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Humour anglais et Moyen Âge : Bon Anniversaire Mister John Cleese !

Affiche du film Sacré Graal des Monty Python

Sujet : humour, légendes arthuriennes,  roi Arthur, extraits, citations, cinéma,  médiéval  fantaisie, idées reçues, roman arthurien, non sens, sorcières.
Titre : Sacré Graal (the Holy Grail)
Période haut Moyen Âge, Moyen Âge central
Réalisation : 
Les Monty Python  ( 1975)

Bon Anniversaire Mister John Cleese,

e plus grand des Monty Python par la taille (1m96) vient de souffler ses 83 bougies. Les réseaux le célèbrent déjà largement et nous avons décidé d’en saisir, nous aussi, l’occasion. Moyen-Âge oblige, c’est avec le film Sacré Graal qu’il nous est apparu le plus logique de le faire mais la carrière du géant anglais est bien loin de se limiter à ce titre et nous ne pouvons éviter d’en dire un mot.

Le génie comique à l’état pur

On a connu John Cleese impayable dans de nombreux sketches des Monty Python : ses géniales « démarches stupides » (Silly Walks) datés du Flying Circus sont restées légendaires, de même que son habilité au « Fish Slap » ou ses recrutements totalement absurdes. Et dans les long métrages de la joyeuse bande de comiques anglais, il n’est pas une seule scène où l’acteur anglais n’apparaisse sans que sa force comique crève l’écran.

Dans les années 70, les inconditionnels de la série Fawlty Towers (l’hôtel en Folie) n’auront pas oublié, non plus, Basil Fawlty, ce propriétaire furieusement drôle d’un petit hôtel anglais, avec ses terribles gaffes et son impayable maître d’hôtel espagnol Manuel qu’il moleste au delà de toutes règles de décence. John Cleese créa la série avec son épouse d’alors Connie Booth qui y incarne Polly Sherman, la jeune et jolie serveuse et femme de chambre de l’hôtel. De 1975 a 79 fit un tabac et est même entré » depuis au Panthéon des meilleurs programmes télévisés anglais de tous les temps.

On l’avait déjà détecté quand il se trouvait chez les Monty Python mais, si l’on osait une comparaison, avec Fawlty Towers, John Cleese est devenu à l’humour anglais ce que Louis de Funès avait pu être au comique français : un génie comique, explosif, énergique, physique et remuant qui est d’autant plus drôle qu’il est colérique et impitoyable.

Ecriture, acting, l’après Monty Python

John Cleese en Lancelot du Lac, dans Sacré Graal des Monty Python (1975)
John Cleese en Lancelot du Lac dans sacré Graal des Monty Python (1975)

Pour avancer sur la carrière de l’acteur-auteur anglais et citer encore quelques références dans sa filmographie, comment oublier ce Poisson nommé Wanda réalisé par Charles Crichton et dont John Cleese avait coécrit le scénario ? Ce dernier en sortira d’ailleurs avec un British Academy Film Awards. En terme d’écriture, ce n’est pas le seul scénario qu’il aura épinglé à sa boutonnière puisque il en a co-écrit un certain nombre avec les Monty dont Sacré Graal, bien sûr, mais bien encore d’autres en solo. Non content d’être bon, John Cleese est aussi une valeur qui dure.

Depuis les années 90, on l’a encore vu dans un grand nombre de films (La panthère rose 2, Harry Potter à l’école des sorciers, Fierce Creatures dont il signe le scénario, …) et il aura encore prêté sa voix off à des films d’animation et même à des jeux vidéos (Jasper dans Fable III ou Sir Cadwell dans The Elder Scrolls Online en autres titres). Plus récemment, dans les années 2015, on l’a vu sur scène et sur écran avec ses complices des débuts, les Monty Python (Monty Python Live (Mostly): One Down, Five to Go – le one down étant Graham Chapman décédé en 1989). Quant à son actualité plus récente, il continue de faire des apparitions dans des films plus récents et il est assez actif sur les réseaux.

Drôle dans la vie comme à l’écran

Pour finir sur une ou deux anecdotes qui montrent que John Cleese est toujours aussi drôle dans la vie qu’au cinéma, on pourra citer son statut Facebook : « John Cleese est une personne de grande taille qui aime les lémuriens, le café et le vin. Il est aussi connu pour écrire. » ou même encore se souvenir que, dans les années 70’s, il a même volontairement caviardé sa filmographie avec des titres de longs métrages aussi nonsensiques que « Confessions d’un planificateur » (Confessions of a Programme Planner). Il n’a confessé ce dernier gag que, bien plus tard dans les années 80 et, pendant tout ce temps, en a ri sous cape.

Quoi qu’il en soit, entre une si belle carrière et sa capacité à rire de tout (y compris de lui-même), il semble que John Cleese ait trouvé là son véritable graal. Nous lui souhaitons, à nouveau, un bel anniversaire et nous vous laissons avec une scène culte du film Sacré Graal pour lui rendre hommage.

La scène culte de la sorcière dans Sacré Graal

Pour ceux qui l’ont vu, Sacré Graal des Monty Python est un empilement de scènes cultes. Avec ce film, comme avec la Vie de Brian on est à l’apogée de l’art comique et du non sens anglais des Monty Python. Chose que l’on perçoit mal de nos jours, s’attaquer aux légendes arthuriennes avec cet humour totalement décalée n’alla pas sans provoquer, en son temps, quelques remous dans la bien-pensance britannique. Il aura sans doute fallu ce Sacré Graal pour que, deux décennies plus tard, Alexandre Astier décide de se pencher sur l’écriture et la réalisation de la série Télé Kaamelott en s’inspirant, à son tour, du roman arthurien. Lui-même n’a d’ailleurs jamais renié une partie de son héritage comique du côté des Monty.

Les villageois : Nous tenons une sorcière. Brûlons-là ! Brûlons-là !
Ils la présentent au chevalier Bédivère.
Villageois 1 (Eric Idle) : Nous avons trouvé une sorcière et, maintenant, on doit la brûler !
Les villageois : Brûlons-là ! Brûlons-là !
Bédivère : Comment savez-vous que c’est une sorcière ?
Les villageois : Elle ressemble à une sorcière !
Bédivère : Amenez-la moi.
La suspecte : Je ne suis pas une sorcière !
Bédivère : Mais vous paraissez bien en être une…
La sorcière : Ce sont eux qui m’ont habillée comme ça.
Les villageois protestent.
La sorcière : Et ceci n’est pas mon nez ! C’est un faux !
Bédivère (à la foule) : Alors ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Bon, pour le nez, d’accord, on l’a fait.
Bédivère : Le nez ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Et le chapeau… Mais c’est une sorcière !
Les villageois : Brûlez-là ! Brûlez-là ! Brûlez-là !
Bédivère : Et c’est vous qui l’avez déguisée comme ça ?
Les villageois : Non, non, Non ! … Oui, un peu… Mais elle a une verrue.
Bédivère : Qu’est-ce qui vous fait penser qu’elle est une sorcière ?
Villageois 2 (John Cleese) : Oh ! Elle m’a transformé en salamandre.
Bédivère : En salamandre ???!!!!!
Villageois 2 (John Cleese) : … Je vais mieux depuis.

Les villageois : Brûlez-là ! Brûlez-là ! Brûlez-là !
Bédivère : Du calme ! Du calme. Il y existe des moyens qui permettent de savoir si c’est vraiment une sorcière.
Les villageois : C’est vrai ? Dites-nous comment !
Bédivère : Dites moi, que faites-vous avec les sorcières ?
Les villageois : On les brûle ! On les brûle !
Bédivère : Et que brûlez-vous en dehors des sorcières ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Toutes les sorcières !
Villageois 3 (Michael Palin) : Le bois !
Bédivère : Bien. En ce cas, pourquoi les sorcières brûlent-elles ?
Les villageois cherchent et réfléchissent
Villageois 2 (John Cleese) : Parce qu’elles sont en bois !
Bédivère : Très bien ! Alors, comment savoir si elle est en bois ou non ?
Villageois 1 (Eric Idle) : En s’en servant pour fabriquer un pont !
Bédivère : Mais ne peut-on construire des ponts à partir de la pierre ?
Les villageois : Ah… Oui…
Bédivère : Est-ce que le bois coule dans l’eau ?
Villageois 1 (Eric Idle) : Non, il flotte ! Jetons-la dans la mare !
Les villageois clament leur approbation
Bédivère : Attendez ! Qu’est-ce qui flotte aussi dans l’eau ?
Villageois 3 (Michael Palin) : Le pain !… Les pommes !.…
Villageois 2 (John Cleese) : Des toutes petites pierres ?
Villageois 3 (Michael Palin) : La porcelaine ! Une bonne sauce !
Bédivère : Non…
Villageois 2 (John Cleese) : … Une église ? Le plomb ! le plomb !
Le Roi Arthur (Graham Chapman) qui, jusque là, observait la scène) : Un canard !
Bédivère : Exactement ! Un canard ! Donc logiquement. Si elle… ( il encourage les villageois à réfléchir)
Villageois 1 (Eric Idle) : … pèse le même poids qu’un canard… Elle…. Elle est fait en bois !
Bédivère : Et donc ?
Les villageois : une sorcière ! C’est une sorcière !
Bédivère : allons-y ! Utilisons la grande balance pour vérifier !
Clameur des villageois. La sorcière est mise dans la balance avec un canard de l’autre côté. Contre toute attente, la démonstration fonctionne. Elle et le canard font le même poids.
Les villageois l’emporte pour la brûler : Brûlons-la ! Brûlons-la !
La sorcière : ils m’ont bien eue.

Bédivère reconnait la sagesse du Roi Arthur basée sur son intervention (double dose de non-sens). 😀


Idées reçues sur le Moyen Âge

En reprenant nos articles sur la légende de l’inquisition médiévale et l’imagerie des bûchers de sorcières au Moyen-âge, les idées qu’on s’en fait habituellement se reportent à des faits bien plus sûrement renaissants que médiévaux. Toutefois, comme il s’agit des Monty Python et que la scène reste super drôle, on les pardonne bien volontiers d’enfoncer le clou d’une idée reçue. On le fait d’autant mieux que le raisonnement par analogie utilisé ici pour créer l’effet comique résonne de manière assez pertinente. En médecine médiévale, il n’est pas rare, en effet, qu’on l’utilise des déductions pour opérer à la prescription : formes ou couleurs d’un produit en relation aux humeurs qui permettraient d’obtenir des guérisons ou des améliorations d’état, analogie de la mandragore et du corps humain, etc…

On pourra encore ajouter que certaines formes d’ordalies pratiquées durant le Moyen-âge central (ordalie par le feu ou l’eau, … voir article) pour établir l’innocence ou la culpabilité d’un prévenu n’ont quelquefois pas grand chose à envier au procédé mis en avant ici par les Monty Python.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes

Idées reçues : des sorcières au Moyen Âge avec Martin Blais

Martin Blais, médiéviste et philosophe

Sujet : citations, Moyen Âge, idées reçues, barbarie, modernité, révolution, technologie, Moyen Âge, préjugés, sorcellerie, sorcières, livres.
Période : renaissance, XVIIe siècle, XVIIIe
Auteur : Martin Blais
Ouvrage : Sacré Moyen Âge (1997)

Bonjour à tous,

omme nous l’avons mentionné à l’occasion de l’actuelle exposition sur les sorcières du KBR Museum, s’il existe un préjugé qui a la vie dure au sujet du Moyen Âge, c’est bien cette vision de centaines, quand ce n’est de milliers, de femmes exécutées par l’Eglise, sous l’accusation abusive de sorcellerie. Bûchers à perte de vue et leurs feux meurtriers, justice ecclésiastique arbitraire, en réalité, tous ceux qui s’intéressent de plus près au monde médiéval savent que tout est faux dans ce type d’affirmation. La période n’est pas la bonne, l’exécuteur non plus, comme nous allons le voir dans l’extrait du jour.

Sorcières, bûchers et bras séculier

Une fois de plus, c’est à Martin Blais (1924-2018) et son ouvrage Sacré Moyen Âge que nous emprunterons ce passage. Cet écrivain, philosophe et enseignant canadien très prolifique, est loin d’être le seul à avoir écrit sur les idées reçues à l’encontre du Moyen Âge. De nombreux médiévistes s’y sont attelés, mais son ouvrage a l’avantage d’être digeste et accessible. Si ces questions vous interpellent mais que vous n’avez pas envie de lire une encyclopédie, ce petit bouquin pourrait donc être un bon point de départ.

Avant de partager cet extrait et pour ceux qui penseraient que si le Moyen Âge n’a pas brûlé de sorcières, il a, tout de même, connu une inquisition massivement meurtrière, à l’encontre des hérétiques ou contradicteurs de toutes sortes. Ajoutons qu’il s’agit, là encore, d’une affirmation à nuancer. Contre toute attente, le film Le Nom de la Rose n’est pas vraiment représentatif des temps médiévaux et, jusqu’à très récemment, des historiens très sérieux se sont même évertués à déconstruire l’inquisition médiévale et sa légende noire.

Citation illustrée de Martin Blais sur les préjugés sur le Moyen Âge

« Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est de 1580 à 1640 que la chasse aux sorcières connut sa plus forte intensité : 1580, c’est le XVI e siècle, c’est la Renaissance ; 1640, c’est le XVII e siècle. On reste songeur. Eût-il été plus juste que mon encyclopédie note : « À la Renaissance et au XVII e siècle, on brûlait les sorcières » ? Quel choc ! Toutes les horreurs du passé ne doivent-elles pas s’entasser dans la grande poubelle de l’histoire, le Moyen Âge ? Stupéfiant, mais le prestigieux XVII e siècle appartient à l’époque qui s’est le plus tristement signalée par sa lutte barbare contre les sorciers et les sorcières. Même le XVIII e en a été entaché.

Enluminure sorcière manuscrit médiéval
 » Des Vaudoises » enluminure du XVe (1)

Une autre surprise nous attend. Les pays qui se livrèrent avec le plus de sévérité à la chasse aux sorcières furent tout d’abord l’Allemagne, puis la Suisse et l’Écosse. Pour une population de quatre millions d’habitants, l’Angleterre a allumé mille bûchers ; la France n’en a pas allumé davantage pour une population cinq fois supérieure. Pour une population comparable à celle de l’Angleterre, la Scandinavie a allumé deux mille bûchers. La persécution a été à peu près inexistante en Italie, en Espagne et au Portugal.

À partir de la Renaissance, c’est le « bras séculier » qui poursuit les sorciers et les sorcières. Le « bras séculier », c’est-à-dire l’autorité civile et non pas l’Église et son Inquisition, tristement célèbre. Quelques exemples. En Lorraine sévit un redoutable chasseur de sorcières, Nicolas Rémy, grand juge et procureur général de 1576 à 1591. Cet homme abominable a envoyé au bûcher environ trois mille sorciers et sorcières. En 15 ans, trois fois plus de victimes, à lui seul, que pendant tout le millénaire du Moyen Âge. »

Martin BlaisSacré Moyen Âge (1997)

(1) Cette enluminure est tirée de l’ouvrage, « Le Champion des dames », de Martin Le Franc, Prévost de l’église de Lausanne. Ce manuscrit médiéval, daté du milieu du XVe siècle, est conservé à la BnF sous la référence MS Français 12476 . En marge du Feuillet 105v, cette femme volant sur son balais a pour légende « Des Vaudoises », autrement dit « des sorcières », « des adoratrice de Satan ». On utilisait cette appellation en référence à l’hérésie vaudoise. Sur le feuillet, cette illustration est accompagnée d’un autre du même type.


Voilà donc une idée reçue de plus sur le Moyen Âge à évacuer ! Pour compléter voici quelques articles utiles :

couverture livre Fréderic Effe - Roman d'aventure médiévale

Si la sorcellerie et le monde médiéval vous intéressent, vous pouvez aussi découvrir notre roman d’aventure. Il a pour cadre le XIIIe siècle et raconte l’histoire d’un médecin alchimiste en prise à d’étranges phénomènes. Pour les fêtes de fin d’année, le format ebook reste encore en promotion à moins de 2.99€ . Si vous appréciez notre site et nos contenus, c’est un excellent moyen de nous montrer votre soutien, tout en plongeant dans une histoire inédite.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

NB : l’impressionnante enluminure utilisée pour l’image d’en-tête est tirée du manuscrit médiéval Les Grandes Chroniques de France. Cet ouvrage, daté du milieu du XIVe siècle, est actuellement conservé à la bibliothèque du British Museum sous la référence Royal MS 16 G V (voir en ligne). L’illustration raconte l’histoire de la reine mérovingienne Frédégonde (545-597) et quelques-unes de ses « frasques ». Cette souveraine ambitieuse et impitoyable du haut Moyen Âge n’eut guère de chance avec ses héritiers mais elle réussit tout de même à mettre Clotaire II sur le trône après bien des stratagèmes et des assassinats.

D’après les grandes Chroniques de France, Frédégonde fit condamner le préfet Mummol (Mammolus) en utilisant un stratagème assez semblable à celui qu’elle aurait utilisé pour faire condamner Clovis : l’accusation de magie ou de sorcellerie. Pour Mummol, elle aurait même choisi un groupe de femmes vraisemblablement innocentes, qu’elle força à avouer leur méfait. Les malheureuses furent brûlées, torturées et décapitées. Mammolus fut exécuté lui aussi. L’enluminure représente ces infortunées victimes et sorcières de circonstance » ainsi que la pendaison de Mammolus sous le regard de la reine. Dans sa troisième partie, on voit Frédégonde faire fondre tout l’or et tout l’argent de son défunt fils Théodoric afin qu’il ne resta nulle trace de ses possessions qui put attiser l’immense douleur de sa perte. L’histoire conte qu’elle avait fait de même pour la garde-robe de ce dernier et pour les mêmes raisons.

Expo-conférence : Des femmes et des sorcières au kbr Museum

Actualité du KBR

Sujet : conférences, exposition, manuscrits médiévaux, ducs de Bourgogne, enluminures, Belgique médiévale, représentations médiévales, sorcières.
Période : Moyen Âge central à tardif
Expo-conférence : Sorcières avant la lettre
Lieu : KBR Museum,  Mont des Arts 28, Bruxelles, Belgique
Dates : du 26 octobre au 24 avril 2022

Bonjour à tous,

ous vous avons déjà parlé, ici, du KBR Museum de Bruxelles et de sa belle collection de manuscrits médiévaux de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne (voir article sur le Brussels Renaissance Festival).
Depuis un mois et jusqu’au 24 avril 2022, la prestigieuse institution belge (connue, par le passé, sous le nom de Bibliothèque Royale), a décidé de présenter au public une nouvelle série d’ouvrages de cette collection, le tout enrichie de conférences.

Des sorcières au Moyen Âge ?

Avec pour titre « Sorcières avant la lettre » le thème choisi est de ceux qui fascinent. Il interpelle particulièrement quand on sait que la période ciblée, pour cette exposition, est celle des manuscrits, soit le XVe siècle et le Moyen Âge tardif. Or, nous le savons bien aujourd’hui, l’idée de sorcières et de bûchers à perte de vue, durant les temps médiévaux, est tout simplement fausse même si ce préjugé a la vie dure. S’il perdure même encore dans l’esprit du grand public, la réalité est tout autre. Historiquement, la chasse aux sorcières et la plupart des faits et légendes autour de ce personnage féminin emblématique sont plus tardifs ; les terribles procès et exécutions ont, notamment, connu leur acmé au XVIe et même au XVIIe siècle.

Si le thème de la sorcière tel qu’on se le représente le plus souvent n’est pas médiéval, le cycle expo-conférence du KBR Museum entend, comme son nom l’indique, interroger sa présence à l’aube de sa cristallisation. Il sera donc question de remettre les pendules à l’heure, tout en cherchant à amener une idée plus objective de la femme et son statut dans la Belgique et la Bourgogne du Moyen Âge tardif. Des réalités quotidiennes aux représentations les plus imaginaires, les 30 manuscrits sélectionnés et leurs enluminures permettront d’approcher cet ensemble de représentations complexes. Au passage, le public découvrira d’étonnantes incarnations, fantastiques et surnaturelles, que la femme a pu endosser à la fin du Moyen Âge. Sur les aspects religieux, on ne pourra, non plus, éviter l’image de la Vierge et l’importance du culte marial.

Enluminure médiévale sur l'image de la femme
Enluminure du ms 9228 – Legenda aurea (VF), J. de Voragine. trad J. de Vignay, KBR Museum

Programme des conférences

Dans la continuité de l’exposition, les conférences permettront d’approfondir le thème en interrogeant elles-aussi le (ou les) statut(s) de la femme et de la sorcière au Moyen Âge tardif.

Conférences en langue française

Samedi 27 nov. 11h00 – KBR auditorium
Féminismes & sorcières : histoire d’une idylle et d’une exposition, Valérie Piette et Nathalie Lévy (commissaires de l’exposition « Witches! »)

Samedi 11 déc. 11h00 – KBR auditorium
La construction de l’image de la sorcière au Moyen Âge,
Maxime Gelly-Perbellini (EHESS et ULB)

Samedi 18 déc. 11h00 – KBR auditorium
La « chasse aux sorcières » à l’écran : entre discours féministes et antiféministes, François Dubuisson (ULB)

Samedi 15 jan. 11h00 – KBR auditorium
Christine & the Bitches… La querelle des femmes au XVe s, Tania Van Hemelryck (UCLouvain)

Conférences en langue flamande

Samedi 4 déc. 11h00 – KBR auditorium
Heksen, horror en hoeren? Over de werkelijkheid achter de verhalen van vrouwen in de « donkere middeleeuwen » Jelle Haemers (KU Leuven)

Samedi 29 jan. 11h00 – KBR auditorium
Vrije/Vrijende vrouwen in de Zuidelijke Nederlanden, Jonas Roelens (UGent)

Pour toute information et réservations sur l’expo ou les conférences, consulter la page de l’exposition sur le site du KBR Museum.

Enluminure médiévale sur des femmes sirènes, ms 9242
L’Enluminure de Bavon de Phrygie, dans le ms 9242 – Volume 1 des Chroniques de Hainaut

« Witches » : les sorcières à travers les âges

Ce cycle qui aborde le statut de la sorcière au Moyen Âge tardif, entre représentations et réalités, est réalisé en partenariat entre le KBR Museum et l’ ULB Culture. Il est avantageusement complété par une grande exposition intitulée « Witches » et proposée à l’Espace Vanderborght de Bruxelles (50, Rue de l’Ecuyer).

Sabbat, Albert Joseph Penot. 1910 (détail)

Du 27 octobre 2021 au 16 janvier 2022, cette exposition unique se propose de vous faire découvrir les sorcières à travers les âges, au moyen de 400 documents de toute nature. On y trouvera une large sélection qui va d’œuvres d’art à des documents d’archives, en allant jusqu’à des objets ethnographiques et extraits de films. Amateurs de Moyen Âge et de sorcières à tous les étages, la chose est claire : entre conférences, beaux manuscrits et grande exposition, vous avez désormais trois excellentes raisons de vous rendre à Bruxelles dans les mois qui viennent.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes

Sur les bûchers au Moyen Âge voir La Légende noire de l’Inquisition.
Sur une femme surnaturelle, voir Odes à Mélusine, fée Bâtisseuse.

NB : l’enluminure en tête d’article est tiré du ms 9242 conservé au KBR Museum et daté du XVe siècle. Ce somptueux manuscrit médiéval de la Bibliothèque des Ducs de Bourgogne (à consulter en ligne ici) est le tome 1 des Chroniques de Hainaut. Ecrites en latin par Jacques de Guise et traduites en langue d’oïl par Jean Wauquelin, ces dernières content sur 3 volumes l’histoire du Comté de Hainaut jusqu’à la fin du XIVᵉ siècle. Les enluminures de ces trois manuscrits anciens sont réalisées par Roger de Le Pasture. Celle du jour représente les déboires de Bavon de Phrygie, fondateur du royaume des Belges, qui ayant pris la mer avec les rescapés pour échapper à la déroute de Troyes, voit son embarcation assaillie par deux monstrueuses sirènes.