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Lecture Audio : Eustache Deschamps, Mieux Vaut Honneur que Honteuse Richesse

Sujet : poésie médiévale, poésie satirique, ballade
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur ; Eustache Deschamps, Eustache Morel
Titre : Mieux vaut honneur que honteuse Richesse
Média : vidéo, lecture audio en vieux français

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous publions, aujourd’hui, une lecture audio autour de Eustache Deschamps, poète médiéval du XIVe siècle et officier d’armes à la cour sous Charles V et Charles VI. Nous en profitons pour dresser un court portrait de l’auteur et aussi pour faire lecture de la poésie « Mieux Vaut honneur que Honteuse richesse », toute chose dont nous avions parlé dans l’article que nous lui avions déjà consacré mais  cette fois-ci en y ajoutant la dimension du son.

Pour plus de lectures audio, voici un petit récapitulatif de ce que nous avons déjà publié:

La pauvreté Rutebeuf en Vieux français

Le Testament de l’âne, Ruteubeuf : fabliau

La housse partie du Trouvère Bernier : fabliau

Une belle journée à tous!

Frederic EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

François Villon : Ballade pour l’âme du bon maistre Jehan Cotard

poesie_medievale_francois_villon_la_requeste_poesie_satiriqueSujet : poésie médiévale, poésie satirique, poésie réaliste, tradition « goliardique ».
Auteur : François Villon
Titre : Ballade et « Oraison », l’âme du bon maistre Jehan Cotard.
Période : Moyen Âge tardif, XVe siècle?

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici encore une ballade de François Villon qui nous poursuit de sa belle poésie. Cette fois, nous le retrouvons  dans un texte plus « léger » où il ne nous conte pas ses propres souffrances mais nous parle avec humour d’un « supposé » feu maistre Jehan Cotard et de son goût pour la boisson.

La sortie de l'Arche de Noé et l'ivresse du patriarche, 1430 Manuscrit du maître de Bedford, 1430,
La sortie de l’Arche de Noé et l’ivresse du patriarche, 1430 Manuscrit du maître de Bedford, 1430,

Qui était  le bon maistre  Jehan Cotard ?

Sur la question de qui était ce bon maistre Jehan Cotard, on trouve les traces de deux homonymes portant ce nom là, à Paris, dans une période contemporaine de celle de Villon. Le premier est un procureur en cour d’église mais, si c’est bien lui, l’homme était encore vivant au moment où Villon lui dédiait ses vers.  Au vue de l’humour de Villon, il se peut très bien qu’il ait rédigé la ballade du vivant de son camarade de beuverie à la manière d’une farce entre amis. L’autre Jean Cotard était, quant à lui, un marchand orfèvre et bourgeois.

A la lecture de Villon, l’homme auquel François Villon fait référence ici semble bien être le premier des deux homonymes présents dans les registres de la municipalité de Paris. *

 « Item, à maistre Jehan Cotard,
Mon procureur en Court d’Eglise,

Devoye environ ung patard,
Car à present bien m’en advise,
Quant chicanner me feit Denise,
Disant que l’avoye mauldite ;
Pour son ame, qu’ès cieulx soit mise !
Ceste Oraison j’ay cy escripte. »

(Ci-contre, détail d’une scène de Taverne, (à l’évidence arrosée jusqu’au parquet)  Manuscrit Valère Maxime, 1470)

Comme Villon semble s’être fait de nombreux amis, à l’occasion de ses études, dont une partie d’entre eux devint plus tard « de grands seigneurs et maîtres », d’autres hypothèses ont tout de même été fait sur l’identité de ce maître buveur. On a également même avancé la possibilité d’un troisième Jean Cothard mais avec un H cette fois-ci, qui était inscrit comme doyen de la confrérie Saint Jacques de Paris en 1462 et 1463. 

Pour juger du bon maître dont il est question dans cette ballade, fions nous donc à la plume de Villon; il reste que ce dernier nous le dépeint comme un boit-sans-soif invétéré ce qui pourrait permettre d’inscrire cette poésie dans la tradition des chansons à boire ou même de la poésie goliardique des XIIe, XIIIe siècles qui encensait, entre autre chose, les plaisirs de la boisson et de la chair, à ceci près que la ballade du bon maistre Jehan Cotard par maistre François Villon n’est pas en latin mais en bon français du XVe siècle.

*Sources : Romania, revue trimestrielle consacrée à l’étude des langues et des     littératures romaes (Volume 2, 1873) (consulter sur persée)

Illustration d'une taverne, enluminure du manuscrit "Valerius maximus, Des faits et dits mémorables" 1470
Illustration d’une taverne, enluminure du manuscrit « Valerius maximus, Des faits et dits mémorables » 1470

Ballade et Oraison de François Villon
L’âme du bon maistre Jehan Cotard

Pere Noe, qui plantastes la vigne;
Vous aussi, Loth, qui bustes au rocher,
Par tel party qu’Amour, qui gens engigne,
De vos filles si vous feit approcher,
Pas ne le dy pour le vous reprocher,
Architriclin*, qui bien sceustes cest art,
Tous trois vous pry qu’o vous veuillez percher
L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard!

* Loth : s’enivra dans une caverne et ses filles abusèrent de lui pour concevoir
* Architriclin :  Personne responsable de l’ordonnance du festin. allusion à l’Architriclin de l’évangile qui commanda qu’on fit servir le vin en premier aux noces de Cana.

Jadis extraict il fut de vostre ligne,
Luy qui beuvoit du meilleur et plus cher;
Et ne deust-il avoir vaillant ung pigne,*
Certes, sur tous, c’estoit un bon archer;
On ne luy sceut pot des mains arracher,
Car de bien boire oncques ne fut faitard.
Nobles seigneurs, ne souffrez empescher
L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard!

* Pigne : traduit par peigne dans un ouvrage de 1835. ainsi que dans le glossaire de la langue d’Oil de Alphonse Bos. Pour le sens général de ces deux vers, nous proposons quelque chose comme :
« Et même s’il ne possédait pas grand chose
D’entre tous, il n’était pas du genre à lâcher sa prise. »

Comme um viellart qui chancelle et trepign
L’ay veu souvent, quand il s’alloit coucher;
Et une foys il se feit une bigne,*
Bien m’en souvient, a l’estal d’ung boucher.
Brief, on n’eust sceu en ce monde chercher
Meilleur pion, pour boire tost et tard.
Faictes entrer quand vous orrez hucher*
L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard.

* Bigne: Bosse
*orrez hucher : entendrez frapper à la porte)

ENVOI.

Prince, il n’eust sceu jusqu’a terre cracher;
Tousjours crioyt: Haro, la gorge m’ard!
Et si ne sceut oncq sa soif estancher,
L’ame du bon feu maistre Jehan Cotard.


Aparté Georges Brassens et François Villon

En lisant encore les références à Villon entre les lignes de Brassens, voici un texte assez peu connu du chanteur contemporain du XXe siècle ayant pour titre « la légion d’Honneur ». Il est notoire que Georges Brassens refusa cette légion d’honneur quand on la lui proposa, mais il ne chanta pas cette chanson pourtant de son vivant. On doit à Maxime le Forestier de l’avoir fait connaître, à titre posthume puisque Georges Brassens ne l’enregistra  jamais de son vivant. On y trouve quelque vers en référence à ce Jehan Cotard dont Villon nous parle, que je vous livre ici:

« L’âme du bon feu maistre Jehan Cotard
Se réincarnait chez ce vieux fêtard.
Tenter de l’empêcher de boire un pot
C’était ni plus ni moins risquer sa peau.
Un soir d’intempérance, à son insu,
Il éteignit en pissotant dessus
Un simple commencement d’incendie.
On lui flanqua le mérite, pardi !
Depuis que n’est plus vierge son revers,
Il s’interdit de marcher de travers.
Car ça la fout mal d’ se rendre dans les vignes,
Dites du Seigneur, faire des faux pas
Quand on est marqué du fatal insigne.
La Légion d’honneur ça pardonne pas. »
Georges Brassens. La légion d’Honneur

Voici l’interprétation de la Légion d’Honneur
de Georges Brassens par Maxime le Forestier

Une très belle journée à tous!

Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes »

Ballade du tournoi d’Eustache Deschamps, poésie médiévale du XIVe siècle

chevalier_tournoi_poesie_medievale_eustache_deschamps_codex_manesseSujet : poésie médiévale, auteur, poéte, chevalier, chevalerie, tournoi, poète satirique.
Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle
Auteur : Eustache Deschamps (1346 -1406)
Titre : Ballade. Au tournoi
Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, par Georges Adrien Crapelet, 1832

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous avons déjà posté, il y a quelques temps ici, un premier article sur Eustache Deschamps, dit Morel (et non l’inverse), cet auteur très particulier du XIVe siècle que l’on met volontiers en droite ligne d’un Rutebeuf et en parenté d’un François Villon pour sa verve et ses productions satiriques mais aussi, en référence à Villon, pour ses ballades, genre qu’il affectionne particulièrement et dont on lui attribue de l’avoir fait évoluer.

Même s’il fréquente de près la cour et les rois, en étant à leurs services (voir article précédent sur cet auteur), Eustache Deschamps n’hésite jamais, en effet, à s’adonner à l’art de la critique morale, religieuse ou Les tournois de chevaliers au XIII, XIVe siècle (codex Manesse, Allemagne)politique, et pour tout dire à la poésie satirique ce qui lui vaudra, d’ailleurs et à plusieurs reprises, de se faire quelques ennemis et d’essuyer quelques déboires puisqu’on cherchera à l’éloigner des couloirs du pouvoir. On y parviendra d’ailleurs pour un temps au moins; nul doute que la satire ne paye pas et ne fait jamais bon ménage avec le pouvoir. Voici ce que nous dit G.A Crapelet dans son ouvrage du XIXe siècle sur le poète :

« La hardiesse des pensées est surtout remarquable chez Eustache Deschamps et lui a valu de longues inimitiés qui lui ont fermé le chemin de la fortune et les faveurs de la cour, qu’il ne cesse pourtant de réclamer dans ses ballades pour ses longs et loyaux services. »
Citation de  Georges   Adrien  Crapelet, Opus cité

Pour ses témoignages, pour son regard acerbe et sa langue déliée, autant que pour ses apports largement reconnus sur l’art poétique et en stylistique, Eustache Deschamps reste, sans conteste, un poète et un auteur médiéval à redécouvrir. A noter que sa longévité et le fait qu’il écrivit sans relâche, lui ont permis de nous léguer un oeuvre conséquente de plus de 80 000 vers et de nombreux textes précieux sur le monde médiéval.

Ballade du tournoi, d’Eustache Deschamps
Les paroles en moyen français

Aujourd’hui, cette poésie médiévale que nous présentons de lui nous replonge dans l’ambiance des tournoi_chevalerie_monde_medieval_eustache_deschamps_poesie_balladetournois de chevaliers, avec les espoirs d’y gagner honneur, gloire et avec tout cela, d’y  conquérir le coeur de belles demoiselles. Cette ballade a été écrite pour un tournoi ayant eu lieu près de Paris, à Saint-Denis pour être plus précis, au début du mois de mai 1389 (ci-contre les tournois au XIIIe et XIVe, enluminure Codex Manesse, Allemagne, 1310-1340).

Comme on se rapproche déjà considérablement de notre français moderne, je n’ai pas annoté ou adapté ce texte qui se comprend, il me semble en tout cas, très bien.

Armes, amours, déduit, joye et plaisance,
Espoir, desir, souvenir, hardement,
Jeunesce aussi , manière et contenance ,
Humble regart trait amoureusement ,
Genz corps , joliz , parez très richement ,
Avisez bien ceste saison nouvelle ,
Ce jour de may , ceste grant feste est belle
Qui par le Roy se fait à Saint-Denys ;
A bien jouster gardez vostre querelle
Et vous serez honnorez et chéris.

Car là sera la grant biauté de France ,
Vint chevaliers, vint dames ensement,
Qui les mettront armez par ordenance
Sur la place toutes d’un parement,
Le premier jour ; et puis secondement
Vint escuiers chascun sa damoiselle ,
D’uns paremens joye se renouvelle ;
Et là feront les héraulx pluseurs cris
Aux bien joustans; tenez fort vostre selle ,
Et vous serez honnorez et chéris.

Or y perra qui bien ferra de lance ,
Et qui sera de beau gouvernement
Pour acquérir d’Amour la bienvveillance ,
Et qui durra ou harnois longuement ;
Cilz ara los, doulz regart proprement
Le monsterra; Amour, qui ne chancelle,
L’enflambera d’amoureuse estincelle.
Honneur donrra aux mieulx faisans les pris ;
Avisez tous ceste doulce nouvelle,
Et vous serez honnorez et chéris.

Envoi

Servans d’amours , regardez doulcement
Aux eschaffaux anges de paradis,
Lors jousterés fort et joyeusement ,
Et vous serez honnorez et chéris.

Codex Manesse, Manuscrit, XIVe siècle.
Codex Manesse, Manuscrit, XIVe siècle.

En vous souhaitant une belle journée à tous, mes amis, Longue vie!

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Une ballade « fleurie » de Jean Froissart et un court portrait du poète, historien, chroniqueur du moyen-âge

histoire_poesie_medievale_jean_froissart_chroniqueur_du_moyen-age_centralSujet : histoire médiévale, troubadour, poète, historien, chroniqueur du moyen-âge, poésie médiévale,
Période : XIVe siècle, moyen-âge central
Auteur : Jean Froissart (1337-1410)
Titre : Ballade
(Ci contre portrait de Jean Froissart, anonyme, XIXe siècle, © National Portrait Gallery, Londres)

Bonjour à tous,

Aujourd’hui, nous dédions un premier article à Jean Froissart, Chroniqueur, écrivain et poète du XIVe, reconnu comme comptant parmi les premiers historiens médiévaux par nombre de nos  contemporains.

Eléments de Biographie

N_lettrine_moyen_age_passioné à Valenciennes et ayant reçu une éducation de clerc qui le destinait à l’Eglise, Jean Froissart ne s’y incline pourtant pas et lui préfère, très tôt, le monde de l’Art, de la musique et de la poésie, autant que celui de la chevalerie. De fait, il commence, âgé à peine de vingt ans, à rédiger l’histoire des guerres de son siècle, et notamment bien sûr la guerre de cent ans, à la demande de son protecteur d’alors Robert de Namur, un noble proche du roi Edouard III d’Angleterre. C’est ce dernier qui amènera Froissart en Angleterre et l’introduira à la cour en lui présentant notamment la reine Philippe, épouse d’Edouard III. Il y reviendra plus tard, quand inconsolable et n’ayant pu séduire la dame de son coeur qui, non contente de s’être mariée, n’avait de cesse de se refuser à lui. (Vous voyez où ça mène l’amour reine_philippe_angleterre_jean_froissart_historien_troubadour_chroniqueur_poete_medievalcourtois? Je plaisante, pardon, restons concentré). Quoiqu’il en soit, la reine Philippe le prendra longtemps sous son aile et grâce à elle, il pourra approcher nombre de nobles et les interroger pour continuer son entreprise d’historien et de témoin de son temps.

Curieux de tout et aimant les voyages, l’âme d’un troubadour tout autant que celle d’un chevalier (même si l’on est pas certain qu’il fut véritablement adoubé), Jean Froissart voyagera dans de nombreux pays d’Europe, pour satisfaire son insatiable appétit de découvertes; Angleterre, Pays de Galles, Pays Bas, Ecosse, Espagne, Italie, etc. Avec méthode, il interrogera ses différents protecteurs et les chevaliers qu’il croisera au hasard de sa grande destinée afin de parfaire l’oeuvre de sa vie: ses chroniques historiques.  Vers la fin de son existence, il sera aussi ordonné prêtre, rattrapant en quelque sorte, la voie qu’on avait voulu lui faire suivre.

Jean Froissart, gravure du XIXe siècle,colorisée moyenagepassion;com
Jean Froissart, gravure du XIXe siècle,colorisée moyenagepassion;com

« Les Croniques de France, d’Engleterre et des païs voisins »

« Partout où je venais, je faisais enquête aux anciens chevaliers et écuyers qui avaient été dans les faits d’armes, et qui proprement en savaient parler ; et aussi aux anciens hérauts d’armes, pour vérifier et justifier les matières. Ainsi ai-je rassemblé la noble et haute histoire, et tant que je vivrai par la grâce de Dieu, je la continuerai ; car plus j’y suis et plus y labeur, plus me plaît. »
Jean Froissart, Citation, Extrait. 

E_lettrine_moyen_age_passionn plus d’être considéré comme un des chroniqueurs de référence du quatorzième siècle dont il est contemporain, on doit encore à Jean Froissart des pièces lyriques, mais aussi un certain nombre d’écrits ou de poèmes qui s’inscrivent dans l’amour courtois, et également un roman « Meliador » qui se déroule dans le monde des légendes Arthuriennes qui semble loin de faire l’unanimité au niveau littéraire dans le genre et qui n’a connu qu’un petit succès.

En dehors de ses productions littéraires, et même si on y a, longtemps, peu prêté d’attention, l’Histoire retiendra bien plus ses Croniques de France, d’Engleterre et des païs voisins, fortement inspirées d’une chronique du chanoine liégeois Jean le Bel mais qu’il aura eu à coeur de compléter et d’étoffer de sa plume talentueuse, autant que du large travail de terrain qu’il aura pu effectuer tout au long de sa vie. Froissart n’est pas le premier, bien sûr, à s’essayer au genre des chroniques historiques et elles sont assez prisées des rois et des nobles durant cette partie du moyen-âge central. On les illustre et on les enlumine, en général, et elles servent tout autant à histoire_medieval_crecy_jean_froissard_chroniqueur_poete_ecrivain_moyen-age_centralapprendre l’histoire qu’à s’y retrouver soi-même sous un jour avantageux. De fait, les chroniques de Jean Froissart ont donné lieu à un nombre impressionnant de manuscrits illustrés. (Ci-contre, Manuscrit 2643, Chroniques de Jean Froissart, BnF, XVe, Bruges)

Concernant cet ouvrage, haut en faits et en couleurs, on se doit encore ajouter que, comme pour bien des chroniques de cette période, il ne faut pas nécessairement y rechercher l’objectivité. Cela a-t’il vraiment changé de nos jours pour ce même genre, peut-être finalement plus proche d’un certain journalisme que de l’Histoire? Rien n’est moins certain. Dés l’instant où quelqu’un paye, il finit bien toujours par en demander pour son argent.

Quoiqu’il en soit, concernant les chroniques de Froissart, les dates n’ont pas la précision qu’un Historien moderne exigerait, les faits relatés ne le sont pas toujours à l’aide d’une méthodologie sans faille, les témoignages ne sont pas systématiquement recoupés, etc.., et Froissart n’échappe pas non plus à sa propre condition qui l’incline quelquefois à encenser ses protecteurs ou la chevalerie, au détriment du reste. Ce n’est, donc, bien entendu, qu’en les recoupant avec d’autres documents d’époque que l’on peut faire le tri des talents littéraires de Froissart et de ses propres implications, avec la justesse de ses vues sur les faits qu’il décrit. Il reste que son legs demeure une référence et, son approche opiniâtre pour témoigner de son époque autant que ses efforts pour la relater au plus près, lui ont gagné, pour beaucoup, une place de choix parmi les premiers historiens du monde médiéval. Ses chroniques restent aussi une oeuvre de référence majeure sur la guerre de cent ans.

Pour ce premier article le concernant, nous prenons un peu le contre-pied de l’habituel et plutôt qu’un extrait de ses chroniques, nous vous présentons, ici, une de ses ballades, ma foi, assez légère et très fleurie.

Ballade de Jean Froissart

SUS toutes flours tient on la rose à belle,
Et, en après, je croi, la violette.
La flour de lys est belle, et la perselle;
La flour de glay est plaisans et parfette;
Et li pluisour aiment moult l’anquelie;
Le pyonier, le muget, la soussie,
Cascune flour a par li sa merite.
Mès je vous di, tant que pour ma partie:
Sus toutes flours j’aimme la Margherite.

Car en tous temps, plueve, gresille ou gelle,
Soit la saisons ou fresce, ou laide, ou nette,
Ceste flour est gracieuse et nouvelle,
Douce et plaisans, blancete et vermillette;
Close est à point, ouverte et espanie;
Jà n’i sera morte ne apalie. 
Toute bonté est dedens li escripte,
Et pour un tant, quant bien g’i estudie:
Sus toutes flours j’aimme la Margherite.

Mès trop grant duel me croist et renouvelle
Quant me souvient de la douce flourette;
Car enclose est dedens une tourelle,
S’a une haie au devant de li fette,
Qui nuit et jour m’empeche et contrarie;
Mès s’Amours voelt estre de mon aye
Jà pour creniel, pour tour ne pour garite
Je ne lairai qu’à occoision ne die:
Sus toutes flours j’aimme la Margherite.

Une belle journée à tous et longue Vie!

Fred
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes«