Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : Ballade médiévale, poésie médiévale, satirique, épitaphe, poésie réaliste, pendus, frères humains,lecture audio. prière, Période : moyen-âge tardif, bas moyen-âge. Auteur : François Villon (1431-1463) Titre : Epitaphe à Villon, Ballade des pendus Interprète :Bernard Lavilliers Album : Histoires en scène (2000)
Bonjour à tous,
oici une autre lecture audio de la mythique ballade des pendus de François Villon en ce lundi de presque fêtes. L’interprétation du jour est aux couleurs stéphanoises puisque c’est une stéphanois célèbre qui nous la conte: Bernard Lavilliers, le mauvais garçon au grand coeur de la chanson française, dont on ne présente plus la longue et brillante carrière,
Qui, mieux que lui, qui a chanté les prisons, Betty, le Ghetto, le banditisme, et encore la complainte des ouvriers aux mains d’or pouvait, sans crainte, s’approcher de Villon et de son épitaphe? Je vous laisse en juger. En tout cas, moi je trouve qu’il passe extrêmement bien même si, pour mettre un petit bémol sur son introduction, le clergé n’était sans doute pas le seul pouvoir à régner sous Louis XI.
De fait, du moyen-âge central au moyen-âge tardif, le jeu politique et coercitif se jouait sans doute, de manière plus subtile, entre les mains du pouvoir régalien, celles du pouvoir féodal encore présent durant ce XVe siècle et celles de l’église et du clergé. Dans le contexte, le règne de Louis XI est même plutôt une période où la royauté s’affirme, dans la lignée d’un mouvement amorcè sous Philippe-Auguste et poursuivi depuis, comme un pouvoir avec lequel il faut compter. Le souverain s’appuiera sur le petit peuple pour oeuvrer contre les feudatairesdans le sens de la centralisation et, dans un autre registre, il défendra aussi les paysans vaudois contre l’inquisition épiscopale, dans le Dauphiné.
Sans relation avec l’affaire dauphinoise, Louis XI fera encore longtemps emprisonné le cardinal Jean de la Balue pour trahison et le pape devra même intervenir pour que l’homme échappe de peu à l’exécution.
Pour le reste, si vous vous souvenez, nous avions déjà parlé un peu de Louis XI, à l’occasion d’un article sur le poète Théodore de Banville qui lui avait dédié ce verger du roi Louis constellé de pendus. Après avoir connu une réputation de roi tyrannique et sanguinaire que lui avaient fait certains de ses contemporains, il a, depuis, été quelque peu réhabilité par les historiens, au moins dans le rôle politique qu’il a joué pour la France.
Du reste, comme c’est par la grâce de ce roi que François Villon sera libéré du joug de sa prison de Meung-sur-Loire, dans laquelle il aurait certainement fini par périr, sans Louis XI, le grand maître de poésie médiévale n’aurait sans doute jamais pu léguer à la postérité son grand testament. Alors, même si de son vivant, ce dernier a sans doute mieux connu le règne de Charles VII que celui de Louis XI, et au moins pour cela, moi je dis: « Vive le Roé! »
Quoiqu’il en soit, place à un grand artiste! Bernard Lavilliers, sa voix unique et la belle poésie de Villon.
En vous souhaitant une belle journée!
Fred
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Sujet : musiques médiévales et anciennes, danse médiévale, estampies royales Période : moyen-âge central, XIIIe siècle, Titre : La Septime Estampie Royale et l’Istampitta In Pro Tirées de manuscrit du Roy (Roi), chansonnier du Roy, manuscrit 844, manuscrit add 29987 Interprètes : Hanneke van Proosdij & Peter Maund Média : vidéo, chaîne youtube Voices of Music
Bonjour à tous,
oici un peu de musique du moyen-âge central pour égayer cette journée. Nous restons dans le registre des Estampies avec deux pièces successives dans une seule même vidéo: l’une est tirée du chansonnier du Roi (le manuscrit 844 de la BnF): la Septime estampie royale. L’autre provient du manuscrit de Londres (manuscrit add 29987) et il s’agit de l’Istampitta in Pro. Au niveau de l’orchestration, les interprétations qui nous en sont proposées ici, par deux musiciens uniquement, pourraient sembler minimalistes mais c’est sans compter sur le fait que nous avons à faire à deux grands virtuoses.
Voices of Music : quand San Francisco se met à l’heure des musiques anciennes
e vois avouer avoir découvert récemment cette excellente chaîne youtube et le projet qu’elle porte et je vous la conseille vivement, si vous aimez les musiques anciennes, antérieures au XIXe siècle.
Plus qu’une simple chaîne youtube, Voices of Music est, en réalité, une formation musicale américaine, originaire de San Francisco. Son projet est à la fois simple et ambitieux, faire revivre et faire partager les musiques anciennes et antiques, et ce que l’on appelle, en bon anglais, la « Early music ». Le répertoire est donc vaste et inclut des musiques médiévales mais il s’étend aussi largement vers les musiques de la renaissance et celles de l’ère Baroque. Au delà d’être un ensemble qui se produit en concert Voices of Music se présente encore comme suit :
« Notre but en tant qu’artistes et enseignants est d’offrir des concerts et des enregistrements de musique composés avant 1800, des programmes éducatifs abordables pour les enfants et les adultes, une formation avancée pour la prochaine génération de jeunes professionnels et une sensibilisation du public. Nous entendons proposer aussi de la musique d’excellence et de haute qualité en concert. Grâce à une programmation innovante ainsi qu’à notre passion artistique et créatrice, nous proposons, au niveau mondial, la découverte de la musique classique ancienne auprès de nouveaux publics de tous âges. » Voices of Music
Deux musiciens et interprètes d’exception
n pari d’ouverture et d’excellence, la passion et le sens du partage, auxquels il faut ajouter, bien sûr, un répertoire qui s’aventure sur le terrain des musiques anciennes, et, en l’occurrence médiévales, il n’en fallait guère plus pour que nous réservions, ici, une juste place à l’ensemble Voices of Music. Comme vous pourrez en juger avec la pièce du jour, les musiciens sont talentueux et la qualité des enregistrements exceptionnels sur leur chaîne youtube. N’ayant pas la possibilité d’aller les entendre à San Francisco qui reste tout de même leur ville de prédilection pour les concerts, cela tombe plutôt bien. Concernant les deux pièces médiévales et musicales du jour, elles sont interprétées par deux pointures dont il faut ici dire un mot :
Peter Maund, percussionniste inspiré
Sorti tout droit du conservatoire de San Francisco, le percussionniste américain Peter Maund a derrière lui une longue carrière dans le registre des musiques anciennes, médiévales et celtiques, mais également dans le registre de la musique classique. Le quotidien écossais Glasgow Herald a même écrit de lui qu’il était un des percussionnistes les plus renommés et les plus imaginatifs de son temps.
Hanneke van Proosdij, flûtiste, claveciniste et compositeur
De son côté, Hanneke van Proosdij, formée au conservatoire Royale de la Hague, est à la fois flûtiste mais joue également du clavecin et est encore compositeur. On ne compte plus les formations dans lesquelles elle a joué ou fait des apparitions, Hespérion XXI est d’ailleurs dans la liste, Avec plus de 40 disques et enregistrements à son actif, elle a également fondé et animé, pendant sept ans, une fondation dédiée aux musiques de l’époque médiévale et de la renaissance. Etablie à San Francisco, elle est aussi rien moins que la co-fondatrice du projet Voices of Music et en assume la direction.
En espérant que vous apprécierez cette belle interprétation du jour, issue de deux manuscrits de musique ancienne parmi les plus célèbres qui nous soient parvenus du moyen-âge central, autant que ce coup de coeur musical et « youtubesque ».
Une très belle journée à tous.
Frédéric EFFE.
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Un berger dit à son père : « ô homme prudent, enseigne-moi une maxime digne d’un vieillard. » Il répondit: « Exerce la bonté, mais non de telle sorte que le loup aux dents acérées devienne audacieux. »
Mocharrafoddin Saadi (1210-1291) Poète, sage persan du moyen-âge central Citation extraite du Gulistan ou le jardin des roses.
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous faisons partager un bel extrait de sagesse persane à méditer sur l’exercice difficile de la bonté. Nous en profitons également pour donner, comme nous l’avions promis par le passé, quelques éléments de biographie sur Saadi auquel nous devons cet extrait du jour et dont la célébrité dans le monde perse et arabe de l’époque médiévale a perduré jusqu’à aujourd’hui.
Saadi, élements de biographie :
poète, voyageur et conseiller des puissants
Immense poète, on sait de Saadi qu’il a beaucoup voyagé ce dont ses écrits témoignent. Pour le reste, comme de nombreuses choses de sa vie nous sont connus de sa main même, mais qu’il est lui-même conteur, il peut être, quelquefois, un peu difficile de faire le tri du vécu et du fictionnel dans ses écrits.
(Miniature du Gulistan, manuscrit persan du XVIe siècle)
De tout cela, il résulte qu’un certain nombre d’éléments reconnus comme faisant partie de sa biographie, sont à mettre en guillemets. Né à Shirâz, (Chiraz), ville du Sud-ouest de l’Iran, il est le fils d’un éminent religieux, conseiller de l’émir. Devenu orphelin assez tôt, il sera élevé par son grand-père maternel. Après des études dans une des plus prestigieuses universités de Bagdad, il entreprendra un voyage qui durera plus de trente-cinq ans. Ce périple couvrira le monde arabe actuel de l’Irak jusqu’à l’Afrique du nord et au Maghreb, en passant par l’Arabie et la Palestine et l’on suppose même qu’il ira jusqu’en Inde, même si cette partie là de son aventure semble sujette à caution. Il fera également pendant toute cette période plusieurs pèlerinages.
En 1256, il reviendra vers sa ville natale où il deviendra un proche de l’émir Saad ibn Zangui. Il n’est pas alors, dit-on, poète de cour, mais bien plutôt un conseiller qui parle ouvertement, se comportant en homme libre et exerçant sans contrainte tout son sens et son esprit critique. C’est à cette période qu’il aurait composé ses œuvres et il est également possible qu’il ait enseigné et tenu la chaire de sermon de la ville de Chiraz, durant ces mêmes années. De confession musulmane, c’est un grand pratiquant et croyant et on lui prête plus de quinze pèlerinages dans les lieux saints de l’Islam, au long de son existence dont un à la Mecque, après le retour de son long voyage.
Le legs de Saadi et son œuvre
La poésie de Saadi est à la fois morale et teintée de philosophie, mais également à d’autres endroits plus religieuse, comme c’est le lot des poésies de l’Europe médiévale à la même période. En voici encore quelques lignes célèbres, entrées dans la postérité :
« Les enfants d’Adam font partie d’un corps Ils sont créés tous d’une même essence Si une peine arrive à un membre du corps Les autres aussi, perdent leur aisance Si, pour la peine des autres, tu n’as pas de souffrance Tu ne mériteras pas d’être dans ce corps » Mocharrafoddin Saadi
On les retrouve en effet au frontispice de l’ONU à New York sous une traduction un peu différente:
« Of one Essence is the human race,
Thusly has Creation put the Base;
One Limb impacted is sufficient,
For all Others to feel the Mace. The Unconcerned with Others’ Plight, Are but Brutes with Human Face. »
« D’une même essence est faite la race humaine, Ainsi furent posées les bases de la Création ; Il suffit qu’un membre soit affecté, Pour que tous les autres en ressentent le poids.
Ceux qui ne se sentent pas concernés par les difficultés des autres,
Ne sont que brutes (bêtes?) avec un visage humain. »
Le mausolée du poète Saadi à Chiraz, Iran.
Concernant le legs de Saadi, on lui doit deux ouvrages très connus, un en vers, le Boustan ou Bustan (le verger) et un en prose le Gulistan (le jardin ou l’empire des roses), et encore deux autres recueils moins célèbres composés à l’attention d’un vizir, dont l’un deux « Khabissât » (les méchancetés) est satirique. Il faut encore ajouter à cela plus de sept-cents distiques rédigés en arabe. Il écrit , en effet, indifféremment en perse ou en arabe avec le même degré de maîtrise.
S’il demeure des zones d’ombre sur sa vie pour les raisons évoquées plus haut et parce que sont venues encore s’y mêler des légendes racontées sur lui, on sait, de source sûre, qu’il a côtoyé de nombreux puissants qu’il a régalé de ses contes, de ses sermons ou de ses conseils. Il était aussi célèbre et reconnu de son vivant et sa poésie, autant que les enseignements qu’elle contient, ont largement débordé le berceau iranien et même le monde arabe pour s’étendre jusqu’en Asie mineure et en Inde. En Iran, il est, bien sûr, encore grandement admiré et un jour national lui est même consacré.
(Le Boustan ou le verger, de Saadi, miniature tirée d’un manuscrit persan du XVIIIe siècle).
Il demeure difficile d’apprécier toutes les qualités de la poésie de Saadi, parce qu’elle souffre indéniablement de la traduction, mais de nombreux auteurs perses et arabes contemporains considèrent encore sa maîtrise du langage et son art de manier les mots comme exceptionnels. On dit son style simple et épuré mais inimitable et il semble que tous les auteurs qui s’y sont essayés ou qui se sont réclamés de son inspiration ne soient, à ce jour, parvenus à l’égaler. N’étant pas malheureusement en situation de lire sa prose comme sa poésie dans le texte original, il nous faut, quant à nous, nous contenter de ses traductions mais la sagesse qui la traverse parvient tout de même jusqu’à nous et c’est un vrai plaisir que de vous la faire partager.
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
Sujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, trouvère, Vieux français, langue d’oil, ribauds, misère, hiver. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?) Titre : le diz des ribaux de grève. Média : lecture audio, par André Brunot.
Bonjour à tous,
our commencer cette semaine sous le signe médiéval, nous vous proposons une lecture audio celle de la célèbre poésie de Rutebeuf: le Diz des Ribauds de Grève. Il y est encore question de misère et d’hiver, mais cette fois-ci, ce n’est pas de sa propre infortune dont Rutebeuf nous parle mais de celle des miséreux qui se tiennent alors sur la place de Grève, à Paris.
Comme nous le soulignions dans la lecture audio du « Dit de l’oeil », même si l’on est pas certain de l’origine de Rutebeuf que l’on a peut-être un peu vite désigné comme champenois, ce dont on reste sûr c’est qu’il a passé la majeure partie de sa vie à Paris, en tout cas au moins celle durant laquelle il a rédigé ses oeuvres connues de nous. Et puisqu’elle est le théâtre de cette poésie qu’il nous a léguée, nous en profiterons aussi ici pour dire un mot de la place de Grève de Paris à l’époque médiévale.
Avant d’entrer un peu plus dans ce détail et de vous proposer cette lecture pleine de force qui fait honneur à la poésie de Rutebeuf, nous voulons également dire un mot du comédien auquel nous la devons.
Tribut à André Brunot
Sociétaire de la comédie française, André Brunot (1879-1973) fut un comédien célèbre en son temps, même s’il n’a pas eu le succès d’un Jouvet. Premier prix de comédie au conservatoire de Paris en 1903, il mena une longue carrière sur les planches et au théâtre et sa carrière cinématographique lui permit de tourner près de trente films.
La lecture audio qu’il nous fait de la poésie de Rutebeuf sur les Ribauds de Grève est tirée d’une excellente anthologie poétique audio en 3 volumes, que nous proposait la bibliothèque Nationale de France en 1958, et ayant pour titre : « Trésor de la poésie lyrique française ». Le premier volume était dédié au moyen-âge et c’est de là que provient la pièce du jour.
Le dit des ribauds de Grève de Rutebeuf,
lecture poétique audio
La place de Grève du temps de Rutebeuf
A l’époque médiévale, sur cette place des bords de Seine, rebaptisée depuis place de l’Hotel de Ville, se réunissaient les travailleurs, autant que les oisifs et les miséreux en quête de pitance ou de travail (le terme de « faire la Grève » viendrait de là).
Il est difficile de savoir si Rutebeuf s’adresse publiquement et directement aux gueux et aux miséreux dans cette poésie, mais plus qu’une des pirouettes caustiques auquel il nous a habitué, elle dénote d’une véritable empathie de sa part, à l’égard de ces malheureux sans le sou à l’approche des rigueurs de l’Hiver. Il y rapproche, sans aucun doute, toute proportion gardée, ses propres misères.
La place de Grève, à la fin du XVIe (1583) Theodor Josef Hubert Hoffbauer (1839-1922)
« C’était (la place de Grève au XIIIe siècle) un lieu de déchargement des lourdes marchandises venues par eau. Des débardeurs, des « ribauds » s’y affairaient. Notre soif de couleur locale et même, nos idées toutes faites sur la ville médiévale ont de quoi se satisfaire. Tout le folklore « troubadour et mâchicoulis » est là, depuis ces « escoliers » toujours prêts à se quereller mais bons garçons au demeurant, jusqu’à ces foules de religieux dont les divers ordres, profitant de la piété du Saint roi Louis IX, avaient proliféré, sans oublier les hordes de pauvre – tels les « Trois-cents Aveugles », tels les lépreux du « Champ-pourri » qui mendiaient dans les rues, ou les « musardes » (les prostitués) que guettaient fort les regards naïfs de jeunes paysans débarqués depuis peu, avec leur porte-
monnaie fraîchement rempli. »
A la recherche d’une « voie de Paradis » dans le Paris de RUTEBEUF, Françoise Barteau. Historienne médiéviste. « Tiré de Errances et parcours parisiens de Rutebeuf à Crevel », Univerisité de la Sorbonne, 1986
Les exécutions en place de Grève
On admet, généralement, que la première exécution qui eut lieu sur la place Place de Grève date de 1310. On la doit à deux évêques, celui de Paris, assisté de celui de Cambrai alors « Docteur et inquisiteur de la Foi en France »*. Elle prit la forme d’un bûcher et on y brûla pour hérésie, la mystique chrétienne et poétesse flamande Marguerite Porete (ou Perrette). Pour faire bonne mesure, on en profita pour livrer également ses écrits aux flammes, soit son ouvrage: « Le Miroer (miroir) des âmes simples et anéanties ». Tout fut conduit avec l’aval du bon roéPhilippe le Bel, mais il faut dire qu’il était bien lancé (pour ne pas dire bien chaud), puisque c’est cette même semaine qu’il fit aussi brûler les premiers templiers.
Quoiqu’il en soit, ce fut là, la première d’une longue série d’exécutions publiques en place de Grève, qui ne s’acheva que plus de cinq siècles plus tard, en 1822. Aux vues des dates, Rutebeuf n’a pas connu cette vocation de la place dont il nous décrit les Ribauds puisqu’il a disparu autour de 1285.
Exécution en place de Grève, 1757, gravure sur bois, anonyme.tiré d’un Almanach de colportage. Source : criminocorpus.org
Le Diz des Ribauds de grève dans le vieux français d’oil original et parisien de Rutebeuf
Ribaut, or estes vos a point : Li aubre despoillent lor branches, Et vos n’aveiz de robe point, Si en avrez froit a vos hanches. Queil vos fussent or li porpoint Et li seurquot forrei a manches. Vos aleiz en estai si joint, Et en yver aleiz si cranche, Vostre soleir n’ont mestier d’oint, Vos faites de vos talons planches. Les noires mouches vos ont point; Or vos repoinderont les blanches.
La traduction en français moderne
de Michel Zink de l’Académie française:
« Ribauds, vous voilà bien en point! Les arbres dépouillent leurs branches et d’habit vous n’en avez point, aussi aurez-vous froid aux hanches. Qu’il vous faudrait maintenant pourpoints, surcots fourrés avec des manches! L’été vous gambadez si bien, l’hiver vous traînez tant la jambe! Cirer vos souliers? Pas besoin: vos talons vous servent de planches. Les mouches noires vous ont piqués, A présent c’est le tour des blanches »
En vous souhaitant un excellent début de semaine et une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
* Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris par Mr. Henri Sauval, Avocat du Parlement (1724)