Sujet : chanson médiévale, poésie, amour courtois, roi troubadour, roi poète. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle. Auteur : Thibaut de Champagne (1201-1253)
Thibaud (Thibault) le Chansonnier. Titre : Contre le tens qui devise, Chancon d’amour Interprètes : René Zosso & le Clémentic Consort Album : Guillaume Machaut – La Messe De Nostre Dame (2001)
Bonjour à tous,
ous suivons aujourd’hui le fil des digressions poétiques du roi, comte et guerrier du XIIIe siècle que fut Thibaut de Champagne, pour vous présenter une autre de ses chansons. Le thème y est courtois et, telle la Grive Mauvis au retour des beaux jours, le roi-poète de Navarre entreprend ici de se mettre à chanter l’Amour.
Bien sûr, le registre des troubadours médiévaux nous y a quelque peu habitué, le chant de l’amant n’est pas exempt d’une certaine souffrance et de frustration puisqu’il s’y trouve encore prisonnier de ce désir et de ce sentiment amoureux dont il ne peut se défaire et qui ne semble pas trouver sa réciproque.
Le Clemencic Consort, du médiéval au baroque, en recherche d’authenticité
Formé en Autriche dans le courant de l’année 69, par le compositeur, instrumentiste et chef d’orchestre René Clemencic, le Clemencic Consort s’est orienté sur un répertoire allant de la musique médiévale jusqu’à l’époque baroque. Formation de taille variable, en fonction des pièces et oeuvres présentées, au fil des concerts ou des productions, l’ensemble a été souvent rejoint par des chanteurs ou artistes, venu du monde entier.
Dans tous les cas, le parti pris de son créateur et directeur est resté l’exécution des pièces sur instruments d’époque et la recherche au plus près de l’authenticité des époques visitées. Pour le reste, en plus d’un demi-siècle, la formation a produit plus de cents albums et est à l’initiative de plus de cents programmes à Vienne, mais aussi dans l’Europe entière : concerts, spectacles complets, mystères médiévaux, opéras, etc. Le travail artistique et musical du Clemencic Consorta été également primé à de nombreuses reprises.
L’album : Guillaume de Machaut,
la messe de nostre Dame
La version de la chanson de Thibaut de Champagne que nous vous proposons ici est interprétée par le grand artiste, vielliste et chanteur René Zosso qui a rejoint le Clemencic Consort, à l’occasion de cinq productions par le passé. Elle est tirée de l’album La Messe De Nostre Dame, sorti en 2001.
Bien qu’ayant pour titre Guillaume de Machaut, la Messe de Nostre Dame, cette productionne se limite pas à cette seule oeuvre du célèbre maître de musique médiévale, représentant de l’Ars Nova. On y trouve encore, en effet, de nombreuses pièces empruntées à d’autres artistes médiévaux (certaines anonymes), sur une période qui s’étale du XIe au XIVe siècle. Deux chansons y sont extraites du legs de Thibaut de Champagne.
L’album est en quelque sorte « divisé » en trois temps; le premier se situe hors de l’église avec des ménestrels qui y chantent et des mendiants qui s’y tiennent : la chanson du jour du roi de Navarre ouvre cette partie là. Le deuxième temps est celui de l’entrée dans l’église et le troisième, le plus long et le plus important, est celui de la messe à proprement parler.
Contre le tens (temps) qui devise
La chanson de Thibaut de Champagne
Contre le tens qui devise (sépare) Yver et pluie d’esté, Et la mauvis (grive) se debrise Qui de lonc tens n’a chanté, Ferai chançon, car a gré Me vient que j’ai enpensé. Amors, qui en moi s’est mise, Bien m’a droit son dart geté.
Douce dame, de franchise N’ai je point en vous trouvé, S’ele ne s’i est puis mise Que je ne vous esgardé. Trop avez vers moi fierté, Mès ce fet vostre biauté, Ou il n’a point de devise; Tant en i a grant plenté.
En moi n’a pas abstinence Que je puisse ailleurs penser Fors qu’a li, ou conoissance Ne merci ne puis trouver. Bien fui fez pour li amer, Car ne m’en puis saouler, Et qant plus avrai cheance, Plus la me couvient douter.
D’une riens sui en dotance Que je ne puis plus celer: (m’en cacher) Qu’en li n’ait un pou d’enfance. Ce me fet desconforter Que, s’a moi a bon penser, Ne l’ose ele demoustrer. Si feïst qu’a sa senblance Le peüsse deviner!
Dès que je li fis prïere Et la pris a esgarder, Me fist Amors la lumiere Des euz par le cuer passer. Cist conduiz me fet grever, (me pèse) Dont je ne me sai garder, N’il ne puet torner arriere; Li cuers melz voudroit crever (éclater).
Dame, a vos m’estuet clamer Et que merci vos reqiere. Deus m’i dont merci trouver!
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
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Sujet : musique, danse, chanson et poésie médiévale, troubadours Titre : Kalenda maïa, Kalenda maya (Calenda) Auteur : Raimbaut de Vaqueiras, Période : moyen-âge central, XII, XIIIe Interprètes : Clemencic Consort , René Zosso , Album : Troubadours, Harmonia Mundi
Bonjour à tous,
n peu de danse, musique et poésie à la fois, aujourd’hui, avec la chanson célèbre Kalenda Maia. C’est de circonstance puisque nous sommes arrivés aux calendes de mai dont le chant nous parle, soit les premiers jours de ce mois ; contrairement à ce qu’on pourrait quelquefois le crois, rien à voir avec le calendrier maya.
« Ni les calendes de Mai Ni les feuilles de hêtres, Ni les chants d’oiseaux, ou les glaïeuls fleuries Ne sont de mon goût, O noble et joyeuse dame, Jusqu’à ce qu’un messager de la flotte envoyé par votre belle personne vienne me conter de nouveaux plaisirs d’amour et de joie que vous m’apportez » Raimbaut de Vaqueiras, Calendes de mai.
L’estampie : danse médiévale
des XIIe au XIVe siècles
On dit de cette chanson qu’elle a été chantée et même improvisée par le troubadour Raimbaut de Vaqueiras (1150 – 1207) sur la musique d’une estampie qui existait déjà. L’estampie est une danse du moyen-âge qui a été assez populaire du XIIIe siècle jusqu’au XIVe siècle. On la suppose née en France d’où elle s’est répandue jusqu’en Angleterre où elle a connu une grande popularité. Concernant le morceau que nous partageons aujourd’hui, c’est, à ce jour, une des plus ancienne estampie connue qui nous soit parvenue (cf universalis). On notera que cette chanson a été également interprété par le troubadour italien Angelo Branduardi sur son album » « Futuro Antico ». Rien d’étonnant quand on sait qu’en son temps Raimbaut de Vaqueiras fut au moins aussi populaire en Italie qu’en Provence sinon plus.
L’album « Troubadours » du Clemencic Consort
avec René Zosso
Pour la version que nous partageons aujourd’hui, elle est interprétée par le Clemencic Consort, accompagné de René Zosso. Au moment de la publication initiale, nous ne l’avions pas identifiée, aussi merci au visiteur qui a su rappeler à notre attention ce manque dans cet article ! C’était un des rares pour lequel nous n’avions pas l’interprète et l’occasion ne nous avait pas été donnée d’y revenir depuis sa parution. C’est chose faite, grâce à lui aussi merci encore.
On peut retrouver cette chanson, aux côtés d’autres pièces en langue occitane, dans l’album Troubadours de l’excellent Ensemble médiéval de René Clémencic : Raimbaut de Vaqueiras y côtoie Bernart de Ventadorn, Peirol, Peire Vidal, et encore une composition demeurée anonyme du XIIe siècle. Enregistré en 1977, l’album a fait, depuis, l’objet de diverses rééditions. A ce jour, il est encore disponible à la vente en ligne au format vinyle mais aussi au format dématérialisé : lien utile pour plus d’information ici.
Précisons qu’on peut trouver de nombreuses interprétations de Kalenda Maya, mais nous cherchions quelque chose de plus épuré qui puisse un peu nous rapprocher du contexte de sa création originale. Cette version qui reflète du reste bien l’esprit et le travail habituel de ce très bel ensemble médiéval sort clairement du lot.
Raimbaut de Vaqueiras :
guerrier, chevalier et troubadour
Fils d’un chevalier de Provence de petite noblesse et désargenté, les talents de jongleur et troubadour que Raimbaut de Vaqueiras (Vaucluse) développa assez vite le firent admettre à la cour de Guillaume des Baux, prince d’Orange, où il put développer son art du chant et de la poésie tout en apprenant le maniement des armes. Il passa, par la suite, à la cour de Boniface de Montferrat où il demeura, semble-t-il, la plus grande partie de sa vie. Il resta attaché au service de ce dernier dont il fut le vassal et qui le fit aussi chevalier, Entre autres campagnes et batailles, il accompagna notamment le Marquis de Montferrat, à l’occasion de la quatrième croisade.
Raimbaut de Vaqueiras a laissé une œuvre qui se compose de trente trois poésies lyriques mais également d’une « lettre épique » adressée à Boniface et dans laquelle il conte, en plus de deux cent pieds de vers, sa vie de Chevalier et de troubadour. Ce document reste, à ce jour, un des seuls témoignages autobiographiques, écrit de la main d’un troubadour, connu historiquement (cf The Poems of the Troubadour Raimbaut de Vaqueiras by Joseph Linskill, Charles Roth, Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance).
Fait qui mérite encore d’être souligné, on lui doit encore une poésie de cinq strophes dont chacune d’entre elle est écrite dans une langue différente : occitan, français, italien, gascon, galeïco-portugais et on dit encore de lui qu’il est un des troubadours qui aura le plus fait pour acclimater son art et la langue provençale dans la péninsule italienne! (ci-dessus Raimbaut de Vaqueiras, enluminures, BnF, Manuscrit 854, Recueil de poésies, en provençal, de troubadours, XIIIe siècle )
Outre le destin exceptionnel de cet homme, issu de famille pauvre et de petite noblesse, finalement adoubé et fait chevalier, Raimbaut de Vaqueiras fut aussi un des premiers troubadours à se rendre populaire dans les cours d’Italie du nord. On lui prête des talents qui vont de la poésie et l’art du troubadour jusqu’aux arts guerriers et on se trouve bien en peine de choisir celui qui le distingue le plus tant il montre des qualités dans les deux domaines. De sa mort, on sait peu de chose et on suppose qu’il est peut-être mort au combat, aux côtés de son suzerain lors d’une bataille qui opposait ce dernier aux bulgares pour défendre son royaume de Romanie.
Les paroles et l’histoire de la Chanson:
Un chant d’amour courtois.
Comme tous les troubadours, Rambaut de Vaqueiras était un provençal. Sa langue est donc, comme celle des troubadours, l’occitan. Nous n’avons pas cette langue dans notre besace et les langues latines que nous possédons sont de peu d’aide pour approcher la traduction de l’occitan. Concernant Kalenda Maya, nous en avons trouvé, pour l’instant une traduction anglaise et une autre italienne. A ce jour, il semble bien en effet que la bible des textes de Raimbaut de Vaqueiras et leur traduction soit anglaise : « The Poems of the Troubadour Raimbaut de Vaqueiras. By Joseph Linskill ». Pour le coup, une telle traduction reste un peu du billard indirect et ne saurait atteindre des sommets en terme d’excellence linguistique, mais cela aura le mérite de nous donner une idée du texte original à défaut de prétendre lui être totalement fidèle. Il faudra toutefois un peu de temps pour arriver au résultat et je la posterais plus tard dans le temps..
En deux mots quand même, et pour ne pas vous laisser trop sur votre faim, l’histoire est un chant d’amour courtois. Le troubadour y déclare donc sa flamme douloureuse à la belle dame qu’il convoite et qu’il n’a pas encore « pécho », conquise pardon! Le voilà donc tout à ses tourments dans l’attente d’un messager aux premiers jours de mai, et même les chants d’un oiseau, les glaïeuls en fleur ou les belles feuilles de hêtres ne peuvent le soustraire à son supplice. Tremblant qu’on ne lui prenne la belle Béatrice avant même qu’elle ne soit à lui mais confiant en ses grandes vertus, il lui déclare son amour transis tout au long du chant. Pour l’anecdote, on ne sait pas vraiment qui était cette dame Béatrice mais plusieurs poèmes de Raimbaut de Vaqueiras y font référence après qu’il ait rejoint la cour de Montferrat.
Les paroles originales de Calenda Maïa, (Kalenda Maïa) en occitan
Kalenda maia Ni fueills de faia Ni chans d’auzell ni flors de glaia Non es qe.m plaia, Pros dona gaia, Tro q’un isnell messagier aia Del vostre bell cors, qi.m retraia Plazer novell q’amors m’atraia E jaia, E.m traia Vas vos, donna veraia, E chaia De plaia .l gelos, anz qe.m n’estraia.
Ma bell’ amia, Per Dieu non sia Qe ja.l gelos de mon dan ria, Qe car vendria Sa gelozia, Si aitals dos amantz partia; Q’ieu ja joios mais non seria, Ni jois ses vos pro no.m tenria; Tal via Faria Q’oms ja mais no.m veiria; Cell dia Morria, Donna pros, q’ie.us perdria.
Con er perduda Ni m’er renduda Donna, s’enanz non l’ai aguda Qe drutz ni druda Non es per cuda; Mas qant amantz en drut si muda, L’onors es granz qe.l n’es creguda, E.l bels semblanz fai far tal bruda; Qe nuda Tenguda No.us ai, ni d’als vencuda; Volguda, Cresuda Vos ai, ses autr’ajuda.
Tart m’esjauzira, Pos ja.m partira, Bells Cavalhiers, de vos ab ira, Q’ailhors no.s vira Mos cors, ni.m tira Mos deziriers, q’als non dezira; Q’a lauzengiers sai q’abellira, Donna, q’estiers non lur garira: Tals vira, Sentira Mos danz, qi.lls vos grazira, Qe.us mira, Cossira Cuidanz, don cors sospira.
Tant gent comensa, Part totas gensa, Na Beatritz, e pren creissensa Vostra valensa; Per ma credensa, De pretz garnitz vostra tenensa E de bels ditz, senes failhensa; De faitz grazitz tenetz semensa; Siensa, Sufrensa Avetz e coneissensa; Valensa Ses tensa Vistetz ab benvolensa.
Donna grazida, Qecs lauz’ e crida Vostra valor q’es abellida, E qi.us oblida, Pauc li val vida, Per q’ie.us azor, donn’ eissernida; Qar per gencor vos ai chauzida E per meilhor, de prez complida, Blandida, Servida Genses q’Erecs Enida. Bastida, Finida, N’Engles, ai l’estampida.
Voilà, pour la traduction complète en français, ce sera pour un peu plus tard. 🙂
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
Le chant de croisade de Thibaut de Champagne, version lyrique
Sujet : chant, chanson et musique médiévale, troubadour, trouvère, croisade des barons, sixième croisade Titre : « Chant de croisade » Période : moyen-âge central, XIIIe siècle. Auteur-Compositeur : Thibaut de Champagne, Thibaut le chansonnier, Thibaut IV, roi de Navarre dit encore « Thibaut le posthume ». Interprète : Richard Levitt, chanteur lyrique
Nous voilà donc reparti sur les routes avec Thibaut IV de Champagne ou Thibaut 1er de Navarre, qui a pris la « croé » en 1239 pour partir pour la sixième croisade, appelée aussi la « croisade des barons », Nous en avions parlé plus longuement dans notre article précédent. Si vous souhaitez le consulter, il est ici : le chant de croisade de Thibaut de Champagne, roi troubadour du XIIIe siècle
Vous noterez que cette version est carrément plus aigu et plus « sophistiqué » aussi d’une certaine manière, que la version plus guerrière et plus « terroir » du très talentueux René Zosso. C’est plaisant aussi. je vous laisse vous faire votre idée!
En vous souhaitant une très belle journée.
Fréderic EFFE.
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Sujet : musique, poésie, chanson médiévale, troubadour, trouvère, vieux français, Titre : « chant de Croisade » Compositeur : Thibaut IV de Champagne (1201-1253), roi de Navarre, Thibaut le chansonnier, Thibaut le posthume Période : Moyen Âge central, XIIIe Interprète : René Zosso, trouvère, vielliste, et le Clemencic Consort
illeul de Philippe Auguste, fils posthume de Thibaut III et de Blanche de Navarre, Thibaut IV (1201-1253), roi de Navarre et Comte de Champagne, appelé encore Thibaut le chansonnier, se présente à la fois comme un preux chevalier et un gentilhomme poète. Amateur d’écriture, on le surnomme également Thibaut le troubadour et il a laissé plus de soixante pièces de poésies et chansons. On dit de lui qu’il perpétua à la cour du roi de France où il fut élevé sous la protection de son parrain Philippe Auguste, l’art de la poésie et des chansons de trouvères (en langue d’oïl) et on le reconnaîtra même comme un des plus célèbres troubadours en son temps. Un siècle plus tard, Dante confirmera cette réputation en saluant la qualité de l’oeuvre poétique de Thibaut de Champagne et en le décrivant comme un précurseur de son temps.
Du point de vue du contenu, la plupart des chansons et poésies de ce roi troubadour se dédie à l’amour courtois, ce qui n’est pas surprenant puisque nous sommes au début du XIIIe siècle. Dans cet exercice auquel s’adonne nombre de ses contemporains d’alors, on lui prête toutefois une distance mêlée de désinvolture et une certaine liberté dans le style et le ton dont l’humour n’est pas exempt.
Le Chant de croisade et histoire de la sixième croisade
Nous partageons ici une des pièces les plus célèbres de ce chevalier gentilhomme étant parvenu jusqu’à nous, notamment grâce au troubadour moderne et vielliste suisse, passionné de musique médiévale, René Zosso (photo ci-contre). Accompagné ici du Clemencic Consort, il fait revivre et vibrer pour nous de manière unique ce chant de croisade médiéval.
Du point de vue datation, on fait remonter cette chanson aux années 1238/1239 et elle aurait été écrite par Thibaut de Navarre, un peu avant son départ pour la sixième croisade, dite la croisade des Barons, à l’appel du pape Grégoire IX. Militairement, cette expédition se soldera par une déroute mais par le jeu diplomatique et tirant partie des querelles entre musulmans d’alors, elle permettra aux chrétiens de reprendre Jérusalem, Bethléem et Ashkelon, et de revenir ainsi à la situation de 1187, ce qui ne durera pas puisque tout sera perdu, à nouveau, dès 1244.
De son côté, Thibaut de Champagne reviendra de cette sixième croisade en 1240. Il en ramènera la Rose de Damas qu’il fera abondamment planter dans les jardins de son palais et qui deviendra par la suite la rose de Provins (photo ci-contre). On conte aussi qu’il rapporta un morceau de la Sainte croix dont il fit don à l’église Saint-Laurent-des-Ponts de Provins. Il y a quelque temps encore, on prêtait également à Thibaut le troubadour d’avoir ramené de ses croisades le cep de Chardonnay sans lequel le Champagne et des nombreux blancs délicieux n’existeraient pas , mais la science étant passée par là depuis, la légende a été démystifiée; au final, il semble bien que le chardonnay soit plutôt issu d’un mélange entre le Pinot noir et le Gouais et que Thibaut de Champagne n’ait pas grand chose à voir dans toute cette histoire. Qu’importe, il nous laisse, à tout le moins, de bien belles chansons et poésies pour témoigner du monde médiéval et l’évoquer!
« Seignor, sachiés qui or ne s’en ira »
La version originale en langue d’oïl
Seignor, sachiés : qui or ne s’en ira en cele terre ou Dex fu mors et vis, et qui la crois d’Outremer ne penra, a paines mais ira en Paradis. Qui a en soi pitié ne ramembrance au haut Seignor doit querre sa venjance et delivrer sa terre et son païs.
Tuit li mauvés demorront par deça qui n’aiment Dieu, bien, ne honor, ne pris. Et chascuns dit » Ma feme, que fera ? Je ne lairoie a nul fuer mes amis ». Cil sont cheoit en trop fole atendance, qu’il n’est amis fors de cil, sans doutance, qui por nos fu en la vraie crois mis.
Or s’en iront cil vaillant bacheler qui aiment Dieu et l’ennor de cest mont, qui sagement vuelent a Dieu aler, et li morveux, li cendreux, demorront; avugle sont, de ce ne dout je mie, qui j secors ne fait Dieu en sa vie, et por si pou pert la gloire dou mont.
Diex se lessa en crois por nos pener et nos dira au jor que tuit vendront : « Vos qui ma crois m’aidastes a porter, vos en irez la ou mi angles sont; la me verrez et ma mere Marie. Et vos, par cui je n’oi onques aie, descendrés tuit en Enfer le parfont. »
Chacuns cuide demorer toz haitiez et que ja mes ne doie mal avoir; ainsi les tient anemis et pechiez que il n’ont sen, hardement ne pooir. Biax sire Diex, ostés leur tel pensee et nos metez en la vostre contree si saintement que vos puissons veoir.
Douce dame, roïne coronee, proiez por nos, Virge bien aüree ! Et puis aprés ne nos puet meschoir.
Les paroles traduites du chant de croisade
de Thibaut de Champagne
Seigneurs, sachez : qui or ne s’en ira En cette terre où Dieu fut mort et vif, Et qui la croix d’outre-mer ne prendra, A dure peine ira en paradis; Qui n’a en soi pitié ni souvenance, Au haut Seigneur doit chercher sa vengeance, Et délivrer sa terre et son pays.
Tous les mauvais resteront à l’arrière Qui, n’aimant Dieu, ne l’honorent, ni ne le prient. Et chacun dit : « Ma femme que fera ? La laisserai à nul, fut-il ami », Serait tomber en bien trop folle errance; Il n’est d’amis hors celui, sans doutance, Qui pour nous fut en la vraie croix mis.
Or, s’en iront ces vaillants écuyers Qui aiment Dieu et l’honneur de ce mont, Qui sagement veulent à Dieu aller; Et les morveux, les cendreux resteront. Aveugle soit – de ce, ne doute mie – Qui n’aide Dieu une fois en sa vie, Et pour si peu perd la gloire du monde.
Douce dame, reine couronnée, Priez pour nous, Vierge bienheureuse ! Et après nul mal ne nous peut échoir.
Une très belle journée à tous et merci à nouveau pour votre présence. Longue vie!
Votre dévoué.
Frédéric EFFE
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