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Saadi : Injustice et Fardeau véritable du tyran

Sujet   : sagesse persane,  conte moral, tyrannie, violence politique, injustice, citations médiévales, citations.
Période  : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur :  Mocharrafoddin Saadi  (1210-1291)
Ouvrage  :  Gulistan ou Le Parterre de Roses par Saadi, traduit de persan par Charles Defrémery, Librairie Firmin Diderot Frères, Paris (1858)

Bonjour à tous,

u fil de nos pérégrinations à la découverte de la littérature médiévale, nous nous sommes éloignés plus d’une fois de la France et même de l’Europe du Moyen Âge, pour débusquer d’autres perles de sagesse ou de poésie produites par d’autres cultures ou univers de croyances de cette période. Aujourd’hui, nos pas nous entraînent, à nouveau, du côté du Proche-Orient médiéval, aux côtés du célèbre auteur et conteur Mocharrafoddin Saadi et de son Gulistan ou Jardin de roses.

La réelle punition de l'homme injuste, une citation médiévale illustrée de Saadi

Les Leçons d’un poète voyageur
dans la Perse du Moyen-Âge central

Dans la perse du XIIIe siècle, Saadi est tout à la fois poète, conteur, voyageur mais aussi conseiller à la cour des émirs et des puissants. L’homme nous a légué une œuvre abondante entre traités et poésies en langue perse et en langue arabe. Ses plus célèbres ouvrages Le Boustan (Boustân, le Verger) et Le Gulistan (Golestân, le Jardin des Roses) ont traversé les âges et sont encore étudiés de nos jours, pour leur profondeur morale.

Les écrits et les leçons de sagesse de Saadi ont également donné naissance à de nombreuses locutions proverbiales et une partie de son œuvre est ainsi entrée dans la sagesse populaire des mondes perse et arabe du Moyen-Âge et des siècles suivants.

La beauté de la langue de Saadi a été louée de son vivant et, bien après sa mort, par de nombreux poètes du Proche-Orient et au delà. Elle n’a guère pu survivre entièrement à ses traductions en langue française mais on peut tout de même l’effleurer par endroits. A défaut de restituer toute son intensité poétique et stylistique, le fond moral et les valeurs mises en avant par le conteur du XIIIe siècle y ont plutôt bien résisté. On peut donc encore, aujourd’hui, se plonger dans ses œuvres et trouver de quoi s’y nourrir.

Des contes moraux, sociaux et politiques

Gravure de Saadi dans un manuscrit de ses oeuvres complètes du XIXe siècle (Collections du Louvre - MAO 2314)
Saadi dans le manuscrit MAO 2314 des collections du Louvre

De sa longue expérience et de ses aventures, Saadi extrait des petits contes et des vers dont ses contemporains sont friands. A-t-il voyagé aussi loin et aussi longtemps que sa poésie le laisse entendre ? On ne peut guère l’attester et sa biographie laisse quelques flottements sur son itinéraire véritable. Quoi qu’il en soit, le champ thématique qu’il aborde reste riche et ses leçons ont toujours l’agréable parfum d’anecdotes glanées au cours de ses nombreux (et supposés) voyages.

Sur le fond, les contes de Saadi prennent souvent un tour plus social, politique ou philosophique que dogmatique : rappel des devoirs des puissants et miroir des princes, précis de valeurs et de conduite en toute chose, plaidoyer pour la sagesse ou la foi dans l’action contre le verbiage et la culture des apparences, appel à la mansuétude et la charité contre la sécheresse de cœur, la tyrannie ou l’avarice, grandeur et misère des âges de la vie, etc…

Finalement, par le truchement de contes et d’anecdotes accessibles à tout un chacun, Saadi fait œuvre d’éducation pour les princes, comme pour un public plus large. Il suffit de feuilleter un instant le Boustan ou le Gulistan pour y découvrir des sujets qui touchent tant à l’exercice du pouvoir, à l’éducation qu’aux sentiments ou aux réalité de la vie. On verra que, comme dans toute bonne poésie morale indépendamment du contexte, certains préceptes et conseils ont largement résisté au temps.

Aujourd’hui, nous retrouvons notre auteur perse dans un conte qui touche les actes injustes des tyrans, des princes ou des hommes abusifs. On verra que la première victime de l’injustice devant le temps de la vie et même l’éternité n’est pas forcément celle que l’on croit.


De la conduite des rois : Injustice, un fardeau éternel pour le tyran


Un roi donna l’ordre de tuer un innocent. Celui-ci dit :
— Ô roi ! Ne cherche point ta propre peine, à cause de la colère que tu as contre moi.
— Et comment ? demanda le roi.
L’innocent répondit : « Ce châtiment passera sur moi en un instant, mais le péché en restera éternellement sur toi. »

« Le temps de la vie s’est écoulé comme le vent du désert. L’amertume et la douceur, le laid et le beau ont passé. L’homme injuste a pensé avoir commis une injustice envers nous. Elle est restée attachée sur ses épaules comme un fardeau et a passé au-dessus de nous. »

Ce conseil parut profitable au roi ; il renonça à verser le sang de cet homme et lui fit ses excuses.

Gulistan ou le parterre de Roses, Chap 1er touchant la conduite des rois, trentième historiette. Mocharrafoddin Saadi (op cité)


Les thèmes de la violence politique, de l’injustice et de l’abus de pouvoir sont récurrents chez Saadi. Ils courent sur de nombreux chapitres de ses deux plus célèbres ouvrages. Vous pourrez les retrouver, notamment, dans les contes suivants :

Bien qu’exprimée différemment, on retrouver ici cette condamnation du sang versé injustement déjà croisé dans le Livre des Secrets du Pseudo-Aristote.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge  sous toutes ses formes.

NB : le détail de gravure sur l’image d’en-tête représente le conteur Saadi dispensant son savoir. L’illustration est tirée d’un beau manuscrit iranien daté du XIXe siècle contenant le Kulliyat de Saadi ou ses œuvres complètes (référence MAO 2314). Il appartient actuellement aux collections du Louvre et peut être consulté en ligne sur le site du musée.

Un Chant Polyphonique de Landini pour Défendre l’Art Musical

Enluminure de Landini dans le Codex  Squarcialupi

Sujet : musique médiévale, musiques anciennes, chant polyphonique, Ars nova, madrigal, chanson médiévale, chanson morale, poésie morale
Période : Moyen Âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Francesco Landini (1325-1397)
Titre : Musica son che mi dolgo
Interprètes : Ensemble Sollazzo
Album : Parle qui veut, chansons moralisatrices du Moyen Âge (2016).

Bonjour à tous,

n route pour le trecento italien avec un nouveau chant polyphonique du compositeur Francesco Landini. Entre Moyen Âge tardif et Renaissance italienne, ce très prolifique maître de musique et organiste florentin se pose comme un des plus grands représentants de l’Ars Nova de la péninsule.

La pièce de Landini qui nous intéresse aujourd’hui est un madrigal. Ce chant propose trois textes entrelacés pour trois voix. Comme on le verra, le passé et la nostalgie y sont à l’honneur. Nous sommes aussi dans le champ de la poésie morale. L’auteur y fera, en effet, référence à un temps révolu de l’art musical qu’il déplore, mais aussi à tout un monde de valeurs perdues.

Un madrigal nostalgique sur un art en perdition

Pour qui aime l’Ars Nova, Landini atteint le sommet de son art dans ce madrigal à trois voix. Sur le plan thématique, on s’éloigne quelque peu de sa lyrique courtoise habituelle et des émotions et déboires amoureux qu’il s’est si souvent plu à nous conter. Ici, le compositeur italien se fait plus moral et piquant, en adressant un art de la musique qui, selon lui, a perdu de sa grandeur et de ses vertus entre des mains inexpertes. L’affaire est faite pour le florentin. Les médiocres sont désormais dans la place et prétendent recevoir leur content de louanges sans même avoir acquis les prémisses de la maestria.

La composition musicale n’est pas la seule visée par ce madrigal de Francesco Landini. Selon lui, les vertus, autant que les cœurs nobles, se sont abâtardis. La musique n’en est finalement qu’une manifestation. Entre les lignes acerbes du compositeur florentin, on retrouve, bien que servie différemment, la thématique si souvent abordée au Moyen Âge d’un monde et ses vertus en perdition.

Les temps idéaux de la chevalerie et de la noblesse véritable ne cessent de s’éloigner et d’échapper à la poésie morale médiévale. Même si Landini ne va pas jusque là explicitement, ces « cœurs nobles abâtardis qui ont laissé derrière eux toutes les vertus » semblent résonner un peu de cette idée.

la chanson médiévale polyphonique du jour et l'enluminure représentant Landini dans le Codex Squarcialupi

Aux sources de ce madrigal : le Codex Squarcialupi

Du point de vue des sources, on retrouvera l’habituel Codex Squarcialupi (MS Mediceo Palatino 87 – Codex Squarcialupi). L’œuvre de Landini est particulièrement bien mise en valeur et enluminée dans ce célèbre ouvrage des XIVe/XVe siècles. Avec ses 354 pièces annotées musicalement, dont 150 ne sont présentes dans aucun autre manuscrit connu à ce jour, le Codex Squarcialupi représente un véritable trésor de la musique renaissante du Trecento et du nord de l’Italie.

Le madrigal de Landini ouvre la première page dédiée à l’auteur dans ce manuscrit médiéval. Pour sa version en musique, nous avons choisi l’interprétation de l’Ensemble Sollazzo ou du Sollazzo Ensemble (si on préfère son nom anglais).

Le Sollazzo Ensemble & les musiques anciennes

Fondé en 2014 par Anna Danilevskaia, voilà un autre ensemble de musique médiévale et renaissante ayant émergé dans le sillage de la Schola Cantorum Basiliensis. On ne compte plus les formations ou les collaborations musicales de très haute tenue auxquelles cette prestigieuse école de musiques anciennes de Bâle a donné naissance, depuis sa fondation. C’est là que les membres de ce qui allait devenir l’Ensemble Sollazzo se sont rencontrés. Venant tous de formations musicales diverses, leur passion pour les musiques du Moyen Âge tardif à la Renaissance les ont réunis pour le plus grand bonheur des amateurs du genre.

L'Ensemble Sollazzo en scène, 10 ans de passion pour les musiques anciennes et médiévales

Depuis son émergence, cette formation de musiques médiévales et anciennes n’a cessé de confirmer son grand talent, en accumulant les prix les plus prestigieux. Après une décennie de brillante carrière, l’Ensemble Sollazzo affiche une discographie riche de 7 albums. Inutile de préciser que chaque nouvelle sortie est toujours très attendue.

Côté concerts, la formation se partage entre divers pays d’Europe dont la France, la Suisse et la Belgique. Pour retrouver leur actualité et leurs programmes, tout se passe sur sollazzoensemble.net, leur site officiel (disponible, pour l’instant, en Anglais).

Parle qui veut, Moralizing songs of the Middle-Ages

Avec 13 morceaux pour 46 minutes d’écoute, l’album « Parle qui veut, chansons moralisatrices du Moyen Âge » réunit des pièces teintées de morale, en provenance de l’Italie et de la France des XIIIe et XIVe siècles. Ars nova et polyphonie y sont à l’honneur.

L'album du Sollazzo Ensemble : parle qui veut, chansons moralisatrices du Moyen  Âge

Cette production distingue aussi d’emblée l’approche de l’Ensemble Sollazzo et la direction d’Anna Danilevskaia. L’assemblage thématique est, en effet, original et on y découvre nombre de pièces rares et peu jouées jusque là. Le tout est exécuté avec grâce et talent et les connaisseurs de musique médiévale ne s’y sont pas trompés. Cet album précoce du l’Ensemble Sollazzo lui valut, en effet, un premier prix dans le cadre de la Compétition pour jeunes artistes du Festival pour les Musiques anciennes de York (le York Early Music Festival).

Vous pourrez écouter cet album sur les plateformes de musiques légales ou l’acquérir au format CD chez votre meilleur disquaire. Voici également un lien utile pour vous le procurer en ligne.

Artistes ayant participé à cet album

Anna Danilevskaia (Vièle et direction), Sophia Danilevskaia (Vièle), Perrine Devillers (soprano), Vincent Kibildis (harpe), Yukie Sato (soprano), Vivien Simon (tenor).


Le Madrigal de Landini
et sa traduction en français actuel

Musica son che mi dolgo, piangendo.
veder gli effetti mie dolci e perfetti
lasciar per frottol i vaghi intelletti.
Perché’ ignoranza e vizio ogn’uom costuma.
lasciasi ‘l buon e pigliasi la schiuma.

Gia furon le dolcezze mie pregiate
da cavalier, baroni e gran signori:
or sono imbastarditi e genti cori.
Ma di’ Musica sol non mi lamento.
ch’ancor l’altre virtù lasciate sento.

Ciascun vuoli narrar musical note.
e compor madrial, cacce, ballate.
tenendo ognor le sue autenticate.
Chi vuol d’una virtù venire in loda
conviengli prima giugner a la proda.

Traduction française

Je suis Musique qui souffre et pleure
De voir mes plus doux et parfaits effets
Abandonnés par frivolité et vagues arguties
(paresse intellectuelle)
Car l’ignorance et le vice deviennent coutumiers,
On laisse le meilleur et on ne prend que l’écume.
(la mousse, le superficiel)

Naguère mes douces créations
(bonbons, douceurs) furent appréciées
Des chevaliers, barons et grands seigneurs.
Désormais, les nobles cœurs sont corrompus.
Mais je ne me lamente pas seulement de la Musique
Car
(je ressens que) ils ont aussi laissé derrière eux toutes les autres vertus.

A présent, chacun veut écrire des notes de musique
Composer des madrigaux, des caccie
(chasses ou fugues) ou des ballate
En tenant pour authentique ses propres créations,
Mais celui qui veut, par sa vertu
(son talent), recevoir une louange,
Il convient d’abord qu’il atteigne le but visé.


En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
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Agenda Médiéval : Les 595e Fêtes Johanniques d’Orléans 2024

blason, armoirie ville d'Orléans, Loiret

Sujet : animations médiévales, fêtes de Jeanne d’Arc,  guerre de cent ans, commémoration, fêtes johanniques.
Personnage historique : Jeanne d’Arc (1412 – 1431)
Période  : Moyen Âge tardif, XVe siècle
Lieu : Orléans,  Loiret, Centre-Val de Loire
Evénement : Les 595e Fêtes Johanniques d’Orleans
Dates : Du 29 avril au 8 mai 2024

Bonjour à tous,

ur l’agenda des sorties historiques, peu d’animations d’origine médiévale puisent leurs racines à six siècles de nous. Les fêtes johanniques d’Orléans font partie de celles-ci. Depuis sa libération de la cité, le 8 mai 1429, durant la guerre de cent ans, la plus célèbre des héroïnes du Moyen Âge n’a jamais été oubliée ici.

Du 29 avril au 8 mai prochain, les fêtes johanniques orléanaises célèbreront donc leur 595e édition avec leurs habituels temps forts. Voici un avant goût de ce qui attendra les visiteurs pendant ces grands festivités historiques.

Au programme des 595e Fêtes Johanniques

Chaque année, des dizaines de milliers de visiteurs sont attendus tout au long de ces Fêtes Johanniques. En réalité, elles résonnent bien au delà de la cité du Loiret pour prendre la forme d’un rendez-vous d’envergure nationale. L’édition 2024 sera conforme à la tradition. Les célébrations conjugueront des dimensions variées : évocation historique, spectacles et marché médiéval animé mais aussi grande commémoration nationale. En fin de journée, de nombreuses soirées de fêtes entre son et lumière, concerts classiques ou musique électronique sont aussi prévus.

Temps forts de ces fêtes Johanniques

Les Fêtes Johanniques d'Orléans 2024, et leur superbe affiche officielle.

A l’habitude, ces 595e fêtes johanniques seront scandées par l’épopée de Jeanne d’Arc à Orléans : de son arrivée, à la remise d’étendard en passant par sa chevauchée, le traditionnel défilé sous la forme de cortège commémoratif et le départ de l’héroïne médiévale en toute fin de célébration.

Côté thématique, ce cru 2024 mettra particulièrement en avant Jeanne d’Arc « combattante ». La municipalité, organisatrice de ces fêtes johanniques, entend également y évoquer la dimension universelle de Jeanne d’Arc. A ce titre, son rôle de muse sur de nombreux artistes en France et au delà sera mis en lumière.

Animations culturelles et autres activités

La journée du 8 mai ajoutera à l’hommage à Jeanne d’Arc les commémorations du 8 mai 1945 avec un défilé militaire d’envergure qui devrait résonner, de manière particulière, sur la thématique choisie cette année. Du point de vue culturel, toute la cité se mettra, bien sûr, sur son 31. Au programme, visites guidées et opérations spéciales dans les musées, ateliers à la découverte de l’épopée johannique et un cycle de conférences sur les thèmes de cette édition : Jeanne d’Arc combattante, Jeanne d’Arc, symbole universel, etc…

Pour ce qui est des autres activités, elles sont nombreuses et ont été pensées pour tout public : divertissement à l’évocation du Moyen Âge, campements et animations médiévales, nombreux concerts et spectacles son et lumière, mais aussi, bien sûr, offices religieux. L’évêque d’Orleans, comme la cathédrale prennent toujours bonne part dans ces commémorations historiques.

Animations médiévales et chevauchée Johannique pour les 595e fêtes de Jeanne d'Arc d'Orléans

Grand marché artisanal et animations médiévales

Autre événement toujours très attendu de ces fêtes johanniques, le marché médiéval et historique accueillera près de 100 exposants et artisans. Du dimanche 5 au mercredi 8 mai, il sera aussi le théâtre de nombreuses animations médiévales. Entre deux visites d’échoppes, on pourra y assister à des déambulations festives et musicales comme des prestations de jongleurs et bateleurs. Les compagnies médiévales venues sur place ne manqueront pas, également, de l’égailler de leurs ateliers, saynètes et démonstration de combats en armure. Enfin, jeux médiévaux et activités pour les plus petits occuperont aussi le pavé.

En matière de gastronomie, que les bons vivants et les gourmands se rassurent aussi. Pas de célébrations médiévales sans agapes et ripailles ! Pour les envies de restauration, les tavernes et échoppes de nourritures ne manqueront pas sur place.

Compagnies médiévales & associations attendues

Compagnie Dovakin, Compagnie Artoutaï, Compagnie Les Monts Rieurs, Compagnie Ambraluna, Compagnie Jongle Histo, les jeux d’Oc, Cléry son histoire en lumière et Les Chardons d’Orléans, Chorale Johannique, ….

Pour plus de détails sur le programme de ces fêtes historiques, consultez le site officiel de l’organisateur. (lien alternatif de téléchargement ici)


Voir également nos articles sur les éditions précédentes des fêtes d’Orléans : Edition 2017 – Edition 2018  – Edition 2019 – Editions 2021Voir toutes les fêtes Johanniques

En vous souhaitant une belle journée et de belles fêtes johanniques d’Orléans, si vous vous y rendez.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Violence Politique Illégitime contre Pouvoir Divin, dans le livre des Secrets

Sujet : miroir des princes, précis politique, littérature médiévale politique, guide moral, bon gouvernement, roi, violence politique, sang versé, Aristote, Alexandre le Grand.
Période : Moyen Âge central à tardif (à partir du Xe siècle)
Livre : Sirr Al-Asrar, le livre des secrets du Pseudo-Aristote, ouvrage anonyme du Xe siècle. Le Secret des Secrets, Denis Loree (2012).

Bonjour à tous,

ous avançons, aujourd’hui, notre lecture du Livre des Secrets du pseudo Aristote, pour vous en proposer un nouvel extrait. Ce miroir de princes qui contient aussi des parties plus encyclopédiques (santé, astronomie, alchimie,…) connut une grande popularité au Moyen Âge central et tardif.

Un mot du Secret des Secrets

D’après son manuscrit d’origine, le Kitāb Sirr al-asrār ou Sirr al-Asrar, le Livre des Secrets, encore appelé Le Secret des Secrets serait une compilation de missives envoyées à Alexandre le grand par son mentor Aristote. En plus du latin, l’ouvrage fut traduit dans de nombreuses langues européennes et il fait l’effet d’un véritable « best-seller » médiéval. On en connait une version longue de plusieurs tomes et une plus condensée.

Apparu au Proche-Orient dans le courant du Xe siècle, on considéra longtemps que le Livre des Secrets était le fruit d’une correspondance réelle du philosophe grec vers le célèbre empereur Alexandre le Grand. Sa première version arabe le présentait d’ailleurs comme tel et comme la traduction d’un corpus de missives anciennes authentiques rédigées de la main d’Aristote. Depuis lors, aucune source n’a, toutefois, permis d’attester cette assertion, ni de mettre au jour un manuscrit originel. On a donc fini par considérer que le Secret des Secrets devait avoir pour berceau d’origine le Proche-Orient et la civilisation arabe où on en trouve les premières traces.

Violence politique dans le livre des Secrets avec enluminure du manuscrit na fr 18145 de la Bnf

Violence royale, usurpation du pouvoir divin

Le sujet de l’extrait du Secret des Secrets que nous vous présentons aujourd’hui reste attaché aux chapitres de l’ouvrage touchant aux conseils de bon gouvernement. Sagesse, entendement, mansuétude et bonne renommée sont au programme. Dans le chapitre qui nous intéresse, intitulé « des paines », l’auteur se penche plus précisément sur la nécessité pour le souverain d’éviter de faire couler indûment le sang humain. L’avertissement du Pseudo Aristote est clair et va même plus loin qu’un simple conseil. Le roi ou le prince qui versera le sang humain sans raison usurpera le rôle de Dieu. Et que le tyran sanguinaire ou le prince abusif ne s’y trompe pas, rien ne pourra l’amender aux yeux du Tout puissant jusqu’à ce que la vengeance de ce dernier s’exerce sur lui.

On est loin de la rengaine habituelle si souvent plaquée sur le Moyen Âge d’un pouvoir royal arbitraire qui s’exercerait hors de tout contrôle moral avec un roi tellement investi du pouvoir divin que tout lui serait permis. Si le monde médiéval a également eu ses tyrans, à tout le moins, du point de vue de la théorie politique du pouvoir, le Secret des Secrets y pose de sérieuses bornes éthiques. Au delà de la simple impopularité d’une violence politique excessive et injustifiée, ce miroir de princes pose même la principe de sa nature sacrilège. Seul Dieu à le droit de verser le sang. Tout puissant qu’il est, le pouvoir politique qui y déroge et s’épanche dans l’arbitraire, s’expose à la vengeance divine. On aimerait que le conseil du Pseudo Aristote s’étende au delà des temps médiévaux pour parvenir aux oreilles des gouvernants du monde, y compris les plus proches de nous.

Le chapitre du secret des secrets dans le manuscrit médiéval manuscrit na fr 18145 de la Bnf
Les Paines et la superbe enluminure d’Alexandre rappelé à l’ordre par Dieu, Manuscrit Na fr 18145 (à consulter sur Gallica)

Des Paines ou de l’importance de ne pas répandre le sang, dans le Secret des Secrets


Alixandre, chier fils, je t’ay admonnesté et derechief je te prie et admonneste que tu vueilles garder ma doctrine, car se tu la gardes, tu venras a ton propoz et ton royaume sera durable et en bon estat. C’estassavoir que sur toutes choses, tu te gardes au plus que tu pourras de respandre le sang humain car ce appartient seulement a Dieu qui scet les secréz des cuers des hommes.

Ne vueille doncques prendre l’office qui ne appartient fors a Dieu car il n’appartient pas a toy d’enquerir ne de savoir les secréz de Dieu. Garde toy doncques tant que tu pourras de respendre le sang humain car le tresnoble docteur Hemogenes dist que qui occit la creature semblable a luy, toutes les Vertus du ciel ne cessent de crier a la magesté de Dieu en disant : « Sire, Sire, ton serf veult estre semblable a toy ». Et sachiez que qui occist homme, especialment sans cause raisonnable, Dieu en prendra vengance car Dieu respond aux Vertus du ciel et dist : « Laisse, laisse car a moy en est la vengence et je luy sauray bien rendre. » Et sachiez que les Vertus du ciel presentent sans cesser devant Dieu la mort et le sang d’icelluy qui a esté occis jusques a ce que Dieu ait faicte la vengeance.

Le Secret des Secrets – Pseudo Aristote, Chapitre XXV : Des paines

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