Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, Sainte-Marie. jugement dernier, prière, chant polyphonique Epoque : Moyen Âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Titre : Cantiga 421, souviens-toi Mère de Dieu, Nenbre-sse-te, Madrede Deus Interprètes : Micrologus, Patricia Bovi Album : Madre de Deus, Cantigas de Santa Maria (1999)
Bonjour à tous,
ans l’Espagne du XIIIe siècle, féru de lettres, de sciences et de culture, le roi Alphonse X de Castille, dit Alphonse le savant ou le sage, s’entoure d’érudits de tous bords et de disciplines variées. Lui même s’adonne à l’écriture et la poésie et on lui prête d’avoir composé de nombreux récits de miracles qui circulaient alors, en Espagne et au delà, à propos du personnage biblique de la sainte vierge.
Connus sous le nom de Cantigas de Santa Maria, ces chants restent un fleuron de la littérature médiévale de la péninsule ibérique. Ils constituent également un précieux témoignage du culte marial qui courut, en Europe, à partir du haut Moyen Âge et du Moyen Âge central jusqu’à de nombreux siècles plus tard.
Depuis quelque temps, nous avons entrepris de partir à la découverte de ce corpus de plus de 420 chansons, en le commentant, le traduisant, mais en nous accompagnant, aussi, des plus belles formations de la scène musicale médiévale pour vous le faire découvrir (voir les autres cantigas de Santa Maria déjà étudiées). Aujourd’hui, pour cette cantiga 421, nous vous présenterons une belle version à deux voix de l’ensemble Micrologus.
Une prière d’intercession et un appel à la miséricorde
Nous vous avons présenté, jusque là, de nombreux récits de miracles autour de pèlerinages ou de lieux de culte dédiés à la Sainte, ainsi que quelques chants de louanges. La cantiga de Santa Maria 421 sort un peu de ce cadre, puisque c’est un chant assez court qui se présente plus comme une prière d’intercession.
A travers ce chant marial, le croyant demande à la vierge d’intervenir auprès de Dieu en sa faveur et même de le prier pour qu’il lui accorde sa miséricorde et sa protection, en particulier au moment du jugement dernier.
La cantiga 421 à deux voix par l’ensemble Micrologus
Micrologus et les cantigas Santa Maria
En 1999, la formation italienne Micrologus menée par Patrizia Bovi partait à la conquête des cantigas d’Alphonse le Sage, dans un album intitulé Madre De Deus, Cantigas de Santa Maria. Nous avons déjà eu l’occasion de vous toucher un mot de cette production (voir article). Elle fut, du reste, saluer par plusieurs magasines de la scène des musiques anciennes et médiévales. On peut y retrouver 15 pièces pour 16 cantigas évoquées et, entre versions vocales ou instrumentales, sa durée dépasse légèrement une heure d’écoute.
Cet album est toujours disponible à la vente, en commande chez votre disquaire, sous forme de CD ou même en format MP3, à la vente en ligne. Voici un lien utile pour plus d’informations : Madre de Deus, Cantigas de Santa Maria.
Ajoutons que plus de 20 ans après la sortie de cette production, l’ensemble Micrologus continue toujours de proposer un programme et des concerts autour de ses cantigas de l’Espagne mariale et médiévale.
Musiciens & artistes ayant participé à cet album
Patrizia Bovi (voix et harpe), Adolfo Broegg (oud, guitare), Goffredo Degli Esposti (flutes, percussion, cornemuses), Gabriele Russo (violon, rebec), Alessandro Quarta (voix), Ulrich Pfeifer (vièle à roue, voix), Luigi Germini et Mauro Morini (cuivres), Gabriele Miracle (percussion, darbouka,), Francesco Speziali (riqq, percussions). Chœurs : Alberto Berettini, Francesca Breschi, Barbara Bucci, Flaviana Rossi, Claudia Mortali, Laura Scipioni.
La cantiga de Santa Maria 421 et sa version originale galaïco-portugaise
Esta undécima, en outro día de Santa María, é de como lle venna emente de nós ao día do jüízio e rógue a séu Fillo que nos haja mercee.
Nenbre-se-te, Madre de Deus, Maria, que a el, téu Padre, rogues todavia, pois estás en sa compania e es aquela que nos guia, que, pois nos ele fazer quis, sempre noit’ e dia nos guarde, per que sejamos fis que sa felonia non nos mostrar queira, mais dé-nos enteira a ssa grãada merçee, pois nossa fraqueza vee e nossa folia, con ousadia que nos desvia da bõa via que levaria nos u devia, u nos daria sempr’ alegria que non falrria nen menguaria, mas creçeria e poiaria e compriria e ‘nçimaria a nos.
La Cantiga 421 traduite en français actuel
En un nouveau jour destiné à Sainte Marie, cette XIe cantiga est pour qu’elle se souvienne de nous, au jour du jugement dernier et qu’elle prie son fils d’avoir pitié de nous.
Souviens-toi, Marie, Mère de Dieu, De prier ton Père, chaque jour, Puisque tu es en sa compagnie Et que tu es celle qui nous guide, Afin que, puisqu’il nous a élevé (créé), Il nous tienne en sa garde, nuit et jour, Et pour que nous soyons assurés Qu’il ne nous veuille point montrer sa colère (sa sévérité), Mais plutôt qu’il nous accorde Sa grande miséricorde. Car il voit notre faiblesse Et notre folie, Qui, avec audace, Nous détourne Du bon chemin ; Celui qui nous conduirait Sans détour Et nous apporterait Toujours la joie (la joie éternelle) Qui ne se tarirait jamais Ni ne nous ferait défaut, Mais qui croîtrait Et grandirait Et nous remplirait Et nous comblerait De sa présence.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred Pour Moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
NB : pour l’image en tête d’article, nous nous sommes un peu avancés dans le temps. Elle ne date pas, en effet, du Moyen Âge central, mais de la renaissance italienne et c’est une des superbes madones peintes par l’immense peintre Sandro Botticelli (1445-1510)
Sujet : musique médiévale, galaïco-portugais, lyrisme médiéval, culte marial, miracle Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central Auteur : Alphonse X de Castille (1221-1284) Interprète : Esther Lamandier Titre : Cantiga Santa Maria 384, « A que por gran fremosura é chamada Fror das frores » Album : Alfonso el Sabio. Cantigas de Santa Maria (1981)
Bonjour à tous,
e qui nous suivent de près le savent, nous avons entrepris, depuis quelques années déjà, l’étude et la traduction en français des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille. Aujourd’hui, nous vous proposons découvrir la Cantigas de Santa Maria 384 dans le détail et en musique.
Routes des miracles & culte marial médiéval
Récits de miracles autour de Marie, témoignages de pèlerins, ou encore chants de louanges, avant d’être retranscrites et reformulées au XIIIe siècle, en langue galaïco-portugaise par le souverain espagnol, nombre de ces histoires circulait déjà sous diverses formes dans l’Europe médiévale. Souvent attachées à des lieux de culte marial reconnus, on les contait ou les chantait aussi sur les routes des nombreux pèlerinages du monde médiéval.
Même s’il on en connait des traces dans les siècles précédents, à partir du XIIe siècle, le Moyen Âge central s’est enflammé pour le culte marial. Dans la littérature médiévale, on trouve ainsi de nombreux Ave Maria en hommage à la sainte, chez quantité d’auteurs médiévaux, trouvères, poètes, clercs ou même religieux.
De Rutebeuf à Villon, la vierge Marie est perçue comme cette mère pleine de compassion et de piété, qui peut entendre et écouter. La sainte chrétienne est aussi celle qui, par l’oreille qu’il lui prête, pourra intercéder en faveur du pêcheur ou du dévot auprès de son fils, le Christ, le Tout Puissant Dieu mort en croix.
Le Salut pour un moine dévot à la vierge
La Cantiga de Santa maria 384 est un des nombreux miracles que nous propose les chants à Marie d’Alphonse X. Le poète nous contera qu’entre les manières de louer la Sainte, entre imagerie (iconographie, prières, louanges,… ), celle qui consiste à louer son nom demeure l’une des plus appréciées.
Ici, c’est un moine qui s’adonnant à la calligraphie écrira même, ce nom, avec de belles couleurs. Comme récompense de sa dévotion, le dévot religieux se verra offrir les portes du salut, pouvoir déjà acquis à la sainte dans de nombreux autres Cantigas d’Alphonse X.
Dans la foi chrétienne, la mort n’est rien si, au bout du chemin de vie, se trouve un nouveau commencement pour l’éternité. L’important est dans l’exemplarité et le salut. Dans cette cantiga de Santa Maria 384, comme dans le miracle de la jeune fille malade de la cantiga 188, le corps du protagoniste périra. Sa vie prendra fin et seule son âme sera sauvée. Pas question de transhumanisme ici et de défi lancé à la longévité dans le monde matériel, au Moyen Âge, les désirs d’éternité ne sont pas pour le monde d’ici-bas, mais pour le suivant.
La cantiga de Santa Maria 384 par Esther Lamanthier
Esther Lamandier & les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse le Sage
En 1980, la talentueuse chanteuse soprano, harpiste et instrumentiste, Esther Lamandier décida de faire une incursion du côté de l’Espagne médiévale et du répertoire d’Alfonso el Sabio.
Dédiée aux Cantigas de Santa Maria, l’album fut enregistré à l’Abbaye de l’Épau, dans la Sarthe. A sa sortie, en 1981, il propose 20 pièces interprétées par l’artiste, accompagnée de son seul talent vocal et instrumental.
La cantiga de Santa Maria384 ouvre ce très bel album que l’on peut encore trouver à la vente en ligne. notamment au format mp3. Voici un lien utile pour plus d’informations : Les Cantigas de Santa Maria par Esther Lamandier.
La Cantiga de Santa Maria 384
Du galaïco-portugais au français moderne
Como Santa Maria levou a alma dun frade
que pintou o seu nome de tres coores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Comment Sainte Marie emmena au paradis l’âme d’un frère qui avait peint son nom de trois couleurs.
Celle qui, pour sa beauté, on nomme la Fleur des fleurs, Plus que tout autre louange, préfère de loin quand on loue son nom.
Desto direi un miragre, segundo me foi contado, que aveo a un monge bõo e ben ordinado e que as oras desta Virgen dizia de mui bon grado, e mayor sabor avia desto que d’outras sabores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
A ce propos, je vous dirai d’un miracle, selon qu’il me fut conté, Qui arriva à un bon moine bien ordonné, Qui disait les heures de la Vierge avec grande joie Et prenait en cela un plaisir plus grand que tout autre plaisir.
Celle qui, pour sa beauté, on nomme la Fleur des fleurs, Plus que tout autre louange, préfère de loin quand on loue son nom.
Este mui bon clerigo era e mui de grado liia nas Vidas dos Santos Padres e ar mui ben escrivia; may[s] u quer que el achava nome de Santa Maria fazia-o mui fremoso escrito con tres colores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
C’était un bon prêtre qui, avec enthousiasme, lisait Les vies des Saints Pères et qui écrivait aussi très bien ; Et, à chaque fois, qu’il arrivait au nom de Sainte Marie, Il l’écrivait de très belle manière et de trois couleurs.
Celle qui, pour sa beauté…
A primeyra era ouro, coor rica e fremosa a semellante da Virgen nobre e mui preçiosa; e a outra d’azur era, coor mui maravillosa que ao çeo semella quand’ é con sas [e]splandores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
La première était d’or, couleur riche et belle Semblable à la Vierge noble et très précieuse ; L’autre était d’azur, couleur très merveilleuse Qui ressemble au ciel quand il se montre dans toute sa splendeur.
Celle qui, pour sa beauté…
A terçeyra chamam rosa, porque é coor vermella; onde cada a destas coores mui ben semella aa Virgen que é rica, mui santa, e que parella nunca ouv’ en fremosura, ar é mellor das mellores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
La troisième, est appelée rose, car c’est une couleur vermeille ; Et chacune de ces couleurs ressemble donc en tout point à la Vierge qui est splendide et très sainte, et qui jamais n’eut d’égale en beauté, et demeure la meilleure entre toutes.
Celle qui, pour sa beauté…
Ond’ aqueste nome santo o monge tragia sigo da Virgen Santa Maria, de que era muit’ amigo, beyjando-o ameude por vençer o emigo diabo que sempre punna de nos meter en errores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Ainsi, ce moine portait toujours avec lui ce nom saint de la vierge Sainte Marie, à laquelle il était fermement dévoué, L’embrassant souvent pour vaincre le diable ennemi Qui s’acharne toujours pour nous faire tomber dans l’erreur.
Celle qui, pour sa beauté…
Onde foi a vegada que jazia mui doente da grand’ enfermidade, de que era en possente; e pero assi jazia, viinna-lle sempre a mente de seer da Virgen santa un dos seus mais loadores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Mais vint un temps où il tomba gravement souffrant D’une grande maladie, qu’il avait contracté. Et bien qu’il gisait ainsi, il lui venait toujours à l’esprit De rester un des plus grands faiseurs de louanges de la vierge Sainte.
Celle qui, pour sa beauté…
O abade e os monges todos veer-o veron, e poi-lo viron maltreito, un frade con el poseron que lle tevesse companna; e pois ali esteveron un pouco, foron-se logo. Mais a Sennor das sennores
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
L’abbé et les moines vinrent tous le voir, Et en le voyant en si piteux état, ils assignèrent un frère Pour lui tenir compagnie; puis ils restèrent un moment, avant de s’en aller. Cependant, la reine des reines
Celle qui, pour sa beauté…
Apareçeu ao frade que o guardav’, en dormindo, e viu que ao leyto se chegava passo yndo, e dizia-lle: «Non temas, ca te farey ir sobindo mig’ ora a parayso, u veerás os mayores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Apparut en rêve au frère qui gardait le moine, Et il vit qu’elle s’approchait du lit, Et disait au moine alité : « n’aies crainte, car je te ferai monter Avec moi au paradis où tu verras tous ceux qui s’y trouvent déjà (les anciens).
Celle qui, pour sa beauté…
Ca por quanto tu pintavas meu nome de tres pinturas, levar-t-ey suso ao çéo, u verás as aposturas, e eno Livro da Vida escrit’ ontr’ as escrituras serás ontr’ os que non morren, nen an coitas nen doores».
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Puisque, en effet, tu as peint mon nom de trois couleurs, Je t’emmènerai au ciel et tu verras ce qui est droit et juste Et dans le livre de la vie, tu seras inscrit entre les écritures entre ceux qui ne meurent pas, et qui n’ont ni peine ni douleur.
Celle qui, pour sa beauté…
Enton levou del a alma sigo a Santa Reynna. E o frade espertou logo e foy ao leyt’ agynna; e pois que o achou morto, fez sõar a campaynna segund’ estableçud’ era polos seus santos doctores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Puis, la sainte reine prit l’âme du moine avec elle, Et le frère s’éveilla et s’approcha de son chevet, Et comme il le trouva mort, il fit sonner la cloche Ainsi qu’il a été établi par les Saints Docteurs de l’Eglise.
Celle qui, pour sa beauté…
Mantenente o abade chegou y cono convento, que eram y de companna ben oyteenta ou çento; e aquel monge lles disse: «Sennores, por cousimento o que vi vos direy todo, se m’ en fordes oydores».
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
L’abbé s’en vint rapidement avec ses moines, Qui était une communauté de près de 80 ou 100 Et le frère leur dit : « Messieurs, pour en avoir été témoin ( pour le connaître ) Je vous dirais tout ce que j’ai vu, si vous voulez bien m’entendre ».
Celle qui, pour sa beauté…
Enton contou o que vira, segundo vos ey ja dito; e o abade tan toste o fez meter en escrito pera destruyr as obras do emigo maldito, que nos quer levar a logo u sempr’ ajamos pavores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Puis, il leur dit tout ce qu’il avait vu et que je vous ai déjà conté; Et l’abbé, sans attendre, le fit consigner par écrit Pour détruire les œuvres de l’ennemi maudit (le diable) Qui toujours veut nous entraîner en des lieux où nous vivons dans la peur.
Celle qui, pour sa beauté…
E pois souberon o feyto, loaron de voontade a Virgen Santa Maria, a Sennor de piedade; e se en alga cousa ll’ erraran per neçidade, punnaron de se guardaren que non fossen peccadores.
A que por gran fremosura é chamada Fror das frores, mui mais lle praz quando loam seu nome que d’outras loores.
Et après avoir entendu le miracle, ils louèrent avec joie La Vierge Saint Marie, dame de Piété ; Et si, en quelques occasions, ils avaient pu errer par négligence, Ils s’efforcèrent après cela, de se garder de commettre des pêchés.
Sujet : musique médiévale, danse, vièle, rebec, Galice médiévale, Cantiga de Santa Maria, instruments anciens, musiques anciennes, inspirations celtiques. Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Titre : « danses, cantigas & chants de la terre « Auteurs : Anonymes, Alphone X de Castille, Jordi Savall Interprète : Jordi Savall, Pedro Estavan Album : La lira d’Espéria II , Allia Vox ( 2014)
Bonjour à tous,
n 1994-96, Jordi Savall partait sur les traces de la méditerranée médiévale et de ses musiques anciennes. L’album, intitulé La Liria d’Espéria (la lyre d’Hespérie), faisait référence à cette région qui désignait, pour les grecs antiques, les péninsules italiennes et ibériques. Quant au voyage musical, il passait de sonorités espagnoles à des danses italiennes d’époque pour encore faire des incursions du côté andalous et proche-oriental, avec des compositions venues d’Afrique du nord et même encore de la culture juive séfarade.
Accompagné du percussionniste Pedro Estevan, le maître de musiquecatalans’était, ici, doté pour seuls instruments, d’une vièle ténor, d’un rebec et d’un rabab. Un choix de formation audacieux et minimaliste qui allait lui permettre de marier l’essentiel à la pureté dans un album superbe et sans artifice. La critique, comme le public, ne s’y est d’ailleurs pas trompée en réservant un bel accueil à ce premier opus de la Liria d’Esperia.
Danses, cantigas & chants de la terre sous l’archet de Jordi Savall,
La lira d’Esperia II Galicia
Pour le plus grand plaisir des amateurs de musique médiévale et de voyages sonores dans le temps, Jordi Savall allait reprendre, un peu plus tard, le même concept et le même complice pour poursuivre son exploration. Ainsi, en 2014, un deuxième opus intitulé La Lira d’Esperia II allait naître, d’un niveau de qualité égale au premier.
Avec vingt-trois pièces pour près d’un heure quinze d’écoute, comme son titre l’indique, un accent particulier serait mis, dans ce deuxième album, sur les musiques de la Galice médiévale et ancienne, province la plus « celtique » de l’Espagne d’alors, selon les propres mots de Jordi Savall.
Sonorités celtiques et envolées uniques sur fond de Galice médiévale à la main d’Alphonse le sage
Dans cette nouvelle pièce d’orfèvrerie musicale, on reconnaîtra, plus encore que dans le premier opus, l’influence directe et prégnante du règne d’Alphonse le Sage ; aux côtés de pièces anciennes et traditionnelles de Galice, plus de dix compositions sont, en effet, issues des Cantigas de Santa Maria du souverain de Castille. Nous vous avions déjà présenté, ici, la très belle ductia, librement inspirée de la Cantiga de Santa Maria 248, qui ouvrait cet album. Sous le jeu d’archet du musicien catalan et ses sonorités instrumentales si particulières, elle nous entraînait dans une atmosphère toute à fait nouvelle, à des lieux des exécutions classiques habituelles.
Aujourd’hui, c’est une vidéo produite en 2014 par Allia-Vox (la société d’édition de Jordi Savall), que nous partageons avec vous. Elle donne un bel aperçu de la puissance de cette production et, on a, en prime, le plaisir d’y retrouver des extraits d’interviews du talentueux directeur musical.Pour le reste, on trouve toujours ce bel album récent à la vente, sous forme de CD ou même au détail et par fichier, au format MP3 : La Lira d’Esperia II – Galicia.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes
Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, louange, Sainte-Marie, vierge, miséricorde Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle Titre : Cantiga de Santa Maria 140 « Sean dados honrados »
Auteur : Alphonse X (1221-1284) Ensemble : Theatrum Instrumentorum & Aleksandar Sasha Karlic Album : Alfonso « El Sabio »: Cantigas de Santa Maria (1999)
Bonjour à tous,
ous revenons, aujourd’hui, à l’Espagne médiévale d’Alphonse le Savant avec une Cantiga de Santa Maria. Nous avons, jusque là, étudié de nombreux miracles issus de ce corpus du roi de Castille du XIVe siècle. Cette fois-ci, pour varier un peu, la pièce que nous vous proposons, la cantiga 140 est un chant de louange. Elle alimentera également, nos autres articles au sujet du culte marial et son importance au Moyen Âge central.
Theatrum Instrumentorum & Aleksandar Sasha Karlic
Theatrum Instrumentorum & Aleksandar Sasha Karlic
La formation Theatrum Instrumentorum fut fondée au milieu des années 90 et dirigée par Aleksandar Sasha Karlic. La passion de ce musicien yougoslave pour les musiques anciennes ou encore ethniques, n’était pas nouvelle. Installé en Italie, il y avait suivi le conservatoire de Milan et de Parme. Plus tard, il avait également collaboré avec quelques grands noms de la scène locale des musiques anciennes et traditionnelles. En plus de ses talents de directeur, Aleksandar Sasha Karlic est aussi joueur de luth , de oud, de percussions et il également doté de talents vocaux.
Aleksandar Sasha Karlic et la passion des musiques traditionnelles et anciennes
Sous sa houlette, la formation Theatrum Instrumentorum s’est faite connaître dans le domaine des musiques anciennes et médiévales, en Italie, mais aussi dans d’autres pays d’Europe. Du point de vue discographique, elle a légué 6 albums qui furent tous bien accueillis par la critique. En plus de la Cantiga de Santa Maria qui fait l’objet de cet article et d’autres encore, on peut y trouver les Carmina Burana, le Llibre Vermell de Montserrat, mais encore des Chants grégoriens et religieux de Giovanni Pierluigi da Palestrina en provenance du XVIe siècle.
Sauf erreur, Theatrum Instrumentorum n’est plus actif depuis longtemps déjà et on ne trouve plus grand chose à son sujet sur le net. Quant à son directeur, en 2004, il a fondé, toujours en Italie, Balkan Blues, une nouvelle formation autour des musiques des Balkans qu’il affectionne particulièrement depuis ses débuts de carrière. Parallèlement, il a continué de laisser vibrer sa passion pour les musiques anciennes et traditionnelles du berceau méditerranéen, en étant encore largement salué par la critique pour ses travaux dans ce domaine.
Alfonso « El Sabio »: Cantigas de Santa Maria
En 1999, Theatrum Instrumentorum sortait un album autour des Cantigas d’Alphonse X de Castille. On peut y trouver 12 pièces d’exception qui laissent une large place à l’interprétation vocale.
Alfonso el Sabio, Cantigas de Santa Maria, l’album
Cet album est toujours disponible à la distribution. Le CD ne semble pas avoir été réédité, ces dernières années ; Il peut donc s’avérer difficile à débusquer ou être mis en vente à des prix un peu hors de portée. En revanche, les pièces qui le composent sont disponibles à la vente et au téléchargement, au format MP3, sur divers sites internet. A toutes fins utiles, voici le lien correspondant sur Amazon : Alfonso X « El Sabio »: cantigas de Santa Maria by Theatrum Instrumentorum.
La Cantiga de Santa Maria 140
du galaïco-portugais au français moderne
Esta es de loor de Santa María.
Celle-ci (cette cantiga) est en louanges à Sainte Marie
A Santa Maria dadas sejan loores onrradas.
Qu’à Sainte-Marie soient faites
des louanges respectueuses. (Que soit louée avec respect Sainte Marie)
Loemos a sa mesura, seu prez, e ssa apostura, e seu sen, e ssa cordura, mui mais ca cen mil vegadas.
A Santa Maria dadas sejan loores onrradas.
Louons sa mesure, Son prestige et son intégrité (maintien) Son bon jugement et sa raison, Bien plus de cent mille fois.
refrain.
Loemos a ssa nobressa, sa onrra e ssa alteza, sa mercee e ssa franqueza, e sas vertudes preçadas.
A Santa Maria dadas sejan loores onrradas.
Louons sa noblesse, son honneur et son altesse (élévation, noblesse des valeurs) Sa miséricorde, sa franchise Et ses précieuses vertus.
refrain.
Loemos sa lealdade, seu conort’ e ssa bondade, seu accorr’ e ssa verdade, con loores mui cantadas.
A Santa Maria dadas sejan loores onrradas.
Louons sa loyauté, Sa consolation (ou confort : dans le sens de conforter) et sa bonté, Son secours et sa vérité Avec des louanges bien chantées.
refrain.
Loemos seu cousimento, conssell’ e castigamento, seu ben, seu enssinamento, e sass graças mui grãadas.
A Santa Maria dadas sejan loores onrradas.
Louons son attention, Son conseil et ses mises en garde, Son bien, ses enseignements, Et ses grâces très prisées.
refrain.
Loando-a, que nos valla, lle roguemos na batalla do mundo que nos traballa, e do dem’ a donodadas.
A Santa Maria dadas sejan loores onrradas.
Et la louant, nous la prions, qu’elle nous prête courage dans la bataille Contre le monde qui nous tourmente Et contre le démon.