIe que du Moyen Âge occidental. Durant ces mêmes siècles, en faisant une incursion du côté de l’Asie,   un maître Chán chinois comme un maître de zen Rinzaï japonais auraient pu, eux aussi, en faire une énigme profonde ou un grand Koan à l’attention de leurs disciples :  comment arrêter la roue du Karma ?   

Ajoutons que, comme souvent dans  le  Verger de Saadi, le conte et l’adage se teintent d’une dimension politique : c’est, en effet, encore un seigneur et un homme de pouvoir tyrannique  qui est la cible de  son histoire. La fin pourtant s’élargit de manière explicite et le message est clair : nous pouvons tous valablement tendre l’oreille aux leçons du poète médiéval.


L’homme tombé dans le puits


« Un seigneur de village dont la cruauté eût fait trembler le lion le plus féroce vint à tomber dans  un puits : digne châtiment de ses méfaits. Il se lamenta comme le plus malheureux des hommes et passa toute la nuit à gémir. Un passant survint et lui jeta une lourde pierre sur la tète en disant:

—  A toi qui n’as été secourable pour personne, espères-tu qu’on viendra maintenant à ton secours ? Tu as semé  partout le crime et l’iniquité, voilà les fruits que tu devais inévitablement recueillir. Qui songerait à guérir     tes blessures, lorsque les cœurs souffrent encore de celles que ta lance leur à faites ? Tu creusais des  fosses sous nos pas, il est juste que tu y tombes à ton tour.

Deux sortes de gens, les uns bienfaisants,  les autres pervers, creusent des puits pour leurs semblables : les premiers afin de désaltérer les lèvres desséchées du voyageur, les seconds pour enfouir leurs victimes. Si tu fais le mal, ne compte pas sur le bien, autant vaudrait demander au tamaris le doux fruit de la vigne. Tu as semé de l’orge en automne, je ne   pense pas que tu récoltes du froment pendant la moisson ; tu as cultivé avec sollicitude la plante du Zakoum (1), ne compte pas qu’elle produira des fruits, pas plus qu’une branche de laurier rose ne peut produire des dattes. Je te le dis encore, on ne récolte que ce qu’on a semé. »

Mocharrafoddin Saadi   – Le Boustan  (Bustan) ou verger
traduction de  Charles Barbier de Meynard   
(1880)

(1)  Zakoum :  famille d’arbres ou d’arbustes des régions tropicales auxquels appartient également dont le dattier du désert ; D’après Charles Barbier de Meynard (op cité) :  « pour les exégètes du Koran et les poètes, c’est une plante infernale qui sert à la nourriture des damnés. » Voir également Description géographique, historique et archéologique de la Palestine   de Victor Guérin


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Excalibur de John Boorman : Merlin et Arthur dans le pays des rêves

excalibur-john-boorman-citations-film-legendes-arthuriennesSujet  : légendes arthuriennes, cinéma,  Excalibur, Merlin, citations médiévales, citations autour du Moyen Âge,  roi Arthur, duplicité de Merlin.
Période  : Moyen Âge central, haut Moyen Âge
Film  : Excalibur (1981)
Réalisateur : John Boorman


excalibur-legendes-arthuriennes-film-cinema-citations-arthur-merlin-moyen-age

Merlin :   Tu m’a ramené. Ton amour m’a ramené. Ici même où nous nous trouvons. Dans le pays des rêves.

Arthur  :      Es-tu un rêve,   Merlin   ?

Merlin :  Un rêve pour certains… UN CAUCHEMAR POUR D’AUTRES !

Version originale anglaise

Merlin: You brought me back. Your love brought me back. Back to where you are now. In the land of dreams.

Arthur: Are you a dream, Merlin?

Merlin: A dream to some.  [Yelling] A NIGHTMARE TO OTHERS !

Merlin (Nicol Williamson) et  le Roi Arthur (Nigel Terry)  ,    dialogues   extraits du film     Excalibur de     John Boorman (1981)


Voir aussi Excalibur, le roman arthurien selon John Boorman
et  Excalibur aux origines de la légende

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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« Le chardon contre le Jasmin », Saadi, conseiller moral des sultans et des princes

saadi_mocharrafoddin_sagesse_persane_moyen-age_XIIIe_siecleSujet    : citations médiévales, sagesse persane,  morale médiévale, miroirs des princes, sagesse politique,  compassion,   empathie
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle
AuteurMocharrafoddin Saadi  (1210-1291)
Ouvrage   :  Le Boustan  (Bustan) ou Verger,  traduction de  Charles Barbier de Meynard   (1880)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu Jardin de Mocharrafoddin  Saadi, le Gullistan, à son verger, le Boustan,  on pourra arguer que souffle quelquefois, le vent de la répétition sur certains des contes du sage  perse au sujet des devoirs des princes. Il faut pourtant lui  pardonner car,  au delà de la simple délectation que nous procure sa lecture et son style imagé, il  eut suffi et il suffirait encore, que quelques-unes de ses leçons soient comprises et appliquées pour que le monde change à jamais.

C’est, du reste, souvent le propre du sage que de devoir répéter des choses simples sans pour autant être entendu. Aussi, en bon moraliste,  Saadi  cherche,  inlassablement, à travers des récits, des formes et des nuances différentes, le moyen de faire  passer ses vérités. Et si quelques-uns de ses contes, comme celui  du jour sur l’incendie de Bagdad, semble presque empiler des suites de maximes, c’est encore pour la même raison : un souci d’être entendu  qui pousse le conteur persan à  dérouler sa sagesse en d’infinies variations, et derrière tout cela, une volonté de changer le monde pour le meilleur.

citations-saadi-boustan-devoir-moral-politique

« Compassion, charité, bonté, équanimité », toutes ces valeurs résonnent dans le monde médiéval  proche-oriental  de  Saadi  comme dans notre Moyen Âge occidental chrétien. Plus de 800 ans ont passé depuis la  naissance du grand conteur et poète   mais, tout se passe comme si le temps de la morale était resté figé.   En dehors du contenant, il en demeure une autre leçon ; ne traitons plus les temps médiévaux d’âges sombres et barbares quand l’esprit de certains de ses moralistes nous montre leur avancée et leur degré d’éveil,  mais continuons de voir la barbarie  pour ce qu’elle est et ceux qui la perpétuent pour ce qu’ils sont. Non. Les leçons morales de Saadi n’appartiennent pas au passé ; elles valent donc bien, aujourd’hui, comme elles le valaient hier, d’être répétées.


L’incendie de Bagdad.

« Un incendie attisé par la souffrance du peuple éclata une nuit à Bagdad et dévora la moitié de la ville. Quelqu’un remerciait le destin qui avait épargné sa boutique; un sage l’entendit et lui dit :  » Egoïste, tu ne penses qu’a toi et tu consentirais à ce que le feu consumât la ville entière, s’il s’arrêtait au seuil de ta demeure!  » – Quel autre que le méchant peut se gorger d’aliments quand d’autres se serrent le ventre avec une pierre (souffrent de la faim) : . Le riche qui est témoin des misères du pauvre peut-il porter encore une bouchée à ses lèvres ? La mère dont l’enfant est malade, ne connaît plus le prix de la santé et, comme lui, elle se tord dans la douleur. Les voyageurs au cœur compatissant ne dorment pas en arrivant au menzil (lieu de halte) s’ils ont laissé des compagnons sur la route. En voyant un âne succomber sous sa charge de broussailles, un bon roi a le cœur oppressé. Heureux le lecteur béni du ciel à qui deux mots suffisent parmi tous les conseils de Saadi ; qu’il retienne cette parole, elle vaut tout le reste : « Si tu sèmes le chardon, ne compte pas cueillir le jasmin. »

citations-saadi-boustan-devoir-moral-politique-morale-populaire

Tu as entendu parler sans doute des rois de Perse qui accablèrent leurs peuples d’exactions ? la splendeur de leur règne n’a pas eu plus de durée que la tyrannie qu’ils exerçaient sur le laboureur. Admire l’aveuglement d’un despote : le monde demeure et lui, il disparaît chargé de crimes. Heureux le prince qui observe la justice; au jour de la résurrection, il trouvera un abri à l’ombre du trône de l’Eternel ! Quand Dieu veut le bonheur d’un peuple, il lui donne un  souverain équitable et bon; mais s’il veut la ruine d’une nation, il la livre à la merci d’un tyran. Les sages s’éloignent d’un roi inique parce qu’ils voient en lui le fléau de Dieu. C’est Dieu qui t’a donné la couronne, rends-lui des actions de grâce. le bonheur payé d’ingratitude est sans stabilité. En remerciant le ciel du trône et des biens qu’il te dispense ici-bas, tu t’assures une couronne et des trésors impérissables ; mais si tu abuses de ta puissance de roi, tu deviendras un mendiant. Un prince n’a plus droit au sommeil, s’il laisse le faible à la merci du fort.

Garde-toi de la plus minime injustice : le roi est le berger et le peuple est le troupeau ; mais s’il s’abandonne à l’arbitraire et à la violence, le roi n’est plus qu’un loup devant lequel on fuit avec terreur. Il s’inspire mal et suit une route funeste, le chef qui opprime ses vassaux; tôt ou tard la tyrannie cesse, mais le nom du tyran se transmet à travers les âges. Si tu veux épargner les outrages à ta mémoire, pratique le bien afin que ton nom soit à l’abri de tout reproche. »

Mocharrafoddin Saadi (1210-1291), Le Boustan ou Verger, traduction de   Barbier De Meynard,  (1880)


En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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