Sujet : douzain, poésies courtes, ouvrage ancien. poésie satirique, humour médiéval, épigrammes Période : moyen-âge tardif, renaissance Auteurs : Melin Sainct-Gelays ou Mellin Saint- Gelais (1491-1558) Titre : La fleur de poésie Françoyse, annoté par A Van BEVER, 1909
ous revenons ici sur la fleur de poésie françoyse dont nous vous parlions, il y a quelques jours, pour vous faire partager, cette fois, un douzain largement plus drôle et satirique.
On le doit à Melin Sainct-Gelays, poète de cour qui fut contemporain de Marot et qui connut lui aussi les faveurs de François 1er, puis d’Henri II. Même si avec le temps, Clément Marot lui a quelque peu damé le pion, ce poète était très prisé et reconnu de ses contemporains. L’esprit de Sainct-Gelays était en tout cas largement aussi aiguisé quand il s’agit d’humour et de satire. Il nous en donne aujourd’hui la preuve avec ce Douzain d’un curé.
Au passage, son humour et ses railleries lui vaudront d’ailleurs quelques sérieuses inimitiés. Il fut notamment l’instigateur d’une querelle contre Ronsard, qu’il tourna en ridicule auprès de la cour en son absence ce qui donna lieu, une fois Ronsard informé du fait, à une guerre ouverte par textes interposés qui dura plusieurs années.
« Nostre vicaire, ung jour de feste, Chantoit ung agnus gringotté, Tant qu’il povoit à pleine teste, Pensant d’Annette estre escouté ; Anette, de l’aultre costé, Ploroit comme prise à son chant, Dont le vicaire en s’approchant Luy deist : Pourquoy plorez vous belle ? Ha! messire Jan, ce deist elle, Je plore ung asne qui m’est mort, Qui avoit la voix toute telle Que vous quant vous criez si fort. » Melin Sainct-Gelays – Epigramme douzain d’un curé
Une belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : poésie ancienne, huitains, poésies courtes, épigrammes, ouvrage ancien. Période : moyen-âge tardif, début renaissance Auteurs : collectif (édition originale de 1542) Titre : La fleur de poésie Françoyse, annoté par A Van BEVER, 1909
« Ung doulx baiser je prins subtillement De celle à qui mon cueur s’est adonné, Pensant par là trouver allégement Au dur travail qu’en amours m’a donné, Mais tout soubdain me trouvay estonné Quant je congneuz (cuidant mon feu estaindre) Que luy avoit nourriture donné Et que mon mal n’en estoit de rien moindre. » Anonyme – XVe, XVIe siècle – la fleur de poésie françoyse
Bonjour,
oici pour aujourd’hui un huitain léger, tiré d’un ouvrage édité pour la première fois en 1542 et 1543 et réédité au début du XXe siècle par Adolphe VAN BEVER, (1871-1927) biographe et érudit français, féru de poésie. Ce petit livre d’un peu plus de cent pages a pour titre : La fleur de poésie Françoyse:, Recueil joyeux contenant plusieurs Huictains, dixains, quatrains, chansons et autres dictez de divers matières.
C’est un carnet de poésie légère qui, on l’a compris, ne vise rien d’autre que l’amusement et le divertissement. Il s’ouvre d’ailleurs sur ces quelques vers au lecteur qui marquent bien l’ambition générale de l’ouvrage :
« Lecteur, si tu as fantaisie D’éviter dueil et desplaisir, Vois cy la fleur de Poésie Pleine de soûlas et plaisir, Tu ne pourrois esbat choysir Pour mieulx chasser oysiveté, ( Voire si tu en as désir) Qu’à lire, et veoir nouvelletè. »
Les auteurs de ce collectif sont pour la plupart restés anonymes mais on y retrouve tout de même identifiés Clément MAROT (1496-1544) ou Melin de SAINCT-GELAYS (1491-1558) dont on sent bien d’ailleurs que leur poésie de cour légère et quelquefois primesautière a inspiré d’autres auteurs de ce carnet. Pour le dire autrement, ils donnent ici le La. Edité une première fois en 1542, l’ouvrage sera réédité un an plus tard avec quelques ajouts en 1543, soit un an avant la mort de Clément MAROT.
Il semble bien que cette fleur de la poésie françoyse soit l’un des plus anciens livrets d’épigrammes et poésies facétieuses de ce genre. D’autres lui succéderont et ces petits ouvrages se multiplieront durant les débuts du XVIe siècle. La poésie s’y fera légère et spontanée, (Adolphe VAN BEVER la qualifiera même de souriante et puérile) et les auteurs en profiteront quelquefois, sous couvert d’anonymat, pour faire passer quelques poésies audacieuses, satiriques ou polissonnes. L’auteur du huitain du jour (plutôt sage), est resté, quant à lui, anonyme.
On trouve ce petit livre qui a plus de 500 ans encore à la vente chez Wentworth Press. En voici le lien à toutes fins utiles:
Sujet : musique, poésie, chanson, médiévale, ancienne, pastourelle, vieux français. Période : Moyen Âge tardif Auteur : Anonyme (XVe siècle) Titre : l’autrier quand je chevauchoys Interprète : Newberry Consort
Album : « De Villon à Rabelais, XVIe siècle, musiques de rue, de théâtre et de cour (1999 Harmonia Mundi)
Bonjour à tous,
ous partageons aujourd’hui un peu de musique du XVe siècle avec une chanson médiévale, dans le plus pur style de la pastourelle, genre dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises ici et qui demeure répandu durant tout le Moyen Âge.
On ne connait pas l’auteur de la pièce du jour et elle est demeurée anonyme. On la retrouve classée comme provenant du XVe siècle dans un ouvrage du célèbre historien médiéviste et philologue du XIXe siècle Gaston PARIS. Il est possible qu’elle soit légèrement antérieure à cette période dans la tradition orale mais elle témoigne en tout cas encore de la popularité de ce genre rupestre et champêtre, jusque dans le courant du Moyen Âge tardif. Comme fréquemment pour une pastourelle, c’est le personnage du chevalier lui-même qui nous conte l’histoire, ce qui ne l’empêchera aucunement de se retrouver « le bec dans l’eau » à la fin, comme le veut la « tradition »(1) et ce malgré, cette fois, l’engagement de l’innocente et pure bergère à céder à qui sauvera sa brebis.
L’ensemble Newberry Consort
Nous ne finissons pas de découvrir à quel point l’engouement pour la musique médiévale dépasse de loin les frontières de l’Europe. De fait, les interprètes du jour nous entraînent, cette fois, du côté du continent américain et des Etats-Unis.
Formé en 1986, originaire de Chicago, le Newberry Consort se dédie à un répertoire assez large qui va du XIIIe au XVIIIe siècle avec même quelques incursions, à l’occasion, sur des pièces plus récentes.
Du point de vue des concerts, l’ensemble se produit essentiellement aux Etats-Unis et comme de nombreuses formations dans le domaine des « Early Music », ses artistes s’attachent également à la sensibilisation et la pédagogie autour de leur passion. Dans ce cadre, ils sont étroitement associés à l’Université de Chicago mais aussi à la bibliothèque et au centre d’études de la Renaissance de Newberry.
De Villon à Rabelais : du Moyen Âge tardif aux début de la renaissance.
En 1999, les musiciens du Newberry Consort nous gratifiaient d’un album ciblé sur le Moyen Âge tardif et les débuts de la renaissance, du XVe au XVIe: Villon to Rabelais, 16th century, Music of the Streets, Theatres, and Courts (De Villon à Rabelais, 16e siècle, musiques des rues, des théâtres et des cours). Cette production et la formation y est dirigée par Mary Springfels qui est également musicienne et vielliste (au premier plan et en bas sur la photo ci-dessus).
Le site web (en anglais) du Newberry Consort ne propose pas, pour l’instant, semble-t-il, ses productions musicales à la vente en ligne, mais on peut tout de même trouver cet album à la vente sur Amazon. En voici le lien, si cela vous intéresse : De Villon A RabelaisVous pouvez également cliquer sur l’image de l’album pour y accéder.
« L’autrier quant je chevauchoys »
les paroles en vieux français
L’autrier quant je chevauchoys, A l’orée d’ung vert boys Trouvay gaye bergére : De tant loin qu’ouy sa voix Je l’ay araisonnée,
* Dieu vous adjust : Dieu soit avec vous, auprès de vous
*Tanderelo: terme d’usage commun dans les refrains de pastourelle.
En vous souhaitant une belle écoute, une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.
(1)Suite au commentaire d’une de nos lectrices, précisons que le genre de la Pastourelle reste relativement hétérogène. Il est sujet à des évolutions à travers le temps et les fins heureuses et morales ne sont pas toujours la règle. Loin des valeurs courtoises des légendes arthuriennes, il n’est pas rare que le chevalier tente la force sans y parvenir et que, quelquefois même, il use de violence et parvienne à ses fins.
Sujet : danse ancienne, pavane, basse danse, danse royale, chant polyphonique, chanson ancienne, kaamelott, chanson, musique ancienne, amour courtois. Période : renaissance, XVIe siècle (1588) Auteur : Thoinot Arbeau, (1520-1595) Jehan Tabourot. Titre : « Belle qui tiens ma vie » Ouvrage : Orchésographie Interprète : Ensemble DEUM, Chorale Thomas Tallis de Arduino Pertile.
Bonjour à tous,
our tout ceux qui aiment et ont aimé la série culte Kaamelott, la chanson « Belle qui tiens ma vie » est entrée définitivement dans le corpus des légendes arthuriennes. Ce chant est, en effet, repris de la bouche même du roi Arthur (Alexandre Astier à l’écran) dans quelques épisodes.
Alors provient-il du moyen-âge, le haut ou le « Dark age » comme l’appellent les anglais, cette période supposée contemporaine des légendes arthuriennes ou nous vient-il plutôt du moyen-âge central et des siècles qui ont vu naître la littérature et le roman arthurien ? Et bien, en réalité, la chanson ne se rattache à aucun de ces deux moyen-âge(s) et leur est postérieure de plusieurs siècles.
(désolé pour la qualité vidéo, l’audio est très bon en revanche)
Une pavane du XVIe siècle
qui s’invite dans les légendes arthuriennes
Composée et créée par Thoinot Arbeau, pseudonyme de Jehan Tabourot, chanoine de Langres, ce beau chant polyphonique à quatre voix date en réalité du XVIe siècle et est une pavane, soit une basse danse royale et seigneuriale de la Renaissance.
Comme nous l’avons vu ici à plusieurs reprises, ce n’est pas la première fois qu’un air ou une chanson de la renaissance ou même des siècles ultérieurs au moyen-âge s’y invite. Paradoxe ou message voilé, dans Kaamelott, le roi Arthur entonne même cette jolie pièce d’Amour courtois avec la reine Guenièvre (la très drôle Anne Girouard) qui, dans la série, est loin d’incarner celle qui tient véritablement son coeur, loin s’en faut. Dans les libertés que l’auteur prend avec son oeuvre, en voici donc une de plus, mais, encore une fois, nous l’avons mentionné ici, les légendes arthuriennes revues et corrigées par Alexandre Astier, n’ont pas l’ambition du réalisme historique. Elles se situent dans un espace imaginaire totalement assumé entre moyen-âge et modernité.
Quand la belle qui tient la vie du roi Arthur n’est pas celle qui pourrait le mieux y prétendre
Du reste, peut-être même est-ce là le propre des légendes de savoir ménager, en leur sein, des espaces de liberté « contemporains » qui permettent à chacun de pouvoir mieux s’identifier. Au fond, lors de leurs premières écritures déjà, les aventures du bon roi de Bretagne et de ses chevaliers étaient en décalage de 600 ans avec leur propos et ne se privaient pas d’y inviter des valeurs, mais aussi de beaux châteaux de pierre et des chevaliers qui étaient bien plus de leur temps que du VIe siècle auquel elles se référaient.
« Le gentil-homme la peult dancer ayant la cappe & l’efpée: Et vous aultres, veftuz de voz longues robes, marchant honneftement avec une gravité posée. Et les damoifelles avec une contenance humble, les yeulx baiffez, regardant quelquefois les affiftans avec une pudeur virginale. Et quand à la Pavane, elle fert aux Roys, Princes et Seigneurs graues, pour fe monftrer en quelque jour de feftin folemnel avec leurs grands manteaux & robes de parades. »
Thoinot Arbeau – Orchésographie (basse danses et pavanes)
Comme la citation ci-dessus, la chanson « belle qui tiens ma vie » fait donc partie d’un ouvrage paru en 1588 et intitulé Orchésographie. On en trouve encore quelques exemplaires originaux, même s’il a été réédité depuis. C’est un traité de danse qui fournit des éléments de méthode, autant que des illustrations et des compositions musicales pour en faciliter l’apprentissage.
Si cela vous intéresse, vous pouvez retrouver ce petit précis de danse ancienne sur le site de la Bnf et en version numérisée ici : Orchésographie en ligne.
Ensemble DEUM et la Chorale Thomas Tallis
L’ensemble D.E.U.M. auquel nous devons la belle interprétation de cette chanson que nous vous proposons aujourd’hui est un quartet vocal italien, issu de la chorale Thomas Tallis de Arduino Pertile. Vous pouvez retrouver de nombreuses interprétations de cette formation sur leur chaîne youtube. Elle existe en réalité depuis 1975 et a changé de nom entre temps, mais elle continue de se produire régulièrement en concert, en Italie.
Au passage même si le site web de la formation vocale dont sont issus ces quatre artistes est totalement en italien et même si vous n’êtes pas italophone, je vous conseille vivement de consulter la page où ils présentent leurs membres et les portraits tordants dont ils se sont fendus (nous vous en donnons un avant-goût ci-dessus). Classicisme et sérieux dans l’interprétation ou dans le choix de répertoire ne sont, à l’évidence, pas incompatibles avec humour et bonne humeur et c’est très agréable de se le voir rappeler.
Les paroles originales de la chanson
« belle qui tiens ma vie »
« Belle qui tiens ma vie Captive dans tes yeux, Qui m’as l’âme ravie D’un sourire gracieux, Viens tôt me secourir Ou me faudra mourir.(bis)
Pourquoi fuis-tu mignarde Si je suis près de toi, Quand tes yeux je regarde Je me perds dedans moi, Car tes perfections Changent mes actions.(bis)
Tes beautés et ta grâce Et tes divins propos Ont échauffé la glace Qui me gelait les os, Et ont rempli mon cœur D’une amoureuse ardeur.(bis)
Mon âme voulait être Libre de passions, Mais Amour s’est fait maître De mes affections, Et a mis sous sa loi Et mon cœur et ma foi.(bis)
Approche donc ma belle Approche, toi mon bien, Ne me sois plus rebelle Puisque mon cœur est tien. Pour mon mal apaiser, Donne-moi un baiser.(bis)
Je meurs mon angelette, Je meurs en te baisant. Ta bouche tant doucette Va mon bien ravissant. À ce coup mes esprits Sont tous d’amour épris.(bis)
Plutôt on verra l’onde Contre mont reculer, Et plutôt l’œil du monde Cessera de brûler, Que l’amour qui m’époint Décroisse d’un seul point.(bis) «
Thoinot Arbeau (1520-1595)
Notes : suite à une question sur la dernière strophe de la chanson, je poste ici, à toutes fins utiles, quelques éléments de réponse.
« Plutôt on verra l’onde Contre mont reculer »
Contremont : vers le haut. En l’occurrence, en parlant d’un cours d’eau « vers l’amont » : on aura plus de chances de voir (ou on verra avant) l’eau remonter vers l’amont ou à contre-courant… »
« Et plutôt l’œil du monde Cessera de brûler »
L’oeil du monde est le soleil. Dans l’univers platonicien, les analogies existent entre l’astre et l’oeil. On retrouve aussi cet « Oeil du monde »dansla remonstrance au peuple de France de Ronsard, poésie qui date du même siècle que la chanson :
« La nuit j’adorerais les rayons de la Lune, Au matin le Soleil, la lumière commune, L’oeil du monde ; et si Dieu au chef porte des yeux, Les rayons du Soleil sont les siens radieux, Qui donnent vie à tous, nous maintiennent et gardent, Et les faits des humains en ce monde regardent.
Dans la même poésie de Ronsard, il est également fait allusion à l’épisode biblique de Moïse et de la mer rouge et des ondes repoussées par lui. Jehan Tabourot y fait-il une référence lointaine dans son allégorie sur l’onde ? Difficile de l’affirmer. Peut-être ne faut-il pas aller chercher si loin.
« Pour guider ses enfants par monts et par vallées, Qui noya Pharaon sous les ondes salées Et fit passer son peuple ainsi que par bateaux Sans danger, à pied sec par le profond des eaux. »
Quoiqu’il en soit donc, dans l’esprit de l’auteur, ces deux choses ne peuvent survenir et si elles le devaient, elles se produiraient avant que l’amour « qui l’étreint » ait baissé en intensité (ne décroisse d’un seul point).
En vous souhaitant une excellent journée et une belle fin de semaine!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.