Combats et tournoi à l’ancienne et en armure, ouverture de la saison de Béhourd à Saint-Dizier

agenda_2018_behourd_combat_tournoi_evenement_medieval_armures_armes_anciennes_saint-dizierSujet: art martial, combat médiéval, agenda Médiéval, marché, événements, Béhourd, championnat, Battle of Nations.
Période: moyen-âge central à tardif
Evénement : Tournoi championnat de France, qualification Championnat du Monde HMB
Date :  10 et 11 mars 2018
Lieu :  Saint-Dizier, Haute-Marne.

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passionomme chaque année, la saison du Béhourd s’ouvre sur le grand tournoi de Saint-Dizier. L’événement s’inscrit dans le Championnat de France de la discipline et ouvrira aussi sur les qualifications pour les Championnats du monde HMB, plus connus encore sous le nom de Battle of Nations.

Durant deux jours, ce sont donc plus de 200 combattants en armure et agenda_evenement_medieval_behourd_combat_tournoi_joutes_Saint_Dizierarmes anciennes et plus de 20 équipes qui viendront s’affronter pour les titres. Du point de vue du cadre, l’événement se tiendra à l’ombre des remparts du château de Saint-Dizier, ce qui devrait encore renforcer l’immersion dans le moyen-âge des combats ou de mêlées chevaleresques.

Au titre des divertissements, en plus de la restauration, il devrait y avoir sur place un marché médiéval artisanal et, pour les plus petits désireux de faire comme Papa (ou Maman d’ailleurs puisque même les filles pratiquent le Béhourd), il y aura encore la possibilité de s’initier à la discipline avec armes et armures en mousse.

Plus d’informations sur le site de la Fédération Française de Béhourd


Rappel : qu’est-ce que c’est le Béhourd ?

I_lettrine_moyen_age_passion copianspiré directement des affrontements des combats au sol des guerriers et chevaliers du moyen-âge, cet art martial se pratique sans monture, en armure d’époque et avec des armes elle-aussi anciennes. L’ensemble des pièces est émoussée et aucun tranchant, ni pointes ou éléments contondants ne sont autorisés. Les affrontements vont des duels (1vs1) jusqu’à des combats par équipe de taille variable, avec comme objectif de faire choir ou mettre un genou au sol à l’adversaire.

tournoi_combat_medieval_art_martial_armure_armes_anciennes_behourdLe Béhourd est un art martial et, en tant que tel, il est encadrée par des règles strictes que les Fédérations nationales ou internationales de la discipline autant que ses adhérents suivent de très près. Ajoutons encore que ses pratiquants sont bien souvent des passionnés d’Histoire militaire médiévale; les armures et les armes font, en effet, l’objet de recherches et de reconstitutions minutieuses pour être au plus près de la réalité historique.

Pour plus de détails sur la discipline, ses règles et son esprit,  consultez Combats en armure et tournois médiévaux: Sylvain « Tape Dur » et la passion du Behourd.

Vous pouvez également retrouver ici tous nos articles relatifs au Béhourd français et ses événements.


En vous souhaitant un bon week-end médiéval à Saint-Dizier si vous en êtes et une excellente  journée quoiqu’il en soit.

Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen-Age sous toutes ses formes.

En route pour la Taverne médiévale avec la ballade de bonne doctrine de François Villon

francois_villon_ballade_poesie_medievale_moyen-age_tardif_XVSujet  : poésie médiévale, ballade médiévale,  humour , auteur, poète médiéval. moyen-français, taverne médiévale
Auteur  :  François Villon (1431-?1463)
Titre : « Ballade des femmes de Paris »,
Le grand testament,
Période  : moyen-âge tardif, XVe siècle.
Ouvrages  : diverses oeuvres de Villon,  PL Jacob  (1854) , JHR Prompsault (1832), Pierre Champion (1913)

Bonjour à tous,

R_lettrine_moyen_age_passionevenons à Villon pour nous en délecter avec une ballade médiévale dont il a le secret. Nous en profiterons aussi pour faire un crochet à la taverne, lieu médiéval de socialisation et, souvent, ne le nions pas,  d’excès, de liesse et de perdition.

Adressée aux clercs marginaux, aux fêtards  et à une certaine faune de la rue qu’il côtoya un temps, cette Ballade de bonne doctrine à ceulx de mauvaise vie de  François Villon n’est pas celle d’un moraliste mais bien plutôt une poésie qui célèbre les plaisirs et les lieux festifs qu’il aime lui-même à fréquenter. Son titre complet lui fut d’ailleurs donné a posteriori par Clément Marot.

Sur le ton de l’humour, Villon y deco_poesie_medievale_enluminures_francois_villon_XVe_sièclevoue à la fatalité tout ceux qu’il nomment ici. Quel que soit leur gagne pain, honnêtes ou malhonnêtes et quoiqu’ils fassent tout finira par être gaspillé « au taverne et aux filles ».  Sur ces deux sujets, l’oeuvre du grand maistre de poésie médiévale qui oscille entre drame et humour, est, on le sait, truffée de références explicites ou de sous-entendus.

Concernant les tavernes en particulier, c’est un monde qui lui est largement familier et son grand testament est émaillée de noms d’établissements ayant alors pignon sur rue, à Paris, et qu’il lègue généreusement, en forme de clin d’oeil, à certains de ses contemporains. Sur le goût de la boisson et de l’enivrement,  pour ne citer que quelques références prises dans son oeuvre sur le sujet, s’il « connait le vin à la tonne« , comme il le dira dans sa ballade des menus propos, il conclura même le grand testament sur un « traict de vin morillon« . On se souvient encore, pour n’en donner qu’un autre exemple, du vibrant hommage qu’il fit en forme de ballade à feu le bon maistre Jehan Cotard et son attrait irrépressible pour la boisson.

Dans la lignée de ses poésies sur le thème des « écarts de conduite » qui émaillent son oeuvre – beuveries, jeux, transport festif et autres polissonneries – , il fait donc là un portrait en forme de listes,  de ceux que l’on peut retrouver dans ces tavernes dans lesquels on devait avoir quelque chance de le croiser lui-même, dans le Paris du XVe siècle.

Benjamin Gerritsz, XVIIe.
Benjamin Gerritsz, XVIIe.

Les Tavernes médiévales de Paris au XVe siècle

En suivant les pas de Pierre Champion dans ses deux ouvrages sur François Villon, sa vie et son temps, nous remontons le fil de sa référence à l’ouvrage Paris et ses historiens au XIVe et au XVe siècle. On y trouve, en effet, un document riche d’enseignements du copiste flamand Guillebert de Metz, sur ce Paris du Moyen-âge tardif. Je ne résiste pas à en citer un long passage tant il nous replonge dans la réalité générale de l’époque:

« Len souloit estimer a Paris plus de quatre mil tavernes de vin, plus de quatre vingt mil mendians, plus de soixante mille escripvains : item de escolier et gens de mestier sans nombre. (…) On mengoit à Paris, chascune sepmaine, lune parmy lautre comptée, quatre mille moutons, deux cent quarante beufs, cinq cens veaux, deux cens pourceaux salés et quatre cents pourceaux non salés. Item on y vendoit chascun jour sept cens tonneaux de vin, dont le Roy avoit son quatrieme, sans le vin des escoliers et autres qui nen paioient point, comme les seigneurs et autres pluseurs qui le avoient de leurs heritages. »
Guillebert de Metz, Paris et ses historiens au XIVe et au XVe siècle.

Pour mieux comprendre l’effervescence qui régnait autour des tavernes et du commerce du vin et expliquer ce nombre vertigineux d’établissements, il faut, là-encore, lire les belles pages de Pierre Champion sur la capitale d’alors. Tous viennent y vendre directement le fruit de leur vignes pour en tirer profit, et notamment ceux qui sont exemptés de taxes : seigneurs, écoliers comme le précise l’extrait ci-dessus et encore religieux. On confie même aux « escoliers » (collégiens et étudiants) la vente du vin des cuvées familiales pour « le bayer en paiement à leurs maîtres » et pouvoir financer leurs études. Vendre son vin s’appelait alors « faire taverne » et on comprend bien comment, dans ce contexte, les débits du nectar viticole pouvaient être aussi florissants. En plus d’être une boisson prisée, c’était un commerce juteux.

Bouillonnement social & ambiance festive

Au delà de ces aspects économiques, du point de vue social, la taverne était le lieu de la boisson autant que de la ripaille mais c’était aussi celui où se retrouvait un fourmillement de vie et d’activité sociale. On y réglait ses comptes, ses litiges ou ses affaires. On y faisait commerce et on pouvait encore y rencontrer un clerc prompt à vous conseiller ou à rédiger pour vous quelques actes, lettres ou documents.

En dehors de cela, il y avait indéniablement dans ces lieux et dans ce milieu de XVe siècle, bien plus qu’un reste de la tradition qu’avaient célébrée les goliards des siècles précédents; on y buvait (sans toujours grande modération), on y chantait, on y jouait aussi à des jeux d’argent variés et l’ambiance festive deco_poesie_medievale_enluminures_francois_villon_XVe_sièclequ’avait encensé la poésie goliardique des XIIe et XIIIe siècles semble y avoir largement perduré. Pour tempérer un peu, de nombreuses tavernes se trouvaient alors aux portes de la ville et on imagine bien qu’en fonction des quartiers ou de leur localisation, l’ambiance devait être variable d’un établissement à l’autre, du plus sage au plus permissif.

Quoiqu’il en soit, lieu populaire par excellence, montré du doigt des moralistes comme le « lieu de perdition et de tous les vices », de la même façon que Rutebeuf s’y était peut-être déjà ruiné au jeu de dés (la Griesche d’Hiver), deux siècles auparavant, certains pouvaient encore, du temps de Villon, y sombrer dans l’excès et y laisser tous leurs deniers, quand ce n’était pas leur fond de culotte. C’est d’ailleurs toute la morale de cette ballade narquoise et fataliste du jour.

Ballade de bonne doctrine
à ceulx de mauvaise vie

Car or’, soyes porteur de bulles, (1)
Pipeur* (tricheur) ou hésardeur de dez,
Tailleur de faulx coings* (fausse monnaie), tu te brusles
Comme ceux qui sont eschaudez  (2);
Trahistres* (traîtres) pervers, de foy vuydez ;
Soyes larron, ravis ou pilles :
Où en va l’acquest* (les gains, le profit), que cuydez* (croyez-vous)?
Tout aux tavernes et aux filles.

Ryme, raille, cymballe, luttes, (3)
Hante tous autres eshontez ;
Farce, broille* (joue la comédie) , joue des flustes ;
Fais, ès villes et ès cités,
Fainctes, jeux et moralitez,
Gaigne au berlan* (brelan) , au glic* (jeu de cartes), aux quilles :
Où s’en va tout ? Or escoutez :
Tout aux tavernes et aux filles.

De telz ordures te reculles,
Laboure, fauche champs et prez,
Serz (4), et panse chevaulx et mulles,
S’aucunement tu n’es lettrez ;
Assez auras, se prens en grez.
Mais, se chanvre broyes ou tilles,
Ne tends ton labour qu’as ouvrez
Tout aux tavernes et aux filles.

Chausses, pourpoinctz esguilletez
Robes, et toutes vos drapilles* (harde, petit linge),
Ains* (avant) que cessez, vous porterez
Tout aux tavernes et aux filles.


NOTES

(1) porteurs de bulles : prêcheur de bonnes paroles ou plutôt faux prêcheur? La traduction de JHL Prompsaut est contestée par PL Jacob qui ne la clarifie pas pour autant. Dans La Vie de Lazarillo de Tormes, fiction célèbre de la littérature espagnole, datant de 1554, on trouve mention d’un porteur de (fausses) bulles, « franc scélérat » qui abuse de la crédulité et des deniers des gens en leur prêchant de fausses vérités religieuses. Cela serait assez dans le ton de la poésie de Villon et de sa première strophe sur les tricheurs au jeu, les faux monnayeurs, etc. 

(2) Ebouillanté était la punition qu’on réservait aux faux-monnayeurs. 

(3) Impératif : fais des vers, des satires ou des moqueries (bouffon), joue de la cymbale ou du luth.

(4) trouve-toi un travail, mets toi au service de quelqu’un, 

 En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Kaamelott : Perceval, Karadoc et le clan « autonome » des Semi-croustillants « meets » the Witcher

kaamelott_cinema_trilogie_humour_alexandre_astier_news_infos_serie_culteSujet : légendes arthuriennes, humour, série télévisée, Kaamelott,  Perceval, Karadoc, citations, semi-croustillants, Heroic Fantasy, Jeux vidéo
Période : moyen-âge central, haut moyen-âge
Auteur : Alexandre Astier pour Kaamelott, CD Projekt pour The Witcher
Médias : détournement, créa graphique, humour

Bonjour à tous,

Voici, pour aujourd’hui, un peu de médiéval fantastique et d’humour geek avec un petit détournement graphique basé sur une hybridation entre l’univers de la sérié télévisée Kaamelott et celui de l’excellent jeu video The Witcher 3. Quel rapport y-a-t’il entre les deux, me direz vous ? Rien de bien flagrant à première vue et pourtant quelques références partagées tout de même.

Kaamelott,
médiéval fantastique et jeux vidéo?

M_lettrine_moyen_age_passionême s’il se situe dans la comédie avec une bonne dose de non sens, l’univers de référence de Kaamelott est celui du médiéval fantastique. Son auteur lui-même Alexandre Astier n’a cessé de l’affirmer. Il en utilise les codes et on y trouve d’ailleurs (sans pour autant les voir) toute une galerie de monstres. Comme dans les classiques du genre Heroïc fantasy, jeux ou romans, on y explore aussi des donjons et labyrinthes en quête de trésor et on y croise encore des dragons (incontinents) et de la magie (plus ou moins réussie).

Selon A Astier toujours, la seule vraie différence entre son oeuvre et  le médiéval fantastique « classique », c’est qu’à un moment dans Kaamelott quelque chose foire  qui fait que cela ne se produit pas comme ça devrait. Sans trop se tromper, on peut avancer que c’est tout de même dû la plupart du temps aux personnages et à leur niveau général d’aptitude, de compréhension ou de perspicacité. Voilà ce qu’il disait récemment dans un interview accordé à PlaneteBD.com, dans le cadre du festival d’Angoulême à l’occasion duquel il présentait « L’antre du Basilic », sa dernière BD inspirée de l’univers Kaamelott.

alexandre_astier_kaamelott_jeux_video_medieval_fantastique_heroic_fantasy_humour« … Les aventures qui leur arrivent (aux héros de Kaamelott) sont « hyper » heroïc fantasy. C’est même du lieu commun de l’Heroïc Fantasy. C’est tiré d’un Donjons & Dragons ou d’un Warhammer parce que justement la petite couche qu’il y a, par dessus, c’est qu’ils n’y arrivent pas; ça, c’est ma mayonnaise à moi, mais tout est fait pour qu’ils puissent y arriver. »
Alexandre Astier – Janvier 2018 – Interview pour PlaneteBD.com

Pour le reste et concernant ce clin d’oeil croisé du jour à la série télé culte et au jeu The Witcher, on sait aussi que l’auteur de Kaamelott  apprécie l’univers des jeux vidéo. On se souvient d’une campagne de publicité pour World of Warcraft à laquelle il avait prêté sa contribution en 2008 ou même de sa participation, début 2017, à un doublage pour le jeu Mass Effect Andromeda. Côté hardcore Gaming, même si ses nombreuses activités lui laissent sans doute peu le temps de jouer, on peut encore retrouver son Top 5 sur la châine youtube du site Jeuxvideos.com : le Top 5 des jeux vidéo d’Alexandre Astier.

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Les semi-croustillants, binôme de choc

D_lettrine_moyen_age_passionans la série des associations improbables de la série Kaamelott, il faut donc compter sur le binôme formé par le légendaire Perceval de Galles et le nettement moins célèbre et pourtant sans doute inspiré aussi des légendes arthuriennes  Karadoc de Vannes.

La destinée de Perceval

Le premier, Perceval (Franck Pitiot à l’écran), est supérieurement intelligent, tout en restant, pourtant, relativement non-comprenant. Un brin « autistique » (au sens élargi et non clinique du terme), il est passionné d’astronomie et de sciences et même doté d’un don inexplicable pour les chiffres. Pour peu, il aurait presque certains traits d’un Dustin Hoffman dans Rain man.

Comme le Perceval des légendes arthuriennes, « il a un destin » mais  force est de constater qu’il ne l’a pas encore croisé. Pour être juste, il l’a, en réalité, fait quelques fois, mais il ne s’en est pas rendu compte. Les quelques hauts faits militaires dont il est l’auteur se sont perdus suite à une erreur commise par l’intéressé. Il n’a en effet rien trouvé de mieux que de se vautrer sur son propre patronyme, en indiquant s’appeler : Provençal le Gaulois. Du côté de la Sainte quête, il a aussi réussi à bazarder en chemin quelques reliques sacrées dont les clous de la Sainte Croix et le Saint-suaire. Le plus souvent quand même, ses faits restent d’une platitude affligeante ou se résument à se faire mordre par son cheval ou encore à rencontrer « des vieux tout moisis » et imaginaires, bref à des actes manqués.

alexandre_astier_kaamelott_serie_televisee_humour_moyen-age« Le Saint-Suaire ? Vous avez foutu en l’air le Saint-Suaire ???? »
Roi Arthur – Kaamelott – Alexandre Astier

Quant à la quête du Graal, notre preux chevalier s’est lui-même persuadé que « si Joseph d’Arimathie a pas été trop con, vous pouvez être sûr que le Graal, c’est un bocal à anchois ».  L’affaire est donc plutôt mal engagée. Du reste, il ne fait pas montre d’une grande assiduité à le trouver et on pourrait même presque se demander s’il n’est pas déjà passé à côté, plusieurs fois, sans s’en apercevoir. Notons que de ce côté là, le Perceval de la légende ne peut pas tellement en rabattre non plus.

Karadoc de Vannes, entre Obélix et Jacquouille ?

I_lettrine_moyen_age_passion copianspiré  peut-être de très loin de Caradoc Freichfras ou Briefbras ou encore Karadawc Vreichbras (Caradoc bras-court ou bras-fort), le Karadoc de Kaamelott (Jean-Christophe Hembert à l’écran) n’en a, semble-t-il et à une lettre près, hérité que le prénom. Son homologue légendaire est d’ailleurs gallois et pas de Vannes et les récits arthurien lui prêtent tout de même quelques exploits, ce qui n’est pas vraiment le cas de celui de la série qui brille surtout par sa voracité et aussi, il faut bien le dire, sa nullité,

karadoc_kaamelott_legende_medievale_roi_arthur_genial_alexandre_astier« Les chicots, c’est sacré ! Parce que si j’les lave pas maintenant, dans dix ans, c’est tout à la soupe. Et l’mec qui me fera manger de la soupe il est pas né ! »
Karadoc KaamelottAlexandre Astier

Largement moins nanti intellectuellement et aussi bien plus rabelaisien que son compère Perceval, Karadoc hérite de quelques archétypes « gaulois » mais peut-être encore plus « moyenâgeux ». Morfal, tout en restant tout de même d’une grande exigence sur la qualité des produits qu’il ingère, il  ne pense qu’à la mangeaille et va même jusqu’à se lever la nuit, à heures régulières, pour faire d’interminables casse-croûtes.

Du point de vue de l’hygiène, mis à part ses « chicots » qu’il considère comme sacro-saints (et pour cause), il pue, il pète et ne se lave pratiquement jamais même si l’occasion lui sera toutefois  donnée, en cours de route, de s’amender en découvrant les plaisirs du bain. Disons-le quand même, le fait de pouvoir casser une graine tout en faisant trempette sera pour beaucoup dans cette conversion tardive.

Les semi-croustillants, unis pour le meilleur,
mais surtout pour le pire

perceval_kaamelott_alexandre_astier_legendes_arthuriennes_medieval« …Je lui ai expliqué une nouvelle technique de combat : on se bat à moitié à mains nues, et à moitié avec du calcium. J’peux vous dire il faisait moins le malin !«   Perceval – Kaamelott – Alexandre Astier

P_lettrine_moyen_age_passion copiareuve éclatante que 1+1 n’est pas toujours égal à 2 mais peut même quelquefois produire un résultat voisin de 0, le binôme de choc formé par Perceval et Karadoc passe plus de temps à ripailler et à glander qu’à courir après la gloire, les actions chevaleresques  ou même le Graal. De fait, quelque soit les routes qu’ils empruntent, ils passent leur temps à vérifier l’adage que « tous les chemins mènent à la taverne ». Avec une ardoise « longue comme un jour sans pain » (sic), les deux lurons finiront même par devoir s’acquitter (avec inefficacité) de leur dette et décideront même d’y installer leur QG au moment de fonder leur clan « autonome » (c’est vite dit) : les semi-croustillants.

Avant cela, ils seront passés maîtres en recherche expérimentale dans le domaine des Arts Martiaux douteux et abscons et la série nous aura gratifié de nombreux épisodes dans lesquels les deux compères s’essayent aux techniques les plus débiles et « non sensiques ». Les quelques citations qui émaillent cet article nous en fournissent un bon échantillon.

karadoc_kaamelott_legende_medievale_roi_arthur_genial_alexandre_astier

« Tout à l’heure, on a vu que le chapelet de saucisses n’était pas un objet redondant. Et pourtant, on a pu lui trouver une utilisation périmétrique en s’en servant comme un fouet. »
Karadoc – Kaamelott – Alexandre Astier


The Witcher – Le jeu Vidéo

G_lettrine_moyen_age_passionrande saga médiéval-fantastique du studio polonais CD Projekt , The witcher est un jeu vidéo de type action/Jeu-de-rôle (RPG) qui a eu un franc succès depuis sa sortie en 2007, au point d’avoir connu déjà deux suites.

the_witcher_jeu_video_medieval_fantaisie_RPG_moyen-age_fantastiqueBasé sur l’oeuvre de l’écrivain  Andrzej Sapkowski, le joueur y incarne Geralt de Riv, un « sorceleur »,  sorte de mage guerrier hybride, pourfendeur de monstres   maléfiques et qui vit solitaire et en marge de la communauté des hommes.

Développé sur le moteur Aurora Engine de BioWare recustomisé à la sauce CD Projekt, le jeu vidéo présente un univers graphique de suberbe qualité et notamment un environnement urbain médiéval  époustouflant.  Une ville immense et vivante, Novigrad, a été, en effet, créée de toutes pièces pour l’occasion. Voici une petite vidéo pour vous permettre de vous en faire une idée :

The Witcher un tour dans Novigrad

D_lettrine_moyen_age_passionu côté de TheWitcher, on trouve ça et là quelques clins d’oeil plus que de véritables références aux légendes arthuriennes avec, par exemple, une une quête autour d’une étrange épée magique sortant de l’eau faisant intervenir une certaine dame du lac.

Sorti en 2015, le troisième opus de la Saga a été salué par les Game Awards et a été notamment sacré meilleur jeu de l’année et meilleur RPG. Un film, ainsi qu’une série inspirée de l’oeuvre écrite, mais surtout du jeu vidéo, sont actuellement en préparation.

Disons-le toutefois, pour ne pas faire de déçus, dans le jeu comme au cinéma, il ne fait pas s’attendre à  y retrouver les Semi-croustillants et leurs exploits. Dommage ! On aurait été curieux de les voir à l’oeuvre aux côtés de Geralt de Riv, faisant étalage de leurs techniques les plus novatrices en matière de combat au corps à corps, comme celle que nous exposait encore ici le très affûté Perceval de Kaamelott :

perceval_kaamelott_alexandre_astier_legendes_arthuriennes_medieval« En plus je connais une technique pour tuer trois hommes en un coup rien qu’avec des feuilles mortes ! Alors là, vous êtes deux, vous avez bien de la chance. » Perceval – Kaamelott – Alexandre Astier

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
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« Lo vers comens », une chanson et poésie médiévale satirique de Marcabru, par l’ensemble Céladon

troubadour_moyen-age-central_musique_chanson_poesie_medieval_occitan_oc_occitanie_MarcabruSujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson, musique médiévale,  lyrique courtoise. poésie satirique, sirvantes, occitan
Période : Moyen Âge central, XIIe siècle
Auteur : Marcabru  (1110-1150)
Titre :  « Lo vers comens quan vei del fau»
Interprète : Ensemble Céledon
Album:  
Nuits Occitanes (2014)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous vous proposons une nouvelle chanson et poésie médiévale de Marcabru, troubadour et maître occitan du « trobar clus ».  Comme nous le disions dans l’article précédent, nous sommes, en effet, avec cet artiste médiéval face à une poésie hermétique faite d’allusions et de sous-entendus qui ne se livre pas toujours simplement. Avec la longueur de temps passé, la difficulté se corse d’autant et prétendre en détenir toutes les clés relève de la gageure. Tout cela étant dit, nous donnerons tout de même quelques éclairages sur la chanson du jour et nous en approcherons même la traduction.

Quant à  l’envoûtante version musicale et vocale de cette pièce médiévale occitane que nous vous  présentons ici, elle provient de l’Ensemble Céladon, une formation française pointue dans le domaine de la musique ancienne dont nous n’avions pas encore parlé jusque là. Cet article nous en fournira donc l’occasion.

Lo vers comens quan vei del fau, de Marcabru par l’Ensemble Céladon

Paulin Bündgen et l’Ensemble Céladon

Formé en 1999, l’Ensemble Céladon explore le répertoire des musiques anciennes, sur une période qui va du Moyen Âge à l’ère baroque. Sorti avec un premier prix de conservatoire quelques temps après la création de la formation, son directeur artistique, le contre-ténor Paulin Bündgen, n’avait que 22 ans au moment où il la fonda. Il a, depuis, fait un long chemin.

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Présent dans de nombreux festivals, très actif sur la scène artistique, des musiques anciennes au classique en passant par l’opéra et en allant même jusqu’à la musique contemporaine, ce talentueux artiste dirige aussi, chaque année,  Les Rendez-vous de Musique Ancienne de Lyon. Quand il ne se produit pas avec son propre ensemble, Il intervient, au niveau international, au sein de prestigieuses  formations et sa discographie comprend déjà près de 40 titres.

Vous pouvez retrouver toute son actualité sur son site web officiel .

Un répertoire original et varié

De son côté et depuis ses premiers pas, l’Ensemble Céladon a produit huit albums. Sur le plan médiéval, leurs productions  couvrent des thèmes aussi variés que l’art des troubadours, les chansons d’amour courtois de Jehannot de Lescurel, et encore les musiques autour de la guerre de cent ans ou les chants de quête et d’amour sur les chemins des croisades. Sur des périodes plus récentes, il faut encore ajouter à leur répertoire la musique européenne de la renaissance, les cantates sacrées de Maurizio Cazzati, compositeur italien du XVIIe mais  aussi  l’exploration de la musique contemporaine.

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En près de vingt ans, le parti-pris de l’Ensemble Céladon n’a pas dévié et reste l’exploration d’un répertoire « hors des sentiers battus » selon la définition même de ses artistes. Sans épuiser la richesse de leur travail artistique ni la résumer à cela, le timbre de voix autant que le talent de son fondateur et directeur a largement guidé leurs choix de répertoires et demeure une des signatures originales de l’ensemble. Du côté de l’Ethnomusicologie et de leur exigence de restitution, il faut encore ajouter qu’à l’occasion de chaque album, l’ensemble s’entoure de conseillers historiques et d’experts éclairés.

Toujours actifs sur la scène, ils se produisent notamment en France sur les mois à venir. Pour aller les entendre en direct et connaître leur agenda de concerts, voici deux liens indispensables :

Le site web de l’ensemble CéladonPage Facebook officiel

Nuits Occitanes (Troubadours’ Songs)

Leur belle interprétation de la chanson Lo vers comens  quan vei del fau de Marcabru est tirée d’un album enregistré en 2013 et sorti à la vente en 2014. A cette occasion, l’ensemble célébrait ses quinze ans de carrière.

L’album a pour titre Nuits Occitanes et il reçut 5 diapasons dès sa sortie. Comme son titre l’indique, l’ensemble partait ici en quête de l’art des premiers troubadours et de leur poésie. On peut ainsi y retrouver Marcabru en compagnie de huit autres compositeurs en musique_chanson_poesie_medievale_ensemble_celadon_album_troubadours_occitans_marcabru_sirvantes_moyen-agelangue occitane du Moyen Âge central et des  XIe et XIIe siècles : Raimon de Miraval, Bernart de Ventadorn, Bertran de Born, entre autres noms, et encore la trobaraitz Beatriz de Dia.

L’album est toujours disponible en ligne sous forme CD mais aussi sous forme dématérialisée (MP3). Pour plus d’informations, en voici les liens :

Lien vers l’Album CD ou MP3: Nuits Occitanes – Troubadours Songs
Lien vers le titre du jour :  Lo vers comens en version MP3

Les paroles de la chanson occitane de Marcabru & leur traduction en français

Pour revenir au contenu de la chanson du jour, si, dès le départ, et comme dans nombre de poésies courtoises, Marcabru nous transporte avec lui dans la nature, nous sommes, cette fois-ci, plongé dans un paysage désolé et entré en hibernation.

« E segon trobar naturau, Port la peir’ e l’esc’ e’l fozill, »

« Et suivant l’art naturel de trouver, je porte la pierre (silex), l’amorce et le briquet », le « trouveur », le troubadour est celui qui allume le feu de la création et qui en porte l’étincelle. Marcabru veut-il encore nous dire par là que c’est aussi celui qui révèle, qui fait la lumière ? De fait, il nous sert ici un Sirvantès (servantois); le ton sera donc satirique et le poète y adressera les moeurs de son temps, autant que ses détracteurs. Et peu lui importera ceux qui le moquent ou se rient de ses vers, il ne cédera pas devant leurs moqueries et il les défiera même de lui chercher des poux dans la tête.

deco_medievale_enluminures_trouvere_Au pied d’un arbre rendu sans feuille, le poète médiéval attend donc le renouveau mais il n’est pas vraiment question ici de conter fleurette. Les jeux de l’amour reviendront un peu avant la fin de la poésie. Est-ce simplement par convention ou règle-t-il ici tout en sous-entendu des comptes avec une maîtresse qui l’aurait éconduit? Difficile de l’affirmer. L’amour ne sera, en tout cas pas au centre des préoccupations du troubadour dans cette poésie et le thème restera traité dans un contexte satirique plus global. Au fond, si les jeux d’amour sont biaisés, ce n’est qu’une des conséquences de ce « siècle » aux usages corrompus.

Victoire de la cupidité sur la loyauté et la droiture, l’hiver dont Marcabru nous parle ici est indéniablement celui des valeurs. On se drape des meilleurs apparats pour commettre le pire, on se comporte comme des animaux en matière de pouvoir comme en matière d’amour. Bref tout va mal, comme si souvent d’ailleurs, dans les poésies morales. Le troubadour ira même jusqu’à faire une allusion aux prophéties bibliques annonciatrices de grands changements et de destruction (Jérémie). « Le seigneur devient le serf, le serf devient le seigneur ». Ce thème de l’inversion et du vilain qui se fait « courtois » se retrouvera dans d’autres de ses poésies.

Densité thématique et sujets imbriqués

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour conclure, comme nous le disions en introduction, même une fois traduite, la poésie de Marcabru peut s’avérer assez difficile à décrypter. Elle est faite assurément de son actualité immédiate mais elle est aussi codée pour s’adresser à un public d’initiés.

Comme c’est encore le cas ici, à l’intérieur d’une même poésie,  le troubadour semble souvent sauter d’un sujet à l’autre, d’une strophe à l’autre, avec une désinvolture qui pourrait presque paraître désarmante à nos yeux. Encore une fois tout ceci n’est peut-être qu’une impression (représentations modernes, hermétisme du code, …) mais d’une certaine manière, cet effet « d’empilement » ou de « sujets imbriqués » interpelle et questionne nos vues sur la notion de deco_medievale_enluminures_trouvere_« cohérence » thématique. Sans être totalement décousu non plus, loin s’en faut, le procédé pourrait presque, par moments, prendre des allures de soliloque ou de « causerie » à parenthèses. Quoiqu’il en soit, au final, on ne peut que constater le fait ce « vers comens » nous met face à une grande densité et variété thématique.

Pour le reste et sur le fond, si nous avons perdu en route quelques éléments de contexte (historique) ou si encore certains codes de la poésie de ce troubadour occitan nous demeurent inaccessibles, peut-être faut-il aussi savoir l’apprécier sans chercher à l’épuiser totalement rationnellement. C’est d’ailleurs l’éternel débat en poésie. Pour goûter l’oeuvre de Marcabru, il faut aussi savoir simplement se laisser aller à la beauté et à la musicalité de la langue occitane et de la composition et, plutôt que buter dessus, savoir apprécier l’aura de mystère qui continue d’entourer ses mots.

Notes sur l’adaptation /traduction

Concernant l’adaptation, si je me sers encore largement des oeuvres complètes de  Marcabru, annotées et traduites par le Docteur Jean-Marie Lucien Dejeanne (1842-1909), je m’en éloigne toutefois à quelques reprises, sous le coup de recherches personnelles. Je ne reporte dans les notes que les écarts les plus significatifs. Je dois avouer et je le fais d’autant plus facilement que le bon docteur l’avait lui-même affirmé (voir article), que certaines de ses traductions ne me convainquent pas totalement. Pour être très honnête, j’aurai d’ailleurs, à mon tour, à coeur de revenir sur celles que je fais ici pour les retravailler, mais il faudra du temps. Qu’on les prenne donc pour ceux qu’elles sont, une première approche ou un premier jet, et pas d’avantage.

Lo vers comens quan vei del fau

Lo vers comens quan vei del fau
Ses foilla lo cim e·l branquill,
C’om d’auzel ni raina non au
Chan ni grondill,
Ni fara jusqu’al temps soau
Qu·el nais brondill.

Je commence mon vers (ma poésie) quand du hêtre
je vois la cime et les branches  effeuillés
Quand de l’oiseau ou de la grenouille,
On n’entend ni le chant ni le coassement
Et qu’il en sera ainsi jusqu’à la douce saison
où naîtront les nouveaux rameaux.

E segon trobar naturau
Port la peir’ e l’esc’ e’l fozill,
Mas menut trobador bergau
Entrebesquill,
Mi tornon mon chant en badau
En fant gratill.

Et selon l’art naturel de trouver
Je porte la pierre, l’amorce et le briquet,
Mais d’insignifiants troubadours
frelons et brouillons* (embrouilleurs, entremis)
Tournent mon chant en niaiseries
Et s’en moquent  (1) 

Pretz es vengutz d’amont aval
E casegutz en l’escobill,
Puois avers fai Roma venau,
Ben cuig que cill
Non jauziran, qui·n son colpau
D’aquest perill.

Le(s) prix s’est venu du haut vers le bas
Et a chu dans les balayures* (immondices);
Puisque les possessions rendent Rome vénale
Je crois bien que ceux-là
Ne s’en réjouiront pas qui sont coupables
de ce danger* (de cette situation périlleuse).

Avoleza porta la clau
E geta Proez’ en issill!
Greu parejaran mais igau
Paire ni fill!
Que non aug dir, fors en Peitau,
C’om s’en atill.

La bassesse* (vileté, lâcheté) porte la clef* (est souveraine)
Et jette les prouesses en exil !
Il sera difficile désormais que paraissent égaux 
Les pères comme les fils !
Car je n’entends pas dire, sauf en Poitou,
Que l’on s’y attache. (que l’on s’en préoccupe)

Li plus d’aquest segle carnau
Ant tornat joven a nuill,
Qu’ieu non trob, de que molt m’es mau,
Qui maestrill
Cortesia ab cor leiau,
Que noi·s ranquill.

Les plus nombreux de ce siècle* (monde) charnel 
Ont changé la jeunesse en mépris, (ont dévoyé leur jeunesse ?)
Car je n’en trouve pas, ce qui m’émeut grandement,
Qui pratiquent avec maestria (avec art, habileté)
La courtoise et la loyauté de coeur
Et qui ne soient pas « boiteux ».

Passat ant lo saut vergondau
Ab semblan d’usatge captill!
Tot cant que donant fant sensau,
Plen de grondill,
E non prezon blasme ni lau
Un gran de mill.

Ils ont sauté le pas sans vergogne
Sous l’apparence des usages (habitudes) souverains !
Tout ce qu’ils donnent est contre rétribution (tribut, redevance) (2),
(et ils suscitent) plein de grondements (grognements) (3)
Et blâme ou louange leur importent aussi peu
qu’un 
grain de mil. 

Cel prophetizet ben e mau
Que ditz c’om iri’ en becill,
Seigner sers e sers seignorau,
E si fant ill,
Que·i ant fait li buzat d’Anjau,
Cal desmerill.

Celui-là prophétisa bien et mal
Et qui dit comment viendrait un « bouleversement »,
Le seigneur serf et le serf seigneur* (« seigneuriant »),
Et ils font déjà ainsi,
Comme ont fait les buses d’Anjou (4)
Quelle déchéance* (démérite) !

Si amars a amic corau,
Miga nonca m’en meravill
S’il se fai semblar bestiau
Al departill,
Greu veiretz ja joc comunau
Al pelacill.

Si Amour (une amante maîtresse) a  ami loyal
Je  ne m’étonne plus du tout
Qu’on se comporte comme des animaux
Au moment de la séparation
Car vous ne verrez jamais facilement
un jeu commun (égal. Dejeanne: « parité complète ») au jeu d’amour.

Marcabrus ditz que noil l’en cau,
Qui quer ben lo vers e·l foill
Que no·i pot hom trobar a frau
Mot de roill!
Intrar pot hom de lonc jornau
En breu doill.

Marcabru dit qu’il ne lui en chaut
Que l’on recherche bien dans son vers (sa poésie) et le fouille,
Car aucun homme n’y peut trouver en fraude
Un mot de rouille !
Un grand homme  (un ainé, homme d’expérience, ) peut passer
Par un petit trou. (5)


NOTES

(1) trad Docteur JML Dejeanneen font des gorges chaudes

(2) Donner à cens : louer contre rétribution en nature ou en espèces.

(3) « Plen de grondill », trad Docteur JML Dejeanne « ce qui fait gronder beaucoup ». Ce « plen de grondill » pourrait aussi s’appliquer dans le sens, il donnent à cens mais le font en plus de mauvaise grâce?

(4) Dans un article de Romania des débuts du XXe siècle (1922), l’historien Prosper Boissonnade fera un rapprochement de ce vers avec les débuts du rêgne de Geoffroy V d’Anjou, dit le Bel ou Plantagenêt  et l’anarchie féodale qui régnait alors du côté des angevins. Voir :
Les personnages et les événements de l’histoire d’Allemagne, de  France et d’Espagne dans l’oeuvre de Marcabru (1129-1150) ; essai sur la biographie du poète et la chronologie de ses poésies

(5) trad Docteur JML Dejeanne : « je consens qu’un homme grand passe par un petit trou (?) ».Il me semble plutôt que Marcabru  parle de lui ici et explique qu’étant plus âgé et expérimenté  il est habile et ne prête pas le flan à la critique.

En vous souhaitant une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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