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Expo-conférence : Des femmes et des sorcières au kbr Museum

Actualité du KBR

Sujet : conférences, exposition, manuscrits médiévaux, ducs de Bourgogne, enluminures, Belgique médiévale, représentations médiévales, sorcières.
Période : Moyen Âge central à tardif
Expo-conférence : Sorcières avant la lettre
Lieu : KBR Museum,  Mont des Arts 28, Bruxelles, Belgique
Dates : du 26 octobre au 24 avril 2022

Bonjour à tous,

ous vous avons déjà parlé, ici, du KBR Museum de Bruxelles et de sa belle collection de manuscrits médiévaux de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne (voir article sur le Brussels Renaissance Festival).
Depuis un mois et jusqu’au 24 avril 2022, la prestigieuse institution belge (connue, par le passé, sous le nom de Bibliothèque Royale), a décidé de présenter au public une nouvelle série d’ouvrages de cette collection, le tout enrichie de conférences.

Des sorcières au Moyen Âge ?

Avec pour titre « Sorcières avant la lettre » le thème choisi est de ceux qui fascinent. Il interpelle particulièrement quand on sait que la période ciblée, pour cette exposition, est celle des manuscrits, soit le XVe siècle et le Moyen Âge tardif. Or, nous le savons bien aujourd’hui, l’idée de sorcières et de bûchers à perte de vue, durant les temps médiévaux, est tout simplement fausse même si ce préjugé a la vie dure. S’il perdure même encore dans l’esprit du grand public, la réalité est tout autre. Historiquement, la chasse aux sorcières et la plupart des faits et légendes autour de ce personnage féminin emblématique sont plus tardifs ; les terribles procès et exécutions ont, notamment, connu leur acmé au XVIe et même au XVIIe siècle.

Si le thème de la sorcière tel qu’on se le représente le plus souvent n’est pas médiéval, le cycle expo-conférence du KBR Museum entend, comme son nom l’indique, interroger sa présence à l’aube de sa cristallisation. Il sera donc question de remettre les pendules à l’heure, tout en cherchant à amener une idée plus objective de la femme et son statut dans la Belgique et la Bourgogne du Moyen Âge tardif. Des réalités quotidiennes aux représentations les plus imaginaires, les 30 manuscrits sélectionnés et leurs enluminures permettront d’approcher cet ensemble de représentations complexes. Au passage, le public découvrira d’étonnantes incarnations, fantastiques et surnaturelles, que la femme a pu endosser à la fin du Moyen Âge. Sur les aspects religieux, on ne pourra, non plus, éviter l’image de la Vierge et l’importance du culte marial.

Enluminure médiévale sur l'image de la femme
Enluminure du ms 9228 – Legenda aurea (VF), J. de Voragine. trad J. de Vignay, KBR Museum

Programme des conférences

Dans la continuité de l’exposition, les conférences permettront d’approfondir le thème en interrogeant elles-aussi le (ou les) statut(s) de la femme et de la sorcière au Moyen Âge tardif.

Conférences en langue française

Samedi 27 nov. 11h00 – KBR auditorium
Féminismes & sorcières : histoire d’une idylle et d’une exposition, Valérie Piette et Nathalie Lévy (commissaires de l’exposition « Witches! »)

Samedi 11 déc. 11h00 – KBR auditorium
La construction de l’image de la sorcière au Moyen Âge,
Maxime Gelly-Perbellini (EHESS et ULB)

Samedi 18 déc. 11h00 – KBR auditorium
La « chasse aux sorcières » à l’écran : entre discours féministes et antiféministes, François Dubuisson (ULB)

Samedi 15 jan. 11h00 – KBR auditorium
Christine & the Bitches… La querelle des femmes au XVe s, Tania Van Hemelryck (UCLouvain)

Conférences en langue flamande

Samedi 4 déc. 11h00 – KBR auditorium
Heksen, horror en hoeren? Over de werkelijkheid achter de verhalen van vrouwen in de « donkere middeleeuwen » Jelle Haemers (KU Leuven)

Samedi 29 jan. 11h00 – KBR auditorium
Vrije/Vrijende vrouwen in de Zuidelijke Nederlanden, Jonas Roelens (UGent)

Pour toute information et réservations sur l’expo ou les conférences, consulter la page de l’exposition sur le site du KBR Museum.

Enluminure médiévale sur des femmes sirènes, ms 9242
L’Enluminure de Bavon de Phrygie, dans le ms 9242 – Volume 1 des Chroniques de Hainaut

« Witches » : les sorcières à travers les âges

Ce cycle qui aborde le statut de la sorcière au Moyen Âge tardif, entre représentations et réalités, est réalisé en partenariat entre le KBR Museum et l’ ULB Culture. Il est avantageusement complété par une grande exposition intitulée « Witches » et proposée à l’Espace Vanderborght de Bruxelles (50, Rue de l’Ecuyer).

Sabbat, Albert Joseph Penot. 1910 (détail)

Du 27 octobre 2021 au 16 janvier 2022, cette exposition unique se propose de vous faire découvrir les sorcières à travers les âges, au moyen de 400 documents de toute nature. On y trouvera une large sélection qui va d’œuvres d’art à des documents d’archives, en allant jusqu’à des objets ethnographiques et extraits de films. Amateurs de Moyen Âge et de sorcières à tous les étages, la chose est claire : entre conférences, beaux manuscrits et grande exposition, vous avez désormais trois excellentes raisons de vous rendre à Bruxelles dans les mois qui viennent.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Sur les bûchers au Moyen Âge voir La Légende noire de l’Inquisition.
Sur une femme surnaturelle, voir Odes à Mélusine, fée Bâtisseuse.

NB : l’enluminure en tête d’article est tiré du ms 9242 conservé au KBR Museum et daté du XVe siècle. Ce somptueux manuscrit médiéval de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne (à consulter en ligne ici) est le tome 1 des Chroniques de Hainaut. Ecrites en latin par Jacques de Guise et traduites en langue d’oïl par Jean Wauquelin, ces dernières content sur 3 volumes l’histoire du Comté de Hainaut jusqu’à la fin du XIVᵉ siècle. Les enluminures de ces trois manuscrits anciens sont réalisées par Roger de Le Pasture. Celle du jour représente les déboires de Bavon de Phrygie, fondateur du royaume des Belges, qui ayant pris la mer avec les rescapés pour échapper à la déroute de Troyes, voit son embarcation assaillie par deux monstrueuses sirènes.

L’appétit & le goût du savoir au Moyen Âge, Régine Pernoud

Sujet  :   citations, Moyen Âge,  historien, médiéviste, valeurs médiévales, valeurs actuelles, savoir, livres, proverbe médiéval, préjugés.
Auteur : Régine Pernoud (1909-1998)
Ouvrage : Lumière du Moyen Âge (1946)


Citation illustrée de Régine Pernoud : lire au Moyen Âge

« Tout ce qui touche au savoir est ainsi honoré au Moyen Âge : « À déshonneur meurt à bon droit qui n’aime un livre », disait un proverbe ; et il suffit de se pencher sur les textes pour retrouver trace des mesures par lesquelles tout appétit de sciences était encouragé et alimenté. »

Lumière du Moyen Age, Régine Pernoud, Editions Grasset (1946),


Déconstruire les préjugés sur le Moyen Âge

En 1946, Régine Pernoud publiait son premier ouvrage chez Grasset. Avec pour titre édifiant : Lumière du Moyen Âge, la médiéviste se proposait d’y prendre le contrepied d’un certain nombre d’idées reçues à l’encontre de cette période historique, comme elle n’allait cesser de le faire, par la suite, tout au long de sa carrière.

Livre sur le Moyen Âge de Régine Pernoud

Pour chasser les préjugés bien ancrés et, avec eux, la vision surfaite d’un monde médiéval barbare et obscurantiste (l’éternel retour de l’âge des ténèbres), l’historienne choisissait de souligner, sur les quelques 270 pages de ce livre, l’éclat du Moyen Âge. Les domaines abordés y sont aussi divers que le commerce, les arts, la littérature mais aussi la science ou la médecine. Elle portait aussi son attention sur des aspects liés aux droits des femmes dans les sociétés médiévales, à l’importance de la structure familiale ou encore à certains raffinements de la vie quotidienne. Pour être l’une des premières parutions d’importance de Régine Pernoud, l’ouvrage traçait déjà un bon nombre des pistes qu’on lui verrait reprendre et détailler dans l’ensemble de son œuvre.

Lumière du Moyen Âge a été réédité de nombreuses fois jusque dans les années 80. Aujourd’hui, on en trouve encore quelques exemplaires papier à la vente. L’éditeur a également eu la bonne idée de proposer l’ouvrage au format Kindle à petit prix. Voici un lien utile pour plus d’informations sur toutes ces options : Lumière du Moyen Age, Régine Pernoud

Les idées reçues à 75 ans de ce livre

L’ignorance a la vie dure. À plus de 75 ans de cette Lumière du Moyen Age de Régine Pernoud, de nombreux préjugés demeurent au sujet du monde médiéval. L’historienne du XXe siècle n’a pourtant pas été l’unique médiéviste à lutter contre eux, loin de là (voir Moyen Âge, idées reçues et révolution des machines). Si une partie du public semble y rester sourd, on en vient légitimement à se demander pourquoi. La légèreté de l’enseignement et des programmes ne sont, sans doute, pas les seuls à expliquer ce déficit de réalisme ou de sens historique. Et même si la renaissance, le siècle des lumières ou, encore, la révolution française (régicide et fondatrice de la république) ont été longtemps avancées pour expliquer la mise en place de certains préjugés, après plus de 150 ans d’une science historique et médiévale relativement mature, cet habituel trio peine un peu à continuer à servir, seul, d’explications.

De notre côté, nous serions plutôt tentés de poser que certaines forces antagonistes récentes ont continué de s’y ajouter pour souffler sur les braises de certaines idées reçues. Dans cette hypothèse, un certain dénigrement du Moyen Âge aurait pu permettre d’enterrer plus vite son importance, à la fois, sur les racines historiques de notre civilisation (et partant sur la légitimité de certaines de ses valeurs et de leur perdurance) comme sur certains de ses aspects éclairés et civilisationnels.

Des forces antagonistes ?

Mais alors quoi ? La spiritualité et certaines des valeurs humanistes chrétiennes du Moyen Âge, ses fortes structures familiales, ses freins moraux au libéralisme débridé, son système politique régalien, ses lumières culturelles et son legs : pour quelles idéologies récentes tout cela pourrait-il être autant d’ennemis désignés ? Au matérialisme scientifique et à la république auraient pu venir s’ajouter, bien plus tard, le capitalisme libertaire, son individualisme consumériste et sa guerre déclarée à une certaine France des traditions et des croyances. Plus près de nous, la financiarisation et la haute spéculation contre la valeur travail n’ont certes plus grand chose de médiéval. Dans cette liste, on pourrait ranger encore le néo-libéralisme et, pour nous tourner vers des éléments plus récents, certaines formes de progressisme transhumaniste.

Encore une fois, sans nécessairement œuvrer activement contre le Moyen Âge, on voit bien comment tous ces courants modernes sont à l’opposé éthique total de nombreuses valeurs portées par cette période. Dans le même ordre d’idées, on pourrait se demander à quel point, certaines formes extrêmes d’européisme fédératif ou impérialiste, dans leur volonté affichée d’annihiler les nations, peuvent travailler à l’encontre d’un certain roman national et historique : dans un vidéo récente, une technocrate allemande à Bruxelles parlait de la nécessité de « déconstruire les peuples ». Rien que ça… C’est une affirmation qui revient souvent dans la bouche de certains de ces idéologues, férus d’ingénierie sociale et souvent, il faut l’avouer, légèrement mégalomanes.

Si toutes ces forces existent bien, sont elles actives, activistes, ou simplement antagonistes ? Leur présence peut elle expliquer que certaines réalités médiévales et historiques puissent être maintenues sous cloche (voire revisitées) ? Ce n’est pas impossible même si, pour vérifier une telle hypothèse, il faudrait conduire des recherches qui déborderaient largement le cadre de cet article. Sans parler d’obstruction active, on peut supposer que les choix de financement de productions grand public, ou même d’aide à la culture et à l’éducation ne sont pas tout à fait enclins à se porter vers ces sujets ou certaines manières de les traiter. Ce qu’on peut, en revanche, constater, c’est que de nombreux préjugés sont entretenus pour que le Moyen Âge reste l’âge des rois tyrans, de la bêtise, de la saleté, des méchants croisés, du fanatisme religieux, des légions de bûchers à perte de vue (voir la légende noire de l’inquisition)… Mieux encore, avec un brin de condescendance, on se plaira à le décrire comme cette sorte d’enfance touchante, maladroite et révolue de notre civilisation, comme on avait pu considérer, aux siècles passées, les peuples traditionnels comme de gentils arriérés.

Avec l’ouvrage de Régine Pernoud, nous sommes, fort heureusement, à des lieues d’un Moyen Âge historique pétri d’ignorance crasse dans lequel, non contents d’y patauger, des hommes médiévaux ignares, sales et méchants, auraient eu à cœur de se complaire. La citation du jour nous permettra même de découvrir qu’au contraire, le goût du savoir et des livres y était encouragé et prisé. Pour abonder dans ce sens et pour n’en donner qu’une autre illustration, on pourra se reporter à cette ballade d’eustache Deschamps : Des plaisirs de l’étude et des sciences.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous  toutes ses formes

Le Moyen Âge, âge des ténèbres, jacques le goff

Jacques le Goff
Jacq

Sujet : citation, historien médiéviste, mentalités médiévales, âge des ténèbres, préjugés, créations médiévales, nouvelle histoire.
Période : Moyen Âge central, long Moyen Âge
Auteur : Jacques le Goff (1924-2014)
Source : extrait d’un entretien avec François Busnel pour le magazine lire – numéro 335 ( mai 2005)

Bonjour à tous,

n 2004, Jacques le Goff faisait paraître l’ouvrage « Héros et merveilles du Moyen Age » . Il s’y penchait sur les territoires de l’Imaginaire médiéval. Héros d’un côté, merveilles de l’autre, cet essai présentait un angle original et novateur, en s’employant à retracer les mentalités médiévales dans la veine de la Nouvelle Histoire. Bien plus qu’une simple photographie historique figée, Jacques le Goff se proposait aussi de mettre cet héritage en perspective sur la durée, en montrant comment certains éléments de cet imaginaire médiéval avaient pu traverser le temps pour parvenir jusqu’à nous (cinéma, littérature, bd, etc…).

Définition et origine des « ténèbres » médiévales

À l’occasion de cette sortie, le médiéviste donna divers entretiens médias. La citation du jour est issue de l’un d’eux. Daté de 2005, cet échange était conduit par François Busnel, pour le magazine Lire. Dés son introduction, l’occasion fut donnée à l’historien de revenir sur ces fameux « âges des ténèbres » (Dark ages) longtemps utilisé pour caractériser le Moyen Âge, tout en engouffrant à leur traîne, de nombreux préjugés ou visions erronés à son encontre.

Pour qui s’est déjà penché sur le monde médiéval (sa réalité, sa complexité, ses mentalités, ses innovations,…) cet extrait-citation n’apportera pas grand chose de nouveau, ni révolutionnaire. Pour les autres, elle aura le mérite de fixer les choses, en clarifiant l’origine de certaines idées reçues sur cette période. Jacques Le Goff y fait aussi référence à quelques-uns de ses pairs et à l’héritage dans lequel il s’inscrit, de Marc Bloch à Braudel. La liste est loin d’être exhaustive. De nombreux historiens médiévistes sérieux ont contribué, depuis, à balayer les idées reçus à propos du Moyen Âge.

Une citation sur le Moyen Âge de Jacques le Goff

Pourquoi le Moyen Âge a-t-il si longtemps été considéré comme un âge de ténèbres ?

— C’est à la Renaissance que l’on a commencé à le considérer ainsi. Puis les philosophes du XVIIIe siècle ont vu en cette période un âge de foi grossière et de mœurs barbares. Pensez que l’on a donné au principal style artistique du Moyen Age le nom de « gothique », qui voulait dire « barbare »! Les humanistes et les philosophes n’ont pas su trouver ce qu’était la pensée profonde du Moyen Age, ce que l’on appellerait aujourd’hui les valeurs de la civilisation médiévale. Ces dernières ont été redécouvertes au XXe siècle, lorsque des historiens comme Marc Bloch, Fernand Braudel et, plus modestement, moi-même, ont regardé les créations médiévales, lu les textes et se sont aperçus qu’il s’agissait d’une période d’une exceptionnelle créativité.

Extrait d’un entretien au magazine Lire – numéro 335 mai 2005 – François Busnel (retrouver la suite de cet entretien sur l’Express)


En vous souhaitant une bonne journée.

Frédéric EFFE
Moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB : sur l’image de couverture, à l’arrière plan de Jacques le Goff, l’enluminure est tirée du manuscrit médiéval Français 6465 : Chroniques de Saint-Denis ou Grandes Chroniques de France. Elle représente le sacre de Charlemagne par le pape Léon III en l’an 800. L’ouvrage, daté du XVe siècle, est actuellement conservé au département des manuscrits de la BnF. Gallica en propose également un exemplaire numérisé à la consultation.

« Des instruments artificiels merveilleux », Roger bacon

Sujet : science médiévale, savant, art mécanique, préjugés, citations médiévales, citations, extraits, médecine, philosophe, alchimiste
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Roger Bacon (1214-1292)
Ouvrage : Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art et la nullité de la magie, Albert Poisson, Ed Chamuel (1893)

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous proposons une citation médiévale et, même plutôt un extrait, d’un texte du XIIIe siècle. Il nous provient du médecin et savant Roger Bacon. Nous sommes donc au Moyen Âge central et dans un essai assez court où il recensait les merveilles de la nature et de la science pour les opposer à la magie (Epistola de secretis operibus naturae et artis et de nullitate magiae), le Doctor Mirabilis anglais énumèrait quelques prodiges mécaniques de sa connaissance.

Engins volants, sous-marins, chars à feux dotés de systèmes de traction autonomes, embarcations à la vitesse stupéfiante : nous sommes plus de deux siècles avant Léonard de Vinci et en puisant dans l’antiquité et ses observations, Bacon nous donne l’occasion de revenir, une nouvelle fois sur quelques préjugés concernant l’état d’ignorance dans lesquels la science du Moyen Âge et ses savants étaient censés se tenir.

Des instruments merveilleux : citation du Moyen Âge de Roger Bacon

« On peut construire des machines marines telles, que les plus grands esquifs maritimes ou fluviaux en étant munis, et un seul homme les montant et les gouvernant, ils auraient une vitesse bien plus grande que s’ils étaient mus par une grande quantité de rameurs. On peut aussi faire des chars qui, n’étant tirés par aucun animal, se meuvent avec une vitesse considérable ; l’on pense que tels étaient les chars à feux sur lesquels combattaient les anciens. On peut aussi construire des instruments pour voler; un homme est assis au centre de l’appareil et fait tourner quelque roue par laquelle des ailes artificiellement construites frappent l’air à la manière d’un oiseau qui vole. On peut aussi faire un instrument d’un petit volume pour pouvoir élever ou descendre des poids d’une pesanteur infinie, ce qui est fort utile à l’occasion. Car, à l’aide d’un semblable instrument d’une longueur de trois doigts, large comme eux et d’un volume moindre, un homme pourrait s’évader de prison, monter et descendre lui et ses compagnons.

On peut construire des instruments à l’aide desquels un homme tirerait à lui mille personnes avec violence et malgré elles, il en est de même pour les autres espèces de traction. On peut aussi faire des instruments avec lesquels on se promène dans la mer et au fond des fleuves sans aucun danger pour le corps. Alexandre se servit de cette machine pour surprendre les secrets de la mer, d’après ce que raconte Ethicus l’astronome.


Toutes ces choses ont été expérimentées soit dans l’antiquité soit à notre époque, et je les affirme être véridiques, excepté l’appareil à voler, que je n’ai pas vu; je n’ai pas non plus connu d’homme qui l’ait vu, mais je connais intimement le savant qui l’a inventé. On peut faire une infinité d’autres choses du même genre, telles que des ponts traversant les fleuves, sans piles ni autres soutiens; des machines et bien d’autres choses ingénieuses peu connues. »

Extrait de Epistola de secretis operibus naturae et artis et de nullitate magiae – Roger Bacon – Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art
Chap IV Des instruments artificiels merveilleux. Albert Poisson (op cité).


Un mot sur ce livre de Roger Bacon

Livre : Lettre Sur Les Prodiges: de La Nature Et de L'Art, Albert Poisson (1893)

Pour dire un mot de ce précis médiéval de Roger Bacon, on y trouvera encore des réflexions sur la science, la magie, la médecine, dont certaines étonnantes de modernité, sur le prolongement de la vie. Avec un total de 70 pages, un certain nombre de chapitres sont également consacrés à des opérations alchimiques et, notamment, à la composition de l’œuf des philosophes.

Ce livre de Roger Bacon, il a été réédité chez Kessinger Legacy Reprints. Vous le trouverez donc facilement à la commande en librairie ou à la vente en ligne. Voici un lien utile pour plus d’informations : Lettre Sur Les Prodiges: de La Nature Et de L’Art, Albert Poisson (1893)

Albert Poisson (1869-1894), auteur français du XIXe siècle, s’était lui même piqué d’Alchimie. Cette passion (ou cette quête si l’on préfère), lui donna l’occasion de se pencher sur l’œuvre de Bacon mais pas seulement. Nicolas Flammel, Albert le Grand, Paracelse, Raymond Lulle, Arnaud de Villeneuve font aussi partie des auteurs qu’il a approchés, commentés ou traduits. Adepte et initié, il semble que l’alchimiste gravita dans l’entourage du médecin et occultiste Papus (Gérard Anaclet Vincent Encausse) et fréquenta assidument les milieux martinistes d’alors. On le retrouve également mentionné dans certains cercles de la Rose-Croix. Poisson a légué un nombre de livres assez conséquent autour de l’alchimie en regard de sa courte carrière. Le jeune auteur prometteur a disparu, en effet, prématurément, à l’âge de 25 ans. Son ouvrage le plus connu, écrit à l’âge de 22 ans, « Théories et symboles des alchimistes : le grand œuvre » connaîtra un certain succès au regard du thème pointu et réservé que l’auteur se proposait d’aborder.


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En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric Effe.
Pour moyenagepassion.com.
A la découverte du Monde médiéval sous toutes ses formes.

PS : l’image d’en tête est tirée d’une gravure de l’édition de 1893 de la Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art de Roger Bacon, traduite par A poisson.