Sujet : Kaamelott, médiéval-fantastique, légendes arthuriennes, cinéma, trilogie, humour, détournement, produits dérivées, entracte. Période : haut Moyen Âge à central Auteur/réalisateur : Alexandre Astier Date de sortie : 21 juillet 2021
Bonjour à tous,
lors que nous sommes clairement passé en mode estival comme nombre de nos lecteurs, nous continuons de nous attacher, tout de même, à parler de la sortie du film Kaamelott Premier Volet au cinéma. Si sa sortie est prévue pour le 21 juillet, depuis 4 ans, nous avons, de notre côté, consacré plus de 100 articles à la série d’Alexandre Astier et son actualité. Cela compte tout de même, même si c’est loin de résumer le contenu du site. De ce côté là, nous en sommes, en effet, à plus de 1300 articles dont probablement près de 500 pour vous présenter des textes, poésies, et chansons médiévales en français ancien, en occitan, en espagnol, italien ou encore en anglais.
Avant-première : record de ventes absolu
Aux portes du débarquement du long métrage Kaamelott dans les salles, on vient d’apprendre que le film s’est déjà signalé avec plus de 60 000 places d’avant-première vendues en 24 heures. Prévue pour le 20 juillet 2021, c’est tout simplement un record de prévente d’avant-premières pour le cinéma français et ce n’est pas fini puisque de nouvelles places sont déjà remises à la vente. Dans un monde devenu tellement virtuel, beaucoup de blablas circulent sur les réseaux sociaux : Iike, share, pouce vers le haut, vers le bas, larmichette, etc… C’est au point que l’expression prend souvent des tours exclusivement émotionnels et finit quelquefois par s’y résumer. Beaucoup de zapping, pas toujours des actions véritables, le « like » comme horizon, comme moyen et comme fin… En l’occurrence, en achetant massivement les tickets de l’avant première en ligne, la fan base de Kaamelott a très concrètement répondu présent à l’appel de l’auteur-réalisateur. Voilà qui devrait rassurer Alexandre Astier sur l’accueil réservé au film même s’il devait être un des rares à en douter.
Au passage, au département R&D confiserie, on a bossé d’arrache-pied. Uniquement des circuits courts bretons (ou presque). Seulement voilà Môssieur Alexandre Astier s’en fout. Môssieur Alexandre Astier veut toujours faire tout tout seul. Et après faut pas s’étonner que les confiseries pour l’entracte en pâtissent (ouais, bon, c’est un peu pourri comme jeu de mots…) :
D’autres records déjà en vue
Ajoutons, comme nous l’avons déjà dit sur Facebook, que tout ceci n’est sans doute qu’un début, niveau record, pour Kaamelott premier volet. Par exemple, un fan s’est déjà déclaré prêt à voir le long métrage 200 fois de suite pour inscrire son nom et celui du film d’Alexandre Astier dans le livre des records. Pour ceux qui se poseraient la question, le précédent record en la matière est détenu par un résident de Floride. Ramiro Alanis a, en effet, inscrit son nom dans le Guinness Book pour avoir visionné le film « Avengers – Endgame » 191 fois d’affilée. Personnellement, nous déconseillerons vivement de s’attaquer à une tel performance, sauf suivi médical rapproché. Niveau sommeil quand même c’est pas top. L’opus 1 de la trilogie Kaamelott dure certainement plus de 2 heures. On parle donc de 400 heures face à un écran ! Certains nolife japonais sont tombés en inanition devant des jeux vidéo pour moins que ça.
Dans la série des records non comptabilisés auxquels on peut s’attendre pour le film d’Alexandre Astier, on pourra encore citer tous ceux qui vont aller le voir 18 fois en moyenne. Les mots « couillères » et « interprétes » prononcés, certainement, plus de 112 000 fois dans les files d’attente. Il y aura encore tous ces anonymes qui vont faire saigner du nez leurs collègues de travail ou leur conjoint en leur répétant, 60 fois par jour, les répliques du film (à coté, l’effet Cité de la peur des Nuls qui avait connu un phénomène semblable risque d’être petit joueur) et tant d’autres performances encore…
Côté box office, que Dany Boon se tienne à carreau, les Chtis, à coté, pourrait bien être du gâteau. Du point de vue des entrées, on se souvient que son film sur le ch’nord avait cartonné pour même se hisser plus haut que La grande vadrouille avec plus de 20 millions d’entrée contre 17,27 pour la superbe réalisation de Gérard Oury en 1966. Pour Alexandre Astier, qui cite souvent Louis de Funès et la grande vadrouille comme des modèles de comédie, surpasser ces chiffres ou même s’en approcher, aurait sans aucun doute de vraies allures de consécration. Nous verrons. La fan base n’a, à l’évidence, pas dit son dernier mot.
Bonus la galerie confiseries entracte KaaPV
Tiens, en prime, voilà la galerie des confiseries spéciales merchandising entracte Kaamelott Premier Volet :
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Sujet : Kaamelott, médiéval-fantastique, légendes arthuriennes, cinéma, trilogie, affiche, humour, détournement. Période : haut Moyen Âge à central Auteur/réalisateur : Alexandre Astier Date de sortie : 21 juillet 2021
Bonjour à tous,
‘est l’été et nous sommes passés un peu en mode vacances, comme une partie de nos lecteurs. Ceci ne nous empêche pas, bien sûr, de continuons à suivre, de manière libre et non exhaustive, la large campagne promo de Kaamelott Premier Volet.
Désormais, cela ne devrait plus avoir échappé à personne, le film est en passe de sortir dans les salles : date fixée au 21 juillet 2021. Du même coup, radio, TV, chaînes web, l’auteur réalisateur fait, lui-même, le tour des médias et nous partageons ici un entretien qu’il a donné à Pascal Nègre sur RFM, il y a peu. Depuis quelques jours, on notera aussi que les journalistes et privilégiés ayant assisté aux avant-premières laissent filtrer quelques premiers retours élogieux sur le long métrage, tout en ayant l’élégance d’éviter de le spoiler. En l’occurrence, l’animateur radio, par ailleurs célèbre acteur de l’industrie musicale, confirme ici cette impression que donnaient déjà le trailer et l’affiche. Le format cinématographique a permis à Alexandre Astier de repousser les murs pour proposer une comédie dans un cadre somptueux et qui s’annonce véritablement épique.
« Je préfère la banalité dans l’exceptionnel. »Alexandre Astier
Pour le reste, cet entretien éclaire de nouveaux aspects sur la façon de travailler de l’auteur-réalisateur. Ce dernier y donne aussi des éléments sur sa vision de la comédie, en général, et de cette première œuvre cinématographique autour de Kaamelott, en particulier. Ceux qui ont l’habitude de suivre ses apparitions médias le savent. Il faut reconnaître à Alexandre Astier une qualité tout à fait spéciale en interview. Jamais ennuyeux, il répond toujours avec sincérité et, rarement de manière convenue ou conventionnelle. D’une nature réfléchie et finalement assez solitaire et introvertie (au moins dans les phases de création comme il le confesse lui-même), il se tient à une profondeur qui tire très souvent ses entretiens vers le haut. C’est la marque d’un véritable auteur et c’est très agréable. S’il se dit artisan, il possède aussi une personnalité artistique tout à fait unique qu’il prend soin de patiner et de ne pas dévoyer. Le temps est précieux, il en a conscience et c’est un plaisir de le voir évoluer dans son art et ses réflexions.
En vous souhaitant une belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
NB : Au passage, la belle affiche du film Kaamelott présentée dans un article précédent nous a inspiré un détournement en forme de « cauchemar en cuisine » ou « croisons-les » imaginaires qui vous retrouvez ci-contre et en tête d’article. Cette ânerie est aussi disponible sur la page Facebook Kaamelottcreas. Pardon pour cela mais en prenant le slogan très au pied de la lettre, il nous a juste été impossible d’éviter d’évoquer la réaction de notre chef national très apprécié et très rentre-dedans : Philippe Etchebest. Lui-même officie largement sur M6 quand il n’est pas aux commandes de ses propres restaurants.
Sujet : fêtes historiques, fêtes médiévales, compagnies médiévales, spectacles, animations médiévales, marché médiéval Période : Moyen Âge, médiévalisme Evénement : Les Remparts de l’Histoire Lieu : Dinan, Côtes-d’Armor (Bretagne) Date : du 20 au 25 juillet 2021
Bonjour à tous,
i l’année 2020 a vu s’annuler un nombre incalculable d’événements culturels, dont bien sûr aussi des festivals et fêtes médiévales au motif que l’on sait, cette tendance s’est poursuivie en 2021. Le climat psychologique a joué ; il faut beaucoup d’énergie mais aussi un minimum de foi en l’avenir pour mettre en place des événements. En l’absence de visibilité, de calendrier stratégique et de directions claires, pas facile de se mobiliser.
Gestion culturelle & fêtes médiévales 2021
Plus encore, pour des raisons évidentes de logistique tout autant que de balance économique, les organisateurs n’étaient et ne sont pas toujours en situation de se plier aux mesures sanitaires et aux « jauges » imposées par l’exécutif. Enfin, Pour donner une vision complète du tableau, on pourra encore mentionner dans ces difficultés, la possibilité de décisions intempestives de dernière minute (par l’exécutif et aux mains des préfets) susceptibles de venir annuler une fête ou un festival sur le point d’être lancé et qu’on croyait acquis.
Bref pas simple, même si cet été, certains organisateurs se donnent tout de même les moyens d’être dans les clous pour reprogrammer des fêtes autour du Moyen Âge. C’est notamment le cas de la cité médiévale bretonne de Dinan. En cette fin de mois de juillet, elle entend, en effet, célébrer son Moyen Âge avec une fête qui prendra, toutefois, une forme un peu différente. Présentée comme « intimiste », pour la distinguer de la traditionnelle fête des remparts, l’Association organisatrice a baptisé l’événement ”Les Remparts de l’Histoire”. Formule intermédiaire, il ne s’agit donc pas de l’habituelle Fête bisannuelle des remparts, annulée l’année dernière et qui devrait retrouver sa programmation normale en 2022.
Au programme de la fête médiévale de Dinan
Soucieux de respecter toutes les mesures encore en vigueur, les organisateurs précisent avoir tout mis en œuvre depuis un an pour proposer un événement qui corresponde aux exigences fixées par l’exécutif. Comme la situation semble s’être un peu éclaircie en matière de coercition, on peut se montrer doublement optimiste.
Si la voilure a été réduite au motif de mesures sanitaires, l’Association des Remparts a tout de même packagé, à son habitude, un événement plutôt attractif : compagnies médiévales, animations et spectacles, marché inspiré du Moyen Âge resteront au programme. Mais là où tout le centre ville se mobilise, de manière ouverte, à l’occasion de la Fête des remparts, pour ces Remparts de l’histoire, les lieux seront mieux circonscrits pour en maîtriser les accès et les règles : masques obligatoires, respect des distances, nombre de personnes en simultanée sous contrôle. L’Association précise que « L’accès se fera sans pass sanitaire car la jauge totale est inférieure à 1 000 personnes« (1).
Liste des compagnies médiévales répertoriées
Du point de vue des animations programmées à l’occasion de ces festivités de Dinan, elles se tiendront sur deux sites. Une vingtaine de compagnies médiévales y sont attendues. Des joutes et tournois à cheval sont aussi prévus. Quant au marché artisanal, un peu plus d’une trentaine d’exposants devraient y être présents.
Arkaval – Les Ecuyers de l’Histoire – Clair Obscur – L’effet Railleur – Créalid – Théâtre du Laid Cru – Les pies – OO-Kaï – Gueule de loups – Les coupeurs de Bourses – Rêves temporels – Trace du Geste – Battle of color – Belli Mercator – Sembadelle – Confrérie de Coëtquen – Vitalamine – Art’Themis – La Mesni du Goëlo – Sonjévéyés – La Chalémie – Julien Danielo
Si les visiteurs sont enjoints, comme d’habitude, à se costumer à la façon médiévale, tous les lieux de spectacles et animations seront, avec le marché d’inspiration médiévale (rebaptisé marché « médiévaliste ») accessible pour une somme modique. C’est mathématique, en réduisant la voilure, on peut moins compter sur le nombre pour aider au financement d’un tel événement, sans compter la logistique induite par le contexte.
Pour conclure, la fête s’adresse-t-elle seulement aux dinannais ou même aux habitants de Bretagne et des Côtes-d’Armor ? Loin s’en faut. Les 5 jours prévus devraient pouvoir permettre de contenter un grande nombre de visiteurs dans le respect des règles. Si vous prévoyez de venir de loin, la prudence recommanderait de contacter les organisateurs pour s’enquérir des places disponibles ou d’éventuelles réservations. Consulter le site officiel ici pour en savoir plus : Fête des remparts Dinan.
Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
(1) Pardon pour cette disgression, mais il est difficile de s’empêcher de réprimer un frisson à se dire que ce type d’affirmations est peut-être, en passe, de se banaliser : « Pass sanitaire requis ou non à l’entrée ». Vous nous avez compris, pas du fait des organisateurs d’événement de taille, mais en raison des orientations politiques en cours. S’il est bien clair que les visiteurs n’auront pas à le faire à cette fête de Dinan, l’idée de devoir présenter, en d’autres circonstances, un document de santé à l’entrée d’un lieu privé et à un parfait étranger, donne franchement l’impression qu’on est en train de passer dans un monde orwellien. Si cela perdure, on peut même supposer qu’il faudra s’attendre à des baisses substantielles de fréquentation d’un nombre important de grands événements. On pense aux complications engendrées par ce genre de contrôle mais aussi à tout ceux qui se sentiront bafoués dans leur liberté et leur intimité, et seront réticents à étaler leur état de santé (chose jusque là totalement privée) à la vue de n’importe quel quidam, non officiel, non habilité, ni même lié par une quelconque obligation de secret médical. Au passage et pour clore cette parenthèse, on parle déjà de faux documents et de fausses attestations de tests et l’on mesure bien que ce pass sanitaire est un engrenage dans lequel l’exécutif s’engage sans du tout mesurer où tout cela pourra le mener et nous avec.
Sujet : guerre de cent ans, destin, femmes, monde médiéval, saga historique, roman, Louis d’Orleans, Charles VI. Valentine de Milan, histoire médiévale. Période : XVe siècle, Moyen Âge tardif Portrait : Valentine Visconti (1368-1408) Auteur : Xavier Leloup Ouvrage : Les Trois pouvoirs (2019-2021)
En plein Moyen Âge tardif et au cœur de la guerre de Cent Ans, le destin de grandes dames a marqué, à jamais, celui de la France. Dans ce cycle, nous vous présenterons les plus marquantes d’entre elles. Aujourd’hui, nous poursuivons avec la quatrième : la Princesse de Milan et duchesse d’Orléans, Valentine Visconti.
l n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne. La princesse Valentine Visconti en aura fait l’amère expérience, elle qui, à cause de sa trop grande proximité avec le roi Charles VI, dut précipitamment quitter Paris, victime d’accusations de sorcellerie. Quand elle y fera son retour 12 ans plus tard, ce sera comme veuve. Et pour réclamer Justice.
Comme un vent de renaissance
Statue de Valentine de Milan, Victor Huguenin (1846) Jardin du Luxembourg, Paris
Intelligente, belle, fortunée : à la fin du XIVe siècle, Valentine Visconti est un astre qui ne manque pas d’attraits. C’est une Italienne, une Visconti originaire du très riche duché de Milan. Mais c’est aussi une princesse française de par sa mère, Isabelle de Valois, fille du roi Jean II. Sur le marché matrimonial européen, la cousine du roi de France a donc de quoi susciter les appétits. Et ce d’autant plus que son futur époux y gagnera une dot de 450 000 florins ainsi que le comté d’Asti, auxquels vient s’ajouter un précieux droit d’héritage sur les terres milanaises de son père, Jean Galéas Visconti.
L’heureux élu n’est autre que le duc Louis d’Orléans, frère de Charles VI. Héritier putatif du royaume de France, ce prince fait figure de mari idéal aux yeux de l’ambitieux duc de Milan. Or sitôt arrivée en France, Valentine va se révéler exceptionnellement cultivée. Sous la houlette de sa grand-mère Blanche de Savoie, elle a reçu une éducation mêlant lecture, calcul, musique et poésie. Dans ce château de Pavie où elle a grandi, Valentine a été habituée à la lumière, aux vastes salles, aux grandes fenêtres, à la peinture, la mosaïque, aux poètes et aux artistes. Elle parle le français, l’allemand et l’italien. Autant dire que comme le souligne François-Marie Graves, c’est « un sentiment du beau bien supérieur à celui qui existait alors en France » qu’apporte avec elle la princesse italienne. Et ce raffinement ne tardera pas à déteindre sur son mari.
Mécénat et amour des lettres
Sous son influence, Louis d’Orléans fait bâtir une bibliothèque qui doit concurrencer celle du Louvre – ou plutôt comme on l’appelle à l’époque, une « librairie ». Le nouvel édifice va bientôt rassembler quelques 62 ouvrages parmi lesquels se trouvent La Cité de Dieu de Saint Augustin, la Politique d’Aristote ou encore La Divine Comédie d’un certain Dante dei Alighieri.
Louis d’Orléans reçoit un livre des mains de Christine de Pisan. British Library, Harley MS 4431
Pour Gérard de Senneville, « le mariage de Louis d’Orléans et Valentine Visconti réunit deux personnalités éprises de livres, d’art et de poésie. Elles s’employèrent ensemble à encourager les gens de lettres et les artistes ». Le médiéviste belge Alain Marchandisse note d’ailleurs que Christine de Pizan n’a pas de mots assez flatteurs, tant dans la Cité des dames que dans le Livre des fais et bonnes meurs ou le Livre du corps de policie, pour unir, dans une même estime, Louis et Valentine, son épouse, « forte et constant en courage, de grand amour a son seigneur, de bonne doctrine a ses enfants, avisée en gouvernement, juste envers tous, de maintien sage et en toute choses très vertueuse, et c’est chose notoire ».
La belle et bête
Seulement voilà, Valentine commence à faire l’objet d’accusations. Que lui reproche-ton, exactement ? Sa proximité avec son beau-frère, le roi de France. Car Charles VI, qui souffre depuis des années d’une folie intermittente, ne peut plus se passer d’elle. Alors qu’il ne reconnait plus ni son épouse ni ses enfants et va jusqu’à oublier qui il est, Valentine lui demeure familière. Il l’appelle « sa sœur bien-aimée », se fait marquer de costumes à sa devise, et même au plus fort de ses crises, va lui rendre visite quotidiennement. À beaucoup cette prédilection parait troublante. Et ce, d’autant plus que la maladie du roi, que nul médecin n’a jamais réussi à guérir, ressemble sous bien des aspects à un envoûtement. À époque aussi superstitieuse, l’Italienne fait donc figure de coupable idéale. Les mauvaises langues ne vont pas tarder à raconter que si elle a le pouvoir d’apaiser son beau-frère, c’est parce qu’elle l’aurait elle-même empoisonné.
Charles VI en prière, Traictés de Pierre Salemon a Charles VI Manuscrit médiéval Ms-fr-165, Bibliothèque de Genève
« C’est une étrangère », insiste-t-on. Une fille de Milan, cette cité italienne où les Visconti ne reculent devant rien pour éliminer leurs adverses et font commerce spéculatif de l’argent. Les femmes n’ont-elles pas pour habitude de recourir à la magie, aux maléfices, à l’ensorcellement ? Qu’on en juge seulement : grâce à son miroir magique, un petit miroir d’acier poli qui lui permet de voir moult merveilles et d’accomplir d’étranges choses, la duchesse avait prédit qu’à une demi-lieue de Paris, un petit enfant se noierait. Elle avait alors demandé qu’on aille le quérir aux écluses du moulin et de fait, on avait retrouvé son petit corps inerte à cet endroit précis. Voilà bien la preuve de ses pouvoirs maléfiques ! Certains prétendent même qu’avec une pomme empoisonnée destinée au dauphin, la duchesse d’Orléans avait envenimé par erreur son fils de quatre ans, qui en était subitement tombé mort…
Face à de telles rumeurs, face à une telle pression exercée par l’opinion publique, la position de Valentine devient vite intenable. Il n’est pas un seul de ses déplacements, pas une seule de ses apparitions à la cour que les Parisiens n’accompagnent des plus violentes harangues. Aussi son époux le duc d’Orléans n’a-t-il finalement d’autre choix que d’éloigner de Paris, l’exilant alternativement dans leurs châteaux d’Amboise ou de Blois.
Mais si le duc d’Orléans sait protéger son épouse, cela ne l’empêchera pas de la tromper. Selon la légende, le frère du roi était à ce point amateur du beau sexe qu’il aurait fait accrocher les portraits de la centaine de dames dont il avait fait la conquête dans un couloir de son hôtel. Or parmi elles se trouve Isabelle de Bavière, la reine de France. Des années durant, ces deux-là convoleront au vu et au su de presque tout le royaume.
Une double trahison, en somme, pour le duc d’Orléans, qui trompera en même temps et son frère Charles VI et son épouse. Mais ce n’est pas tout. On compterait aussi parmi les maîtresses de Louis une certaine Mariette d’Enghien, qui n’aurait sans doute autant fait parler d’elle si elle ne lui avait donné un enfant. Le duc ne trouvera pas mieux que de confier ce bâtard aux bons soins de Valentine qui acceptera de l’élever à sa cour, aux côtés de ses enfants légitimes.
À Blois, la duchesse lui montre autant de sollicitude que s’il s’était agi de son propre fils. Pratique somme assez courante, pour l’époque. Sage décision aussi, aux regards de l’histoire, si l’on considère que petit « Jean » deviendra plus tard le « Beau Dunois », le fameux « bastard d’Orléans », célèbre compagnon d’armes de Jeanne d’Arc et véritable héros de la guerre de Cent Ans. Cette adoption n’en constitue pas moins une reconnaissance des innombrables turpitudes de son époux, qui en dit long sur l’aptitude de Valentine à l’aimer envers et contre tout.
La chef de clan
Eperdue d’amour pour son époux, Valentine Visconti aura donc tout accepté : les brimades, l’exil, l’humiliation d’être une femme trompée. Et quand Louis se fera sauvagement assassiner en plein Paris sous les ordres de son cousin de Bourgogne, l’Italienne n’hésitera pas davantage : en chef de clan, elle se rendra auprès du roi de France pour réclamer justice. Sans succès. Charles VI lui laissera, certes, la garde de ses enfants et une partie des domaines du défunt. Mais malgré son engagement solennel que « pour l’homicide et mort de son frère unique, il serait fait aussi tôt que possible bonne et brève justice », rien ne fut jamais entrepris. Le duc de Bourgogne ne fut ni arrêté, ni jugé, ni encore moins condamné. Pire encore, on le laissera justifier de son crime et le présenter comme un juste tyrannicide devant une cour de France littéralement médusée.
Valentine demande justice à Charles VI pour l’assassinat du Duc d’Orléans, A Colin ( 1836).
À ce moment-là, Valentine a donc presque tout perdu. Et la légende de lui prêter ces mots restés célèbres : « Rien ne m’est plus ! Plus ne m’est rien ! ». Il en faudrait cependant davantage pour l’abattre. La duchesse douairière s’en retourne à Blois où, comme l’explique Alain Marchandisse, « elle qui, jusqu’alors, était effacée, devient femme d’action et prend des mesures habituelles pour combattre ses ennemis par les armes, tout en faisant par ailleurs œuvre de gestionnaire terrienne et de femme d’Etat ». Elle ira même jusqu’à retourner à Paris entourée de ses enfants, pour plaider la cause de son mari et répondre point par point à la Justification du duc de Bourgogne. Mais à nouveau, sans résultat. Cette fois c’est le Dauphin, au nom du roi, qui se perd en promesses. La duchesse n’a alors d’autre alternative que de s’en retourner à Blois, pour cette fois ne plus jamais en sortir. Refusant toute visite, rongée par le chagrin et l’amertume, incapable de se nourrir, Valentine Visconti finit ainsi par suivre son mari dans la tombe, un an plus tard, en 1408, alors qu’elle n’avait pas encore 40 ans.
Sa tragique histoire ne pouvait toutefois s’arrêter là. D’abord parce que ce sont ses droits sur le Milanais que son petit-fils, le roi de France Louis XII, après Charles VIII, revendiquera pour mener ses guerres d’Italie. Ensuite parce que dès après sa mort, le flambeau de la lutte passera à son fils aîné, le jeune Charles d’Orléans. Presque malgré lui, le futur poète deviendra à 12 ans le chef d’une nouvelle ligue anti-bourguignonne qui prendra le nom d’ « Armagnacs ». Mais ceci est déjà une autre histoire. Une histoire qui commence avec le tome 2 des TROIS POUVOIRS.
F-M Graves, Quelques pièces relatives à la vie de Louis Ier, duc d’Orléans, et de Valentine Visconti, sa femme, p. V, Bibliothèque de XVe siècle, Honoré Champion, Paris Gérard de Senneville, Les quatre frères d’Orléans, Editions de Fallois Françoise Autrand, Charles VI, Fayard Alain Marchandisse, Milan, les Visconti, l’union de Valentine et de Louis d’Orléans, vus par Froissart et par les auteurs contemporains, Presses universitaires de Liège
NB ; sur l’image d’en-tête, on peut voir un extrait d’une toile du peintre François Fleury-Richard (1777-1852). Elle représente la duchesse d’Orléans pleurant le décès de Louis d’Orléans. Daté de 1802, elle aida notablement à la renommée de l’artiste. Elle est, aujourd’hui, conservé au musée de l’Ermitage de, Saint-Pétersbourg.