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A la découverte d’un manuscrit ancien du moyen-âge central: la Bible de Maciejowski

manuscrit_ancien_enluminures_miniatures_medieval_moyen-age_central_XIIIe_siecleSujet : enluminures, miniatures, manuscrit ancien, ancien testament, bible, monde médiéval,
Période : moyen-âge central, XIIIe
Titre : Bible de Maciejowsky, Morgan Bible, la Bible des croisés
Référence manuscrit : Ms M. 638
Conservation :  Pierpont Morgan library (New York)

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui nous mettons le nez dans les vieux livres en provenance du monde médiéval, pour vous parler d’un des plus prestigieux d’entre eux.  Ce manuscrit ancien, encore exceptionnellement bien conservé à ce jour, est connu sous la référence de  Ms M 638, mais aussi sous de nombreux autres noms:  Bible de Maciejowski ou Maciejowsky, Bible de Morgan, Bible de Shah Abbas ou encore bible des croisés.

Manuscrit ancien: bible Maciejowski, la genêse , feuillet 1R, enluminure,miniature, moyen-âge central
Manuscrit ancien: bible Maciejowski, la genêse , feuillet 1R, enluminure,miniature, moyen-âge central

Datant du XIIIe siècle, cette Bible de Maciejowski est considérée comme un des plus grand témoin de l’excellence artistique française du moyen-âge central, en terme d’enluminures et notamment en terme d’art gothique.  L’ouvrage a ceci de précieux qu’il contient, en effet, de nombreuses miniatures de qualité exceptionnelle.  Comme son nom l’indique, il puise ses origines dans la Bible et illustre l’histoire de l’ancien testament, depuis la genèse jusqu’au livre II de Samuel et l’histoire de David et Absalom.

Du point de vue de son contenu, il se compose de 46 feuillets. On y trouve des scènes de batailles et de guerre, des scènes de crimes et de meurtres, mais aussi des scènes de la vie de tous les jours. Et même si son sujet se rapporte à une période biblique supposée bien antérieure à l’époque dont il est contemporain, le soin apporté aux illustrations en font un allié précieux des « reconstituteurs » et historiens quand il s’agit de se représenter fidèlement le XIIIe siècle. Il était, en effet, habituel que face à des sujets anciens ou bibliques, les artisans du monde médiéval se servent pour les illustrer d’éléments qui leur étaient contemporains, faisant même souvent des allusions dans leurs planches à des événements ou faits concrets étant survenus à leur propre époque. Et si ce manuscrit de Maciejowski n’est pas la seule Bible illustrée qui nous soit parvenue du moyen-âge, cette règle ou ce parti-pris artistique semblent se confirmer le plus souvent dans les autres ouvrages de ce type.

Histoire et  périples de la bible de Maciejowski à travers les siècles

On a pensé longtemps que cette bible ancienne avait été commandée par le roi SAINT-LOUIS en personne, mais cette version a été remise en cause depuis par plusieurs historiens qui penchent pour lui attribuer plutôt des origines du côté d’ateliers de Flandres et peut-être même de Bruges (Alliston STONES et Francois AVRIL). Il reste donc difficile de faire le tri quand on sait encore que d’autres experts soutiennent que ces illustrations seraient le fruit de différents artistes d’ateliers parisiens. Quoiqu’il en soit, le manuscrit semble en tout cas contemporain de la première croisade de Louis IX. Après sa création, les périples qui l’ont conduit à son lieu actuel nous sont manuscrit_ancien_enluminures_miniatures_monde_medieval_moyen-age_central_bible_maciejowskiplus connus. Ils pourraient presque, à eux-seuls, fournir le prétexte d’un roman tant l’ouvrage a voyagé à travers les siècles.

Parti de France pour l’Italie et la cour de Naples, autour de 1300, il y demeurera quelques temps mais on le retrouvera bientôt en Pologne, où il demeurera, jusqu’à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. A la fin de cette période polonaises, on retrouve le manuscrit ancien  dans les mains du cardinal Bernard MACIEJOWSKI ou  Maciejowsky, (1548-1610) évêque de Cracovie (portrait ci-dessus) qui donnera au manuscrit le nom sous lequel on le connait le plus souvent, aujourd’hui. Il semble que c’est un peu avant sa mort, qu’il  fera présent de la Bible au chah Iranien Abbas Ier le Grand, (Shah Abbas the great), roi de perse en 1608. C’est d’ailleurs un des autres noms qu’on connait à l’ouvrage la Bible de Shah Abbas. Comme les italiens l’avaient faits, les perses annoteront alors le manuscrit de leurs interprétations, en marge des illustrations.

Deux cents ans plus tard, nous sommes en 1800, le manuscrit sera vendu à un collectionneur égyptien. Dans le siècle qui suivra, il passera encore dans les mains de quelques collectionneurs pour finalement  être racheté en 1916 par le fondateur de la bibliothèque dans lequel il se trouve encore aujourd’hui conservé: John manuscrit_ancien_enluminures_miniatures_medieval_moyen-age_central_bible_maciejowski_tour_babelPIERPONT MORGAN, qui, à son tour, donna à l’ouvrage un de ses autres noms connus: the Morgan Bible. A noter que si l’ensemble du manuscrit se trouve à New york et dans cette bibliothèque, trois autres de ces feuillets sont conservés en deux autres endroits:  deux se trouvent à la Bibliothèque nationale de France, et un autre au J. Paul Getty Museum de Los Angeles.

Old testament Miniatures:
une édition anglophone des années 70

En 1969, Cockerell, Sydney C, directeur du Musée Fitzwilliam à Cambridge. et John Plummer, décidaient de proposer au grand public, une édition  de la bible ancienne en grand format, réunissant une quantité importantes d’enluminures et de miniatures en provenance du manuscrit M 638. Y seront adjoints aussi des dessins et reproductions du designer Emery Walker et cet ouvrage portera le titre de « Old testament Miniatures ».

Ou trouver la bible de Maciejowski?

On trouve plusieurs versions du livre mentionné ci dessus à la vente mais pour qui ne peut ou ne veut se fendre d’une centaine d’euros, voir même de trois à quatre fois plus, en fonction de l’état de l’ouvrage, pour l’acquérir, il reste d’autres options. Côte version papier, il existe une autre version plus récente de l’ouvrage, datant de 1998 et réimprimée en Suisse, ayant pour titre : « The morgan crusader bible : The picture Bible of Saint-Louis ». Nous ne pouvons pas préjuger ici de la facilité à le débusquer mais nous le mentionnons tout de même.

Pour le reste et si vous savez vous en contenter, on peut en cherchant un peu accéder à plusieurs versions digitalisées sur le web. Après avoir fait un tour de la question, il semble qu’une des meilleures version se trouve ici : Version digitale de la bible de Maciejowski

C’est d’ailleurs dont nous nous sommes servis pour vous présenter les illustrations de cet article. Comme vous l’imaginez sûrement, nous les avons retouchées quelque peu pour mieux les mettre en valeur et leur donner plus de profondeur.  Au delà du fait qu’elles ont près de huit cent ans, leur grand niveau de détails et leur qualité sont véritablement remarquables et l’on comprend bien le plaisir véritable qu’il y a aurait à en posséder une version papier et grand format.

En vous souhaitant une merveilleuse journée.

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

L’histoire des couleurs par Michel Pastoureau : le Noir

conference_monde_medieval_couleurs_du_moyen-age_noir_blanc_michel_pastoureauSujet : couleur, symbolique, moyen-âge, , anthropologie, histoire médiévale, histoire des couleurs.
Période : de l’antiquité à nos jours
Livre : « Noir, histoire d’une Couleur »
Auteur : Michel Pastoureau
Média : émission radio, livre, « conférence »
Titre : « Des goûts et des couleurs : le noir et le blanc»
Radio : France Culture, « Hors Champs », Laure Adler

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons, ici, le troisième volet des interviews donnés par l’historien médiéviste Michel PASTOUREAU, à la journaliste Laure ADLER de France Culture, au sujet de l’histoire des couleurs à travers les âges.

couleur_histoire_moyen-age_michel_pastoureau_conference_monde_medieval_noirC’est, cette fois-ci, à la découverte du noir et du blanc et de leur symbolique changeante que le programme nous entraîne. On y apprend que le noir gagna peu à peu son statut de couleur, même si au fond il n’a jamais vraiment pu figurer seulement qu’une absence. Dans le courant du XXe siècle, sa mode venue du Japon, a perduré encore longtemps de notre côté du monde et l’esprit zen n’y est certainement pas étranger; les Kolomos des moines qui le pratiquent y sont encore de cette couleur qui porte, dans sa symbolique zen, la marque de la sobriété, de l’humilité et, finalement, d’une certaine volonté de non paraître. Couleur peut-être encore d’une mort symbolique déjà là, pour ceux qui ont fait le voeu de renoncement aux désirs et aux attachements, face à la marche de l’univers et du temps.

histoire_couleur_noir_moyen-age_michel_pastoureau_conference_livre_monde_medieval_anthropologieOn revisitera aussi, avec l’historien, les noirs de Pierre Soulages et de son Art pictural d’Outrenoir. Et suivant les méandres de ce noir et de ce blanc et leur dialogue en miroir,  on regrettera presque, en accord avec lui et  François Truffaut, que l’arrivée de la couleur au cinéma soit venue si souvent brouiller des codes que le noir et blanc rendaient presque transparents. Disant cela, il vous reviendra peut-être en mémoire, l’image de Peter Falk, en ange incarné, qui se frotte les mains après un café, dans le froid d’un matin d’hiver, face à un Bruno Gantz, encore entre deux mondes, dans les Ailes du Désir de Wim Wenders, ou, peut-être encore, une photo de Robert Doisneau saisissant  un instant de vie pour le figer, à jamais, dans une éternité de noir et blanc.

Pierre Soulages, Peinture 181 x 405 cm, Musée FABRE, Montpelliier
Pierre Soulages, Peinture 181 x 405 cm, Musée FABRE, Montpelliier

Et puis, sur les rivages de ce débat ancien, Noir pur d’une sobriété toute chrétienne ou Noir de l’obscurité, de la mort ou de la peur ancré à jamais dans les parties les plus grégaires de nos subconscients, et en miroir encore, Blanc de la pureté ou blanc de l’apparat et du paraître. Michel Pastoureau évoquera aussi les luttes médiévales entre moines blancs et moines noirs sur le territoire d’une symbolique et d’une pratique spirituelle, qui, au XIIIe siècle, finira par interroger au delà des couleurs de robes le statut tout entier de moines comme celui de l’Eglise: les blancs et riches cisterciens et les ordres mendiants aux couleurs de loups.

Les goûts et les couleurs; le noir et blanc


Lien direct vers le même podcast sur le site de France-Culture

En vous souhaitant une bonne journée.
Fred
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Un songe de Clément Marot en forme de dizain.

poesie_medievale_clement_marotSujet : poésie médiévale, auteur, poète, dizain, amour, romantisme, passion amoureuse
Période : fin du moyen-âge, début renaissance
Auteur : Clément Marot (1496-1544)
Titre : « D’un songe »
Tiré de : Récréation et passe temps des tristes, (1595)

Bonjour à tous,

L_lettrine_moyen_age_passione talent de Clément Marot pour les pièces de poésies courtes n’est plus à démontrer tant il excelle dans ce genre, qu’il s’agisse d’épigrammes, de dizains ou même encore d’épitaphes. Le dizain que nous vous proposons aujourd’hui est dédié à sa belle dont les charmes irrésistibles ont, dans le verbe du poète, conquis  jusqu’à Apollon, Dieu de poète des Arts, de la musique et de la connaissance.

poesie_medievale_dizain_auteur_clement_marot_amour_songe_moyen-age_tardif_debut_renaissance

Même s’il reste chaste, Marot ose ici la nudité et s’avance sur le terrain d’une sensualité qu’on retrouve peu dans les traits de l’amour courtois des siècles précédents; la plupart du temps, ce dernier ne s’approche, en effet, pas aussi près. Dans les formes poétiques de ce dizain et dans cet objet convoité que même un Dieu veut dérober à l’emprise de son auteur, on lit , sans doute plus, le désir intarissable de l’amant, que celui inassouvi du prétendant.

Et à travers cette pièce, Marot nous montre encore que son don pour les mots et leur musique ne s’arrête pas aux traits d’esprit, à la satire ou aux grivoiseries légères, mais a aussi le pouvoir de donner au sentiment amoureux ses plus belles lettres.

D’un songe

La nuict passée en mon lict je songeoye
Qu’entre mes bras vous tenoy nue à nu,
Mais au resveil, se rabaissa ma joye
De mon désir en dormant advenu,
Àdonc je suis vers Apollo venu, 
Luy demander qu’aviendroit de mon songe,
Lors luy jaloux de toy, longuement songe,
Puis me respond : tel bien ne peulx avoir.
Helas! m’amour fais luy dire mensonge,
Si confondras d’Apollo le scavoir.
Clément Marot (1496-1544)

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Un virelai de Guillaume de Machaut « Je vivroie liement/Liement me deport »

Guillaume-de-Machaut_trouvere_poete_medieval_moyen-age_passionSujet : musique, chanson médiévale, virelai, maître de musique, chanson, amour courtois.
Titre : Je vivroie liement
Auteur: Guillaume de Machaut (1300-1377)
Période : XIVe siècle, Moyen Âge
Interprète : Falsobordone
Album : Figs, fiddles and fine play, a musical taste of the 14th century (2003)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous faisons un retour sur le grand maître de musique Guillaume de Machaut, aujourd’hui, avec un virelai d’amour courtois que nous avions déjà posté et sur lequel nous avions donné alors traduction et détails.  Cette pièce était alors interprétée par la belle et talentueuse  Elisabeth Pawelke et nous vous proposons cette fois une version plus orchestrée, mais également très réussie, de la formation    Falsobordone.

Falsobordone, une formation suédoise
à la conquête du répertoire médiéval

Formée en 1995, l’ensemble Falsobordone s’est imposée rapidement comme un des leaders dans le répertoire ancien et médiéval, en Suède. Leur champ d’élection reste les XIIIe et XIVe siècles et particulièrement les musiques et chansons en provenance de l’Italie ou l’Espagne médiévale.  On les retrouvera également sur les reprises du répertoire suédois plus traditionnel et folk, avec bien sûr, comme on peut s’y attendre, une prédilection pour les instruments anciens.

Bien qu’ayant fêté leur dix ans, en 2005,  il ne semble pas qu’ils aient été productifs après ces années là en terme d’albums. Le dernier en date reste, pour l’instant, celui dont est tirée la pièce de Guillaume Machaut que nos vous proposons aujourd’hui. Il a pour titre: Fikon, fiddlor och finlir, en musikalisk smak av 1300-talet -: figures, vièles et beau jeu (élégant, subtil), « un goût » ou « la saveur » musicale  du XIVe siècle. On trouve encore quelques traces de concerts autour des années 2010, mais pas d’avantage pour l’instant.

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Pour dire un mot de l’origine du nom de leur groupe, le « Falsobordone » ou le faux-bourdon désigne, en musique, une forme d’improvisation musicale et vocale dans le cadre de chants liturgiques ou sacrés. Cette technique date du XVe et suivants, même si la formation suédoise dont il est question ici s’est plus attachée aux musiques médiévales qu’à celles de l’ère baroque ou de la renaissance.

Pour le reste, tous les détails additionnels sur ce virelai, ainsi que ses paroles traduites en français moderne sont ici : L’amour courtois de Guillaume de Machaut et la belle interprétation d’Elisabeth Pawelke

En vous souhaitant une belle journée et une bonne écoute.
Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.