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la Cantiga de Santa Maria 248: un musicien de talent pour un roi poète érudit

Sujet : musique médiévale, culte marial, Cantigas de Santa Maria, Alphonse le sage.
Période : XIIIe siècle, Moyen Âge central.
Auteur : Alphonse X de Castille (1221-1284)
Interprète : Jordi Savall
Titre:  Cantiga de Santa Maria 248
AlbumLa Lira D’esperia II
Galicia,  
Editeur : Alia Vox (2014)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous vous présentons une pièce du XIIIe siècle, interprétée par le grand musicien, violiste, violoncelliste, chef de coeur et chef d’orchestre catalan Jordi Savall. Il s’agit d’une recréation d’une des pièces des Cantigas de Santa Maria, un manuscrit de poésies et de chansons galaïco-portugaises datant du règne du roi de Castille Alphonse X le sage, (Alfonso X el sabio). L’instrument que l’artiste utilise ici est un rabel (ou rebab).

musique_poesie_monde_medieval_rabel_jordi_savall_et_alphonse_X_de_Castille_CantiqueC’est un instrument ancien à cordes et à archet que l’on retrouve en occident dans le moyen-âge et qui provient d’Orient. Sa présence est, semble-t-il, attestée avant le XIIIe siècle, mais on le trouve également dans le manuscrit d’époque des cantigas dont provient le morceau que nous vous proposons aujourd’hui. Il en existe plusieurs formes (voir photo en haut de l’article et photo plus bas également).

Alphonse X roi de Castille et de Léon,
Dit Alphonse le sage, ou le savant

Alphonse X, dit le sage ou le savant, fut roi de Castille entre 1252 et 1284. Il a connu un règne relativement mouvementé fait de rebellions, puis de querelles de succession. Ce souverain de Castille et de Léon a, à double titre, mérité ses appellations de sage et de savant.

Alphonse X dictant « le livre des jeux » Bibliothèque du Monastère de San Lorenzo de El Escorial

Pour le côté sage, s’il n’a pas rencontré de grand succès militaires dans ses tentatives d’annexion des royaumes voisins, pas plus que dans la guerre contre les Maures – certains auteurs lui reprochent même quelquefois de ne pas l’avoir menée de manière assez marquée, même si, très jeune, il contribua à la reconquête de Murcia et plus tard de Seville – , Alphonse X a su mener un politique économique très bénéfique pour son royaume, réformant la monnaie, encourageant la création de nombreux marchés et créant encore de nombreuses réformes dans le domaine législatif, judiciaire et légal.

Il essaya aussi durant une grande partie de son règne d’être sacré Saint empereur germanique mais n’y accéda pas, obtenant, tout de même, le titre de roi des romains. (ci contre la statue d’Alphonse X de Castille, devant la bibliothèque nationale de Madrid)

Alphonse le Savant

alphonse_X_le_Sage_de_castille_musique_poésie_savant_medieval

Pour le côté savant, Alphonse X fut un érudit dans des domaines aussi variés que l’Histoire, les sciences, le Droit, l’astronomie, mais aussi la littérature et la poésie. Il finance et parraine un réseau d’intellectuels latins, chrétiens, islamiques et juifs, connu sous le nom de l’école des traducteurs de Tolède. Ils traduiront et retranscriront pour lui de nombreux ouvrages.

Le Souverain de Castille participera également activement à ses travaux en mettant sa plume à contribution. De fait, On lui doit des chroniques historiques et des traités judiciaires, mais encore des ouvrages sur l’astronomie, sur les jeux, sur les échecs ou même sur les fables, On lui reconnait aussi d’avoir donné un nouveau souffle à la prose castillane en contribuant à l’enrichir avec des apports latins, arabes, et encore hébraïques.

Le cratère lunaire Alphonsus en hommage à un roi savant de Castille
Le cratère lunaire Alphonsus en hommage à un roi savant de Castille

En reconnaissance de sa contribution dans le domaine des sciences,  l’astronome Giovanni Riccioli, nomma même, en 1651, un cratère de la lune en l’honneur du roi de Castille : le cratère Alphonsus. Il se nommait au départ « Alphonsus Rex » mais plus tard, après que les noms furent normalisés, le « Rex » disparut et il n’en resta qu’Alphonsus.

Cantigas de Santa Maria et œuvre musicale

D’un point de vue musical et poétique, Alphonse X le sage laissa des chansons dans les registres de l’amour courtois et même du burlesque rédigées en Galaïco-portugais, une langue qu’il affectionnait et dont on le crédite encore d’avoir contribué à la promouvoir.

Manuscrit "Cantiga de Santa Maria", d'Alphonse X de Castille, on y voit notamment un Rabel
Manuscrit « Cantiga de Santa Maria », d’Alphonse X de Castille, on y voit notamment un Rabel

On lui attribue également les Cantigas de Santa Maria, soit plus de 420 chansons, récits de miracles et louanges annotés musicalement et dédiés à la vierge Marie. La Cantiga de Santa Maria 248 que nous vous proposons aujourd’hui est un récit de miracle tiré de ce vaste corpus.

Concernant la paternité des Cantigas de Santa Maria, il n’est pas certain qu’Alphonse X les ait toutes composées lui-même, mais le manuscrit est bien daté de son règne et il est certain qu’il a contribué à sa création. Il existe, encore, à ce jour quatre codex médiévaux qui nous sont parvenus de ces Cantigas. Ils se trouvent conservés dans différentes bibliothèques d’Espagne (Bibliothèque nationale de Madrid, Bibliothèque de El Escurial, Bibliothèque de Florence).

Jordi Savall, artiste et musicien d’exception
à la recherche des sonorités anciennes

« Ce que nous proposons c’est une tentative de recréer un certain art de faire sonner l’archet pendant la période médiévale. Il ne s’agit ni d’une hypothétique reconstruction historique d’un concert de cette époque, ou une étude musicologique de faits qui ne peuvent, de toute façon,  être connu avec une absolue certitude. »
Citations de Jordi Savall. Voir son site web très détaillée et complet

Ce grand artiste s’est fait connaître particulièrement en France pour sa participation dans le film d’Alain Corneau, « Tous les matins du monde« (récompensé par le César de la meilleure bande son), Jordi Savall a également composé et interprété la musique du film de Jacques Rivette « Jeanne la pucelle« .

En dehors de ces deux références côté français, le musicien et chef d’orchestre catalan est un passionné de son art et un artiste de grand talent. Il a, à son actif,  une carrière de plus de cinquante ans,  dédiée aux musiques anciennes et médiévales, jalonnée de succès et de récompenses, mais aussi extrêmement productive; il donne encore en moyenne près de 140 concerts par an et possède son propre label alphonse_X_jordi_savall_musique_poesie_monde_medievalde production Alia-vox qu’il avait crée en 1998 avec la cantatrice lyrique soprano catalane Montserrat Figueras (1942-2011).

A ce jour, Jordi Savall a enregistré plus de 230 disques dans des répertoires aussi divers que le monde médiéval, la renaissance, et encore les musiques baroques et classiques (retrouvez son autobiographie intellectuelle ici).

Nous espérons que vous apprécierez ce très beau morceau, interprété de main de maître et avec une gravité qui tranche d’avec les mélodies légères et rythmées que nous publions souvent ici.

Vous pouvez retrouver ici toutes les Cantigas de Santa Maria étudiées et traduites en français actuel.

Une très belle journée!

Fred
Pour Moyenagepassion.com.
« L’ardente passion, que nul frein ne retient, poursuit ce qu’elle veut et non ce qui convient. » Publiliue Syrus  Ier s. av. J.-C

Kalenda maya : une poésie de Raimbaut de Vaqueiras sur une estampie du XIIe siècle

troubadours_provençaux_poesie_chanson_medievaleSujet : musique, danse, chanson et poésie médiévale, troubadours
Titre : Kalenda maïa, Kalenda maya (Calenda)
Auteur : Raimbaut de Vaqueiras,
Période : moyen-âge central, XII, XIIIe
Interprètes : Clemencic Consort , René Zosso , Album : Troubadours, Harmonia Mundi

Bonjour à tous,

n peu de danse, musique et poésie à la fois, aujourd’hui, avec la chanson célèbre Kalenda Maia. C’est de circonstance puisque nous sommes arrivés aux calendes de mai dont le chant nous parle, soit les premiers jours de ce mois ; contrairement à ce qu’on pourrait quelquefois le crois, rien à voir avec le calendrier maya.

« Ni les calendes de Mai
Ni les feuilles de hêtres,
Ni les chants d’oiseaux, ou les glaïeuls fleuries
Ne sont de mon goût,
O noble et joyeuse dame,
Jusqu’à ce qu’un messager de la flotte
envoyé par votre belle personne
vienne  me conter de nouveaux plaisirs d’amour et de joie
que vous m’apportez »
Raimbaut de Vaqueiras, Calendes de mai.

L’estampie : danse médiévale
des XIIe au XIVe siècles

On dit de cette chanson qu’elle a été chantée et même improvisée par le troubadour Raimbaut de Vaqueiras (1150 – 1207) sur la musique d’une estampie qui existait déjà. L’estampie est une danse du moyen-âge qui a été assez populaire du  XIIIe siècle jusqu’au XIVe siècle. On la suppose née en France d’où elle s’est répandue jusqu’en Angleterre où elle a connu une grande popularité. Concernant le morceau que nous partageons aujourd’hui, c’est, à ce jour, une des plus ancienne estampie connue qui nous soit parvenue (cf universalis). On notera que cette chanson a été également interprété par le troubadour italien Angelo Branduardi sur son album  » « Futuro Antico ». Rien d’étonnant quand on sait qu’en son temps Raimbaut de Vaqueiras fut au moins aussi populaire en Italie qu’en Provence sinon plus.

L’album « Troubadours » du Clemencic Consort
avec René Zosso

Pour la version que nous partageons aujourd’hui, elle est interprétée par le Clemencic Consort, accompagné de René Zosso. Au moment de la publication initiale, nous ne l’avions pas identifiée, aussi merci au visiteur qui a su rappeler à notre attention ce manque dans cet article ! C’était un des rares pour lequel nous n’avions pas l’interprète et l’occasion ne nous avait pas été donnée d’y revenir depuis sa parution. C’est chose faite, grâce à lui aussi merci encore.

clemencic-consort-rene-zosso_troubadours_calenda-maia_moyen-age_Raimbaut-de-VaqueirasOn peut retrouver cette chanson, aux côtés d’autres pièces en langue occitane, dans l’album Troubadours de l’excellent Ensemble médiéval de René Clémencic : Raimbaut de Vaqueiras y côtoie Bernart de Ventadorn, Peirol, Peire Vidal,  et encore une composition demeurée anonyme du XIIe siècle.  Enregistré en 1977, l’album a fait, depuis, l’objet de diverses rééditions. A ce jour, il est encore disponible à la vente en ligne au format vinyle mais aussi au format dématérialisé :  lien utile pour plus d’information ici.

Précisons qu’on peut trouver de nombreuses interprétations de Kalenda Maya, mais nous cherchions quelque chose de plus épuré qui puisse un peu nous rapprocher du contexte de sa création originale. Cette version qui reflète du reste bien l’esprit et le travail habituel de ce très bel  ensemble médiéval sort clairement  du lot.

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Raimbaut de Vaqueiras :
guerrier, chevalier et troubadour

Fils d’un chevalier de Provence de petite noblesse et désargenté, les talents de jongleur et troubadour que Raimbaut de Vaqueiras  (Vaucluse) développa  assez vite le firent admettre à la cour de Guillaume des Baux, prince d’Orange, où il put développer son art du chant et de la poésie tout en apprenant le maniement des armes. Il passa, par la suite, à la cour de Boniface de Montferrat où il demeura, semble-t-il, la plus grande partie de sa vie. Il resta attaché au service de ce dernier dont il fut le vassal et qui le fit aussi chevalier, Entre autres campagnes et batailles, il accompagna notamment le Marquis de Montferrat, à l’occasion de la quatrième croisade.

Raimbaut de Vaqueiras a laissé une œuvre qui se compose de trente trois poésies lyriques mais également d’une « lettre épique » adressée à Boniface et dans laquelle il conte, en plus de deux cent pieds de vers, sa vie de Chevalier et de troubadour. Ce document reste, à ce jour, un des seuls témoignages autobiographiques, écrit de la main troubadour_raimbaut_de_vaqueiras_chevalier_poete_kalenda_mayad’un troubadour, connu historiquement (cf The Poems of the Troubadour Raimbaut de Vaqueiras by Joseph Linskill,  Charles Roth, Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance).

Fait qui mérite encore d’être souligné, on lui doit encore une poésie de cinq strophes dont chacune d’entre elle est écrite  dans une langue différente : occitan, français, italien, gascon, galeïco-portugais et on dit encore de lui qu’il est un des troubadours qui aura le plus fait pour acclimater son art et la langue provençale dans la péninsule italienne! (ci-dessus Raimbaut de Vaqueiras, enluminures, BnF, Manuscrit 854, Recueil de poésies, en provençal, de troubadours, XIIIe siècle )

Outre le destin exceptionnel de cet homme, issu de famille pauvre et de petite noblesse, finalement adoubé et fait chevalier, Raimbaut de Vaqueiras fut aussi un des premiers troubadours à se rendre populaire dans les cours d’Italie du nord. On lui prête des talents qui vont de la poésie et l’art du troubadour jusqu’aux arts guerriers et on se trouve bien en peine de choisir celui qui le distingue le plus tant il montre des qualités dans les deux domaines.  De sa mort, on sait peu de chose et on suppose qu’il est peut-être mort au combat, aux côtés de son suzerain lors d’une bataille qui opposait ce dernier aux bulgares pour défendre son royaume de Romanie.

Les paroles et l’histoire de la Chanson:
Un chant d’amour courtois.

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Comme tous les troubadours, Rambaut de Vaqueiras était un provençal. Sa langue est donc, comme celle des troubadours, l’occitan. Nous n’avons pas cette langue dans notre besace et les langues latines que nous possédons sont de peu d’aide pour approcher la traduction de l’occitan. Concernant Kalenda Maya, nous en avons trouvé, pour l’instant une traduction anglaise et une autre italienne.  A ce jour, il semble bien en effet que la bible des textes de Raimbaut de Vaqueiras et leur traduction soit anglaise : « The Poems of the Troubadour Raimbaut de Vaqueiras. By Joseph Linskill ». Pour le coup, une telle traduction reste un peu du billard indirect et ne saurait atteindre des sommets en terme d’excellence linguistique, mais cela aura le kalenda_maya_amour_courtois_moyen_age_raimbaut_de_vaqueirasmérite de nous donner une idée du texte original à défaut de prétendre lui être totalement fidèle. Il faudra toutefois un peu de temps pour arriver au résultat et je la posterais plus tard dans le temps..

En deux mots quand même, et pour ne pas vous laisser trop sur votre faim, l’histoire est un chant d’amour courtois. Le troubadour y déclare donc sa flamme douloureuse à la belle dame qu’il convoite et qu’il n’a pas encore « pécho », conquise pardon! Le voilà donc tout à ses tourments dans l’attente d’un messager aux premiers jours de mai, et même les chants d’un oiseau, les glaïeuls en fleur ou les belles feuilles de hêtres ne peuvent le soustraire à son supplice. Tremblant qu’on ne lui prenne la belle Béatrice avant même qu’elle ne soit à lui mais confiant en ses grandes vertus, il lui déclare son amour transis tout au long du chant. Pour l’anecdote, on ne sait pas vraiment qui était cette dame Béatrice mais plusieurs poèmes de Raimbaut de Vaqueiras y font référence après qu’il ait rejoint la cour de Montferrat.


Les paroles originales  de Calenda Maïa, (Kalenda Maïa) en occitan

Kalenda maia
Ni fueills de faia
Ni chans d’auzell ni flors de glaia
Non es qe.m plaia,
Pros dona gaia,
Tro q’un isnell messagier aia
Del vostre bell cors, qi.m retraia
Plazer novell q’amors m’atraia
E jaia,
E.m traia
Vas vos, donna veraia,
E chaia
De plaia
.l gelos, anz qe.m n’estraia.

Ma bell’ amia,
Per Dieu non sia
Qe ja.l gelos de mon dan ria,
Qe car vendria
Sa gelozia,
Si aitals dos amantz partia;
Q’ieu ja joios mais non seria,
Ni jois ses vos pro no.m tenria;
Tal via
Faria
Q’oms ja mais no.m veiria;
Cell dia
Morria,
Donna pros, q’ie.us perdria.

Con er perduda
Ni m’er renduda
Donna, s’enanz non l’ai aguda
Qe drutz ni druda
Non es per cuda;
Mas qant amantz en drut si muda,
L’onors es granz qe.l n’es creguda,
E.l bels semblanz fai far tal bruda;
Qe nuda
Tenguda
No.us ai, ni d’als vencuda;
Volguda,
Cresuda
Vos ai, ses autr’ajuda.

Tart m’esjauzira,
Pos ja.m partira,
Bells Cavalhiers, de vos ab ira,
Q’ailhors no.s vira
Mos cors, ni.m tira
Mos deziriers, q’als non dezira;
Q’a lauzengiers sai q’abellira,
Donna, q’estiers non lur garira:
Tals vira,
Sentira
Mos danz, qi.lls vos grazira,
Qe.us mira,
Cossira
Cuidanz, don cors sospira.

Tant gent comensa,
Part totas gensa,
Na Beatritz, e pren creissensa
Vostra valensa;
Per ma credensa,
De pretz garnitz vostra tenensa
E de bels ditz, senes failhensa;
De faitz grazitz tenetz semensa;
Siensa,
Sufrensa
Avetz e coneissensa;
Valensa
Ses tensa
Vistetz ab benvolensa.

Donna grazida,
Qecs lauz’ e crida
Vostra valor q’es abellida,
E qi.us oblida,
Pauc li val vida,
Per q’ie.us azor, donn’ eissernida;
Qar per gencor vos ai chauzida
E per meilhor, de prez complida,
Blandida,
Servida
Genses q’Erecs Enida.
Bastida,
Finida,
N’Engles, ai l’estampida.


Voilà, pour la traduction complète en français, ce sera pour un peu plus tard. 🙂

En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Le Roy Engloys ou le roé anglais

troubadours_modernes_musique_medievale_renaissanceSujet : musique et chanson médiévales, Manuscrit ancien, manuscrit de Bayeux.
Titre de la chanson; le Roy Engloys
Période : Moyen Âge tardif, fin du XVe siècle.
Interprète : ensemble Obsidienne.
Album : « le jardin des délices »

Les richesses du manuscrit de Bayeux

D_lettrine_moyen_age_passionécidément, quand il est question d’histoire médiévale, la ville de Bayeux nous régale de bien des choses et pas seulement de la mythique tapisserie de soixante-dix mètres de long que  la reine Mathilde broda aux XIe siècle et qui conte l’histoire de la conquête de l’Angleterre par le Duc de Normandie, Guillaume le conquérant. Aujourd’hui, nous nous intéressons à un chanson_musique_medievale_manuscrit_bayeux_le_roi_anglaisrecueil de chansons datant du XVIe siècle et qui nous vient justement et encore de la ville de Bayeux qui l’a conservé un temps. De cela, nous pouvons déduire que Bayeux est une ville qui conserve, Gloire à elle et à ses habitants! Mais ne nous dispersons pas.

Sous la référence Français 9346, le manuscrit de Bayeux est un ouvrage de cent trois chansons datant donc du début de la renaissance mais compilant des chants et des musiques normandes et d’île de France, réputées écrites dans les cinquante à cent ans précédent leur recompilation par Charles de Bourbon (fin du XVe, début du XVIe siècle).

Entre amour courtois et d’autres chants plus belliqueux ou évocateurs, ou même chansons à boér « Bevons, ma commère », le manuscrit de Bayeux porte aussi la marque indélébile de la guerre de cent ans. Près d’un siècle après les faits, et même si nous sommes presque déjà à l’aube de la renaissance, ce manuscrit ancien peut donc être clairement rattaché au moyen-âge tardif. Avec la chanson « le roy Engloys » (le roi anglais), guerre_de_cent_ans_henri_V_le_roy_engloys_chanson_medievale_bayeuxque nous vous proposons, aujourd’hui, il est question de chanter la mort d’Henri V d’Angleterre  (portrait ci-contre datant  du XVIe siècle), tête couronnée portée aux nues par les anglais et par Shakespeare, mais honni alors du côté français, la sanglante bataille d’Azincourt n’y étant certainement pas étrangère. De fait, les contemporains du manuscrit de Bayeux n’avaient visiblement oublié ni les faits, ni les prétentions sur le trône du souverain anglais. Hormis quelques incohérences historiques dans le texte, qui semblent s’expliquer par le fait que cette chanson a été écrite longtemps après le trépas d’Henri V, il s’agit bien sûr ici de célébrer la victoire sur les anglais « boutés » hors de France. Ah! Les couez (couards), Mauldite en soit la trestoute lignyé ! Je plaisante, calmons-nous ! N’enfilez pas tout de suite vos cottes de maille, les amis, ces temps sont loin!

L’ensemble Obsidienne

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L’interprétation que nous vous proposons aujourd’hui  de cette chanson est tirée de l’album « Le Jardin des Délices » de l’ensemble Obsidienne. N’y cherchez pas par contre la voix de Patrick Bruel « Yalil Yalil Ya bibi Halil ». D’abord c’est un café des délices, lui, et pas un jardin donc il ne s’agit pas du tout de la même chose. En plus cela ne se passe, mais alors pas du tout au moyen-âge et d’ailleurs pas en France non plus, donc bon, pardonnez-moi mais il me semble que vous nagez un petit peu en pleine confusion quand même.

Pour revenir à des considérations plus sérieuses, Obsidienne est  un ensemble vocal et instrumental formé en 2009 et dont l’ambition affichée est de « faire vivre le répertoire du Moyen-âge et de la troubadours_modernes_musique_chanson_medievale_le_roi_anglais_manuscrit_bayeuxrenaissance;  simplement, avec naturel, en réconciliant l’art de l’interprétation avec celui de l’improvisation ». (sic).

Dirigé par le baryton, contre-ténor, musicien et instrumentiste, Emmanuel Bonnardot, l’ensemble ne se ferme aucune porte quand il s’agit de faire vivre son art, mêlant à sa musique, poésie, théâtre ou danse, et dit même faire appel aux oeuvres picturales des grands peintres du moyen-âge pour parfaire son travail de restitution historique, musical et artistique. Autre originalité de ces artistes et troubadours modernes qui ont mis leurs multiples talents au service de la recherche et l’interprétation des musiques anciennes, l’ensemble, qui comporte au complet plus de seize personnes, peut également se produire en formation plus réduite pour des représentations ou des concerts plus intimistes ou plus spécialisés. Pour plus d’informations sur leur actualité et leur discographie, n’hésitez pas à consulter leur site web ici.

Les paroles de la chanson « le Roi anglais »

Roy angloys chanson Manuscrit de Bayeux musique d'un Recueil de  Théodore Gérold 1921
Partition tirée de l’ouvrage « Le Manuscrit de Bayeux, Texte et musique d’un Recueil de Chansons du XVe siècle », Théodore Gérold, 1921.

Le Roy Engloys se faisoit appeler
Le Roy de France par sappellation.
Il a voulu hors du païs mener
Les bons François hors de leur nation.

Or il est mort à Sainct-Fiacre en Brye,
Du pays de France ils sont tous déboutez.
Il n’est plus mot de ces Engloys couez.
Mauldite en soit trestoute la lignye !

Ils ont chargé lartillerie sur mer,
Force biscuit et chascun ung bidon,
Et par la mer jusquen Bisquaye aller
Pour couronner leur petit roy Godon.

Mais leur effort n’est rien que moquerie :
Cappitaine Prégent lez a si bien frottez
Qu’ils ont esté terre et mer enfondrez.
Mauldite en soit trestoute la lignye !


Une excellente journée à tous!

Fred
pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval d’hier et d’aujourd’hui »

Thibaut de Champagne et son chant de Croisade, par Richard Levitt

Le chant de croisade de Thibaut de Champagne, version lyrique

Sujet : chant, chanson et musique médiévale, troubadour, trouvère, croisade des barons, sixième croisade
Titre :  « Chant de croisade »
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle.
Auteur-Compositeur : Thibaut de Champagne, Thibaut le chansonnier, Thibaut IV, roi de Navarre dit encore « Thibaut le posthume ».
Interprète : Richard Levitt, chanteur lyrique

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici une autre version du chant de croisade de Thibaut de Champagne, dont nous avions déjà publié l’interprétation de cette pièce médiévale René Zosso,  cette fois-ci c’est le chanteur lyrique américain Richard Levitt qui nous la propose.

richard_levitt_soprano_musique_chant_medieval_moyen-age_croisade_des_baronsNous voilà donc reparti sur les routes avec Thibaut IV de Champagne ou Thibaut 1er de Navarre, qui a pris la « croé » en 1239  pour partir pour la sixième croisade, appelée aussi la « croisade des barons », Nous en avions parlé plus longuement dans notre article précédent. Si vous souhaitez le consulter, il est ici : le chant de croisade de Thibaut de Champagne, roi troubadour du XIIIe siècle

Vous noterez que cette version est carrément plus aigu et plus « sophistiqué » aussi d’une certaine manière, que la version plus guerrière et plus « terroir » du très talentueux René Zosso. C’est plaisant aussi. je vous laisse vous faire votre idée!

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En vous souhaitant une très belle journée.

Fréderic EFFE.
Pour moyenagepassion.com
« A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes »