Sujet : château-fort, reconstitution 3D, vidéo, architecture médiévale, angleterre médiévale, Pays de Galles monument historique, patrimoine anglais. Période : Moyen-âge central, XIIIIe siècle Lieu : Château de Flint ( Flintshire, pays de Galles, frontières anglaises)
Bonjour à tous,
epuis la conquête de l’Angleterre par les normands, dans la deuxième partie du XIe siècle, de nombreuses provinces et villes du Pays de Galles étaient tombées aux mains de ces derniers. Guillaume le conquérant en avaient fait des « marches » à la main d’hommes de confiance et ces fiefs, bien que soumis en dernier ressort à la couronne anglaise, étaient pratiquement indépendants.
Dès la fin de ce même siècle, les provinces demeurées galloises ne tardèrent toutefois pas à se soulever pour partir à la reconquête de leurs territoires perdus. Les échauffourées durèrent ainsi pendant près d’un siècle et demi, sans que les rois anglais en fassent véritablement une priorité.
Le château-fort de Flint pont de conquête du Pays de Galles par Edouard 1er dans l’Angleterre médiévale du XIIIe siècle
De Llywelyn le dernier à Edouard 1er
La conquète du pays de Galles
u milieu du XIIIe siècle, en 1258, Llywelyn ap Gruffydd, (Llywelyn le Dernier), noble gallois conquérant se fit couronner Prince de galles. Souverain sur l’ensemble des provinces galloises y compris celles reprises aux anglais, il obtint même la reconnaissance de son titre par le roi Henri III, sous réserve de se plier à quelques conditions et d’accepter aussi de se déclarer le vassal de la couronne anglaise.
Un traité fut signé en 1267 à Montgomery mais les ambitions politiques et conquérantes du Gallois ne s’arrêtèrent pas là. Il conclut, en effet, bientôt des alliances et même un mariage avec la famille de Simon de Montfort. Ennemi juré des anglais, ce dernier avait mené la révolte des barons, quelques années auparavant, et avait même, à cette occasion, fait capturer le jeune prince Edouard. Pour la couronne d’Angleterre, la coupe était pleine et le fils d’Henri III, devenu roi depuis, décida de soumettre, une fois pour toutes, les gallois. (ci-dessus, statue de Llywelyn ap Gruffydd, Conwy, Pays de Galles)
« L’anneau de fer » d’Edouard 1er
n 1277, Edouard 1er d’Angleterre partit donc en campagne. Comme la prise et la défense de provinces au moyen d’un maillage de forteresses restait une stratégie militaire prisée dans le courant du XIIIe siècle, le souverain décida de faire édifier des châteaux forts sur le territoire du Pays de Galles et notamment au nord, région où la main mise des gallois était la plus forte. Il renforça également un certain nombre d’édifices déjà construits par son père Henri III.
Si, ainsi qu’on l’a nommé, cet « anneau de fer » d’Edouard 1er semble bien être un des plus grands projets de construction de l’Europe médiévale du XIIIe, sur un territoire aussi petit, il avait, en réalité, pour objectif de minimiser le coût exorbitant représenté par des campagnes militaires mobiles. Flint prit donc sa place dans ce schéma stratégique et militaire de conquête et fut l’un des premiers château-fort nouvellement construit par le souverain. Quelques années plus tard, en 1282, toujours dans l’optique d’asseoir les positions de la couronne anglaise en terres galloises, Edouard 1er vint y adjoindre d’autres places fortes : les châteaux de Beaumaris, Conwy, Caernarfon et Harlech, Les villes de Caernarfon et Conwy furent également fortifiées.
La guerre de conquête dura de 1277 à 1283 et vit tomber le pays de galles aux mains des anglais. Edouard 1er hérita ainsi, par la force, du titre de Prince de Galles. La majorité des fiefs passa à la main royale, d’autres furent concédés à des vassaux de la couronne. Pour que la fin de l’indépendance du Pays de Galles soit effective sur le papier il fallut toutefois attendre encore trois siècles et les « Laws in Wales Acts » qui, en 1536 et 1543, entérinèrent son intégration à l’Angleterre.
(Ci-contre portrait d’Edouard 1er, abbaye de Westminster, datant du règne de ce dernier (1272- 1307).
Après la conquête du pays de Galles, Edouard 1er se tourna vers l’Ecosse. Il eut, cette fois, un peu moins de réussite puisque le conflit s’éternisa jusqu’à la fin de son règne. On se souvient d’ailleurs du rôle joué par William Wallace, (le Braveheart de Mel Gibson) dans la résistance opposée par les écossais à la couronne anglaise.
Le château de Flint, premier témoin
de la guerre de Galles d’Edouard 1er
a construction du château de Flint dura près de 8 ans. Pour l’édifier, il fallut faire intervenir près de 3000 hommes dont 1845 en charge de creuser les digues et fondations, 320 maçons, et encore 790 charpentiers et ouvriers de toutes sortes pour travailler les bois de construction (The medieval castle in England and Wales : A political and social History, Norman JG Pounds).
Bordé de tours aux quatre coins, dont l’une était un grand donjon, le château de Flint est un modèle typique de l’architecture philippienne dans ses évolutions. On se souvient, en effet, que le donjon d’abord situé au centre des édifices fortifiés fut ensuite plutôt construit sur un de leurs angles. Le fait que le donjon soit totalement détaché de la structure semble n’être une variante de cette architecture, inaugurée d’ailleurs par Philippe-Auguste lui-même, à l’occasion de la construction de la forteresse de Dourdan, dans l’Essonne (autour de 1220-1222)
Ci-contre, un carte de 1610 qui font état de fortifications additionnelles en bois.
Quoiqu’il en soit, le bien fondé de la position stratégique du château-fort de Flint fut avéré puisqu’il fut assiégé à plusieurs reprises par les gallois durant les guerres de conquêtes anglaises. Il dut même essuyer une première attaque durant sa construction.
A la fin du XIVe siècle, en 1399, la forteresse revint sur le devant de la scène puisque le roi Richard II s’y trouva capturé par Henry Bolingbroke dans une lutte de succession qui verra ce dernier triompher et se faire couronner Henri IV. Shakespeare immortalisa la scène de l’enlèvement du roi dans son Richard II, en prenant comme Décorum le château de Flint. Quelques années plus tard, au début du XVe les gallois du comté de Flint se soulèveront contre Henri IV et la légitimité de son règne et la forteresse autant que la ville connaîtront encore quelques années houleuses.
J.M.W. Turner, le château de Flint (1838)
Au XVIIe siècle, durant la guerre civile anglaise, le château de Flint fut tenu par les royalistes jusqu’à sa prise, après un siège de plus de trois mois, par les parlementaires, qui ordonnèrent ensuite qu’il fut rasé. Comme de nombreuses forteresses anglaises qui subirent le même sort que lui, l’édifice médiéval ne se réduit plus, aujourd’hui, qu’à quelques ruines. Déclaré monument public, il y a près près d’un siècle, il a été depuis confié à la protection d’une organisation de sauvegarde du patrimoine dépendant du gouvernement gallois.
Il fallait bien l’aide de l’infographie 3D pour nous permettre de nous en faire une belle idée, aussi nous remercions encore la chaîne youtube Dextravisual pour ce beau travail.
En vous souhaitant une excellente journée.
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : chanson, poésie d’inspiration médiévale, musique, folk, poésie, résonance poétique, médiévalisme. Période : XXe siècle, XXIe siècle Auteur : Sergueï Essénine (1895 – 1925), Etienne Roda-Gil (1941-2004), Angelo Branduardi Titre : Confessions d’un Malandrin, Interprète : Angelo Branduardi Album : Confession d’un malandrin (1981)
Bonjour à tous,
ans les mystérieuses raisons qui peuvent nous pousser, enfants, à nous intéresser à l’Histoire ( un de ses aspects ou une de ses périodes en particulier), il nous a fallu compter avec un artiste italien, qui, dans les années 80, commença à illuminer de son art et de ses textes uniques le paysage musical français. Indifférent aux modes, en plein cœur des années disco, Angelo Branduardi venait proposer ses créations, ses mélodies aux sonorités anciennes et sa grande poésie et le public en redemandait. Et peu importe alors qu’elles fussent ou non empruntées au Moyen Âge historique, elles avaient une saveur toute médiévale et cet auteur-compositeur interprète, qui ne ressemblait à nul autre, semblait être un troubadour égaré dans notre monde. Venu de temps anciens aux commandes d’une mystérieux machine, il était peut-être même le dernier des troubadours italiens.
Angelo Branduardi, le dernier troubadour italien
S’il a émergé au milieu des années 70 et leur goût prononcé pour le néo folk médiéval d’origine celtique ou même le folk « progressif », Angelo Branduardi a toujours fait figure d’être un artiste solitaire et indépendant. Loin des influences d’autres groupes de cette période, son style demeurait déjà unique. Alors, pour tenter de le ranger quelque part, on a pu parler de « folk-rock d’influence médiévale », mais en réalité, ce que fait surtout Angelo Branduardi, c’est surtout du Angelo Branduardi.
Côté cursus, il vient d’un parcours musical classique. Violoniste soliste surdoué, formé au conservatoire Niccolò Paganini de Gènes, il en sortira à l’âge de 16 ans avec un premier prix. Il étudiera aussi un temps la philosophie et se piquera encore de poésie auprès du poète et écrivain italien Franco Fortini qui sera l’un de ses professeurs.
Entré presque par hasard dans le monde de la chanson, le baladin et multi-instrumentiste compose ses propres musiques et chante dans un nombre impressionnant de langues (italien, anglais, français, espagnol, etc…). Du côté des paroles, s’il s’inspire quelquefois de chansons traditionnelles, de textes anciens ou de poésies plus récentes, c’est presque toujours son épouse Luisa Zappa qui sera sa parolière en italien quand ils n’écriront pas les textes à quatre mains. Dans les autres langues, il choisira soigneusement ses paroliers pour proposer de véritables adaptations poétiques.
Du côté des compositions, si elle peut sembler d’origine médiévale à l’oreille profane, la musique d’Angelo Branduardi prend en réalité, le plus souvent sa source dans un répertoire plus classique, celui qu’il a appris au conservatoire de Gènes ; il n’y avait pas alors de formation aux musiques plus anciennes et médiévales. Ses œuvres sont donc plus résolument baroques, quelquefois renaissantes, et il va encore chercher dans le folklore méditerranéen ou même yiddish les sources de son inspiration. Sur scène, l’artiste se laisse emporter par son art et il s’y tient souvent, les yeux fermés, tout entier habité par sa musique et plongé au cœur d’une intériorité dont il demeure le seul à possèder les clés.
Maintes fois primé pour ses albums, plusieurs fois disque d’Or, il se fera un peu plus discret en France à compter du milieu des années 90, mais il restera actif artistiquement en d’autres lieux. Après de longues années de travail en Italie et en Allemagne et pour le plus grand plaisir d’un public français qui lui est resté fidèle, il reviendra avec des concerts mais aussi avec un Best Of de ses chansons françaises en 2015.
Sur la partie les plus médiévales de ses productions, dans les années 2000, il signera « L’infinitamente Piccolo », une œuvre poétique et musicale sous forme de spectacle (suivie en 2007 d’un DVD) dédiée tout entière à Saint-François d’Assise : La Lauda di Francesco (la laude, les louanges de Saint-François).
Pour consulter l’actualité et l’agenda d’Angelo Branduardi, voici le lien vers la version française de son site web officiel.
« Les Confessions d’un Malandrin » une chanson « d’inspiration » médiévale
Bien qu’enregistrée seulement en 1981 en langue française, en plus d’être une pure merveille, la chanson que nous vous proposons aujourd’hui a ceci de particulier qu’elle est la toute première composée par Angelo Branduardi. Ecrite à l’âge de 18 ans, presque par jeu et « dans les tourments de l’adolescence », comme il le confiera lui-même lors d’un interview à la télévision italienne, l’artiste ne se destinait alors pas du tout à être chanteur. Au hasard d’une rencontre c’est pourtant bien cette chanson qui le propulsera dans une carrière qu’il avait été loin d’imaginer et qu’il avait projetée bien plus « classique ».
Du point de vue musical comme textuel, à la première écoute, les confessions de ce malandrin ont déjà l’air de nous transporter dans le Moyen Âge des troubadours avec ce poète qui court de village en village. Fils de modestes paysans, il est devenu célèbre et on parle désormais de lui chez « les rois et les reines ». Pourtant, il reste attaché par l’âme et le cœur à sa terre natale, et il se livre, de manière touchante, dans cette poésie.
Confessioni di un malandrino version italienne
Le souffle d’un grand poète russe pour la musique inspirée d’un troubadour italien
Loin de trouver ses origines dans la période médiévale, les paroles de cette chanson proviennent en réalité d’un poème russe daté de 1920 et signé de la main de Sergueï Aleksandrovitch Essenine (Serge Esenin) (1895 – 1925). Auteur de talent, encore largement reconnu en Russie, poète, « voyou », homme engagé aussi aux côtés de la révolution d’octobre, Essenine chanta l’âme russe et l’attachement à sa terre comme personne.
« Ce n’est pas tout un chacun qui peut chanter. Ce n’est pas à tout homme qu’est donné d’être pomme Tombant aux pieds d’autrui. Ci-après la toute ultime confession, Confession dont un voyou vous fait profession.
C’est exprès que je circule, non peigné, Ma tête comme une lampe à pétrole sur mes épaules. Dans les ténèbres il me plaît d’illuminer L’automne sans feuillage de vos âmes. »
Sergueï Esenin – Extrait de Confession d’un voyou, traduction d’Armand Robin
Cette poésie qui toucha Angelo Branduardi au cœur est inspirée directement de la vie du poète russe ; il était lui-même issu d’une famille de paysan. Consumé peut-être par sa propre sensibilité, Sergueï Essénine mit fin à ses jours à l’âge de trente ans, en laissant pour témoignage une poésie écrite de son propre sang. La version du suicide fut contestée par la famille, mais le jeune poète russe au destin tragique emporta la vérité dans sa tombe (pour quelques extraits de son oeuvre, consultez cet article d’Esprits Nomades ).
Ayant trouvé de grandes résonances avec le poète, le jeune Angelo Branduardi signa donc l’adaptation italienne de ces « confessions d’un voyou » dans les années 70 et c’est son parolier français de prédilection, Etienne Roda-Gil qui en fit, bien plus tard, en 1981, une adaptation française très inspirée. Elle vint rejoindre d’autres chansons du troubadour italien dans un album qui portait d’ailleurs le nom de la chanson.
Ajoutons que la version italienne, elle-même magnifique, est assez fidèle dans sa trame et ses vers au poème d’origine de Sergueï Esénine qui l’avait inspirée. On doit son « tour médiévalisant » à Angelo Branduardi qui l’avait déjà amorcé dans la version italienne par son choix de vocabulaire : le « voyou » entre autre, s’était déjà changé chez lui en « malandrin ». Etienne Roda-Gil le suivit dans la version française et renforça encore les images médiévales avec ces paysans qui craignaient « le seigneur du ciel et les tourbières » chez le poète russe et qui, avec lui, se mirent à craindre « les seigneurs et leur colère », avec encore ce poète dont on parlait chez « les rois et les reines » et qui, dans la version originale, chantait la Russie. Le passage à l’univers du Moyen Âge était fait et l’évocation totalement réussie.
Confessions d’un malandrin, les paroles et l’adaptation française de Roda-Gil
Les Confessions d’un Malandrin en Version Française
Je passe les cheveux fous dans vos villages, la tête comme embrasée d’un phare qu’on allume Aux vents soumis je chante des orages aux champs labourés la nuit des plages. Les arbres voient la lame de mon visage où glisse la souillure des injures Je dis au vent l’histoire de ma chevelure qui m’habille et me rassure.
Je revois l’étang, de mon enfance où les roseaux et toutes les mousses dansent et tous les miens qui n’ont pas eu la chance d’avoir un fils sans espérance. Mais ils m’aiment comme ils aiment la terre ingrate à leurs souffrances à leur misère Si quelqu’un me salissait de reproches ils montreraient la pointe de leur pioche.
Paysans pauvres mes père et mère attachés à la boue de cette terre Craignant les seigneurs et leurs colères pauvres parents qui n’êtes même pas fiers d’avoir un fils poète qui se promène dont on parle chez les rois et chez les reines qui dans des escarpins vernis et sages blesse ses pieds larges et son courage.
Mais survivent en moi comme lumière les ruses d’un voyou de basse terre devant l’enseigne d’une boucherie campagnarde je pense aux chevaux morts mes camarades Et si je vois traîner un fiacre jaillit d’un passé que le temps frappe je me revois aux noces de campagne parmi les chairs brulées des paysannes.
J’aime encore ma terre, bien qu’affligée de troupes avares et sévères c’est le cri sale des porcs que je préfère à tous les discours qui m’indiffèrent. Je suis malade d’enfance et de sourires de frais crépuscules passés sans rien dire Je crois voir les arbres qui s’étirent se réchauffer puis s’endormir.
Au nid qui cache la couve toute neuve j’irai poser ma main devenue blanche mais l’effort sera toujours le même et aussi dure encore, la vieille Écorce. Et toi le grand chien de mes promenades enroué, aveugle et bien malade tu tournes la queue basse dans la ferme sans savoir qui entre ou qui t’enferme.
Il me reste des souvenirs qui saignent de larcins de pain dans la luzerne et toi et moi mangions comme deux frères chien et enfant se partageant la terre Je suis toujours le même, le sang, les désirs, les mêmes haines sur ce tapis de mots qui se déroule je pourrais jeter mon cœur à vos poules.
Bonne nuit faucille de la lune brillante dans les blés qui te font brune de ma fenêtre j’aboie des mots que j’aime quand dans le ciel je te vois pleine La nuit semble si claire qu’on aimerait bien mourir pour se distraire qu’importe si mon esprit bat la campagne et qu’on montre du doigt mon idéal.
Cheval presque mort et débonnaire à ton galop sans hâte et sans mystère j’apprends comme d’un maître solitaire à chanter toutes les joies de la terre De ma tête comme d’une grappe mure coule le vin chaud de ma chevelure.
De mon sang sur une immense voile pure, je veux écrire les rêves des nuits futures…
En vous souhaitant une belle journée et une très belle écoute.
Frédéric EFFE. Pour Moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
En réalité, du point de vue de sa datation, cette chanson n’a absolument rien de médiéval puisque son texte remonte aux années 1828. Outre qu’elle demeure fort agréable à écouter – la belle voix de Gabriel Yacoub se coulant toujours parfaitement dans ce style de texte – elle permet aussi de mieux illustrer le procédé littéraire par lequel Victor Hugo crée une facture et une ambiance médiévale sur une toile de fond historique qui pourtant ne l’est pas. Loin des grandes guerres et échauffourées du moyen-âge, cette ballade a, en effet, pour contexte la bataille de Prague de 1757 qui, pendant la guerre de sept ans, opposa violemment les prussiens aux autrichiens. Elle fut d’ailleurs l’une des plus meurtrières du XVIIIe siècle avec plusieurs dizaines des milliers d’hommes tués ou blessés de chaque bord.
Bataille de Prague 1757, mort du Maréchal Von Schwerin sur le champ de bataille, peinture de Johann Christoph Frisch (1738-1815)
Cette ballade dramatique et romantique de Victor Hugo se situe dans le contexte de cette bataille, au retour des troupes et il nous conte les déboires d’une jeune fille attendant son bien-aimé, parti au combat. En s’apercevant qu’il ne reviendra pas, elle mourra sur le coup. Il n’est donc pas question de récit historique et on s’inscrit ici clairement dans l’univers de la fiction et même du conte. Sur sa toile de fond autant que sur le récit, cette poésie a été directement inspirée à Hugo par le poète allemand Gottfried August Bürger (1748-1794), auteur romantique que l’on crédite d’avoir été, dans le courant du XVIIIe siècle, l’un des pionniers de ces nouvelles « ballades » d’inspiration médiévale.
Lénore, une ballade fantastique et gothique du Gottfried August Bürger
En 1774, cet auteur, célèbre par ailleurs pour son adaptation ou même, peut-on dire pour sa réécriture en allemand des Fabuleuses Aventures du Légendaire Baron de Munchhausen (que Terry Gilliam porta à l’écran). publia, dans un magazine allemand, une ballade romantique ayant pour titre Lénore et qui fit date.
Bien plus gothique et fantastique que le traitement qu’a choisi d’en faire Victor Hugo dans son adaptation, il y était aussi question d’une jeune fille attendant le retour de son bien-aimé de la bataille de Prague. Dès le début du texte, ne le voyant pas revenir, elle invoquera la mort et son voeu se verra exaucé d’une étrange manière, tout au long de la ballade. Précisons que le « médiéval fantastique » dont il est question ici n’est pas encore teinté de fortes racines celtiques ou nordiques tel qu’on pourra le retrouver au XXe siècle après JJR Tolkien et la littérature Heroic fantasy. Nous sommes avec Lénore dans un fantastique qui mêle macabre, univers gothique et romantisme, et qui renvoie d’assez près justement à l’imagerie du macabre médiéval tel qu’il se constitue, en occident dans le courant du moyen-âge central (voir le thème de la mort dans la littérature française médiévale, Marie-thèrese Lorcin, À réveiller les morts : La Mort au quotidien dans l’Occident médiéval)
Voici quelques courts extraits de cette ballade de Bürgen, tirés d’une adaptation française versifiée de 1854.; elle ne peut certainement pas rendre totalement justice à l’original, mais elle nous permet au moins de l’approcher :
D’un songe affreux Lénore poursuivie Au point du jour se réveilla soudain. « Mon cher Wilhelm, as-tu perdu la vie ? Es-tu parjure ou te verrai-je enfin ? » Sous Frédéric il partit pour l’armée, Et combattit à Prague en bon hussard : Mais depuis lors sa jeune bien-aimée Ne reçut plus de lettres de sa part.
Les troupes sont de retour, l’amant de la jeune fille n’en fait pas partie et elle s’effondre, comprenant qu’elle l’a perdu.
… La mère accourt et vers elle s’élance : « Que vois-je ? ô Dieu ! Qu’as-tu, ma chère enfant ? Viens dans mes bras, parle avec confiance, Dis-moi ton mal : je t’écoute en tremblant » – Oh ! c’en est fait ; tout est perdu, ma mère ! Tout est perdu ! Hélas ! Wilhem est mort ! Il n’est plus rien qui m’attache à la terre: Dieu, sans pitié, m’abandonne à mon sort !
… Oh ! C’en ait fait! Wilhem est mort, ma mère ! Il est perdu, oui, perdu sans retour : Il n’est pour moi plus de bonheur sur terre ! Pourquoi faut-il qu’on m’est donné le jour ? Mort ! Frappe-moi, brise mon existence, Et qu’à jamais mon nom soit oublié ! Jouis, ô Dieu! Jouis de ma souffrance, Puisque pour moi tu n’as pas de pitié.
Suite à ce « vœu », le fiancé viendra bientôt chercher la jeune fille à la nuit. Toute à sa joie, la belle tardera à comprendre que sous le visage de son amant, c’est en réalité la mort qui est venue la prendre pour la guider jusqu’à sa perte et réaliser son vœu. Sans se révéler, la Camarde fardé et en armure de chevalier l’amènera sur sa monture, à travers la campagne et jusqu’au lit nuptial (le tombeau), dans un voyage gothique et fantastique qu’on imaginerait avoir tout à fait sa place dans l’univers d’un Tim Burton :
Vois-tu vois-tu l’étrange phénomène ? Au clair de lune, on aperçoit là-bas Sous le gibet la gent aérienne* (les noirs corbeaux), Qui danse en rond et qui prend ses ébats. « Ah ! ça, venez et suivez-nous, canailles ! Je vous voir décorer notre bal; Vous ouvrirez la danse à nos fiançailles, Et nous suivrez jusqu’au lit nuptial!
Bürger, Lénore – 1774 – Traduction française de 1854
Thème du blasphème qui prend un tour fantastique avec cette mort invoquée sans y penser vraiment et qui répond à l’invitation de la jeune fille, thème aussi de la mort et de l’érotisme avec ce lit nuptial devenu le tombeau des amants, thème romantique bien sûr des amants unis dans leur fin, le tout dans un univers gothique et une imagerie macabre qui renvoient à des origines clairement médiévales, cette ballade de Bürger fut traduite maintes fois dans d’autres langues et inspira de nombreux auteurs hors de l’Allemagne mais également d’autres artistes comme le peintre Ary Scheffer, considéré comme un des maîtres de la peinture romantique (voir tableau ci-dessus).
Dans son approche du récit, Victor Hugo a, quant à lui, plutôt choisi de se centrer sur le long défilé des troupes, en utilisant un grand renfort d’images et de vocables évocateurs pour nous immerger dans une ambiance médiévale prégnante. En modifiant le déroulement de l’histoire, il privilégie l’attente, l’espoir et met aussi le suspense en exergue. Le thème du blasphème, comme celui du macabre et de l’épopée nocturne et gothique sont, de fait, évacués de sa version (il aura l’occasion d’y revenir dans d’autres textes). L’idée romantique et peut-être aussi, finalement, fantastique, résidera ici dans le trépas soudain de la jeune fille, incapable de survivre à la disparition de son amant.
La chanson de Malicorne inspirée par Hugo
Chanson tirée de l’album Malicorne 4
Daté de 1977, le très réussi et salué album studio Malicorne 4 présentaitdes chansons traditionnelles françaises revisitées à la manière folk, celtique et « rock-progressif » du groupe. Dans ce corpus, la chanson La fiancée du timbalier (joueur de timbales) était d’ailleurs la seule qui soit rattachée à un auteur connu et identifié. On trouve toujours l’album à la vente au format CD : Malicorne 4 format CD.
D’autres versions vinyle devenues collectors et plus onéreuses peuvent également être débusquées (en voici une disponible au moment de cet article: Malicorne Vol.4 format Vynile )
Concernant cette poésie de Victor Hugo, le compositeur et pianiste Camille Saint-Saëns l’avait lui-même mise en musique dans le courant du XIXe siècle, avec une version pour piano et également une version pour piano/chant nettement plus lyrique (voir partition sur archive.org).
La fiancée du timbalier de Victor Hugo
ballade du XIXe aux couleurs médiévales
Monseigneur le duc de Bretagne A, pour les combats meurtriers, Convoqué de Nantes à Mortagne, Dans la plaine et sur la montagne, L’arrière-ban de ses guerriers.
Ce sont des barons dont les armes Ornent des forts ceints d’un fossé ; Des preux vieillis dans les alarmes, Des écuyers, des hommes d’armes ; L’un d’entre eux est mon fiancé.
Il est parti pour l’Aquitaine Comme timbalier, et pourtant On le prend pour un capitaine, Rien qu’à voir sa mine hautaine, Et son pourpoint, d’or éclatant !
Depuis ce jour, l’effroi m’agite. J’ai dit, joignant son sort au mien : – Ma patronne, sainte Brigitte, Pour que jamais il ne le quitte, Surveillez son ange gardien ! –
J’ai dit à notre abbé : – Messire, Priez bien pour tous nos soldats ! – Et, comme on sait qu’il le désire, J’ai brûlé trois cierges de cire Sur la châsse de saint Gildas.
À Notre-Dame de Lorette J’ai promis, dans mon noir chagrin, D’attacher sur ma gorgerette, Fermée à la vue indiscrète, Les coquilles du pèlerin.
Il n’a pu, par d’amoureux gages, Absent, consoler mes foyers ; Pour porter les tendres messages, La vassale n’a point de pages, Le vassal n’a pas d’écuyers.
Il doit aujourd’hui de la guerre Revenir avec monseigneur ; Ce n’est plus un amant vulgaire ; Je lève un front baissé naguère, Et mon orgueil est du bonheur !
Le duc triomphant nous rapporte Son drapeau dans les camps froissé ; Venez tous sous la vieille porte Voir passer la brillante escorte, Et le prince, et mon fiancé !
Venez voir pour ce jour de fête Son cheval caparaçonné, Qui sous son poids hennit, s’arrête, Et marche en secouant la tête, De plumes rouges couronné !
Mes soeurs, à vous parer si lentes, Venez voir près de mon vainqueur Ces timbales étincelantes Qui sous sa main toujours tremblantes, Sonnent, et font bondir le coeur !
Venez surtout le voir lui-même Sous le manteau que j’ai brodé. Qu’il sera beau ! c’est lui que j’aime ! Il porte comme un diadème Son casque, de crins inondé !
L’Égyptienne sacrilège, M’attirant derrière un pilier, M’a dit hier (Dieu nous protège !) Qu’à la fanfare du cortège Il manquerait un timbalier.
Mais j’ai tant prié, que j’espère ! Quoique, me montrant de la main Un sépulcre, son noir repaire, La vieille aux regards de vipère M’ait dit : – Je t’attends là demain !
Volons ! plus de noires pensées ! Ce sont les tambours que j’entends. Voici les dames entassées, Les tentes de pourpre dressées, Les fleurs, et les drapeaux flottants.
Sur deux rangs le cortège ondoie : D’abord, les piquiers aux pas lourds ; Puis, sous l’étendard qu’on déploie, Les barons, en robe de soie, Avec leurs toques de velours.
Voici les chasubles des prêtres ; Les hérauts sur un blanc coursier. Tous, en souvenir des ancêtres, Portent l’écusson de leurs maîtres, Peint sur leur corselet d’acier.
Admirez l’armure persane Des templiers, craints de l’enfer ; Et, sous la longue pertuisane, Les archers venus de Lausanne, Vêtus de buffle, armés de fer.
Le duc n’est pas loin : ses bannières Flottent parmi les chevaliers ; Quelques enseignes prisonnières, Honteuses, passent les dernières… Mes soeurs ! voici les timbaliers !… «
Elle dit, et sa vue errante Plonge, hélas ! dans les rangs pressés ; Puis, dans la foule indifférente, Elle tomba, froide et mourante… Les timbaliers étaient passés.
Une belle journée à tous et une bonne écoute !
Frédéric EFFE
Pour Moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : agenda, fêtes médiévales, annonce, recherche compagnies, artisans médiévistes, reconstituteurs, animations médiévales, journée médiévales 2018 Lieu : Montcornelles, chantier expérimental, Aranc, plateau de Hauteville (Bugey)département de l’Ain, Auvergne-Rhône-alpes Dates : Festivités médiévales du 2 juin 2018
Avis aux artisans médiévistes et compagnies médiévales d’Auvergne-Rhône-Alpes
n vue de ses Médiévales de juin prochain, la toute jeune cité de Montcornelles en Bugey et son Association BCM Monts & Cornelles recherchent des artisans et des compagnies médiévistes.
L’événement est prévu sur une journée complète et aura lieu le 2 juin 2018.
Pour des raisons de commodité, les artisans recherchés seront préférablement de la région Auvergne-Rhône-alpes.
Merci de vous mettre en contact directement avec l’Association Monts & Cornelles pour les détails et conditions.