Archives par mot-clé : poésie

Rutebeuf, poète de l’infortune, une « biographie » radiophonique de 1979

poesie_litterature_medievale_realiste_satirique_moral_moyen-ageSujet : poésie médiévale, poésie réaliste, satirique, trouvère, élément de biographie, ménestrel, jongleur, lectures, traduction, auteur médiéval.
Période : moyen-âge central, XIIIe siècle.
Auteur ; Rutebeuf (1230-1285?)
Titre : Poèmes de l’Infortune et de la Croisade
Programme : Agora, Gilles Lapouge.
Invité : Jean Dufournet
Média : émission radio – France Culture

Bonjour à tous,

C_lettrine_moyen_age_passion‘est toujours un plaisir de revenir à la poésie de Rutebeuf, autant qu’aux mystères qui entourent rutebeuf_poete_medieval_infortune_satirique_poesie_realiste_moyen_age_centralcet l’homme et, aujourd’hui, nous vous proposons de découvrir une émission que France Culture lui consacrait en 1979.

Proposé par Gilles Lapouge, ce programme résume les quelques éléments de biographie que nous possédons sur le poète et nous gratifie également de quelques extraits-lectures  dans le verbe original ou traduit de Rutebeuf dont le Dit des ribauds de Grève auquel nous avions déjà dédié un article ici.

On y parle encore des ménestrels, jongleurs et trouvères du moyen-âge, en compagnie de l’érudit et médiéviste Jean Dufournet (1933-2012) qui présente, ici, son ouvrage de traduction de poésies choisies de Rutebeuf : Poèmes de l’Infortune et de la Croisade. Au delà, Il nous entraîne à la découverte des double-sens, des finesses de langage et de l’humour de l’auteur médiéval.

Emission Agora – France Culture – Autour de Rutebeuf

Autour de la poésie et des auteurs
Coup de coeur chaîne youtube

J_lettrine_moyen_age_passion‘ajoute pour lui faire ici une mention spéciale que cette émission est postée sur l’excellente chaîne youtube de Arthur Yasmine dédiée à la poésie au sens large.

Poète et écrivain lui-même, engagé pour un art poétique vivant, Arthur Yasmine a été, lui-même, primé en 2016 chaine_youtube_coup_de_coeur_monde_medieval_histoire_musique_ancienne_moyen_agepour son ouvrage Les clameurs de la ronde  (Prix Amélie Murat), Et quand il laisse de côté, pour un instant, sa plume, cet auteur très prometteur trouve encore le temps  de débusquer des programmes radiophoniques de qualité et des émissions rares autour de la poésie. Qu’il en soit chaleureusement remercié ici. La chaîne youtube qu’il anime est de très grande qualité et nous ne pouvons que vous enjoindre à la visiter.

En vous souhaitant une excellente journée et une très bonne écoute de ce programme autour de Rutebeuf.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Fleur de poésie françoyse: un quatrain de la fin du moyen-âge et des débuts de la renaissance

poesie_medievaleSujet :  poésie ancienne, huitains, poésies courtes, épigrammes, ouvrage ancien.
Période :  moyen-âge tardif, début renaissance
Auteurs    : collectif (édition originale de 1542)
Titre    :  La fleur de poésie Françoyse, annoté par A Van BEVER, 1909

Bonjour à tous,

A_lettrine_moyen_age_passionujourd’hui, nous postons un quatrain issu de l’ouvrage   la fleur de poésie françoyse.  Nous sommes à la toute fin du moyen-âge dans un siècle de transition qui est aussi celui de l’aube de la renaissance et comme toutes les épigrammes et poésies courtes de ce petit recueil du fleur_de_poesie_francoyse_poesie_debut_renaissance_moyen-age_tardifmilieu du XVIe siècle, ces vers ne sont pas signés et sont demeurés anonymes. Sont-ils de Melin de Sainct Gelays, de Clément Marot ?  Difficile de l’affirmer. Peut-être sont-ils plutôt d’un de leurs « disciples » ?

Nous l’avons dit dans nos articles précédents sur le sujet, dans le courant du XVIe siècle, cette poésie de cour légère qui se tourne vers le mot d’esprit et le divertissement plait et trouve ses émules.

deco_frise

« Je suis à moy et à moy me tiendray,
Aultre que moy n’aura sur moy puissance,
Tout à part moy joyeulx me maintiendray,
Sans que de moy aulcun ayt jouissance. »

Quatrain.  Anonyme – XVe, XVIe siècle 
La Fleur de poésie françoyse (1542)

deco_frise

R_lettrine_moyen_age_passionesitué dans le contexte général de l’ouvrage, qui, plus que tout autre thème, chante les peines, les joies et les déboires d’amour sous toutes leurs formes, y compris les plus grivoises, ce quatrain qui nous conte la liberté d’une indépendance retrouvée, se réfère sans doute plus à la fin d’une histoire de coeur qu’à l’affranchissement de toute forme de pouvoir, au sens large.

Dommage ! Ainsi  isolés, ces quatre vers pourraient presque prendre ce sens plus profond et philosophique d’une liberté que rien, ni personne ne saurait contraindre ou soumettre. Cela serait étonnant pour l’époque et même presque jusqu’à aujourd’hui, et, il faut bien l’avouer, ne serait pas tout à fait pour nous déplaire, mais il semble qu’ils faillent plutôt les restreindre au registre amoureux. Même ainsi cela dit, ils conservent une puissance indéniable et une belle force libératoire.

poesie_ancienne_quatrain_XV_moyen-age_tardif_debut_renaissance_fleur_de_poesie_francoise

Voir d’autres articles sur la fleur de poésie françoyse et les recueils de poésies courtes du moyen-âge tardif ou des débuts de la renaissance.

En vous souhaitant une très belle journée
Fred

Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

La Ballade « qui se finist toute par R » ou Ballade de Villon a s’amye

françois_villon_poesie_francais_moyen_ageSujet : poésie médiévale, réaliste, ballade, auteur médiéval, acrostiche, les amours de Villon. le testament.
Période : moyen-âge tardif
Titre :  « Le Grand Testament » Extrait
Auteur :  François Villon (1431- ?1463)
Titre : Ballade de Villon a s’amye

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous publions aujourd’hui la Ballade « Qui se finist toute par R », plus connue encore sous le titre de la ballade de Villon à S’amie. C’est un poème « acrostiche », autrement dit, il contient quelques francois_villon_poesie_litterature_monde_medieval_ballade_amye_mie_moyen-age_tardifmots cachés que l’ont peut découvrir en lisant de haut en bas la première lettre des premières strophes. En l’occurrence, le poète médiéval nous y dévoile son prénom, que nous connaissions déjà, mais surtout celui de cette « mie », semble-t-il orgueilleuse et bien froide à laquelle il dédie ses rimes.

A lire les deux strophes du Grand Testament qui précèdent cette ballade, François Villon met tout de même entre lui et la dame quelque distance et se montre même  un rien blasé. Il nous explique, en effet, qu’il écrit cette poésie pour « s’acquitter envers Amours plus qu’envers elle » (la dame en question) car « oncques n’y peuz acquester (*acquérir)/ D’espoir une seule étincelle ». L’affaire est perdue, la cause semble entendue.

Cela dit, un rien de contradiction subsiste tout de même et, à l’évidence, quelques attachements puisque, pour piquant et acerbe qu’il se montre dans ce texte,  notre poète médiéval  priera tout de même cette Marthe tout du long de le considérer un peu mieux et même de le « secourir ».  Avant la ballade toujours et dans les strophes la précédant, il nous fait aussi comprendre qu’il entend faire porter ses vers à la belle pour qu’elle les lise. Le voilà donc en échec dans ses amours et, comme nous le disions quelque peu blasé, mais peut-être pas encore tout à fait « désespéré »  au point de s’en tenir là.

francois_villon_ballade_R_amye_poesie_medievale_moyen-age_tardif

Voici les deux strophes en question :

LXXXII
Ce nonobstant. pour m’acquitter

Envers amours plus qu’envers elle
(Car oncque n’y peuz acquester
D’espoir une seule étincelle;
Ne sçay s’a tous est si rebelle.
Qu’à moy : ce ne m’est grand esmoy
Mais par Saincte Marie la belle!
Je n’y voy que rire pour moy),

LXXXIII
Ceste Ballade luy envoye.

Qui se finist toute par R .
Qui la portera? que j’y voye ;
Ce sera Pernet de la Barre
Pourveu, s’il rencontre en son erre’
Ma damoyselle au nez tortu,
Il Iuy dira, sans plus enquerre:
 » Orde*  paillarde, d’où viens-tu? » (*triste)

On recroisera encore, dans cette ballade, le thème de la beauté passagère que Villon abordera à plusieurs reprises dans son oeuvre (voir entre autre les regrets de la belle heaulmière).

deco_frise

Ballade de Villon à S’amye

Faulse beaulté, qui tant me couste cher,
Rude en effect, hypocrite doulceur ;
Amour dure, plus que fer à mascher;
Nommer que puis, de ma deffaçon soeur, (1)
Cherme  félon , la mort d’ung povre cueûr
Orgueil mussé (2), qui gens met au mourir; 
Yeulx sans pitié ! ne vouldrois de rigueur,
Sans empirer, ung pauvre secourir ?

Mieulx m’eust valu avoir esté crier
Ailleurs secours, c’eust esté mon bonheur: (3)
Rien ne m’eust sceu de ce faix harier,
Trotter m’en fault en fuyte et déshonneur,
Haro, haro, le grand et le mineur* (4)!
Et qu’est cecy? mourray, sans coup ferir,
Ou pitié veult, selon ceste teneur,
Sans empirer, ung povre secourir?

Ung temps viendra, qui fera desseicher,
Jaulnir, flestrir, vostre espanie fleur :
J’en risse alors, se tant peusse marcher,
Mais nenny : lôrs (ce seroit donc foleur*), (*folie)
Vieil je seray; vous, laide, et sans couleur.
Or, beuvez fort, tant que ru peult courir.
Ne reffusez, chassant ceste douleur,
Sans empirer, ung povre secourir.

ENVOI

Prince amoureux, des amans le greigneur (5)
Vostre mal gré ne vouldroye encourir,
Mais tout franc cueur doit, por Nostre Seigneur,
Sans empirer, ung povre secourir.

deco_frise

1.  Deffaçon soeur : soeur, cause de ma ruine
2.  Mussé : caché
3. Honneur dans certains manuscrits
4. A l’aide, le grand comme le petit!
5. Le greigneur : le plus grand, le meilleur

Un  excellente journée à tous !

Frédéric EFFE.
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.

Sur les traces des goliards, poésie « à boire » du XVe siècle et du moyen-âge finissant

humour_poesie_ancienne_moyen-age_tardif_renaissance_ecole_marotique_recreation_passetemps_triste_ouvrage_ancien_clement_marotSujet : poésies courtes, épigrammes, ouvrage ancien, humour, gauloiserie,  goliards, poésie « goliardique »
Période :  hiver du moyen-âge, renaissance
Auteurs : collectif (1575,  1595). Clément Marot pour cette  poésie.
Titre : La  récréation et passetemps des tristes, recueil d’épigrammes et de petits contes en vers (1862)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous partageons aujourd’hui un nouvel épigramme issu de l’ouvrage récréation et passe-temps des tristes . S’ils n’étaient déjà en bonne langue françoise du XVe siècle, ces quelques vers dédiés au vin pourraient presque prendre des allures tardives de poésie goliardique, mais le XIIe siècle des goliards est déjà loin, et on continuera de chanter longtemps après eux et sans eux, comme on le fait d’ailleurs encore, les joies de l’ivresse (avec modération, mais pas toujours).

Bien sûr, il faut aussi lire de l’humour dans cette courte poésie « à boire ». Comme nous l’avions dit précédemment, celui-ci traverse de part et en part ce petit recueil d’épigrammes du moyen-âge finissant.

Pour rendre à César ce qui lui appartient et même si, comme l’ensemble des autres poésies présentes dans ce recueil, celle-ci n’est pas signée, elle est en réalité de Clément Marot.  On peut la retrouver dans le Tome 3 de ses oeuvres complètes, par Pierre Jannet (1868).

deco_frise

De ceux qui par trop boire
ont les yeux bordés d’escarlate

Le vin qui m’est si cher vendu,
M’a la force des yeux ravie,
Pour autant il m’est deffendu,
Dont tous les jours m’en croist l’enuie:
Mais puisqu’en luy seul est ma vie,
Malgré les fortunes senestres
Les yeux ne seront point les maistres,
Sur tout le corps, car par raison,
J’aime mieux perdre le fenestres,
Que perdre toute la maison.
La récréation et Passetemps des tristes,
(ré-édition de 1862 sur la base de l’édition de 1595)

deco_frise

Les yeux bordés d’écarlate

L_lettrine_moyen_age_passion‘expression « les yeux bordés d’escarlate« , autrement dit, « les yeux rouges sur les bords » suivant le Littré, ce que l’on avait à peu près compris, mais aussi dans d’autres dictionnaires anciens « les yeux aux paupières rougis » ou même encore « les yeux fort rouges » est ici employée pour désigner les marques que laissent sur leur sillage d’innombrables ivresses. Cette expression a pu aussi désigner les marques de la vieillesse. On la retrouve usitée de cette manière dans le Candide de Voltaire : « la vieille leur parla en ces termes : je n’ai pas toujours eu les yeux éraillés et bordés d’écarlate ». Elle peut encore comme ici au XVIIIe siècle, désigné un trait de laideur :

« – Qui ne seroit pas idolâtre
De ces beautés, de ces trésors ;
Dont la nature orna ton corps
De ton nez de corail , de tes lèvres d’albâtre ,
De ces cheveux dorés, de ces os que ta peau
Laisse aisément compter, tant elle est délicate;
De tes yeux bordés d’écarlate ?
Enfin , qui ne seroit charmé , belle Isabeau ,
De ce teint à la mosaïque,
Et qui de l’arc-en-ciel imite les couleurs
De cette bouche grande , oblique ,
Et de cette dent, fille unique,
Qui porte le deuil de ses sœurs ? » 
Portrait d’une Laide, Le Brun. Dictionnaire de pensées ingénieuses,
tant en vers qu’en prose, des meilleurs écrivains françois
 (1773)

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.