Sujet : poésie médiévale, morale, réaliste, satirique, réaliste, ballade, moyen français Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Ballade a double entendement, sur le temps présent» Média : lecture audio Bonjour à tous,
ujourd’hui, pour faire écho à la Ballade à double entendement d’Eustache Deschamps que nous avions publié il y a quelque temps, nous vous en proposons une lecture audio dans le texte et en moyen-français, tout en profitant pour toucher un mot de l’auteur.
On notera encore ici que, loin des difficultés de compréhension, que peuvent soulever la poésie d’un Rutebeuf ou certains autres textes (poésies, fabliaux, etc) des XIIe et XIIIe siècles, la langue d’Eustache Deschamps reste largement plus accessible à l’oreille. Bien entendu, il faut se défier de quelques faux-amis ou raccourcis de sens et il est encore vrai que certains textes sont plus ardus que d’autres. Cette ballade à double entendement est, quant à elle, plutôt facile d’accès. Pour plus d’informations la concernant et également pour sa version textuelle, vous pouvez valablement vous reporter à l’article précédent, à son sujet : Une ballade sarcastique et grinçante d’Eustache Deschamps sur son temps
Note sur la prononciation
Vous noterez que je ne souscris toujours pas au « Oé » contre le « Oi », nonobstant le fait qu’on me l’ait fait remarquer à quelques reprises. En réalité et si l’on en croit certains auteurs ou traités de prononciation du vieux français ou ancien, le « Oé » semble postérieur au XVe siècle. On l’associe donc, semble-t-il faussement, aux siècles couvrant le moyen-âge, alors qu’il serait plus renaissant.
Tout cela étant dit, le « Oi » n’est certainement pas non plus correct. Diphtonguer en « Ohi », « Ouhi » ou « Oui » il le serait sans doute plus, mais prononcer tel quel (« Oi ») et, à ma défense, il a l’avantage de favoriser la compréhension. On se rapproche un peu ici de la conception de Michel Zink et de cet idée de ne pas ajouter trop d’obstacles à la compréhension des textes médiévaux lus. Autre argument, sans doute plus personnel, le R roulé associé au « Oé » à tous les coins de phrase, a tendance à me donner la sensation de drainer les textes tout entiers du côté de la ruralité et de certaines formes dialectales qu’elle a longtemps conservé. Non que j’ai quoi que ce soit contre le patois, vous connaissez ici mon amour des langues mais disons que sans la conjonction des deux, le texte me semble ainsi ressortir plus « moderne » ou moins connoté pour le dire autrement.
Tout cela étant dit, au long du chemin et pour ceux qui ont l’air d’y tenir, je finirai bien par faire quelques lectures avec de Oé en fait de Oi. A l’inverse, un autre exercice intéressant auquel je pense, serait de lire certains textes médiévaux avec la prononciation contemporaine pour justement ôter tout voile et les rapprocher encore d’autant de nous, en gommant totalement tout « archaïsme » de prononciation. Certains textes du XIVe ou XVe siècle s’y prêtent particulièrement bien.
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes
Sujet : poésie médiévale, poésie morale, réaliste, ballade, français ancien, guerre de cent ans, grandes compagnies, compagnies de routiers. Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle. Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : «Geline, oe, ne poucin ne chapon.» Ouvrage : Œuvres complètes d’Eustache Deschamps, par Le Maquis de Queux de Saint-Hilaire, Tome V (1887)
Bonjour à tous,
n connait les ballades poétiques et réalistes d’Eustache Deschamps sur la guerre de cent ans et ses ravages, et nous en avions notamment posté une il y a quelque temps, où il décrivait les conséquences des campagnes anglaises sur la Champagne et sur ses terres, mais nous vous proposons aujourd’hui un texte dans lequel le poète médiéval témoigne d’un fléau qui, en quelque sorte, découla de cette guerre médiévale: il s’agit, en effet, des mercenaires et même de certaines parties des armées qui, même une fois les trêves signées et les batailles finies, se tenaient encore sur le terrain des conflits.
Laissées sans solde et sans pitance, désœuvrées mais au demeurant fortement armées, ces compagnies de routiers, encore appelées les grandes compagnies, quelquefois menées par des gradés ou de hauts chefs militaires, pillaient et battaient les campagnes jusqu’à les rendre exsangues, enlevant et rançonnant aussi au passage les petits nobles. Ce sont donc de ces exactions et de ces pillages dont nous parle Eustache Deschamps dans la ballade que nous vous proposons de découvrir aujourd’hui.
Les compagnies de routiers: fléau et pillages à la traîne des batailles médiévales
Historiquement attachée aux armées anglaises qui commencèrent à les utiliser dans le courant du moyen-âge central et particulièrement au XIIe siècle, ces compagnies de mercenaires venues des quatre coins d’Europe furent bientôt sollicitées par d’autres souverains. Philippe-Auguste lui-même ne s’en priva pas et c’est d’ailleurs grâce à leur aide que ce dernier pu faire tomber Château-gaillard, la bien aimée forteresse de Richard Coeur de Lion. Plus tard, dans le courant du XIVe siècle, les troupes de mercenaires employées par les armées royales anglaises dans le cadre des batailles de la guerre de cent ans, et qui restaient stationnés sur les terres de France en temps de trêve comme en temps de paix constituèrent une véritable plaie.
Quand on ne pouvait les réengager à la faveur de nouvelles batailles, on a même tenté quelquefois de les soudoyer et les couronnes connurent, avec cette méthode qui s’avéra infructueuse, quelques déboires. Autour de 1363, Jean Le bon et Philippe le Hardi en firent les frais avec « l’archiprêtre »Arnaud de Cervole, célèbre chef des grandes compagnies d’alors. Au vu des ravages et de la ruine que ces routiers occasionnaient, une tentative de croisade a même été lancée par le pape pour les emmener batailler au loin, qui ne connaîtra guère plus de succès. On prête en général et véritablement à Charles Vd’avoir su mener des campagnes efficaces contre ces compagnies pour en venir à bout, à partir de 1365, Au passage, si le sujet vous intéresse, nous l’avions abordé dans deux vidéos consacrées au château de Bodiam puisque son propriétaire et seigneur, Edward Dalyngrigge avait été, un temps, à la solde du célèbre chef routier Robert Knolles.
Compagnies de routiers,
miniature, XIVe siècle,
BnF, département des manuscrits.
Après le XIVe siècle, la France connaîtra encore d’autres épisodes de ce type notamment au début du XVe avec les écorcheurs, à la faveur de la reprise des conflits avec l’Angleterre et de la rivalité en la maison d’Orleans de de Bourgogne. Vers la fin de ce même siècle, le problème sera partiellement résolu par l’intégration de certaines de ces bandes organisées au sein des armées royales de Louis XI,
Au XVIe siècle, François 1er aura, à nouveau, à faire avec ce même phénomène qui demeure étroitement lié – on pourrait même dire de manière endémique – au fonctionnement des guerres et des batailles médiévales, dans un contexte où les armées royales ne sont pas encore suffisantes pour faire face, ni entièrement professionnalisées. A la faveur d’un conflit, des mercenaires professionnels, mais aussi des criminels et plus généralement toute personne désireuse de gagner quelques sous et d’en découdre sont enrôlés et une fois les hostilités réglées, les financements s’arrêtent. Sur le terrain, les bandes errantes, devenues bien souvent apatrides et laissées sans solde, ne se dissolvent pas pour autant d’elles-mêmes. En réalité, elles ont même plutôt tendance à se regrouper et comme elles sont armées, elles en tirent partie. Au passage et dans une certaine mesure, ce phénomène perdure aujourd’hui dans certaines régions très conflictuelles du monde.
Ballade contre les exactions des routiers
ou « Geline, oe, ne poucin ne chapon »
Ce titre « contre les exactions des routiers » est donné par le Marquis de Saint-Hilaire (opus cité), nous lui adjoignons le refrain de la ballade originale : « Geline, oe, ne poucin ne chapon » ou « ni poule, ni oie, ni poussin, ni chapon ».
Las! il n’est mais pastour ne pastourelle Ne nul qui puist a droit garder brebis, Car li mastin ont perdu leur querelle Par le default d’avoir assez pain bis, Et les loups vont tout courre le pais, Qui n’y laissent aignel, brebis, mouton, Vache ne veel, cheval noir, blanc ne gris, Geline, oe (poule,oie) ne poucin ne chapon.
He! Dieu, que c’est dolereuse nouvelle ! Car du bestail estoit chascuns nourris; De leur laine faisoit telz sa cotelle* (robe) Qui sera nuz, povres et esbahis ; Labours faurront, et si a encor pis, Qu’estranges loups s’assemblent a bandon*, (en bandes) Qui ne lairont a nul, ce m’est advis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
Et j’ay veu vers la saison nouvelle Que l’en chaçoit telz loups comme ennemis Par cri royal et commission belle, Dont chascun feu paioit .ii. parisis (1) ; L’en les tuoit et pandoit on aussis. Lors paissoient sûrement li chastron* (moutons) Autrement va; plus n’arons, doulz amis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
(1) payait deux parisis (sous de Paris)
Telz loups rapaulx (rapaces) valent pis que gabelle : Frommaige, let, burre et oeufs sont péris, Douce crayme, le maton en foisselle (2) ; Far eulx seront après li enfant prins. Que font lévrier et li alant* (chiens) de pris? Que font veneurs, et pourquoy ne chaç’on ? S’ilz ne chacent, plus n’aront, je leur dis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
(2) Panier de Jonc, Maton en faisselle, Jonchée,
Noble Lion, le bestail vous appelle, Et vous devez secourre voz subgis*. (sujets) Chacez ces loups, et se nulz s’atropelle* (s’attroupe) En voz marches, ne souffrez le logis*; (la présence) Car vous pourriez par eulx estre honnis Et acqueillir par leur fait povre nom ; Briefment n’arez, se conseil n’y est mis, Geline, oe, ne poucin ne chapon.
L’envoy Princes, qui veult estre bien seignouris, Et de bestail gras, peuz et nourris, Le doit garder de loups et de larron Et gouverner par bel et bon advis, Ou autrement il n’ara, ce m’est vis*, (à mon avis) Geline, oe, ne poucin ne chapon.
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : chaîne youtube dédiée monde médiéval et moyen-âge.
Bonjour à tous,
l y a quelques jours notreChaîne youtube officielle, dédiée au Moyen Age passait les 80 000 vues et nous tenions à vous en remercier ici très chaleureusement. Créée il y a maintenant près de deux ans, la chaîne proposait alors essentiellement des reconstitutions de châteaux forts et des sujets autour de l’architecture médiévale. Peu après, elle s’était enrichie de lectures (audio) de poésies du moyen-âge en vieux français et en langue d’Oil. Sauf erreur de notre part et sur ce plan, elle reste d’ailleurs, à ce jour, la seule chaîne youtube à proposer ce type de contenus.
Depuis les débuts, le concept a évolué et la grille des programmes s’est élargie pour s’ouvrir à l’humour (avec des épisodes hommage à la série Kaamelott, ou encore des histoires drôles autour d’un bestiaire médiéval fantastique). L’ensemble de ces contenus, produits et réalisés par nos soins, reste totalement inédit, avec la volonté d’amener un regard différent autant qu’une touche originale sur le monde médiéval.
Pour compléter cette approche approfondie du moyen-âge, la chaîne propose encore une playlist de musiques et chansons médiévales. Cette dernière contient exclusivement des morceaux que nous détaillons, par ailleurs, dans nos articles de larubrique musique et poésie : à ce jour, ce sont déjà près de 80 pièces d’anthologie expliquées, sourcées historiquement, mais aussi adaptées en français moderne. Depuis peu, nous avons également ajouté sur la chaîne, ainsi que dans la navigation du site (colonne de droite), une playlist des conférences, documentaires et programmes radio que nous présentons aussi, de manière détaillée dans nos articles. Vous l’avez compris, là encore, il ne s’agit pas seulement d’ajouter à l’emporte-pièce tout ce qui passe à notre portée, mais bien d’amener des éléments de réflexion et des informations à valeur ajoutée sur le moyen-âge et ses auteurs, ainsi que sur l’Histoire médiévale et sur les médiévistes qui la font.
Voilà pour les quelques nouvelles sur le front vidéo youtube, mes amis. Pour le reste, merci encore chaleureusement de votre présence et de votre soutien!!!!
Sujet : poésie médiévale, satirique, morale, réaliste, littérature médiévale, ballade, français ancien, Vertus, guerre de cent ans. Période : moyen-âge tardif Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : «J’aray desor a nom brûlé des champs » Ouvrage : Poésies morales et historiques d’Eustache Deschamps, Georges Adrien Crapelet (1832)
Bonjour à tous,
élèbre ballade d’Eustache Deschamps, la poésie que nous publions aujourd’hui nous conte par la bouche de l’auteur médiéval des ravages de la guerre de cent ans dans la plaine de Champagne. Les batailles ont laissé derrière elles tant de misère et de ruine qu’il faudrait désormais appeler le poète « brûlé Des Champs ».
Nous y apprenons des choses sur les origines du poète et sur sa ville de coeur et de naissance: Vertus, dont il nous conte les douceurs d’avant-guerre. Mal en point financièrement pour avoir dû restaurer son domaine, il en appelle aussi aux soutiens des plus grands, princes et seigneurs, pour l’aider à rétablir sa « maison ».
Ballade du domaine d’Eustache
brûlé par les anglais
Ce titre est celui donné par G.A. Crapelet dans son ouvrage de 1832. Dans son édition des œuvres d’Eustache Deschamps, le Marquis de Queux de Saint-Hilaire donnera quant à lui comme « titre » à cette ballade : « Il ne doit plus s’appeler Eustache, mais Brûlé des Champs ».
Je fu jadiz de terre vertueuse, Nez de Vertus, le paiz renommé Ou il avoit ville tresgracieuse Dont li bon vin sont en maint lieux nommé; Jusques a cy avoit mon nom nommé, Eustace fu appelle dès enfans; Or sui tous ars, s’est mon nom remué: (1) J’aray desor a nom Brûlé des Champs.
Dehors Vertus ay maison gracieuse Ou j’avoye par long temps demouré, Ou pluseurs ont mené vie joyeuse, Maison des champs l’ont pluseurs appelle ; Mais, Dieu merci (2), toute plaine de blé, Ont les Angles le feu bouté dedens ; Deux mille frans m’a leur gerre cousté: J’aray desor a nom Brûlé des Champs.
Las ! ma terre est destruitte et ruyneuse,’ Je suis désert, destruit et désolé; Fuir m’en fault, ma demeure est doubteuse, Se je ne sui d’aucun reconforté; , Ainsi seray de mon lieu rebouté, Comme essilliez, dolereux et meschans,(3) Se mes seigneurs n’ont de mon fait pitié : J’aray desor a nom Brûlé des Champs.
NOTES
(1)« Or sui tous ars, s’est mon nom remué » : il ne me reste plus rien ou je suis à nu et j’ai perdu jusqu’à mon nom. (2) « Dieu merci » : Dieu ait pitié de moi. (3) Comme essilliez, dolereux et meschans : comme exilé, ruiné, triste et malheureux.
Vertus en Champagne, la ville de Eustache Deschamps, gravure du XVIIe par Claude Chastillon
En vous souhaitant une excellente journée.
Fred
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