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Fortune et « ses joyes ne sont fors que droit vent », une ballade de Christine de Pizan

christine_de_pisan_auteur_poete_philosophe_monde_medieval_moyen-ageSujet  : ballade, fortune, poésies médiévales,  poésie morale, auteur(e) médiéval(e), roue de fortune, sort, impermanence, valeurs chrétiennes médiévales, Moyen Âge chrétien
Auteur  :  Christine de Pizan (Pisan) (1364-1430)
Période : Moyen Âge central à tardif
Ouvrage :   Œuvres poétiques de Christine de Pisan, publiées par Maurice Roy, Tome 1, (1896)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu Moyen Âge central au Moyen Âge tardif, Fortune court, Fortune tourne, jamais Fortune nul n’épargne qui peut faire dégringoler le plus puissant, sitôt qu’il s’élève au sommet.

La roue de Fortune
alliée de la morale chrétienne médiévale

Dans le monde médiéval, l’invocation de Fortune et sa roue sonne comme un rappel entêtant, une leçon perpétuelle sur la nécessité de pratiquer un certain détachement face aux caprices du sort, mais plus encore. Si gloire, pouvoir, richesses, avoirs, ne portent en eux que des joies illusoires et passagères, c’est bien parce que, pour l’homme du Moyen Âge , ce monde matériel aux lois changeantes n’est qu’un court passage vers l’éternité. Or, justement, le salut de l’âme au sens chrétien, implique qu’on sache se détacher des tentations de ce monde transitoire, mais aussi de la vanité. Et c’est une deuxième leçon de Fortune que d’expliquer aux hommes accrochés sur sa roue, qu’ils ne peuvent se glorifier totalement de leur propre ascension puisque, au fond, ils n’y sont pas pour grand chose.

roue-de-fortune-moyen-age-miniature-enluminure-morale-medievaleDu Roman de la Rose aux fabliaux (voir la roé de fortune), en passant par les poésies et chansons de quantités d’auteurs du monde médiéval – Guillaume de Machaut, Michault Caron Taillevent, le O Fortuna  repris par Carl Orff dans Carmina Burana, pour n’en citer que quelques-uns –  Fortune et sa roue capricieuse, alliée de la morale chrétienne médiévale, ne cesse de mettre en garde le puissant, comme elle rassure, sans doute aussi, les plus indigents. 

Aujourd’hui, c’est dans une courte ballade sous la plume de Christine de Pizan que nous la retrouvons. La grande dame et auteur(e) du Moyen Âge savait des illusions de la permanence et de l’évanescence des bonheurs terrestres. Mariée à l’adolescence, veuve à 22 ans, elle a laissé, au sein de son œuvre considérable, de nombreuses poésies sur les douleurs de ce deuil. Elle y fait d’ailleurs allusion dans cette pièce.

« Que ses joyes ne sont fors que droit vent »
Une ballade de Christine de Pisan

Qui trop se fie es* (aux) grans biens de Fortune,
En vérité, il en est deceü;
Car inconstant elle est plus que la lune.
Maint des plus grans s’en sont aperceü,
De ceulz meismes qu’elle a hault acreü,
Trebusche test, et ce voit on souvent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

Qui vit, il voit que c’est chose commune
Que nul, tant soit perfait ne esleü,
N’est espargné quant Fortune répugne
Contre son bien, c’est son droit et deü
De retoulir* (reprendre) le bien qu’on a eü,
Vent chierement, ce scet fol et sçavent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

De sa guise qui n’est pas a touz une
Bien puis parler; car je l’ay bien sceü,
Las moy dolens! car la fausse et enfrune* (gloutonne, avide)
M’a a ce cop trop durement neü* (de nuire),
Car tollu m’a* (m’a ôté) ce dont Dieu pourveü
M’avoit, helas ! bien vois apercevent
Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

En vous souhaitant une belle journée.
Fred

Pour moyenagepassion.com
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Cantiga de Santa Maria 375, un miracle de guérison autour de Santa-Maria del Puerto

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, pèlerin, guérison, El Puerto de Santa Maria.
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle.
Auteur : Alphonse X  (1221-1284)
Titre :  Cantiga  375 En todo nos faz merçee
Ensemble : Grupo de Música Antigua, dir Eduardo Paniagua
Album : Remedios Curativos (1997)

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionu côté du culte marial médiéval, voici une nouvelle Cantiga de Santa Maria tirée du corpus d’Alphonse X de Castille.  C’est un nouveau récit de miracle qui porte, cette fois, sur la guérison d’un cheval mourant sauvé par l’intervention de la Sainte. Il fait partie d’un groupe de chants dédiés a Santa Maria del Puerto.

Alphonse X et Santa Maria del Puerto

culte-marial-medieval-cantigas-santa-maria-alphonse-X-El-puerto-santa-maria-vierge-des-miraclesEn 1260, le souverain de Castille reprit le port et la cité d’Alcanatif (Alcanate) des mains des conquérants musulmans qui l’occupaient depuis les débuts du VIIIe siècle. Il rebaptisa alors le lieu Santa Maria del Puerto. Un château y fut bientôt édifié (le Castillo de San Marcos) sur le site de l’ancienne mosquée et une église dédiée à Sainte-Marie del Puerto fut fondée. L’Ordre de Santa María de España crée par Alphonse X y fut également établi.

Aujourd’hui, El puerto de Santa María est visitée pour ses attraits balnéaires mais on peut encore y croiser des pèlerins. Une procession y est aussi organisée, chaque année, en septembre, autour de la Sainte, également connue sous le nom de la vierge des Miracles.

Le Cancionero de Santa Maria de El Puerto

Les chants dédiés a Sainte-Marie du port sont au nombre de vingt-quatre dans l’ensemble du corpus des Cantigas d’Alphonse le Savant. Ils sont généralement regroupés sous le nom de Cancionero de Santa Maria de El Puerto ( Santa Maria do Porto).

Eduardo  Paniagua et les Remèdes curatifs
dans les Cantigas de Santa Maria

Nous vous avons déjà touché un mot ici de Eduardo Paniagua (Voir portrait détaillé ici). Ce passionné de musiques médiévales s’est forgé une grande réputation du côté de la péninsule ibérique. S’il ne s’est pas limité au répertoire des Cantigas d’Alphonse X, il leur a néanmoins dédié un nombre impressionnant d’albums, au moyen de divers regroupements thématiques. Il a même réussi à couvrir ainsi l’ensemble de ce corpus et, à ce jour, c’est une des seuls, cantigas_santa-maria_miracle_culte_marial_moyen-age_musique_chanson_medievale_eduardo_paniagua_alphonse-Xà notre connaissance, à l’avoir fait.

En 1997, entouré de sa formation le Grupo de Música Antigua, le grand directeur de musique espagnol proposait un album de onze Cantigas de Santa Maria sur le thème des remèdes curatifs (pour une autre pièce issue de cet album, voir aussi Cantiga 189 : dragon, poison et guérison miraculeuse pour un courageux pèlerin) Il est toujours disponible à la vente et voici un lien qui vous permettra de le découvrir ou de l’acquérir au format CD ou MP3 : Remedios Curativos – Cantigas de Santa Maria


La Cantigas de Santa Maria 375
et sa traduction en français actuel

Como Santa María do Porro guariú un cavalo dun escrivá del Rey que lle quería morrer.

Comment Sainte-Marie du Port guérit le cheval mourant d’un scribe du roi.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Elle nous est miséricordieuse (fait grâce)  en tout
La Dame qui voit tout

Merçee por humildade
nos faz, e por sa bondade
acorre con pïadade
a quen lle pede merçee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Elle nous fait miséricorde par humilité
et par sa grande  bonté
Et  secourt avec piété,
Qui lui demande sa grâce.

Refrain

Sequer enas bestias mudas
nos mostra muitas aiudas
grandes e mui conosçudas
a Senor que todo vee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Au moins pour les bêtes muettes,
Elle nous montre ses nombreuses aides
Grandes et très célèbres 
La Dame qui voit tout.

Refrain

E de tal razon fremoso
miragre maravilloso
a Madre do Glor’ioso
fezo , comprida merçee,

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Et sur ce beau sujet,
La Mère du Glorieux  fit

Un miracle merveilleux
(démontrant sa) parfaite Miséricorde.

Refrain

Na çibdade de Sevilla,
que é grand’ a maravilla,
mostrou a Madr’ e a Filia
de Deus que nos sepre vee,

En todo nos foz merr¡ee
a Sennor que todo vee.

Dans la cité de Séville,
Qui est grande par ses merveilles
Elle a montré la mère et fille 
De Dieu qui toujours nous voit

Refrain

A Bonamic, que avía
seu cavall’ e lle morría.
Porend’ a Santa María
do Porto pidiu merçee

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

A Bonamic (1), qui avait
Son cheval qui se mourait
Et pour cela, avait demandé grâce
à Sainte-Marie 
du Port.

Refrain

Que, se ll’o cavalo désse
vivo, porende possesse
un de cera que sevesse
ant’ ela que todo vee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Que, si elle sauvait la vie du cheval,
Il ferait don 
d’un de cire qu’il possédait,
Devant celle qui voit tout (en son sanctuaire).

Refrain

Est’escrivan del Rey era,
que do cavalo presera
mui gran coita e soubera
que morría; e merçee

En todo nos faz mercee
a Sennor que todo vee.

 Et celui-là qui était scribe du roi,
Etait pris pour ce cheval, 
De grande douleur, sachant
Qu’il allait mourir: et miséricorde.

Refrain

Pidiú aa Glorfosa
que é Sennor pïadosa,
que de ll’o dar poderosa
é, ca nossas coitas vee.

En todo nos faz mercee
a Sennor que todo vee.

Il a demandé à la Glorieuse
Qui est dame de piété
Qu’elle accorde de son pouvoir
Car elle voit toujours nos ennuis.

Refrain

E ú iazía tendudo
ia come mort’ e perdudo,
fez-ll’o a que noss’escudo
é viver por sa merçee.

En todo nos faz mercee
a Sennor que todo vee.

Et à celui qui était étendu 
Comme mort et déjà perdu,
Celle qui est notre bouclier le fit,
Vivre par sa miséricorde.

Refrain

E tan toste deu levada
e comeu muita çevada.
E porem foi mui loada
a Senor que todo vee.

En todo nos faz merçee
a Sennor que todo vee.

Et aussitôt que la bête fut levée;
Elle mangea de grandes quantités d’orge
Et La dame qui voit tout
fut, de tous, grandement  louée.

.

Refrain

(1) Bonamic Zavila, clerc et scribe du roi établi à Murcia, qui, selon l’universitaire Jesús Montoya Martínez ( Cancionero de Santa María de El Puerto) a également accompagné le souverain Alphonse X durant un voyage qu’il effectua à Beaucaire  pour visiter le pape.


Retrouvez les Cantigas de Santa Maria traduites en français et leur version en musique par les plus grands ensembles de musique médiévale,

Une très belle journée à tous.
Fred
Pour Moyenagepassion.com
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Les bâtisseurs médiévaux : des maîtres Compagnons au service du patrimoine et de la restauration

metiers_anciens_batisseurs_chantier_medieval_restauration_patrimoine_construction_moyen-ageSujet : bâtisseurs médiévaux, métiers anciens, construction médiévale, passion, restauration, patrimoine, Compagnons du tour de France, monde médiéval, engin de chantier médiéval, compagnie médiévale
Période : Moyen Âge à nos jours
Site web : bâtisseurs-medievaux.fr

Bonjour à tous,

D_lettrine_moyen_age_passionans un Moyen Âge central qui s’urbanise et qui voit s’édifier un nombre impressionnant de monuments dont certains gigantesques entre châteaux, maisons fortes ou donjons, fortifications urbaines, halles de marché, ponts et installations portuaires, églises, cathédrales et même encore abbayes et monastères, les métiers et, un peu plus avant, les corporations de bâtisseurs demeurent une point névralgique du développement. Elles sont constituées de nombreux corps de métiers qui peuvent être attachés à des villes, mais qui sont, bien souvent aussi, itinérants et qui viennent renforcer de leur main d’œuvre et de leur expertise les divers chantiers qui s’ouvrent ici ou là, au gré des opportunités, sur les terres de la France médiévale. Entre taille de pierre, forge et fabrication d’outils, de cordage, la confection d’enduits, les travaux de couverture, de charpente et encore tous les métiers autour des bois de construction, la chantier_medievale_corporation_batisseurs_metiers_construction_restauration_moyen-ageréalisation d’ouvrages médiévaux est un théâtre fourmillant de mille savoir-faire et techniques dont il faut, hélas, constater que certains se sont même perdus, faute de traces écrites.

Détail miniature, construction de la Cathédrale de Saint-Denis, Ms Français 2609, Grandes Chroniques de France (XVe) BnF, Dept des manuscrits

A travers les siècles pourtant, nul ne peut rester indifférent face à l’échelle et au nombre des réalisations ou face encore à la somme d’expériences mise en œuvre dans les édifices de pierre profanes comme religieux du monde médiéval. Si, pour paraphraser Geoges Duby,  le Moyen Âge est un peu notre « Far West », ses chantiers, par l’ampleur et la magnificence de leurs prouesses, ne sont pas sans évoquer par certains côtés, quelques réalisations pharaoniques de l’Egypte antique. Gigantisme, majesté, flèches et tours qui se tendent vers le ciel comme pour tutoyer Dieu de plus près, le Moyen Âge est peuplé de symboles divins, seigneuriaux ou régaliens mais c’est aussi le règne de la transcendance, un temps partagé et collectif dans lequel commencer une œuvre ne garantissait pas toujours de la voir terminer durant une vie d’homme.

Pascal Waringo, maître artisan compagnon,
passionné de construction médiévale

engins_chantier_construction_medievale_batisseurs_compagnons-tour-de-France_moyen-ageCompagnon du tour de France, Pascal Waringo est un passionné de bâti et de constructions anciennes, de l’époque médiévale à la renaissance. Primé à plusieurs reprises par ses pairs pour ses travaux et ouvrages de restauration, ce maître artisan de longue date, digne représentant de l’excellence du compagnonnage en matière de savoir-faire,  est à l’initiative de la création d’un certain nombre de structures entrepreneuriales ou associatives. Leur vocation ? Intervenir pour la sauvegarde et la restauration des bâtiments d’époque mais aussi promouvoir les techniques de constructions médiévales, en sensibilisant le public le plus large, autour de ces sujets.

Interventions :  sauvegarde, nettoyage
& restauration de bâtiments anciens et classés

Côté chantier et patrimoine,  c’est la SNRB, Société de construction et de restauration qui chapeaute les travaux de réfection et de sauvegarde. En plus de vingt ans, elle est déjà intervenue sur un grand nombre de monuments historiques classés et la renommée de son fondateur a même dépassé les frontières puisqu’il compte parmi les trois experts mondiaux à avoir été mandatés sur le chantier restauration_batiments_monuments_classes_moyen-agede la Forteresse médiévale de Ozark, aux Etats-Unis : lancée en 2009, cette expérience, directement inspirée du Château Guédelon de Michel Guyot,  consiste à bâtir ex-nihilo et aux moyens des techniques d’époque, un château fort du XIIIe siècle, en plein coeur de l’Arkansas.

Au sujet de Guédelon , profitons-en pour mentionner ici que Pascal a compté parmi les tout premiers experts à être attachés au projet. Au delà de son intervention sur l’étude préalable, il a même œuvré sur certains aspects du chantier naissant, techniques de prise de mesures anciennes, premières  cages à écureuil, c’est même lui qui a dessiné le plan de la belle cheminée de la salle d’accueil et de la boutique, à la proportion dorée.

Au titre des chantiers expérimentaux d’envergure, on retrouve encore ce véritable pionnier en matière de techniques de construction médiévale en expert éclairé sur l’ambitieux projet de Montcornelles dans l’Ain, (voir Montcornelles, une cité médiévale du XIVe sort de terre)

chantier_restauration_batisseurs_construction-medievale_passion_moyen-age

Pour revenir aux interventions de la SNRB dans le domaine de la sauvegarde du bâti et du patrimoine ancien, ouvrages de maçonnerie, taille de pierre et tous les métiers autour de la restauration ancienne n’ont plus guère de secrets pour le maître compagnon, même si chaque nouveau chantier est toujours pris comme un défi à relever. Ici, l’art côtoie toujours la technique et le plus grand respect du patrimoine guide chaque geste. A force d’expériences et de recherches, la SNRB a d’ailleurs mis au point des interventions uniques en leur genre dans le domaine de la restauration, dont notamment une technique de réparation de voûtes, en passe d’être brevetée.

Etudes, conseils et diffusion

Dans le prolongement de cette société d’intervention, un cabinet a été mis en place: le RCP, comité pour la recherche, le conseil et la pédagogie sur les techniques médiévales de construction.

engins_chantier_construction_medievale_batisseurs_moyen-ageAnimé là encore par Pascal Waringo entouré d’une équipe d’experts pluridisciplinaires, ce bureau d’études a vocation à assister les acteurs du patrimoine (publics ou privés) dans le montage de leurs projets de restauration. Au titre de ses missions, il prend également sa part active dans la diffusion des techniques de construction médiévale auprès d’un plus large public. Dans ce cadre, l’organisme accompagne les acteurs touristiques en charge de bâtiments historiques dans la mise au point d’animations ou de visites spécialisées autour de ses sujets de prédilection, mais il organise aussi divers expositions et conférences dans le domaine du bâti médiéval.

« Du Moyen Âge à nos jours »: une troupe
au service de la pédagogie et du divertissement

Pour couvrir des aspects encore plus ludiques et pédagogiques de toutes ces activités, une véritable compagnie médiévale a même été créée. Elle a pour nom Les bâtisseurs médiévaux. Depuis une vingtaine d’années, elle propose ses animations aux quatre coins de France mais elle s’exporte aussi au delà des frontières, sur les terres d’Europe. Cette troupe, pas comme les autres, se déplace même avec ses engins de chantiers médiévaux minutieusement engin_chantier_medieval_batisseurs_moyen-age_sreconstitués et remontés sur site pour l’occasion. Elle propose ainsi de recréer sous les yeux du public et sur tout site désireux de l’accueillir, l’effervescence et les savoir-faire que l’on pouvait trouver sur un véritable chantier médiéval. Les démonstrations s’étendent à un large nombre de métiers et d’activités : de la charpente à la corderie en passant par la géométrie et la prise de mesure, l’utilisation des engins, bien sûr et encore le montage des structures nécessaires à la construction.

Du point de vue des engins présentés et des activités, la troupe s’est même diversifiée puisqu’elle s’est attelée, en plus de la réalisation de cages à écureuil, nacelles et autres roues à échelons qu’on retrouvait sur les chantiers d’époque, à la reconstitution d’engins militaires de siège ou défensifs du Moyen Âge:  bricoles, trébuchets ou autres pierrières qu’elle propose à l’exposition ou à la location.

Pour plus d’informations sur l’ensemble de ces activités, voir :
Batisseurs-medievaux.fr –  FB officielConférences & expositions 

Articles   et ouvrages d’intérêt
autour de la construction médiévale :

Pour alimenter votre curiosité sur le sujet de la construction au Moyen Âge et des chantiers médiévaux, nous vous invitons également à consulter les articles suivants :

Une Conférence de l’historienne médiéviste Cécile Sabathier sur les chantiers médiévaux en milieu urbain

Un article sur l’Aventure de Château Guédelon.

Côté lecture, voici quelques romans d’aventure qui touchent de près le sujet du chantier médiéval et le font revivre dans le détail : 

Les pierres sauvages de Fernand Pouillon
La Cathédrale de la Mer de Ildefonso Falcones
Les Piliers de la terre de Ken Follet

Enfin, vous trouverez dans notre catégorie sur les châteaux forts et l’architecture médiévale, nombre d’éléments complémentaires sur toutes ces questions.

En vous souhaitant une excellente journée

Frédéric F
Pour moyenagepassion.com
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Cantiga de Santa Maria 189 : dragon, poison & guérison miraculeuse d’un pèlerin

musique_espagne_medievale_cantigas_santa_maria_alphonse_de_castille_moyen-age_centralSujet :  musique médiévale, chanson, cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, Dragon, vierge, lèpre, traduction, Cantiga de Santa Maria 189
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Alphonse X  de Castille (1221-1284)
Titre : Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon
Interprète : Eduardo Panigua
AlbumRemedios Curativos  (1997)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionotre exploration du culte marial et des Cantigas de Santa Maria du roi de Castille Alphonse X se poursuit, aujourd’hui, avec une nouvelle étude et traduction.

Au  Moyen Âge central, est-il un miracle que la Sainte ne puisse accomplir pour l’homme doté de foi véritable ? Il semble que non comme la Cantiga de Santa Maria 189 va encore nous le démontrer.

Le récit d’une guérison miraculeuse

cantiga-santa-maria-189_dragon_miracle_culte_marial_enluminures_manuscrit-ancien_moyen-age_XIIIe-siecle_sOn croise bien des dangers sur les chemins de pèlerinage, a fortiori quand l’on décide de les arpenter seul. Cependant le pèlerin égaré, guidé par sa foi en la Sainte mère du Christ, pourra toujours compter sur la protection de cette dernière. Qui mieux qu’elle peut, en effet, par son intervention, réparer et effacer les plus terribles disgrâces et les pires incidents de parcours.

La Cantiga de Santa Maria nous gâte même de ce point de vue. Sur les rives les plus fantastiques des chants à Marie du XIIIe siècle, elle nous parle, tout à la fois, de dragon, de poison, de lèpre et de guérison miraculeuse. Concernant le terme de lèpre, on se souviendra qu’au Moyen Âge, ce mot désignait un grand ensemble d’affections, allant au delà des maux causés par le tristement célèbre Mycobacterium leprae.

La Cantiga de Santa Maria 189 par Eduardo Paniagua

« Remedios Curativos », les remèdes curatifs
dans les Cantigas de Santa Maria

Comme nous l’avions déjà indiqué, dans un article précédent au sujet de Eduardo Paniagua, on doit à ce grand musicien espagnol, passionné de répertoire médiéval, l’enregistrement de l’ensemble des Cantigas d’Alphonse X de Castille. Il y a donc consacré un grand nombre d’albums en cantigas_santa-maria_miracle_culte_marial_moyen-age_musique_chanson_medievale_eduardo_paniagua_alphonse-Xopérant des regroupements thématiques au sein de ce vaste corpus.

En 1997, accompagné de sa formation spécialisée dans les musiques anciennes et médiévales, il proposait ainsi un bel album sous le titre Remedios curativos. Cette production musicale regroupe onze Cantigas de Santa Maria (dont trois en version instrumentale) sur le thème de la guérison miraculeuse.

L’album est toujours édité et vous pourrez vous le procurez chez votre meilleur disquaire. A défaut, vous trouverez ici un lien permettant de le pré-écouter ou de l’acquérir au format CD ou MP3 :  Remedios Curativos – Cantigas de Santa Maria

L’ermitage de Sainte-Marie de Salas

Le pèlerinage dont il est question dans cette chanson est celui de Sainte-Marie de Salas, à Huesca, au Nord de l’Espagne et dans l’Aragonais. Un ermitage y fut construit au début du XIIIe qui fit l’objet de nombreux récits de miracles.

Comme dans nombre d’autres cas, certains d’entre eux furent sans doute forgés, au départ, autour des lieux Saints par ceux-là même qui y officiaient afin d’attirer plus de pèlerins. De fait, le lieu connut une grande popularité et vit affluer de nombreux croyants dans le courant du Moyen Âge central.


« Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon »
Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison

Traduction de la Cantiga de Santa Maria 189 en français : cette traduction du galaïco-portugais vers le français moderne a été effectuée,  par votre serviteur, à l’aide de sources et recherches diverses. Elle n’a pas la prétention de la perfection mais simplement de s’approcher, au plus près, du sens général du texte.

Esta é como un ome que ya a Santa Maria de Salas achou un dragon na carreira e mató-o, e el ficou gafo de poçon, e pois sãou-o Santa Maria.

Celle-ci conte comment un homme qui allait  à Sainte-Marie de Salas, croisa un dragon en chemin et le tua, et il en devint lépreux et, suite à cela, Sainte Marie le guérit.

Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon,
pois madr’ é do que trillou o basilisqu’ e o dragon.

Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison
Puisqu’elle est la mère de celui qui terrassa le basilic* et le dragon.

(* bête légendaire, symbole biblique de Satan)

Dest’ avo un miragre a un ome de Valença que ya en romaria
a Salas soo senlleiro, ca muit’ ele confiava na Virgen Santa Maria;
mas foi errar o camynno, e anoiteceu-ll’ enton
per u ya en un monte, e viu d’estranna faiçon

Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…

De là, un miracle survint à un homme de Valence allé en pèlerinage
à Salas, seul et sans compagnie, car il avait une grande confiance en la Vierge Sainte-Marie;

Mais il se trompa de chemin et la nuit le surprit
tandis qu’il se trouvait sur une montagne,  et il vit une étrange face

Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…

A ssi vir ha bescha come dragon toda feita, de que foi muit’espantado;
pero non fugiu ant’ ela, ca med’ ouve se fogisse que seria acalçado;
e aa Virgen beita fez logo ssa oraçon
que o guardasse de morte e de dan’ e d’ ocajon.

Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…

Venir jusqu’à lui, toute semblable à un dragon, dont il fut très effrayé:
Mais il ne s’enfuit pas face à elle, de crainte qu’elle ne le poursuive;
Et à la Vierge bénite, il fit alors sa prière,
Pour qu’elle le garde de la mort, des dommages et des disgrâces.

Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…

A oraçon acabada, colleu en ssi grand’ esforço e foi aa bescha logo
e deu-ll’ ha espadada con seu espadarron vello, que a tallou per meogo,
assi que en duas partes lle fendeu o coraçon;
mas ficou enpoçõado dela des essa sazon.
Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…

La prière finie, il prit sur lui et, dans un grand effort, s’approcha de la bête
Et il lui donna un coup  avec sa vieille épée qui la trancha en deux moitiés
De sorte qu’il lui fendit le cœur en deux
Mais à partir de là, il fut empoisonné

Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…

Ca o poçon saltou dela e feriu-o eno rosto, e outrossi fez o bafo
que lle saya da boca, assi que a poucos dias tornou atal come gafo;
e pos en ssa voontade de non fazer al senon
yr log’ a Santa Maria romeiro con seu bordon.

Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…

Car le poison surgit et le toucha au visage, ainsi que la vapeur
Qui sortait de la bouche de la bête, de sorte que quelques jours après, il devint comme un lépreux;
Et il mis toute sa volonté à ne faire rien d’autres, sinon
de se rendre  avec son bâton de pèlerin, jusqu’à Sainte Marie.

Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…

Aquesto fez el muy cedo e meteu-ss’ ao camo con seu bordon ena mão;
e des que chegou a Salas chorou ant’ o altar muito, e tan toste tornou são.
E logo os da eigreja loaron con procisson
a Virgen, que aquel ome guariu de tan gran lijon.

Ben pode Santa Maria guarir de toda poçon…

Ainsi, fit-il cela sans délai, et il se mit en chemin, son bâton à la main;
Et dès qu’il arriva à Salas, il se mit à beaucoup pleurer en face de l’autel, et, aussitôt, il se trouva soigné.
Et après cela ceux de l’église ont loué, en procession,
La vierge qui avait guéri cet homme d’une si grande blessure.

Sainte-Marie peut bien nous guérir de tout poison…


Pour les plus mélomanes  d’entre vous, n’hésitez pas à consulter le site suivant  : Cantigas de Santa Maria. Animé par un expert du sujet, il est en anglais, mais vous y trouverez de nombreuses indications musicales et rythmiques sur les Cantigas d’Alphonse le Sage.

Nous vous invitons également à consulter ici l’index des Cantigas, présentées, analysées et traduites en français moderne, par nos soins.

En vous souhaitant une belle écoute et une excellente journée!

Fred
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