L’homme intérieur, selon Maître Eckhart

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moyen-age_chretien_mystique_chrétienne_maitre_eckhart« L’homme intérieur ne se situe ni dans le temps ni dans l’espace, mais purement et simplement dans l’éternité. »

Citation de Maître Eckhart (1260-1328) Théologien, philosophe  et grand mystique chrétien dominicain du moyen-âge.

La Médiocrité dorée d’Eustache Deschamps: lecture audio et traduction /adaptation en Français moderne

lecture_poesie_medievale_vieux_francais_oil_audioSujet : poésie médiévale, morale, ballade, vieux français, oil, traduction, adaptation
Période : moyen-âge tardif
Auteur : Eustache Deschamps
Media : lecture audio
Titre : « Aurea Mediocritas »

Bonjour à tous,

F_lettrine_moyen_age_passion-copiainalement, à la demande générale et c’est bien parce que c’est vous, nous avons passé un peu de temps pour adapter cette ballade d’Eustache Deschamps en français moderne et du coup, nous en avons profité pour en faire une lecture audio.

Adaptation en français moderne de « Aurea Mediocritas » d’Eustache Deschamps

Ou hault sommet de la haulte montaigne
Ne fait pas bon maison édifier,
Que li grant vens ne la gaste et souspraingne;
Ne ou bas lieu ne la doit pas lier :
Car par eaues pourroit amolier
Le fondement et périr le merrien ;
Nulz ne se doit ne hault ne bas fier :
Benoist de Dieu est qui tient le moien.

Au haut sommet de la haute montagne
Ne fait pas bon édifier sa maison,
Afin que les grands vents ne la ruinent et l’emportent;
Ni dans les bas fonds on ne la doit lier:
Car par les eaux elle pourrait mouiller
ses fondations et détruire ses bois;
Ni au haut, ni au bas, nul ne doit se fier :
Il est Béni de Dieu qui s’en tient au moyen

Es grans estaz est haulte honeur mondaine
Qu’Envie tend par son vent trebuchier;
Et la s’endort chascuns en gloire vaine,
Mais en ce cas chiet honeur de legier ;
Du hault en bas le convient abaissier.
Et lors languist quant il dechiet du sien ;
Telz haulz estas sont de foible mortier :
Benoist de Dieu est qui tient le moien.

Dans haute condition est grand honneur mondain
Que l’Envie tend par son vent renverser;
Et là s’endort chacun dans une gloire vaine,
Mais dans ce cas aussi l’honneur choit aisément;
Du haut jusques en bas lui convient s’abaisser.
Et lors se morfond celui déchu du sien;
Car telles Hautes conditions sont de faible mortier:
Il est Béni de Dieu qui s’en tient au moyen.

Ou lieu trop bas qui est assis en plaine
Ne se doit nulz tenir pour mendier.
Car povreté est reprouche certaine.
Et si n’est homs qui vueille au povre aidier;
Fay ta maison en un petit rochier
Ne hault ne bas, et la vivras tu bien :
En tous estas vueil dire et enseignier :
Benoist de Dieu est qui tient le moien,

Et dans les lieux trop bas qui se tiennent en plaine
Nul ne se doit tenir pour mendier.
Car pauvreté attire les reproches certaines.
Et il n’y a point d’homme qui veuille le pauvre aider;
Fais ta maison sur un petit rocher
Ni haut ni bas, et là tu vivras bien:
En toutes circonstances*, je veux dire et enseigner:
Il est Béni de Dieu qui s’en tient au moyen.

(* double sens: « A tous quelque soit sa condition »)

Pour le reste et si vous l’aviez manqué, l’article détaillé sur cette poésie et la médiocrité dorée est ici.

Longue vie!

Fred
Pour moyenagepassion.com
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Amour du prochain, bon sens et réthorique chrétienne dans le codicille de Jean de Meung

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“Se tu es beaulx et riches, de legier peuz vouloir
Que je le soye aussi sans riens de toy douIoir;
Se je vaulx et tu vaulx, il ne t’en doit challoir,
Puisque tu ne puis moins de ma valeur valoir.”

Jean de Meung (1250-1305) Le codicille.

Adaptation libre français moderne:

« Si tu es beau et riche, il t’est facile de vouloir
Que je le sois aussi, sans que cela te nuise;
Si je vaux et tu vaux, il ne doit t’importer;
Puisque tu ne peux moins que ma valeur valoir. »

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons à nouveau, ici, quelques alexandrins, en forme de citation médiévale, tirés du codicille de Jean de Meung: ce long poème de bonne conduite et de recommandations que le poète érudit du moyen-âge laissa en legs à ses contemporains.

S’ils ne sont pas les seuls thèmes abordés dans l’ensemble de ce texte, les questions de la conduite dans le monde en vue de l’après-vie (éternelle), et avec elles celles de la pratique chrétienne, de sa morale et de la sainte trinité y sont bien sûr omniprésentes. Rien de bien original, me direz-vous, on fait difficilement l’économie de ces questions existentielles dans l’Europe chrétienne du moyen-âge central.

C’est donc dans ce contexte que viennent s’inscrire ces quatre vers, dans une « démonstration » rhétorique par Jean de Meung du bien fondé, qu’il y à vouloir le bien d’autrui: privilégier la réussite de l’autre plutôt que de l’envier ou vouloir lui nuire et comprendre qu’au sortir de l’équation, personne n’est perdant puisqu’il y a égalité de valeurs entre les hommes et devant Dieu. Il n’est ici question que de « raison » et même de nature. Au sortir de cette citation et sous la plume du poète médiéval, l’amour du prochain se n’est, au fond, qu’une question de bon sens qui, en plus, ça tombe bien, se trouve être conforme à la morale chrétienne et plaire à Dieu. D’ailleurs, les vers qui suivront clôtureront la démonstration:

Toute rien veult et ayme son pareil par nature,
Pource, dis-je, que femme ou homs se desnature,
Qui n’ayme à ceste fin humaine créature;
Car rayson si accorde, Dieu et saincte escripture.

Chacun ne veut qu’aimer son pareil par nature
Pour ce, dis-je, que femme ou homme se dénature
Qui n’aime à cette fin humaine créature
Car raison s’y accorde, Dieu et la Sainte Ecriture.

Voilà, deux sous de bon sens humaniste et chrétien selon Jean de Meung et qui ne coûte pas plus cher. Du coup, j’en profite pour vous souhaiter à tous d’être beaux et riches, comme ça, ce sera fait. Enfin si ça vous dit, je ne veux forcer personne.

En vous souhaitant une belle journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com
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L’amour courtois de Guillaume de Machaut avec Elisabeth Pawelke, Trobairitz contemporaine

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique médiévale, musicien, trouvère, troubadour, poète médiéval, amour courtois, virelai
Titre : « Je vivroie liement»
Auteur: Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période : XIVe siècle, Moyen Âge
Interprète :  Elisabeth Pawelke

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous revenons vers le grand maître de musique Guillaume de Machaut pour partager l’un des trente trois virelais  qu’il nous a laissés. Soucieux de formaliser les genres et les compositions musicales, comme le fut son ami Eustache Deschamps de le faire pour la poésie, Guillaume  Machaut fut un des premiers à organiser de manière systématique son œuvre.

De fait, il nous a légué trois manuscrits complets sur son abondant travail de composition et d’écriture, fournissant même l’ordre dans lequel classer ses différentes œuvres musicales.  Nous retrouvons donc la pièce du jour, le virelai V23 intitulé « Je vivroie liement » (je vivrai dans la joie) dans différents manuscrits anciens enluminés, avec ou sans notation musicale, dont certains qui furent même réalisés de son vivant et à l’élaboration desquels il a certainement participé (la miniature ci-dessous est tirée de l’un deux et même de plus ancien: le manuscrit 1586 de la BnF).

Miniature tirée du plus ancien manuscrit connu des oeuvres de Guillaume de Machaut et contemporain de l'artiste - Manuscrit 1586 - Bnf
Miniature tirée du plus ancien manuscrit connu des oeuvres de Guillaume de Machaut et contemporain de l’artiste – Manuscrit 1586 – Bnf

Le virelai de Guillaume de Machaut
et sa notation musicale du XIVe siècle

Après quelques sérieuses heures de recherche, le nez plongé dans les vieux parchemins et les nombreux manuscrits anciens sur Guillaume de Machaut que l’on peut trouver notamment sur le site de la BNF, nous vous présentons, ci-dessous, ce virelai, accompagné de sa partition. Le tout  est extrait du manuscrit ancien numéroté 9221  ayant pour titre « Guillaume de Machaut: œuvres narratives et lyriques« . Cet ouvrage n’est pas tout à fait contemporain de l’artiste puisqu’il date de 1380-1395 mais il a l’avantage d’être accompagné de la notation musicale d’époque. Il n’est, encore une fois, pas le seul dans ce cas puisque les manuscrits anciens sur l’œuvre de Guillaume de Machaut ne manquent pas et dénotent bien de sa popularité comme de son influence sur la musique de son siècle et de ceux qui suivront.

Si vous en avez la curiosité, le lien direct vers le manuscrit ici.

L’interprète du jour :  Elisabeth Pawelke

On trouve quelques versions de ce morceau à la ronde dont certaines exécutées par des formations de taille moyenne avec des orchestrations conséquentes mais nous avons choisi pour l’interprétation du jour celle de Elisabeth Pawelke, Elisabeth Pawelke est une chanteuse, musicienne et harpiste qui s’est jusque là spécialisée dans les musiques anciennes et médiévales et qui connait, déjà, des débuts de carrière très prometteurs dans ces répertoires. Elle a participé, depuis plusieurs années, à plusieurs formations musique_medievale_virelai_guillaume_de_machaut_Elisabeth_Pawelkemédiévales (le groupe Almara, la formation troubadours du monde, Egeria, l’ensemble Ricci Caprici) mais elle a aussi contribué activement à la réalisation de plusieurs albums du groupe folk néo-médiéval allemand FAUN dont nous avons déjà eu l’occasion de parler ici. Elle se produit également en solo sur divers scènes européennes, où elle propose des répertoires qui vont des lais de Marie de France à des chansons d’amour courtois de troubadours ou Trobairitz médiévaux. Elle nous offre, ici, une version très épurée du virelai de Guillaume de Machaut, sans fioriture et soutenue presque uniquement par sa très belle prestation vocale.

Traduction adaptation de « Je vivroie lentement » en français moderne

On doit au musicologue américain d’origine germanique Leo Schrade d’avoir publié l’ensemble des œuvres de Machaut, dans le courant du XXe siècle, contribuant ainsi à faire mieux connaître  le maître de musique médiéval hors de nos frontières. De fait, si vous cherchez une peu à la ronde sur le web, vous vous rendrez compte qu’on parle pratiquement plus de cette pièce du jour sur des sites anglophones que sur des sites français. Dans la même veine, on trouve aussi plus facilement sa traduction et adaptation en anglaise qu’en français. Pour réparer cette ironie de l’Histoire, nous nous y sommes donc attelés et vous donnons ici quelques clés et définitions qui devraient vous permettre de mieux comprendre ce virelai :

Je vivroie liement*, (dans la joie)
Douce creature,
Se vous saviés vraiement
Qu’en vous fust parfaitement
Ma cure

Dame de meinteing (maintien) joli,
Plaisant, nette et pure,
Souvent me fait dire: « aymi » (Hélas)
Li maus que j’endure

Pour vous servir loyaument.
Et soiés seüre
Que je ne puis nullement
Vivre einsi, se longuement
Me dure.

Je vivroie liement,
Douce creature,
Se vous saviés vraiement
Qu’en vous fust parfaitement
Ma cure.

Car vous m’estes sans mercy
Et sans pité dure,
Et s’avés le cuer de mi
Mis en tel ardure (désir ardent)

Qu’il morra certeinnement
De mort trop obscure,
Se pour son aligement (soulagement)
Merci n’est procheinnement
Meüre.* (votre pitié ne tarde à venir)

Je vivroie liement,
Douce creature,
Se vous saviés vraiement
Qu’en vous fust parfaitement
Ma cure.


(1) que vous êtes l’objet de toute mon attention, mes soins, mon souci

En vous souhaitant une très belle journée !
Fred
Pour moyenagepassion.com
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