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Passion des livres et du monde médiéval : la librairie du Roy Lire à Provins

librairie_moyen-age_monde_medieval_provins_lieu_interet_passion_livreSujet : lieux d’intérêt, librairie, livres, romans, livres d’Histoire, monde médiéval, libraire médiévale, médiéval fantastique
Période : Moyen Âge
Lieu : La librairie du Roi Lyre, 9, Rue de Jouy,
Provins, Seine-et-Marne, Île-de-France
Téléphone01.64.00.52.71.

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passion l’heure des liseuses et des Hi-pads, les amoureux de lecture, ceux qui gardent toujours avec eux ou presque, un bouquin dans leur poche, ceux-là aiment souvent autant les mots que les objets qui les retiennent captifs dans leur petit univers clos, entre une première et une dernière de couverture, O livres et grimoires, gardiens muets des relations charnelles, secrètes ou dévorantes que nous entretenons avec les nourritures spirituelles, les histoires et le verbe, ceux qui ont gardé pour vous un amour indéfectible savent toute la magie que vous retenez en vos filets et ils connaissent aussi tout le plaisir qu’il y a à mettre un pied dans les temples qui vous sont dédiés et où l’on vous chérit.

L’amour des livres

Hors des bibliothèques, il y a, bien sûr, les grands palais généralistes où l’on vous trouve en quantité, un peu de tout, dans tous les genres et, par les inévitables lois du marché, surtout ce qui se vend le mieux. Les amateurs de livres peuvent parfois s’y perdre en d’heureuses errances, mais leurs couloirs demeurent souvent froids et dépourvus de cette âme qui fait le charme des espaces plus intimes. Je veux parler de ces endroits privilégiés où chaque coin d’étagère renferme, en des codes secrets, toute la passion et tout l’amour de celui qui se tient là, au milieu des ouvrages, placide et tranquille, mais souvent prompt, sur une simple question, à emporter le visiteur curieux vers les destinations les plus lointaines. Là encore, les amoureux des livres le passion_livre_monde_medieval_moyen-age_provins_librairiesavent bien,  il n’est rien, absolument rien de comparable, aux trésors d’échanges et aux richesses que l’on trouve dans une librairie à échelle humaine, quand elle s’est formée autour de l’intérêt et de la flamme réelle d’un être, qui, avant d’être un simple vendeur, était d’abord, lui aussi, un lecteur. Il faut de la passion pour faire un vrai libraire, sans doute à notre époque encore plus qu’à tout autre.

Dans ces lieux là, quelque soit le thème de prédilection, il règne une atmosphère particulière que le lecteur aguerri peut reconnaître et que chacun peut ressentir. Ici, le silence a des profondeurs pleines de mystères et de promesses. Ici, chaque menu détail semble être le fruit d’un agencement savant, et tout y est disposé patiemment, comme autant d’indices pour vous inviter à de nouvelles aventures. Et quand on en pousse la porte nous vient encore comme une jubilation mêlée d’humilité face à l’inconnu et face aux rayons chargés de tous ces livres ensommeillés, qui n’attendent que leur lecteur pour découvrir leurs multiples trésors. Ah toi !, mon insatiable soif de découvrir et de m’étonner encore, toi qui m’a poussé, là, au seuil de toutes les destinations, dans l’espoir d’infinis voyages, sur les ailes magiques de l’agencement des mots, permets, je t’en conjure, durant le temps anxieux de cette exploration que le tenant des lieux, l’authentique libraire, le passionné de livres, l’affamé comme moi de s’extasier toujours, me donne quelques clés et sache me guider sur les routes à prendre. Et comme dans le confort rassurant d’une maison amie, les ouvrages sourient déjà et m’invitent,  je sais qu’il le fera. 

La belle librairie du Roy Lire à Provins

Au cœur de Provins, il est un endroit qui, pour se trouver dans une cité médiévale de prédilection en relation à son sujet, se tient comme hors du temps et de l’espace, au rythme sûr et paisible du savoir et des livres. Dédiée tout entière au Moyen Âge, elle est ouverte depuis près de quinze ans déjà. Abritée sous ses magnifiques voûtes datant du XIIIe siècle, elle se tient en sous-sol dans la tranquillité et le mystère de ses pierres. Au Moyen Âge, l’endroit hébergeait un espace de vente pour une famille de marchands, du temps des grandes foires de Champagne. La cité était alors florissante et elle comptait parmi les plus grandes villes du Nord de la France, la deuxième après Paris en terme de superficie.

Plus de 5000 ouvrages autour du Moyen Âge

passion_livres_monde_medieval_moyen-age_provins_librairie_le-roy-lyreDu point du vue du fond, le monde médiéval reste donc de mise dans les sélections et on peut y trouver déjà près de 5000 ouvrages et références sur le sujet, nombre considérable qui devrait encore augmenter dans les temps à venir. Les ouvrages d’Histoire y tiennent une part importante mais on trouve aussi une grande variété de livres sur le Moyen Âge réaliste ou fantastique: : romans, policiers, BD, beaux ouvrages, artisanat, sciences et techniques et savoir-faire médiévaux mais encore des choses plus ésotériques. Une section consacrée consacrée à des ouvrages plus anciens ou même à des occasions devrait également bientôt voir le jour.

Une ouverture sur la ville et la Culture

C’est Max qui fait battre le cœur de la librairie de sa passion pour les livres et pour le monde médiéval. Il y a été longtemps employé, prenant le temps d’apprivoiser l’endroit, de faire sa connaissance, avant de le reprendre et de le faire totalement sien, il y a tout juste quelques mois. Homme de lettres, d’ouverture et d’esprit, il a repris à son compte la devise de Thomas d’Aquin : « il faut craindre l’homme d’un seul livre » et croyez qu’il en a lu bien plus d’un. Créatif, fourmillant d’idées de projets, il s’emploie déjà hardiment à faire découvrir l’endroit à un nombre croissant de curieux, d’amateurs ou de passionnés: l’ouvrir sur le monde, mais aussi mieux l’ancrer dans la cité et l’amener encore un peu plus loin que sa noble vocation touristique en relation au patrimoine de Provins, sur le terrain de l’éducation, la découverte ludique et la Culture.  A l’heure où le Moyen Âge est partout, gageons qu’il surpassera ce bel objectif servi par une passion véritable.

Amis, si vous passez du côté de Provins ou si vous comptez parmi les âmes de cette belle cité, bien après que cette dernière ait cessé, comme elle le fait chaque année, de vivre au rythme de ses grandes fêtes médiévales, vous y trouverez un endroit unique qui bat à l’unisson du Moyen Âge en toute saison. Avancez posément, poussez-en doucement la porte, les marches de pierres sont là. Tenez-vous prêts à entrer dans l’aventure.

Voir la page FB officielle de la librairie médiévale de Provins ici 

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Agenda : la 3eme édition du Salon Fous d’Histoire de Compiègne 2018

Sujet : spectacles historiques, salon, agenda médiéval, sortie historique, animations, compagnies médiévales, festival historique, histoire vivante.
Evénement : Fous d’Histoire 2018
Lieu : Espace Le Tigre, Margny-lès-Compiègne, Oise, Hauts-de-France.
Date : les 17 et 18 novembre 2018

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passione week-end, le salon Fous d’Histoire sera de retour à Margny-lès-Compiègne. Fondé il y a maintenant trois ans, l’événement a bien trouvé son public et semble s’installer dans la pérennité. Pour cette troisième édition, il continue de s’affirmer comme un grand rassemblement des compagnies spécialisées dans le spectacle, la reconstitution et/ou l’animation historiques. Comme à l’habitude, les visiteurs pourront ainsi retrouver, sur place, nombre de divertissements d’époque (Moyen-âge inclus), ainsi qu’un vaste marché d’exposants et d’artisans sur le thème de la passion pour l’histoire.

Spectacles, musiques et animations
pour tous et à tout heure

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De nombreux ateliers ou activités permanentes sont prévues, sur la journée du samedi et du dimanche : métiers d’antan, jeux anciens (vikings, monde médiéval, etc…), mais encore spectacles animaliers ou animaux de la ferme pour les plus petits.

En plus de tout cela, cinq espaces scéniques installés pour l’occasion permettront d’assister à près de 80 animations par jour : concerts de musiques anciennes, renaissantes ou médiévales, spectacles, contes, théâtre, combats et escrime ancienne, conférences de Youtubers, mais encore activités plus participatives et initiations variées. Pour le cas où tout cela ne suffirait pas, d’autres spectacles sous forme de déambulations, à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace d’Exposition ou même du côté des stands, seront encore proposés aux visiteurs : rajoutons-en une bonne cinquantaine par jour pour vous donner une idée du fourmillement d’activités prévues, à l’occasion de ce grand salon.

Du côté marché de l’Histoire, les chiffres se tiendront dans leur fourchette habituelle avec près de 215 exposants attendus, ce qui en fait un des grands marchés thématiques annuels sur lequel il faut compter, sur l’ensemble du territoire.

Voir le programme détailléLa page de l’événement sur Facebook

Notes sur le blocage routier du 17 novembre

Espérons que le blocage routier prévu ce samedi 17 novembre sur l’ensemble du territoire ne grève pas, outre mesure, le succès habituel de cet événement. Les organisateurs ont, en tout cas, pris les devants et donnent sur leur page Facebook quelques mesures utiles que nous vous invitons à consulter afin de vous organiser au mieux, si vous avez décidé de vous y rendre.

En vous souhaitant une excellente journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Légendes arthuriennes & quête du Graal : un petit chef-d’oeuvre de sculpture et de monétique

roman_arthurien_graal_monetique_art_sculpture_perceval_dandraneSujet : légendes arthuriennes, quête du Graal, monétique, art, sculpture, roman arthurien, Perceval, Dandrane, Perlesvaus, Livre du Graal
Période : Haut moyen-âge et modernité.
Auteur : Roman Booteen
Pays :
Russie, Octobre 2018.

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passione Moyen-Age ne s’est jamais autant invité dans notre monde moderne et c’est, cette fois, dans le domaine de l’Art et à travers la référence au roman arthurien qu’il pointe son visage de manière aussi inattendue que fabuleuse.

La découverte du Graal
par l’artiste russe Roman Booten

legendes_arthuriennes_monetique_quete_graal_art_moyen-ageVéritable orfèvre spécialisé dans le domaine de la micro-sculpture, l’artiste russe Roman Booteen a présenté sur son Instagram le 19 octobre dernier, une œuvre d’inspiration arthurienne. Basée sur un Dollar de 1921, cette pièce de monnaie, unique en son genre, met en scène rien moins que la découverte du Graal à l’aide d’un mécanisme caché d’une superbe ingéniosité.

Le tableau nous montre  Perceval et sa soeur Dandrane, Souvent éclipsée dans les légendes arthuriennes modernes, cette dernière a pris dans certains romans arthuriens médiévaux, une part active dans la quête du Graal. On la retrouve notamment dans le Perlesvaus ou Haut Livre du Graal du XIIIe siècle, ainsi que dans La Queste del  saint Graal  dite Quête du saint Graal, écrite autour de 1225-1230.

Symbole antithétique ou clin d’oeil de l’artiste ?

Dollar américain des débuts du XXe siècle d’un côté, légendes arthuriennes de l’autre, l’histoire ne dit pas si le talentueux ‘artiste russe a volontairement souhaité donner un sens symbolique à cette opposition entre pile et face, mais on ne pouvait trouver de meilleur exemple du contraste entre monde médiéval et modernité. De fait, contre l’aigle conquérant américain et son arme monétique, le roi Arthur ne fait pas vraiment figure d’impérialiste. S’il demeure un fédérateur, il reconstruit plutôt Logres sur les cendres d’un empire romain (et son aigle ) en recul et face à des velléités de conquêtes et d’invasions diverses qui le pressent aux frontières. Pour lier les deux côtés opposés de cette œuvre, il ne reste donc, à première vue, comme dénominateur commun que le Tout-Puissant (cf  le « In God we Trust ») et deux quêtes, bien différentes, faites en son nom..

Plus d’informations sur l’artiste et ses oeuvres

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Du point de vue de ses réalisations, Roman Booteen ne se cantonne pas au champ de la monétique et vous pourrez trouver sur sa page Instagram bien d’autres échantillons de son art original. Concernant ses sources d’inspiration, elles débordent largement le thème médiéval mais vous pourrez y retrouver quelques oeuvres superbes inspirées de cette période.

Pour la petite histoire, aux dernières nouvelles, l’artiste a connu quelques déboires au moment d’exporter l’oeuvre arthurienne dont il est question dans cet article. Il se l’est vue, en effet, retourner par les services postaux russes. La circulation de monnaies anciennes étant sujette à quelques réglementations locales, il est occupé actuellement à se mettre à jour avec elles pour s’assurer que cela ne surviendra plus. C’est tant mieux parce qu’au vue de son succès grandissant, les demandes ne cessent de lui affluer de tout côté du monde et il ne lui reste d’ailleurs, pour l’instant, devant lui, aucune oeuvre  qu’il n’ait déjà vendu.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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« Parti de mal e a bien aturné », chanson de croisade anonyme du XIIe siècle

Sujet : trouvères, poète anglo-normand,  chanson,  musique médiévale,  chant de Croisades, 3e croisade, vieux français
Période : moyen-âge central, XIIe siècle
Auteur : Anonyme
Titre :  « Parti de mal e a bien aturné»
Interprète : Early Music Consort of London
Album :
  Music of the Crusades (1971)

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn partance pour le moyen-âge central et plus précisément le XIIe siècle, nous vous parlons, aujourd’hui, d’une chanson médiévale assez rare et en tout cas peu connue du grand public. Demeurée anonyme, elle a été rédigée en vieux-français mais avec quelques tours linguistiques qui démontrent clairement que son compositeur était Anglo-normand.

Sources historiques & manuscrit ancien

Une chanson en exemplaire unique.

Du point de vue thématique, c’est un chant de croisade. Il ne nous en est parvenu qu’un seul exemplaire, recopié, avec sa partition, sur le chanson_medievale_croisade_manuscrit_ancien_MS_1717_harley_moyen-Age_vieux_francaisdernier feuillet d’un manuscrit du XIIIe siècle : Chronique des ducs de Normandie de Benoît de Sainte-Maure.

Connu sous le nom de MS Harley 1717, ce manuscrit ancien est conservé au British Museum et la British Library a eu l’excellente idée de mettre quelques uns de ses feuillets en ligne dont celui qui nous intéresse aujourd’hui ( photo ci-contre. voir également le site de la British Library ici )

Origine, période et autres hypothèses

Dans son ouvrage les chansons de  croisade par Joseph Bédier avec leurs mélodies par Pierre Aubry  (1909), le romaniste et spécialiste de littérature médiévale Joseph Bédier nous apprend que cette chanson ancienne porte sans doute sur la 3e croisade. Il formera encore, non sans quelque précaution, l’hypothèse que les seigneurs auquel le trouvère fait référence, à la fin de cette chanson, et dont il espère que Dieu leur accordera ses grâces, pourraient être Richard Coeur de Lion, ses frères et son père Henri II d’Angleterre. Il s’agirait alors d’une allusion aux querelles incessantes de ces derniers.

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Concernant l’auteur de cette poésie, en 1834, dans son Essai sur les bardes, les jongleurs et les trouvères normands et anglo-normands (T2), l’Abbé de la Rue émettait, de son côté, l’hypothèse qu’il pouvait s’agir de Benoit de Saint-Maure, l’auteur même de la Chronique des Ducs de Normandie ; cette hypothèse ne semble pas avoir connu un grand succès à date.

Ajoutons que du point de vue de l’inspiration, cette composition est calquée sur le modèle d’une chanson attribuée à Gace Brûlé : Quant fine Amours me proie que je chant (voir article suivant sur le site de l’Université de Warwick pour la référence).

« Parti de mal e a bien aturné », par Le Early Music Consort de Londres

Au début des 70’s, le  Early Music Consort
of London et les musiques de croisade

C’est donc à l’Ensemble anglais Early Music Consort of London que nous devons ce chant de Croisades servi par l’interprétation vocale du célèbre contre-ténor James Bowman.

musique_danse_medievale_croisades_estampie_Early_Music_Consort_London_David_Munrow_moyen-age_centralNous avions déjà touché un mot ici de cette excellente formation et de son fondateur David Munrow, ainsi que de cet album de 1971, riche de 19 pièces sur ce même thème, aussi nous vous invitons à vous y reporter (voir article ici).

Pour acquérir cet album ou pour plus d’informations le concernant, vous pouvez  cliquer sur la pochette ci-contre.


« Parti de mal e a bien aturné », la chanson
et sa traduction en français moderne

Concernant notre traduction du vieux français teinté d’Anglo-Normand du poète médiéval vers le Français moderne, elle procède à la fois de recoupements (voir notes en bas de page) mais aussi de recherches et de choix personnels. Pour ce qui est des tournures, nous les avons, autant que faire se peut, tenues proches de la langue originelle pour leur conserver une note d’archaïsme. Les comptages de pieds n’étant pas toujours respectés il ne s’agit pas d’une adaptation.

Parti de mal e a bien aturné
Voil ma chançun a la gent fere oïr,
K’a sun besuing nus ad Deus apelé
Si ne li deit nul prosdome faillir,
Kar en la cruiz deignat pur nus murir.
Mult li doit bien estre gueredoné
Kar par sa mort sumes tuz rachaté.

Séparé du mal et tourné vers le bien
Veux ma chanson à tous faire oïr
Puisqu’à son aide, Dieu nous a appelé
Certainement, Nul prud’homme ne lui doit faillir,
Puisqu’en la croix il a daigné pour nous mourir
Fort doit-il en être récompensé
Car par sa mort, nous sommes
tous rachetés.

II

Cunte, ne duc, ne li roi coruné
Ne se pöent de la mort destolir,
Kar quant il unt grant tresor amassé
Plus lur covient a grant dolur guerpir.
Mielz lur venist en bon jus departir,
Kar quant il sunt en la terre buté
Ne lur valt puis ne chastel ne cité.

Comtes, ni ducs, ni les rois couronnés
Ne se peuvent à la mort soustraire
Car quand ils ont grand trésor amassé
Mieux leur convient à grand douleur s’en défaire
Mieux leur vaudrait s’en séparer justement (1)
Car quand ils sont en la terre boutés,
A plus rien ne leur sert, ni château, ni cité.

III

Allas, chettif! Tant nus sumes pené
Pur les deliz de nos cors acumplir,
Ki mult sunt tost failli e trespassé
Kar adés voi le plus joefne enviellir!
Pur ço fet bon paraïs deservir
Kar la sunt tuit li gueredon dublé.
Mult en fet mal estre desherité!

Hélas, Malheureux !, nous nous sommes donnés tant de peine
Pour satisfaire les plaisirs de nos corps,
Qui faillissent si vite et qui si tôt trépassent (2)
Que déjà, je vois le plus jeune vieillir !

Pour cela, il est bon de mériter le paradis
Car les mérites (bonnes actions, services) y sont doublement rétribués.
Et c’est un grand malheur d’en être déshérité.

IV

Mult ad le quoer de bien enluminé
Ki la cruiz prent pur aler Deu servir,
K’al jugement ki tant iert reduté
U Deus vendrat les bons des mals partir
Dunt tut le mund ‹deit› trembler e fremir –
Mult iert huni, kei serat rebuté
K’il ne verad Deu en sa maësté.

Il a vraiment le cœur illuminé par le bien
Celui qui la croix prend pour aller Dieu servir,
Car au jour du jugement qui tant sera redouté
Où Dieu viendra les bons, des méchants séparer
Et dont le monde entier doit trembler et frémir,
Il connaîtra grand honte, qui sera repoussé,
Car il ne verra Dieu dans sa majesté.

V

Si m’aït Deus, trop avons demuré
D’aler a Deu pur sa terre seisir
Dunt li Turc l’unt eisseillié e geté
Pur noz pechiez ke trop devons haïr.
La doit chascun aveir tut sun desir,
Kar ki pur Lui lerad sa richeté
Pur voir avrad paraïs conquesté.

Dieu vienne à mon secours, nous avons trop tardé
D’aller jusqu’à Dieu pour sa terre saisir
Dont les Turcs l’ont exilé et chassé
A cause de nos pêchés qu’il nous faut tant haïr.
En cela, doit chacun mettre tout son désir
Car celui qui pour lui (Dieu) laissera ses richesses
Aura, pure vérité, conquis le paradis.

VI
Mult iert celui en cest siecle honuré
ki Deus donrat ke il puisse revenir.
Ki bien avrad en sun païs amé
Par tut l’en deit menbrer e suvenir.
E Deus me doinst de la meillur joïr,
Que jo la truisse en vie e en santé
Quant Deus avrad sun afaire achevé !

E il otroit a sa merci venir
Mes bons seignurs, que jo tant ai amé
k’a bien petit n’en oi Deu oblié!

Il sera grandement, en ce monde, honoré
Celui à qui Dieu donnera de revenir.
Qui aura bien servi et son pays aimé
Partout, on devra le garder en mémoire et souvenir
Et Dieu me donne de la meilleure (des dames) jouir (disposer),
Que je la trouve aussi en vie et en santé,
Quand Dieu aura ses affaires achevées.

Et qu’il octroit de venir en sa merci (en ses grâces)
A mes bons seigneurs que j’ai tant aimé
Que pour un peu, j’en ai Dieu oublié.


(1) Sur ce vers J Bédier hésite et le laisse ainsi : « Mieux leur vaudrait… »  Mais dans une traduction anglaise de Anna Radaelli, 2014 (voir lien sur le site de l’Université de Warwick), on trouve : « It would be better for them to divide it up by good agreement » : Il serait meilleur pour eux de le diviser de manière accorde. soit de partager leur richesse équitablement avant que de partir en croisade.

(2) Ici nous suivons l’idée de Bédier. Ce sont les corps qui trépassent. A noter toutefois que la traduction anglaise (op. cit.) opte pour la présence d’un autre sujet sous-entendu dans ce « mult » et qui se rapporterait à certains disparus, en particulier: « many [of us] have prematurely faded and passed away, » : Nombre d’entre-nous ont failli prématurément et trépassé.  De fait, on trouvera, chez la même traductrice, l’hypothèse que le poète pourrait faire ici allusion aux deux fils d’Henri II d’Angleterre décédés prématurément, et le vers suivant pourrait alors s’adresser au plus jeune des fils de ce dernier encore vivant.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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