Sujet : Kaamelott, humour, série télévisée, médiéval-fantastique, comédie, bandes dessinées, légendes arthuriennes, nouveauté, fantasy. Période : haut Moyen Âge à central Auteur : Alexandre Astier, Ouvrage : Karodoc et l’icosaèdre, BD, Casterman Sortie : le 25 janvier 2023
Bonjour à tous,
annettes, fans, suiveurs et suivettes des productions d’Alexandre Astier et notamment de ses déclinaisons autour de la série TV Kaamelott, le lancement de la dixième BD de la série éponyme vient d’être annoncée. Avec pour titre « Karadoc et l’icosaèdre », elle sera disponible prochainement dans tout magasin de bandes dessinées qui se respecte et peut, dors et déjà, être précommandée en ligne.
Une nouvelle quête magique pour Karadoc
Côté pitch, il y sera question d’une aventure du chevalier Karadoc. Congédié de la table ronde, le seigneur de Vannes prendra ici la tête de sa propre guilde de héros, pour partir en quête d’un mystérieux objet magique : un icosaèdre, soit un solide a vingt faces qui n’ira pas sans évoquer un bon vieux D20 à tout bon roliste ou geek qui se respecte.
Perceval sera aussi de la partie et tout ça devrait donc avoir un petit goût de semi-croustillants. En se souvenant de certaines séances de recrutement de ce clan d’un nouveau genre (cf les derniers livres de la série TV), on imagine nos deux champions prompts à s’entourer de personnages forcément un peu bas de plafond mais bon, sait-on jamais ? quelques uns tireront peut-être leur épingle du jeu.
Si l’on n’en sait guère plus sur le scénario, avec un format moins contraint budgétairement qu’au cinéma, le penchant d’Alexandre Astier pour le médiéval fantasy est devenu encore plus manifeste dans cette série illustrée et il s’y lâche carrément plus ce qui n’est pas pour nous déplaire. Avec un format exploité au mieux, gageons donc que ce nouvel ouvrage continue de nous révéler de belles surprises de ce côté là. Concernant les illustrations, on ne change pas une équipe qui gagne et c’est à nouveau le dessinateur Sylvain Dupré qui s’y colle.
Lancement au Festival Angoulème
Cette BD a déjà été annoncée depuis quelques semaines, mais il faudra attendre un peu pour l’avoir en main. Sa sortie est, en effet, prévue pour le début de l’année prochaine et plus précisément le 25 janvier 2023. Dans l’attente, vous pourrez toujours relire les 9 opus précédents ou vous les offrir si vous n’en avez pas encore fait l’acquisition. Si vous voulez être sûr d’être servi en premier, vous pouvez déjà précommander cette BD en ligne dès maintenant.
Au passage, pour les grognons qui pensaient la lire à Noël et qui n’auraient pas percuté, ce lancement coïncide avec Le 50e festival de la BD d’Angoulême qu’Alexandre Astier présidera, justement, cette année. C’est une belle promotion pour l’auteur-réalisateur qui y avait fait plusieurs fois l’événement, alors qu’il s’apprête déjà à tourner la suite de Kaamelott au cinéma. Après un premier long métrage qui s’en était plutôt bien tiré en matière d’entrées en salle, dans un contexte sanitaire compliqué, AA a déjà confirmé que ce milieu de trilogie devrait être fractionné en deux parties : il y aura donc un Kaamelott 2.1 et un Kaamelott 2.2 qui devraient sortir à quelques mois d’intervalle l’un de l’autre.
« Séries illimitées », un guide drôle sur les séries TV, préfacé par A Astier
Quand Alexandre Astier ne donne pas des interviews, ne réalise pas des films ou n’écrit pas des scénarios de BD ou de futures histoires sur d’autres sujets (la bête du Gévaudan, par exemple), il lui arrive de prendre la plume pour faire des préfaces de livres. Avant d’en conclure, et pour rester sur le sujet des séries TV, nous en profitons pour faire un clin d’œil à un ouvrage fraichement sorti aux éditions Marabout et qu’il a donc préfacé.
Signé par le collectif Arrière-Cuisine, ce livre a pour titre : « Séries Illimitées, le guide ultime pour ne plus chercher des heures un truc à regarder ». Pas très académique, ni médiéval du reste, disons le tout de suite, son titre évoque plus un manuel de la glandouille sur canapé, qu’un précis sur le meilleur moyen de se désintoxiquer de Netflix, mais ça a le mérite d’annoncer la couleur. Quoi qu’il en soit, si vous êtes amateur de séries ou que vous connaissez des addicts dans votre entourage (c’est forcément le cas), cet ouvrage vous/leur proposera de faire le tri sur un marché devenu extrêmement prolifique en terme de production.
Ce guide en main, vous pourrez décider quoi regarder ou quoi écarter et zapper, en un clin d’œil. Vraie cerise sur le gâteau et c’est même tout son intérêt, en plus d’être assez complet et de passer en revue toutes les séries qui trainent, en ce moment, à la télé ou sur les plateformes, l’ouvrage est rédigé avec un vrai-partie pris humoristique et propose des textes très drôles et caustiques. Avec une belle mise en page et de nombreuses photos, il reste également très graphique et agréable à lire. A feuilleter pour passer un bon moment ou même à offrir. Pour une fois que la télé fait lire ! Vous pouvez le trouver en ligne ou chez tout bon libraire.
En vous souhaitant une belle journée. Fred Pour moyenagepassion.com L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. Publilius Syrus Ier s. av. J.-C.
Sujet : musique ancienne, galaïco-portugais, culte marial, miracle, vierge de Montserrat, résurrection, Moyen Âge chrétien, Catalogne. Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Titre : Cantiga Santa Maria 311, O que diz que servir hóme aa Virgen… Auteur : Alphonse X de Castille (1221-1284) Interprète : Música Antigua Album : Cantigas de Catalunya (2007)
Bonjour à tous,
u cœur de l’Espagne médiévale et à la cour d’Alphonse X, on réunit les chants, les miracles et les louanges qui circulent alors sur les routes de pèlerinages des lieux dédiés à la vierge.
Demeurée célèbre, la compilation du XIIIe siècle présente plus de 420 chants mariaux notés musicalement, qui ont traversé 700 ans d’histoire pour nous parvenir.
Les Cantigas de Santa Maria traduites en Français actuel
Sur Moyenagepassion, nous avons entrepris, leur étude, depuis quelques années déjà. Chaque Cantiga de Santa Maria approchée est ainsi présentée et commentée, avec ses sources et sa version en musique par les plus grands ensembles du moment. Nous nous efforçons également de traduire en français actuel ces cantigas originellement écrites en galaïco-portugaises.
Aujourd’hui, nous reprenons le flambeau pour partir à la découverte de la Cantiga Santa Maria 311 et de son étonnant miracle : l’histoire d’un pélerin foudroyé et ramené à la vie. Mais avant cela, disons un mot du culte marial au Moyen Âge.
A propos des Cantigas et du culte marial
Bien au delà des frontières de la péninsule ibérique, les cantigas de Santa Maria d’Alphonse X ont ceci de précieux qu’elles témoignent d’un culte marial qui fut d’une très grande importance pour le monde chrétien occidental, à partir du Moyen Âge central.
Mère du « Dieu mort en croix« , on prête alors à la vierge le pouvoir d’intercéder auprès de lui pour le compte des hommes. Grande faiseuse de miracles pour qui la loue et la prie, Marie a aussi la douceur et la compréhension d’une mère.
De fait, parmi tous les auteurs médiévaux que nous avons pu étudier jusque là : De Rutebeuf à François Villon, en passant par différents trouvères et troubadours mais encore des poètes du Moyen Âge plus tardif, peu sont ceux qui n’aient pas écrit leur propre oraison à la vierge ou, au moins, quelques louanges à son endroit.
L’amour qu’on voue à la vierge Marie empruntera même dans la littérature médiévale des XIIe et XIIIe siècles et chez certains auteurs religieux ou laïques, les voies de la lyrique courtoisie et de la fine Amor. La fusion des deux genres donnera ainsi naissance à une poésie, faite tout à la fois, de spiritualité, de retenue et d’émotion amoureuse.
Le miracle de la Cantiga 311 : le pèlerin foudroyé et son ami mécréant
Enluminure de la Cantiga de Santa Maria 311 dans le chansonnier BNCF BR20 de la Bibliothèque de Florence (XIIIe-XIVe siècle).
A l’image de nombreuses Cantigas de Santa Maria, la CSM 311 conte donc l’histoire d’un miracle. Celui-ci porte plus particulièrement sur la vierge catalane de Montserrat et nous rapporte les infortunes d’un dévot habitué à la visiter, chaque année, en pèlerinage.
La vierge et son pouvoir de résurrection
Ce corpus médiéval ne cesse de l’affirmer, la foi placée en la Sainte Marie peut tout et de bien des manières ; le miracle de la Cantiga 311 s’efforcera, une fois de plus, de l’établir. Il prendra même la forme du miracle ultime puisqu’il sera question ici de résurrection. Notons que ce n’est pas le seul de ce type dans le corpus des Cantigas d’Alphonse X ; nous avons eu l’occasion d’en étudier plusieurs de ce type (voir index des Cantigas de Santa Maria déjà traduites et commentées).
Ici, l’exemplarité de la dévotion sera pour les auditeurs, autant pour l’un des témoins directs de toute l’affaire. Bourgeois nanti, de peu de foi, ce dernier recevra, au passage, une double-leçon. La première portera sur le mal fondé de ses doutes en les pouvoirs de la sainte. L’autre concernera son avarice et son manque de largesse envers elle. A l’occasion de ce retour entre les lignes « de l’homme fortuné, du chameau et du trou de l’aiguille », la boucle biblique sera donc bouclée (1).
Música Antigua et les cantigas d’Alphonse X
Pour nous accompagner en musique dans la découverte de ce chant marial, nous avons choisi de rester sur les routes d’Espagne. Nous y profiterons à nouveau du talent et de l’œuvre majeure d’Eduardo Paniagua.
Avec son ensemble Música Antigua fondé en 94, ce musicien espagnol est, en effet, l’un des seuls à avoir couvert l’ensemble du répertoire des Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X. Il en a tiré de nombreux albums thématiques.
Loin de grandes envolées lyriques, la version qu’il nous propose ici reste plutôt ancrée. Pour le dire autrement, on n’est plus proche d’une version à la René Zosso que de volutes soprano. Peut-être d’ailleurs, reste-t-on, de cette façon, plus proche des origines de ces chants (orchestration mise à part) si on les imagine chantés sur des routes de pèlerinages.
Cantigas de Catatunya, Abadía de Montserrat
Sorti dans le courant de l’année 2007, l’album dont est tiré le chant marial du jour est intitulé : Cantigas De Catalunya, Abadía de Montserrat (Chants de Catalogne, abbaye de Montserrat). Sur 1h15 d’écoute, on s’y engouffre dans la logique thématique privilégiée par Edouardo Paniagua, au moment d’aborder ce vaste corpus de plus de 400 pièces.
Cette production musicale vous permettra donc, à travers huit pièces issues du répertoire d’Alphonse X, de découvrir uniquement des Cantigas qui portent sur le nord de l’Espagne et la Catalogne.
La vierge de Montserrat chère aux Barcelonais, y tient une place de choix. Pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de visiter l’endroit, l’abbaye de Montserrat est entourée d’impressionnantes concrétions rocheuses, à quelques encablures de Barcelone. L’édifice religieux et sa vierge noire continuent d’attirer de nombreux pèlerins et visiteurs, chaque année.
Membres ayant participé à cet album
César Carazo (chant, alto), Luis Antonio Muñoz (chant, fidule), Felipe Sánchez (luth, citole, vièle), Jaime Muñoz (cornemuse, flaviol, tarota, axabeba, tambour), David Mayoral (darbouka, dumbek, tambourin), Eduardo Paniagua (psaltérion, flûte à bec, cloche, darbouka, gong, rochet, hochets, hochet, goudron) et direction.
En chinant un peu, vous pourrez, sans doute, trouver cet album chez votre disquaire préféré. A défaut, sachez qu’il est toujours disponible à la vente en ligne sous forme dématérialisée. Voici un lien utile pour l’obtenir au format MP3.
La Cantiga de Santa Maria 311 et sa partition dans le codex des musiciens ( Códice de los Músicos, códice J.b.2) de la Bibliothèque de l’Escorial de Madrid
La cantiga de Santa Maria 311 et sa traduction en français actuel
Como Santa María de Monsarrat resuscitou un hóme que ía alá en romaría e morreu na carreira.
O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é, aquest’ é de mal recado e hóme de maa fé.
Ca se en fazer serviço a un bon hóme pról ten, quanto mais na Virgen santa ond’ havemos todo ben; e quen aquesto non cree, sa creença non val ren, ca descre’ en Déus, séu Fillo, e en ela que Madr’ é. O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
Comment Sainte-Marie de Montserrat ressuscita un homme qui se rendait là-bas en pèlerinage et mourut en chemin.
Celui qui dit que servir la vierge ne vaut pas la peine Celui là est un mauvais messager et un homme de mauvaise foi.
Car si rendre service à un homme bon a de la valeur Combien plus encore l’est de servir la vierge sainte dont nous recevons tous les bienfaits. Et celui qui ne croit pas en cela, sa foi ne vaut rien, Car il ne croit ni en Dieu, ni en son fils, ni en elle qui est sa mère Celui qui dit que servir la vierge n’est rien…
E de tal razôn miragre vos quéro óra mostrar, que d’ entender é mui bõo a quen i mentes parar, que a Virgen grorïosa de Monssarraz quis mostrar por un hóme que a sempre servía con mui gran fé. O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
Et à ce propos, je veux vous exposer un miracle, Qui est fort édifiant pour qui y prête attention, Et que la vierge glorieuse de Montserrat voulut faire Pour un homme qui la servait toujours avec une grande foi. Celui qui dit que servir la vierge n’est rien…
El alí en romaría ía dous vezes ou tres no ano, e amizade havía con un borgês; e rogou-lli que na fésta qu’ é en meógo do mes d’ Agosto de sũu fossen, dizendo: “Logar sant’ é.” O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
Il allait là-bas (à Montserrat) en pèlerinage deux ou trois fois l’an Et avait des amitiés avec un bourgeois ; Et il pria ce dernier de se rendre avec lui à la fête qui s’y donne En août, en lui disant : « C’est un lieu très saint. » Celui qui dit que servir la vierge ne vaut pas la peine…
Entôn ambos s’ acordaron por en romaría ir a Monssarraz. Mas primeiro, per quant’ end’ éu puid’ oír, passaron per Barçalona; e u quiséron saír da vila, começou lógo mal tempo, per bõa fé. O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
Ainsi, ils s’accordèrent tous deux pour aller en pèlerinage A Montserrat. Mais avant cela, d’après ce que j’ai pu entendre, Ils passèrent par Barcelone ; et quand ils voulurent sortir De la ville, le temps commença à se gâter, de bonne foi (2) Celui qui dit que servir la vierge ne vaut pas la peine…
E fezo ventos mui grandes e começou de chover e alampos con torvões des i coriscos caer, assí que feriu un deles aquel hóme, que morrer o fez lógo mantenente; ca do corisc’ assí é
Et il souffla de très grands vents et il commença à pleuvoir Avec du tonnerre, de grandes turbulences et des éclairs qui tombaient De sorte qu’un de ses hommes fut blessé et mourut Peu de temps après, car il en va ainsi avec les éclairs
Que en quen fér lóg’ afoga ou talla ou queimar faz. Mais aquel hóm’ afogado foi, que pera Monssarraz ía sempre, com’ oístes; e séu compannôn assaz chorou por el e ar disse paravlas contra a fé,
Qui à l’un peuvent frapper, ou blesser ou faire se brûler. Cet homme qui se rendait toujours à Montserrat, Fut foudroyé, comme vous l’avez entendu ; et son compagnon Pleura beaucoup pour lui et prononça des paroles contre la foi,
dizendo: “Par Déus, amigo, muito empregásti mal quanto a Santa María servist’, e pois te non val nen te guardou desta mórte, per que o dém’ infernal levou ja de ti a alma; e, mal pecad’, assí é.” O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
En disant : « Par Dieu, mon ami, tu t’employas bien mal En servant Sainte-Marie, et cela ne t’a rien valu, Ni ne t’a protégé de cette mort, car le démon de l’enfer a déjà emporté ton âme ; c’est bien triste pour toi, mais il en est ainsi. Celui qui dit que servir la vierge ne vaut pas la peine…
E outro día por ele ũa missa dizer fez, des i que o soterrassen, ca tal éra come pez tornado daquel corisco; e ar disse dessa vez paravras contra a Virgen onde naceu nóssa fé,
Le jour suivant, il fit dire un messe pour lui Et pour qu’on l’enterre, car ce dernier était noir Comme la poix par la faute de cet éclair, et il dit à nouveau Des mots contre la vierge en laquelle réside notre foi.
indo con el aa cóva chorand’ e dizend’ assí: “Mal empregásti téu tempo na Virgen, com’ aprendí, demais perdísti grand’ algo que lle désti; mais a mi nunca averrá aquesto, ca o méu na arca é.” O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
Et se rendant avec le défunt en son caveau, il pleurait et disait : « Tu as bien mal employé ton temps dans la vierge, comme j’ai pu le voir, Et, plus encore, tu as perdu tout ce qui tu lui donnas en offrande ; Mais jamais cela ne m’arrivera, car ce qui est m’appartient reste bien à l’abri. » Celui qui dit que servir la vierge ne vaut pas la peine…
El aquest’ assí dizendo, resorgiu o mórt’ entôn e assentou-se no leito e diss’ aquesta razôn: “Mentes a guisa de mao, ca mia alm’ a perdiçôn fora, se non foss’ a Virgen, que chav’ é de nóssa fé,
Tandis qu’il parlait ainsi, le défunt ressuscita Et s’asseyant sur son lit funéraire, il parla de cette manière : « Tu mens comme un mauvais homme car mon âme aurait été en perdition, si cela ne fut grâce à la Vierge, qui est la clé de notre foi.
que me livrou de sas mãos u éra en poder séu; e porend’, enquant’ éu viva, sempre no coraçôn méu a terrei pera serví-la, e nunca me será gréu de ren que por ela faça, ca mui ben empregad’ é.” O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
C’est elle qui me libéra des mains du démon quand j’étais en son pouvoir ; Et pour cela, tant quand je vivrai, je mettrai toujours mon cœur En quatre pour la servir, et jamais cela ne me sera pesant En rien, car tout ce que je fais pour elle, est fort bien employé. » Celui qui dit que servir la vierge ne vaut pas la peine…
Quand’ esto viron as gentes, déron todos gran loor aa Virgen grorïosa, Madre de Nóstro Sennor, que sempre seja loada enquanto o mundo for, ca é nóssa avogada, des i padrõa da fé. O que diz que servir hóme aa Virgen ren non é…
Quand les gens virent cela, ils firent de grandes louanges A la vierge glorieuse, Mère de notre Seigneur, Qu’elle soit toujours louée tant que je suis en ce monde Car elle est notre avocate et la mère patronne de notre foi, Celui qui dit que servir la vierge ne vaut pas la peine…
En vous souhaitant une belle journée. Fred Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
Notes
(1) Matthieu 19.24. « Il est plus facile pour un chameau entre par un trou d’aiguille, que pour un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » (2)…, per bõa fé : petit doute sur cette formule placée à la fin de cette phrase et dont le sens, dans le contexte, serait à revérifier. Le temps se gâta pour la foi de nos pèlerins ? Le troubadour nous dit cela en toute bonne foi ?
NB : sur l’image d’en-tête, en arrière plan de la vierge noire de Montserrat, vous retrouverez la page du BNCF BR 20 et l’illustration de cette cantiga.
Sujet : poésie satirique, poésie médiévale, poète breton, ballade médiévale, poésie politique, auteur médiéval, Bretagne Médiévale. Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle Auteur : Jean Meschinot (1420 – 1491) Manuscrit médiéval : MS français 24314 BnF Ouvrages : Œuvres et poésies variés de Jean MESCHINOT , édition 1493, édition 1522 et biographie de Arthur de La Borderie, 1896.
Bonjour à tous,
ous revenons, aujourd’hui, à la poésie satirique de Jean Meschinot. Au Moyen Âge tardif, ce poète breton a critiqué vertement les abus du pouvoir dans ses Lunettes des princes. Poussant plus loin son engagement moral et politique, il a également prolongé cette œuvre par 25 ballades corrosives contre Louis XI.
Pour rédiger ces 25 poésies satiriques, brutales et sans concession, Jean Meschinot avait alors emprunté ces envois à un auteur célèbre de son temps : Georges Chastellain (Chastelain). Chroniqueur et poète médiéval d’origine flamande installé à la cour de Bourgogne, ce dernier ne s’était pas privé, lui-même, quelque temps auparavant, d’écorcher copieusement le roi français dans une longue diatribe intitulée « Le Prince« .
Ballade sur la souffrance du peuple sous le joug du pouvoir central
La poésie du jour est la dix-huitième de la série des 25 ballades de Meschinot. L’auteur breton y met l’accent sur la grande misère et la pauvreté dans lesquelles sont rendus les sujets du royaume de France et les petites gens. La prédation des puissants et, plus particulièrement, du pouvoir central y est mis directement en cause ; on retrouvera même l’image familière des loups cruels et sans pitié, gouvernant les ouailles en leur infligeant le pire.
Ce thème de la souffrance du peuple sous le joug du pouvoir est récurrent dans l’œuvre de Jean Meschinot ; il traverse ses 25 ballades comme ses Lunettes des princes. Ici, il invoquera Dieu en témoin des exactions d’un prince qui n’inspire aux hommes que « haine et froidure » et qu’il n’hésitera pas à qualifier de « pillard« .
Contexte historique de cette poésie
Pour replacer cette poésie médiévale dans son contexte, nous sommes non loin du temps de la ligue du bien public et des révoltes qui verront se soulever de nombreux nobles et leurs provinces contre Louis XI : Bourgogne, Bretagne, Lorraine, Berry, Armagnac, Bourbonnais, …
Autour de cette période et même après, Meschinot et Chastellain sont loin d’être les seuls à blâmer la gestion de Louis XI, comme nous le rappelle l’auteur Jean-François Lassalmonie dans un ouvrage de 2002 sur la politique financière de Louis XI :
« Les commentaires des chroniqueurs s’accordent pour blâmer sa libéralité excessive (celle de louis XI). Sa prodigalité leur apparaît d’autant plus condamnable qu’elle accablait inutilement ses sujets pour enrichir des hommes qui, par leur condition surtout, n’étaient pas fondés à leurs yeux à profiter des deniers publics : la redistribution qui s’opérait ainsi était jugée injuste. (…) Cette extorsion, vitupérait Basin (Thomas Basin – 1412-1491, évêque & chroniqueur français), était d’autant plus scandaleuse que le sang des pauvres ne servait qu’à engraisser des pensionnaires sans mérite et de vile condition, tant les distributions du souverain étaient inconsidérées » La boîte à l’enchanteur, Jean-François Lassalmonie (1)
Aux sources médiévales de cette ballade
Du côté des manuscrits anciens, vous pourrez retrouver cette ballade de Meschinot au cœur du ms Français 24314. Cet ouvrage daté du XVe siècle est actuellement conservé au département des manuscrits de la BnF et consultable sur Gallica.fr.
Pour sa transcription en graphie moderne, nous nous sommes, quant à nous, appuyés sur deux éditions différentes des œuvres de Meschinot : « Jehan Meschinot, escuier, en son vivant grant maistre d’hostel de la royne de France« , Nicole Vostre (1522), et « poésies de Jehan de Meschinot », Étienne Larcher, Nantes (1493). A noter que l’historien breton Arthur de La Borderie la mentionne également dans sa biographie de Meschinot datée de 1896 : Jean Meschinot, sa vie, ses œuvres, ses satires contre Louis VI ».
La ballade de Meschinot dans le manuscrit Ms Français 24314 de la BnF
Et contre luy former larmes et plaintes. dans le français de Jean de Meschinot
O vous qui yeux avez sains et oreilles, Voyez, oyez, entendez les merveilles ; Considérez le temps qui présent court. Les loups sont mis gouverneurs des oueilles ; Fut-il jamais nenny choses pareilles ? Plus on ne voit que traisons à la court. Je croy que Dieu paiera en bref ses debtes, Et que l’aise qu’avons sur molles couettes Se tournera en pouretez (pauvretés) contraintes. Puisque le chef qui deust garder droicture Fait aux poures (pauvres) souffrir angoisse dure Et contre luy former larmes et plaintes.
Les bestes sont aux corbins et corneilles, Mortes de faim, dont peines nonpareilles (sans égales) Ont poures (pauvres) gens. qui ne l’entend est sourd. Las ! Ilz n’ont plus ne pipes ne bouteilles, Cidre ne vin pour boire soubz leurs treilles, Et brief je voy que tout meschief (malheur, infortune) leur sourt (advient), Les bons sages et anciens poetes N’enseignent pas a faire telz molestes (tourment, ennuis) (2) Come a present se font, ne telles faintes. C’est ung abus qui trop longuement dure Qui cause en est, fait envers dieu injure Et contre luy former larmes et plaintes.
Seigneur puissant, saison n’est que sommeilles, Car tes subjectz prient que tu t’esveilles. Ou aultrement leur temps de vivre est court. Que feront-ils si tu ne les conseilles ? Or n’ont-ilz plus bledz (blé), avoines ne seigles, De toutes pars misère leur acourt. A grant peine demeurent les houettes (3). Abillement des charues et brouettes, Qu’ilz ne perdent et aultres choses maintes, Par le pillart qui telz maulz leur procure : Auquel il faut de tout faire ouverture. Et contre luy former larmes et plaintes.
Envoi (Georges Chastellain)
Prince qui sourt nouvellettez estroictes (4) Et retrecist les amples voyes et droittes Celles que honneur doit maintenir non fraintes (entières, non brisées) Celluy esmeut cueurs d’hommes en murmure Les fait tourner a hayne et a froidure Et contre luy former larmes et plaintes.
Notes
(1)‘La boîte à l’enchanteur,Politique financière de Louis XI, Jean-François Lassalmonie (2002) (2) ms 1493 « a faire telz moettes » : moue, grimace. (3) petite houe, outil utiliser pour bécher la terre. (4)Prince qui sourt nouvellettez estroictes : qui répand des nouveautés étriquées
NB : l’image de l’image d’en-tête provient du ms 24314. Elle représente un portrait de Jean Meschinot face aux travers et vices qui le visitent.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : musique, basse danse, Bourgogne médiévale, manuscrit ancien, manuscrits médiévaux, exposition, ateliers, ducs de Bourgogne, musée, enlumineurs médiévaux Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle & renaissance Lieu : KBR Museum, Mont des Arts 28, Bruxelles. Dates : samedi 3 et dimanche 4 décembre 2022
Bonjour à tous,
vec l’arrivée de l’hiver, le KBR Museum de Bruxelles se drape de ses plus belles couleurs médiévales pour proposer à ses visiteurs de nouvelles expositions et de nouveaux ateliers.
Ainsi, à partir du 22 novembre, le musée exposera une nouvelle sélection de manuscrits et œuvres du temps de la Bourgogne médiévale. Le KBR a, en effet, hérité de la riche librairie des Ducs de Bourgogne, une collection d’ouvrages conservée précieusement sur place et que le public peut découvrir à l’occasion d’exposition variées.
Nouveaux manuscrits à découvrir & basses danses de Marguerite d’Autriche
Temps fort de cette nouvelle exposition de pièces et manuscrits de la fin du Moyen Âge et des débuts de la renaissance, le week-end des 3 et 4 décembre verra exposer un manuscrit particulièrement précieux, demeuré sous clef depuis de longues décennies. Il s’agit du manuscrit original des basses danses de Marguerite d’Autriche, référencé KBR ms 9085. Véritable symbole de luxe et de prestige en son temps, cet ouvrage ancien d’une grande rareté est réalisé sur parchemin noir, pour une écriture et des notations musicales faites à l’encre doré et argenté.
Pour prendre toute la mesure de sa nature exceptionnelle, à ce jour, on compte seulement 7 manuscrits anciens dans le monde réalisés avec une technique similaire et sur un tel parchemin. C’est d’ailleurs ce qui explique que cet ouvrage ne voit pratiquement jamais la lumière. En plus d’être précieux et prestigieux, le ms 9085 est, en effet, extrêmement fragile et s’est montré, jusque là, rétif à toute tentative de restauration.
Le contenu du très rare ms 9085
Du point de vue de son contenu, ce manuscrit propose, sur 47 feuillets, 58 basses danses annotées musicalement et chorégraphiquement. Nous lui avions d’ailleurs consacré un article accompagné d’une basse danse en musique, ici. Daté des tout débuts du XVIe siècle, le ms 9085 compte aussi parmi les plus anciens témoins écrits des basses danses, danses de cour tout en maintien qui resteront prisées de la classe nobiliaire, jusqu’à la fin du siècle suivant.
Resté au coffre du musée depuis plus de trente ans, ce véritable trésor plusieurs fois centenaire fera donc une sortie exceptionnelle, le temps d’un week-end, avant de regagner, en toute discrétion, son lieu protégé, loin des regards du public.
Visite guidée et ateliers sur les secrets de fabrication des manuscrits médiévaux
« Regnault de Montauban », T2, ms 5073 réserve, Arsenal, basse-danse, BnF.
Au KBR Museum, ce même week-end de décembre sera, bien sûr, l’occasion de parler de musique médiévale et notamment de basses danses. A ce titre, nous ne pouvons que vous conseiller de profiter de l’occasion pour une visite guidée (le 4 décembre de 11h00 à 12h30), en compagnie des guides du musée. Ils se proposeront de vous faire découvrir tous les secrets de fabrication des manuscrits médiévaux et de vous initier au sens caché et aux symboles que recèle l’art des enluminures au Moyen-Âge. En leur compagnie, vous pourrez également découvrir les nouveaux manuscrits de la Librairie des Ducs de Bourgogne exposés cette saison, donc celui mentionné ci-dessus.
Durant ce même week-end, l’exposition sera encore complétée par deux ateliers de découverte et mise en pratique de la calligraphie ancienne et de l’usage des pigments naturels dans l’enluminure médiévale : les samedi 3 & dimanche 4 décembre, de 14h00 à 17h00 heures.