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Bleu roi, bleu divin, bleu honnête: l’histoire des couleurs par Michel Pastoureau

conference_monde_medieval_couleurs_du_moyen-age_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, catégorie cognitive et  sociale, anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Média : émission radio, livre
Auteur : Michel Pastoureau
Titre : « Des goûts et des couleurs : le bleu »
Radio : France Culture, Hors Champs, Laure Adler

« Regardons les couleurs en connaisseur, mais sachons aussi les vivre avec spontanéité et une certaine innocence. »
Michel Pastoureau – Le petit livre des couleurs

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avions déjà parlé,  il y a quelques temps ici, de Michel Pastoureau. C’était alors à propos des légendes arthuriennes et d’une analyse qu’il faisait de leur popularité médiévale, à travers, notamment, des recherches sur la propagation des prénoms. Dans ses sujets de prédilection et les nombreux écrits et histoire_couleur_moyen-age_conference_monde_medieval_michel_pastoureauouvrages qu’il a, à ce jour, publiés, on doit également à cet historien contemporain, désormais célèbre, un cycle sur l’histoire de couleurs. C’est d’ailleurs, sans doute, avec son bestiaire du monde médiéval, le sujet sur lequel il est le plus connu.

Aujourd’hui, nous publions donc la première émission d’un programme de France Culture, présenté par Laure Adler, qui nous présente, en compagnie de Michel Pastoureau, un aperçu de son ouvrage sur  la couleur bleu, à travers les âges.

L’histoire du bleu

 lien direct vers le même podcast sur le site de France-Culture

Une analyse socio-historique
de la symbolique des couleurs

« Des goûts et des couleurs, il ne faut pas discuter. »

Pour autant qu’il plaide pour une certaine liberté, jamais un dicton populaire n’a été aussi peu suivi d’effets que celui-ci. S’ils peuvent, en effet, se présenter comme des penchants individuels, les couleurs et les goûts sont, avant tout, comme le dit Michel Pastoureau dans cette conférence et comme il le montre dans son ouvrage, des catégories de classement, et, pour être plus spécifique et resserrer un peu cette définition, des catégories sociales symboliques et signifiantes.

histoire_couleur_moyen-age_michel_pastoureau_conference_monde_medieval_anthropologiePas d’équivoque donc, pour être historique, l’approche reste sociologique et anthropologique, à la manière habituelle de Michel Pastoureau, qui, en opposition au dicton populaire que nous citions plus haut, écrira d’ailleurs dans son ouvrage :

« C’est la société qui fait la couleur pas l’artiste ou le savant ; encore moins l’appareil biologique de l’être humain ou le spectacle de la nature »
Michel Pastoureau – Bleu, histoire d’une couleur.

Comme son titre l’indique, le sujet du livre de Michel Pastoureau s’intéresse à l’histoire du bleu au sens large et déborde quelque peu l’Histoire médiévale mais il l’inclut et lui fait, bien entendu, une large part. On y découvrira donc ce bleu encore peu fixé symboliquement dans l’antiquité romaine et qui naîtra à la divinité au XIe siècle en entrant dans les représentations chrétiennes et celles de la Sainte Vierge.  Bientôt frappé de lys d’or, il accédera à la cour des rois pour devenir une des couleurs qui représentera le sang bleu et plus tard, après quelques blason_royal_ecu_azur_fleur_lys_couleur_moyen-age_histoire_medievalepéripéties historiques, la nation française.

« Un écu d’azur semé de fleur de lys d’Or »
Le bleu, couleur des rois

Pour le reste et pour qui douterait encore de l’emprise du social et de sa symbolique sur nos goûts colorimétriques et sur le regard que nous portons sur les couleurs, on y découvrira encore un bleu qui passe du chaud au froid, et qui deviendra même une couleur « morale » ou une couleur « honnête » dans une valse historique des valeurs qui le verra triompher au XXe siècle, pour devenir même la couleur préférée des français et des européens.

Il y aurait encore bien à dire sur l’ouvrage de Michel Pastoureau, et pour le découvrir, si ces sujets vous intéressent, nous ne pouvons que vous enjoindre à y mettre directement le nez.

En vous souhaitant une excellente journée sous le bleu du ciel.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

chanson courtoise médiévale : « La belle se sied au pied de la tour » de Guillaume Dufay

toubadour_trouvere_musique_poesie_monde_medievale_moyen-ageSujet: chant, chanson, musique, poésie médiévale, amour courtois, complainte, manuscrit de Bayeux.
Période : Moyen Âge tardif (XVe siècle)
Auteur : Guillaume Dufay (1400-1474)
Interprète ; Jose Lemos et l’ensemble Pegasus Early Music     –    2015 (concert)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous vous présentons, aujourd’hui, une chanson médiévale du XVe siècle. C’est un chant d’amour et une complainte, celle d’une belle pour son amant prisonnier. Présente dans le Manuscrit de Bayeux (le ms Français 9346 de la BnF),  on la retrouve aussi chez Guillaume Dufay, auteur-compositeur considéré comme un des plus grands musiciens de son temps et dont il faut dire un mot ici.

Guillaume Dufay : éléments de biographie

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Originaire de la région de Cambray, qui l’a vu naître autour de 1400, il y suivra l’enseignement des plus grands maîtres de musique du Duc de Bourgogne. La ville est alors dotée d’un centre de musique religieuse qui fournit des musiciens à la papauté romaine et, très jeune, Guillaume Dufay sera aussi choriste à la  cathédrale de Cambrai.

Quelques vingt ans plus tard, on le retrouvera en Italie et à Rimini, au service de la famille Malatesta. Après un court épisode en France, il retournera autour de 1430, en Italie où il se tiendra rien moins qu’à la cour pontificale, devenant ainsi le musicien des papes. Il léguera d’ailleurs des messes qui feront longtemps référence auprès des musiciens des siècles suivants. Il y restera plus de six années avant de servir à la cour du prestigieux musique_medievale_guillaume_dufay_gilles_de_binchois_moyen-age_tardifduc de Bourgogne, mais aussi à celle du duc  Louis Ier de Savoie.

(Guillaume Dufay et Gilles Binchois, enluminure tirée du manuscrit Le Champion des dames, de Martin XVe siècle). 

Durant cette longue carrière au service de la haute noblesse et des papes, l’auteur-compositeur, musicien et chanteur fusionnera le style français avec le style Italien, en les enrichissant encore d’apports anglais pour donner naissance à ce que l’on a appelé l’école franco-flamande, une école qui brillera pendant près de deux cents ans, et sera reconnu, notamment, pour son art polyphonique. Guillaume Dufay léguera, à la postérité, de nombreuses compositions liturgiques dont des messes et des motets (compositions à plusieurs voix et à capela, apparues dans le courant du XIIe siècle), mais également des compositions profanes, comme celle que nous vous proposons ici, et plus de quatre-vingt chansons qu’on peut lui attribuer avec certitude et qui on été toutes composées avant que ne débute sa carrière à la cour pontificale.

Manuscrit ancien : le codex Canonici 213

L’ouvrage dont est tirée la chanson et composition du jour est un manuscrit ancien, connu sous le nom  codex Canonici 213 et plus précisément : Manuscrit. Ms. Canonici misc. 213. Conservé à la bibliothèque Bodleian d’Oxford, il contient, essentiellement, des chants polyphoniques, religieux ou profanes provenant de la première partie du XVe siècle.

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On y retrouve les compositions de 55 auteurs, principalement  de l’école bourguignonne et de l’école franco-flamande, tels que Gilles guillaume_dufay_musique_medievale_chansons_poesie_gilles_binchois_ecole_flamande_moyen-age_tardifBinchois (Gilles de Binche), Guillaume Dufay, mais aussi Arnold de Lantins et Hugo de Lantins.

On doit au musicologue et au critique John Stainer (1840-1901), d’avoir fait connaître ce manuscrit, à la fin du XIXe siècle en présentant et éditant plus de 50 de ces pièces. Sauf erreur de notre part et pour l’instant au moins, le manuscrit original, ne semble pas être consultable en ligne.

Les interprètes du jour : quand le monde médiéval conquiert New-York

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Fondé en 2005, Pegasus Early Music est un groupe événementiel spécialisé qui organise des concerts et fédère des artistes et des passionnés autour d’un répertoire musical, allant du moyen-âge à la période romantique.

Avec des visées de distribution autant que de sensibilisation, la fondation produit, depuis près de douze ans, plus de 400 concerts par an. Elle organise également divers événements et concours pour faire connaître et appuyer de jeunes talents dans le domaine des musiques anciennes. Pour vous donner un aperçu de leur philosophie et de leur vocation, voici ce qu’ils en disent eux-mêmes:

« Pour les musiciens qui se produisent dans nos concerts, la musique ancienne est une forme d’art vivant, avec sa tradition dynamique d’improvisation et d’innovation; Son esprit de collaboration intense; Son incroyable capacité à communiquer des instincts et des émotions humaines sophistiqués; Et l’intimité directe de son style musique de chambre. Nous sommes passionnément convaincus que la musique ancienne peut être pleine de sens dans le contexte de la société contemporaine, et nous voulons partager cela avec notre public. »     –   Pegasus Early Music

chanson_musique_medievale_moyen-age_tardif_guillaume_dufay_jose_lemos_contretenorLa majorité des concerts ayant lieu dans la région de New-York, sauf à être français (ou francophones) expatriés, le meilleur moyen de découvrir leur travail reste leur chaîne youtube sur laquelle ils partagent sans compter, avec de très belles prises de son, là encore, ou même leur site web que vous pourrez trouver ici : Pegasus Early Music.

Il faut souligner ici la prestation du célèbre Jose Lemos (portrait ci-contre), contre-ténor brésilien formé au Conservatoire de Musique de Nouvelle-Angleterre et à ce jour, mondialement reconnu et primé pour ses prestations dans des registres aussi divers que l’opéra et les musiques anciennes.


Les paroles de la chanson médiévale
de Guillaume Dufay

La belle se sied au pied de la tour,
Qui pleure et soupire et mène grand dolour.
Son père lui demande: fille qu’avez-vous
Volez-vous mari ou volez-vous seignour?

Je ne veuille mari, je ne veuille seignour,
Je veuille le mien ami qui pourrit en la tour.
Par Dieu ma belle fille alors ne l’aurez-vous
Car il sera pendu demain au point du jour.

Père si on le pend enfouyés moi dessous,
Ainsi diront les gens ce sont loyales amours.


En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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Joyeux Noël à tous!

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Bonjour à tous,

U_lettrine_moyen_age_passionne bonne partie de vous a peut-être la chance d’être déjà en vacances et, si c’est le cas, nous vous souhaitons une belle période de détente et de repos. Nous en profitons aussi pour vous souhaiter, ainsi qu’à tout ceux qui nous suivent, un joyeux Noël et de joyeux moments pour ces fêtes.

Santé, joie et longue vie mes amis!

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Tant crie-l’on Noël qu’il vient, la poésie médiévale autour du thème de Noël

poesie_medievaleSujet : poésie médiévale, chanson noël, ballade, fabliau, nativité, Noël.
Période: Moyen-âge
Auteurs : Chrétien de Troyes, François Villon, Clément Marot

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionl’approche des fêtes, il est temps de publier quelques éléments sur noël sous l’angle de la poésie médiévale. Nous vous partageons donc ici, plusieurs extraits, et entre autre, la célèbre ballade des proverbes de François Villon puisqu’il en inclue un de circonstances sur Noël.

Cette allusion de Villon à Noël, même si elle scande sa ballade, ne peut pas tellement être considérée comme une poésie dédiée à la célébration de la nativité, mais il faut dire que si on chante Noël en latin dans les cantiques et les églises durant ce long moyen-âge, les poètes médiévaux qui nous sont connus, se sont, quant à eux, assez peu exercés sur le sujet, et s’ils l’ont fait, peu de leurs textes nous sont parvenus, à ce jour.

Perceval, le roman de Graal, Chrétien de Troyes Enluminure du XIIe siècle
Perceval, le roman de Graal, Chrétien de Troyes Enluminure du XIIe siècle

Les fêtes de Noël,
de Chrétien de Troyes à Clément Marot

noel_nativite_chanson_poesie_medieval_chretien_troyes_perceval_conte_de_graalDans Perceval, le roman de Graal, le célèbre Chrétien de Troyes mentionnera la célébration de la nativité, en simple forme d’allusion à un long repas, comme ceux que l’on fait alors autour des fêtes de Noël.

« Mes sire Gauvains coste a coste
Fist delez lui mangier son oste,
Et li mangiers ne fut pas corz,
Qu’il dura plus que uns des jorz
Antor Natevité ne dure »

Messires Gauvin à ses côtés,
Qui avait fait de lui son hôte,
Et le repas ne fut pas bref
Qui dura plus qu’un des jours
Autour de Nativité dure

Chrétien de Troyes, Perceval, le conte de Graal, (XIIIe siècle)

On trouvera encore, dans le Fabliau de Cocagne (Cocaigne) du XIIIe siècle, une courte mention du sujet. Le Fabliau traite pourtant d’un pays imaginaire où tout se trouve en abondance, et où tous les jours sont fériés et propices à la fête:

« Quatre semaines font un mois ,
Et quatre Pasques a en l’an
Et quatre festes Saint-Julian.
Quatre toz saints , quatre Noex ,
Et quatre festes chandeleurs. »

Fabliau de Cocagne, XIIIe siècle.

Bien plus tard, dans l’hiver du moyen-âge et au début de la renaissance, Clément Marot de Cahors écrira quelques textes sur le sujet, dont une chanson que voici :

noel_nativite_chanson_poesie_medieval_clement_marot« Une pastourelle gentile
Et un berger, en un verger,
Lautrehier en jouant à la bille
S’enlredisoient, pour abréger :
Roger
Berger,
Légère
Bergère,
C’est trop à la bille joué :
Chantons Noé, Noé, Noé.
Te souvient il plus du Prophète
Qui nous dit cas’ de si hault faicl,
Que d’une pucelle parfaicte
Naistroit un enfant tout parfaict ?
L’effect
Est faict :
La belle
Pucelle
A un filz du ciel advoué :
Chantons Noé, Noé, Noé. »
Clément Marot Chanson XXV, un jour de Noël.

Ballade des proverbes de François Villon

Pour l’instant, place donc à la Ballade des proverbes de François Villon, dont on a dit que le poète médiéval l’adressa en 1458, à son mécène d’élection, Charles D’Orléans, afin de se réconcilier avec lui. Si c’est le cas, cela ne suffira pas à lui ré-ouvrir les portes de la cour, ni à lui regagner les faveurs du Prince.

Si elle ne nous dit pas grand chose des fêtes de Noël, mais nous le disions plus haut, les poètes médiévaux semblent les avoir peu chantées, cette ballade reste un précieux héritage sur les proverbes du XVe siècle. Comme il s’agit d’une véritable compilation d’adages, plus ou moins remaniés par le verbe de Villon, il demeure difficile d’y retrouver un fil conducteur, autre que le plaisir que prend ici l’auteur à jouer avec les mots:

noel_nativite_chanson_poesie_medieval_francois_villon_ballade_proverbesTant gratte chèvre que mal gît,
Tant va le pot à l’eau qu’il brise,
Tant chauffe-on le fer qu’il rougit,
Tant le maille-on qu’il se débrise,
Tant vaut l’homme comme on le prise,
Tant s’élogne-il qu’il n’en souvient,
Tant mauvais est qu’on le déprise,
Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

Tant parle-on qu’on se contredit,
Tant vaut bon bruit que grâce acquise,
Tant promet-on qu’on s’en dédit,
Tant prie-on que chose est acquise,
Tant plus est chère et plus est quise,
Tant la quiert-on qu’on y parvient,
Tant plus commune et moins requise,
Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

Tant aime-on chien qu’on le nourrit,
Tant court chanson qu’elle est apprise,
Tant garde-on fruit qu’il se pourrit,
Tant bat-on place qu’elle est prise,
Tant tarde-on que faut l’entreprise,
Tant se hâte-on que mal advient,
Tant embrasse-on que chet la prise,
Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

Tant raille-on que plus on n’en rit,
Tant dépent-on qu’on n’a chemise,
Tant est-on franc que tout y frit,
Tant vaut « Tiens ! » que chose promise,
Tant aime-on Dieu qu’on fuit l’Eglise,
Tant donne-on qu’emprunter convient,
Tant tourne vent qu’il chet en bise,
Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

Prince, tant vit fol qu’il s’avise,
Tant va-il qu’après il revient,
Tant le mate-on qu’il se ravise,
Tant crie-l’on Noël qu’il vient.

François Villon, 1458

En vous souhaitant une belle journée à tous et de joyeuses  fêtes de fin d’année.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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