L’appétit & le goût du savoir au Moyen Âge, Régine Pernoud

Sujet  :   citations, Moyen Âge,  historien, médiéviste, valeurs médiévales, valeurs actuelles, savoir, livres, proverbe médiéval, préjugés.
Auteur : Régine Pernoud (1909-1998)
Ouvrage : Lumière du Moyen Âge (1946)


Citation illustrée de Régine Pernoud : lire au Moyen Âge

« Tout ce qui touche au savoir est ainsi honoré au Moyen Âge : « À déshonneur meurt à bon droit qui n’aime un livre », disait un proverbe ; et il suffit de se pencher sur les textes pour retrouver trace des mesures par lesquelles tout appétit de sciences était encouragé et alimenté. »

Lumière du Moyen Age, Régine Pernoud, Editions Grasset (1946),


Déconstruire les préjugés sur le Moyen Âge

En 1946, Régine Pernoud publiait son premier ouvrage chez Grasset. Avec pour titre édifiant : Lumière du Moyen Âge, la médiéviste se proposait d’y prendre le contrepied d’un certain nombre d’idées reçues à l’encontre de cette période historique, comme elle n’allait cesser de le faire, par la suite, tout au long de sa carrière.

Livre sur le Moyen Âge de Régine Pernoud

Pour chasser les préjugés bien ancrés et, avec eux, la vision surfaite d’un monde médiéval barbare et obscurantiste (l’éternel retour de l’âge des ténèbres), l’historienne choisissait de souligner, sur les quelques 270 pages de ce livre, l’éclat du Moyen Âge. Les domaines abordés y sont aussi divers que le commerce, les arts, la littérature mais aussi la science ou la médecine. Elle portait aussi son attention sur des aspects liés aux droits des femmes dans les sociétés médiévales, à l’importance de la structure familiale ou encore à certains raffinements de la vie quotidienne. Pour être l’une des premières parutions d’importance de Régine Pernoud, l’ouvrage traçait déjà un bon nombre des pistes qu’on lui verrait reprendre et détailler dans l’ensemble de son œuvre.

Lumière du Moyen Âge a été réédité de nombreuses fois jusque dans les années 80. Aujourd’hui, on en trouve encore quelques exemplaires papier à la vente. L’éditeur a également eu la bonne idée de proposer l’ouvrage au format Kindle à petit prix. Voici un lien utile pour plus d’informations sur toutes ces options : Lumière du Moyen Age, Régine Pernoud

Les idées reçues à 75 ans de ce livre

L’ignorance a la vie dure. À plus de 75 ans de cette Lumière du Moyen Age de Régine Pernoud, de nombreux préjugés demeurent au sujet du monde médiéval. L’historienne du XXe siècle n’a pourtant pas été l’unique médiéviste à lutter contre eux, loin de là (voir Moyen Âge, idées reçues et révolution des machines). Si une partie du public semble y rester sourd, on en vient légitimement à se demander pourquoi. La légèreté de l’enseignement et des programmes ne sont, sans doute, pas les seuls à expliquer ce déficit de réalisme ou de sens historique. Et même si la renaissance, le siècle des lumières ou, encore, la révolution française (régicide et fondatrice de la république) ont été longtemps avancées pour expliquer la mise en place de certains préjugés, après plus de 150 ans d’une science historique et médiévale relativement mature, cet habituel trio peine un peu à continuer à servir, seul, d’explications.

De notre côté, nous serions plutôt tentés de poser que certaines forces antagonistes récentes ont continué de s’y ajouter pour souffler sur les braises de certaines idées reçues. Dans cette hypothèse, un certain dénigrement du Moyen Âge aurait pu permettre d’enterrer plus vite son importance, à la fois, sur les racines historiques de notre civilisation (et partant sur la légitimité de certaines de ses valeurs et de leur perdurance) comme sur certains de ses aspects éclairés et civilisationnels.

Des forces antagonistes ?

Mais alors quoi ? La spiritualité et certaines des valeurs humanistes chrétiennes du Moyen Âge, ses fortes structures familiales, ses freins moraux au libéralisme débridé, son système politique régalien, ses lumières culturelles et son legs : pour quelles idéologies récentes tout cela pourrait-il être autant d’ennemis désignés ? Au matérialisme scientifique et à la république auraient pu venir s’ajouter, bien plus tard, le capitalisme libertaire, son individualisme consumériste et sa guerre déclarée à une certaine France des traditions et des croyances. Plus près de nous, la financiarisation et la haute spéculation contre la valeur travail n’ont certes plus grand chose de médiéval. Dans cette liste, on pourrait ranger encore le néo-libéralisme et, pour nous tourner vers des éléments plus récents, certaines formes de progressisme transhumaniste.

Encore une fois, sans nécessairement œuvrer activement contre le Moyen Âge, on voit bien comment tous ces courants modernes sont à l’opposé éthique total de nombreuses valeurs portées par cette période. Dans le même ordre d’idées, on pourrait se demander à quel point, certaines formes extrêmes d’européisme fédératif ou impérialiste, dans leur volonté affichée d’annihiler les nations, peuvent travailler à l’encontre d’un certain roman national et historique : dans un vidéo récente, une technocrate allemande à Bruxelles parlait de la nécessité de « déconstruire les peuples ». Rien que ça… C’est une affirmation qui revient souvent dans la bouche de certains de ces idéologues, férus d’ingénierie sociale et souvent, il faut l’avouer, légèrement mégalomanes.

Si toutes ces forces existent bien, sont elles actives, activistes, ou simplement antagonistes ? Leur présence peut elle expliquer que certaines réalités médiévales et historiques puissent être maintenues sous cloche (voire revisitées) ? Ce n’est pas impossible même si, pour vérifier une telle hypothèse, il faudrait conduire des recherches qui déborderaient largement le cadre de cet article. Sans parler d’obstruction active, on peut supposer que les choix de financement de productions grand public, ou même d’aide à la culture et à l’éducation ne sont pas tout à fait enclins à se porter vers ces sujets ou certaines manières de les traiter. Ce qu’on peut, en revanche, constater, c’est que de nombreux préjugés sont entretenus pour que le Moyen Âge reste l’âge des rois tyrans, de la bêtise, de la saleté, des méchants croisés, du fanatisme religieux, des légions de bûchers à perte de vue (voir la légende noire de l’inquisition)… Mieux encore, avec un brin de condescendance, on se plaira à le décrire comme cette sorte d’enfance touchante, maladroite et révolue de notre civilisation, comme on avait pu considérer, aux siècles passées, les peuples traditionnels comme de gentils arriérés.

Avec l’ouvrage de Régine Pernoud, nous sommes, fort heureusement, à des lieues d’un Moyen Âge historique pétri d’ignorance crasse dans lequel, non contents d’y patauger, des hommes médiévaux ignares, sales et méchants, auraient eu à cœur de se complaire. La citation du jour nous permettra même de découvrir qu’au contraire, le goût du savoir et des livres y était encouragé et prisé. Pour abonder dans ce sens et pour n’en donner qu’une autre illustration, on pourra se reporter à cette ballade d’eustache Deschamps : Des plaisirs de l’étude et des sciences.

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous  toutes ses formes

Amors me fet conmencier, la courtoisie d’un roi trouvère

Thibaut le Chansonnier, troubadour roi de Navarre et Comte de Champagne

Sujet : chanson médiévale, poésie, amour courtois, roi trouvère, roi poète, lyrisme courtois, trouvères, vieux-français, Oïl
Période  : Moyen Âge central
Auteur  : Thibaut IV de Champagne (1201-1253), Thibaut 1er de Navarre
Titre :  « Amors me fet conmencier»
Interprètes  : Ensemble Athanor
Album :  Chansons de Thibaut de Champagne Roi-Trouvère (1201-1253) (1983).

Bonjour à tous,

ujourd’hui, nous vous invitons à nous suivre sur les rives du XIIIe siècle. Nous y poursuivrons l’exploration du répertoire musical du comte de Champagne, roi de Navarre et célèbre trouvère, Thibaut IV, rebaptisé également Thibaut le chansonnier.

Une chanson courtoise et légère

Amors me fet conmencier : le titre de cette composition annonce d’emblée la couleur. C’est le sentiment amoureux qui inspire notre trouvère et le pousse à écrire. Sur l’œuvre assez conséquente qu’il nous a léguée, on se souvient que plus de la moitié reste dédiée à la lyrique courtoise et à la fin’amor. Cette chanson en fait donc partie.

À l’habitude, l’engagement du prétendant à servir l’élue de son cœur est présenté comme total et qu’importe si cette dernière ne s’est pas encore prononcée en sa faveur. Dusse-t-il aller jusqu’à la mort, sans se dédire ni se désengager, l’amant courtois aura, au moins, la satisfaction d’avoir accompli sa quête et d’avoir servi dignement « Amors » et ses règles exigeantes. « Les observateurs pourront même en témoigner » : la réputation du roi trouvère comme loyal amant sera notoire et on est, ici, dans la recherche d’une légitimation sociale de la conduite courtoise, loin des « médisants » auxquels cette lyrique (souvent transgressive) nous a fréquemment habitué. La dame, elle, ses désirs et son bon vouloir, restent attendus et espérés. Elle est la maîtresse des horloges, comme le dit une expression à la mode, mais aussi de la décision.

Si tous les codes de l’amour courtois sont bien présents dans cette pièce du roi trouvère, on notera que le ton reste plutôt léger et optimiste. À tout le moins, il se montre moins « dolent » ou affecté que l’amant qu’on retrouve, parfois, dans certaines chansons courtoises de ce même Moyen Âge central ; on pense à des auteurs plus fébriles et transis qui y présentent leur vie sur le fil, toute entière suspendue au désir de la belle, pour des chansons faisant un peu l’effet (passez-nous l’expression) d’être écrites du haut d’un pont. Entre ivresse de l’amour, impatience mortifère et morsures du désir inassouvi (dont l’amant courtois aime à se délecter), Thibaut semble, pour cette fois, avoir choisi son camp. On le retrouvera, ici, plus du côté de la joie que du « pathos » (modernisme hors contexte historique mais assumé). Pour verser un peu dans le marxisme — pas celui de Karl, mais celui de Groucho en médecin prenant le pouls d’un homme en se servant de la petite aiguille de sa montre (film A day at the race, 1937) « Soit cet homme est mort soit ma montre est arrêtée » — : soit la belle est à demi-acquise, soit notre noble chevalier est optimiste, soit il se situe totalement dans la distance de l’exercice littéraire.

Sources manuscrites médiévales

Manuscrit médiéval, Chanson courtoise et musique de Thibaut du Champagne

On retrouve cette chanson courtoise de Thibaut IV de Champagne dans un certain nombre de manuscrits d’époque. Pour vous la présenter avec sa notation musicale, nous avons opté ici pour le MS Français 24406. Cet ouvrage du XIIIe siècle, actuellement conservé au département des manuscrits de la BnF, contient sur 155 feuillets, 301 pièces de trouvères et d’auteurs du Moyen Âge central : Adam de la Halle, Blondel de Nesle, Gace Brûlé, Guiot de Dijon et bien d’autres plumes des XIIe et XIIIe siècles s’y trouvent présentées. Si vous en souhaitez le détail, le manuscrit est consultable sur Gallica. Vous pourrez également trouver l’ensemble de ces auteurs, jeux partis, textes et chansons référencés dans la Bibliographie des Chansonniers Français des IIIe et XIVe siècles signé de Gaston Reynaud (1884).

Pour la transcription en graphie moderne, nous nous appuyons sur l’ouvrage Les chansons de Thibaut de Champagne, roi de Navarre. Édition critique publiée par A. Wallensköld (1825, aux éditions Champion).

La belle version de l’ensemble Athanor

L’ensemble Athanor et Laurent Aubert

On retrouve Laurent Aubert à la création de cet ensemble suisse formé vers la fin des années 70. Voyageur, chercheur, ce musicien et anthropologue, c’est, jusqu’à nos jours, un artiste bien connu de la scène de l’Ethnomusicologie et des Musiques du Monde. Il est également à l’initiative de la revue des Cahiers d’ethnomusicologie et auteur de nombreux ouvrages de référence dans ce domaine. Il a également été en charge du Musée Ethnographie de Genève (MEG) pendant près d’une décennie.

L'Ensemble médiéval Athanor

En réalité, si Athanor s’est dédié principalement aux musiques médiévales, elles ne représentent qu’un aspect de la longue carrière de Laurent Aubert. Ce dernier s’est consacré intensément à leur pratique à la sortie de ses études, avec sa formation mais aussi en collaborant avec d’autres grands noms de la scène médiévale : Thomas Binkley, Jordi Savall et Montserrat Figueras, Paul van Nevel, l’ensemble Huelgas,,.. Pourtant, cette longue parenthèse de 10 ans n’a été que le prélude à bien d’autres aventures et l’appel du large l’a bientôt entraîné sur d’autres terrains (Népal, Afghanistan). Il s’y est passionné des musiques traditionnelles du monde, au sens large et c’est autour de ces dernières, de leur défense et de leur diffusion, qu’il a forgé la majeure partie de sa carrière.

L’album « Chansons de Thibaut de Champagne »

En 1983, l’ensemble Athanor proposait au public L’album Chansons de Thibaut de Champagne Roi-Trouvère (1201-1253). Bien centrée sur son sujet, cette production propose neufs chansons empruntées au répertoire médiéval du roi de Navarre. On y trouvera une sélection assez variée du point de vue thématique : amour et lyrique courtoise, tenson, chant de croisade, mais aussi des compositions plus pieuses.

Album d'Athanor sur les chansons de Thibaut de Champagne

L’album est sorti originellement en vinyle mais il semble aujourd’hui difficile à trouver dans ce format. Si des versions CD ont pu exister, elles se sont, elles-aussi, raréfiées. Par les vertus du numérique, on peut toutefois trouver l’ensemble de l’album et de ses pièces à la vente, au format dématérialisé MP3. Voir le lien suivant pour plus d’informations : Les Chansons de Thibaut de Champagne roi-trouvère par Athanor.

Membres ayant participé à cet album

Catherine Berthet (voix, violon), Michael Leonhardt (voix, harpe médiévale, percussions), Laurent Aubert (luth, percussions), André Jecquier (flûte, percussions), Emmanuelle Thornton-Bolle (violon).


Amors me fet conmencier
en langue d’oïl et français actuel

Amors me fet conmencier
Une chançon nouvele,
Qu’ele me veut enseignier
A amer la plus bele
Qui soit el mont vivant:
C’est la bele au cors gent,
C’est cele dont je chant.
Deus m’en doint tel nouvele
Qui soit a mon talent!
Que menu et souvent
Mes cuers por li sautele.

Amour me fait commencer
Une chanson nouvelle,
Car il veut m’instruire
Comment aimer la plus belle
Qui soit vivante en ce monde.
C’est la belle au corps gracieux,
C’est celle que je chante.
Dieu m’en donne des nouvelles
Qui soit selon mon désir !
Car, souvent et fréquemment,
Mon cœur bondit pour elle.


Bien me porroit avancier
Ma douce dame bele,
S’ele me voloit aidier
A ceste chançonele.
Je n’aim nule riens tant
Conme li seulement
Et son afetement,
Qui mon cuer renouvele.
Amors me lace et prent
Et fet lié et joiant,
Por ce qu’a soi m’apele.

Bien me pourrait devancer
Ma douce belle dame,
Si elle voulait m’aider
Avec cette chansonnette.
Je n’aime nulle chose autant
Qu’elle, et elle seule,
Et ses belles manières*
Qui ravivent mon cœur, .
Amour m’enlace et me prend
Et me remplit de joie et de gaieté,
En m’appelant à lui.


Quant fine amor me semont,
Mult me plest et agree,
Que c’est la riens en cest mont
Que j’ai plus desirree.
Or la m’estuet servir
Ne m’en puis plus tenir –
Et du tout obeïr
Plus qu’a riens qui soit nee.
S’ele me fet languir
Et vois jusqu’au morir,
M’ame en sera sauvee.

Quand Fine Amour m’invite,
Grande joie et satisfaction m’en viennent,
Car c’est la chose en ce monde
Que j’ai le plus désirée.
Et, désormais, il me faut la servir,
Je ne m’en puis plus retenir –
Et je dois lui obéir en tout,
Plus qu’à toute autre créature enfantée.
Si elle m’affaiblit (me fait languir),
Et que j’aille à en mourir,
Mon âme en sera sauvée.


Se la mieudre de cest mont
Ne m’a s’amor donee,
Tuit li amoreus diront
Ci a fort destinee.
S’a ce puis ja venir
Qu’aie, sanz repentir,
Ma joie et mon plesir
De li, qu’ai tant amee,
Lors diront, sanz mentir,
Qu’avrai tout mon desir
Et ma queste achevee.

Si la meilleure en ce monde
Ne m’a son amour donné,
Tous les amoureux diront
Que c’est, là, fâcheuse destinée.
Et si je ne puis jamais parvenir
A obtenir, sans me dédire
Ma joie et mon plaisir
Par celle que j’ai tant aimée,
Lors ils diront, sans mentir,
Que je serais venu à bout
de tout mon désir et de toute ma quête.


Cele pour qui souspir,
La blonde coloree
(1),
Puet bien dire et gehir
Que por li, sanz mentir,
S’est Amors mult hastee.

Celle pour qui je soupire,
La blonde couronnée
Peut bien dire et avouer
Que pour elle, sans mentir,
L’Amour s’est beaucoup hâté.

* Afetement, afaitement, affaitement : peut désigner un certain nombre de choses qui vont de l’éducation, la largesse, les bonnes manières, la convenance, la courtoisie. En chevalerie, il peut encore désigner la notion d’accomplissement. On le retrouve également en fauconnerie où il désigne la manière de dresser un rapace à la chasse.

(1) Variante dans un manuscrit : la blonde coronée

En vous souhaitant une belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com
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NB : en arrière plan de l’image d’en-tête, on peut voir les enluminures et miniatures du feuillet 1 du MS Français 24406.

1400 articles sur le moyen âge : chansons, poésies médiévales et bien plus !

Bonjour à tous,

ous le savez si vous faites partie des visiteurs réguliers du site, de temps en temps, nous faisons un point sur les contenus publiés à date. Cela permet de mieux voir le chemin parcouru mais surtout de vous donner des pistes de recherche concrètes. Nous avons, désormais passé le cap de 1400 articles mis en ligne et, au fil des années ( 5 ans déjà), moyenagepassion a pris le tour d’une encyclopédie médiévale. Si cette dernière reste relativement modeste en taille, quelques informations peuvent s’avérer grandement utiles pour une meilleure exploration du site.

Rappelons-le. En terme de ligne éditoriale, notre vocation première a toujours été de proposer une archive permettant de découvrir le Moyen Âge historique et ses productions, autant que certaines représentations plus modernes du Moyen Âge. Ces deux dernières années, si la rubrique évènementielle que nous maintenions aussi, a forcément pâti de l’annulation de nombreux fêtes et animations médiévales, nous avons poursuivi nos efforts. Nous nous sommes concentrés sur des choses moins éphémères et le Moyen Âge historique a donc gagné en taille. L’aventure a donc continué et c’est le plus important.

Archive médiévale & textes du Moyen Âge

Une des catégories les plus appréciées du site reste son archive médiévale. Elle regroupe près de 500 poésies, chansons et extraits de littérature du Moyen Âge. Les textes présentés et commentés sont, dans leur très grande majorité, traduit par nos soins. Pour chacun d’entre eux, nous indiquons également les sources historiques et manuscrites. De fait, vous trouverez référencés et présentés sur moyenagepassion près d’une centaine de manuscrits anciens et médiévaux. Quand il s’agit de chansons, nous nous efforçons de joindre également les notations musicales anciennes, ainsi qu’une interprétation par un groupe de musique spécialisé dans le répertoire du Moyen Âge.

Tout cela étant posé, voici quelques éléments pour vous aider à tirer le meilleur parti de cette archive. Nous ne notons ici que quelques aspects généraux. Pour le reste, vous pourrez toujours explorer les catégories de la navigation de gauche ou vous servir du champ de recherche. Plus de 4000 mots-clés sont aussi référencés sur le site.

Une pléthore d’auteurs médiévaux

Un total de 65 auteurs médiévaux est déjà recensé sur moyenagepassion auquel il faut ajouter une large quantité d’anonymes. Tous ces auteurs peuvent être seigneurs ou princes, simples clercs ou jongleurs, troubadours, trouvères, chroniqueurs, écrivains, philosophes, savants, poètes de cour officiels ou plus marginaux et occasionnels, …

Quant aux thèmes couverts, ils reflètent cette diversité et se concentrent principalement sur la littérature du Moyen Âge central à celle du Moyen Âge tardif, avec quelques incursions sur le haut Moyen Âge et la Renaissance : lyrique courtoise, poésies satiriques, contes moraux, poésies politiques, légendes arthuriennes, humour médiéval, fabliaux, fables mais aussi médecine, histoire ou philosophie, sciences et techniques,… En matière de provenance, tous ces textes proviennent, en grande partie, de la France médiévale (langue d’oïl, vieux français, moyen-français, occitan médiéval) mais ils ne s’y limitent pas. Nous explorons également l’Europe médiévale : Espagne, Portugal (espagnol ancien, galaïco-portugais), Italie, Angleterre jusqu’à même des destinations méditerranéennes plus lointaines.

En plus de ces auteurs d’époque, vous trouverez, sur le site, un grand nombre de personnages du Moyen Âge qui ne sont pas nécessairement des écrivains mais que les textes proposés nous conduisent à croiser et à présenter. Enfin, pour avoir une vision complète du tableau, de nombreux historiens et médiévistes des XIXe, XXe et XXIe siècles sont cités ou invités dans nos colonnes (conférences, ouvrages, publications…) et nous comptons encore quelques auteurs contemporains venus publier leurs propres articles sur le site.

Découvrir tous nos auteurs médiévaux sur ce lien

Ensembles médiévaux & musique ancienne

i vous aimez la musique ancienne, vous trouverez aussi, sur moyenagepassion, quantité de formations à découvrir et écouter (72 à date). Ces ensembles de musique médiévale, férus d’ethnomusicologie, sont présentés, dans le détail, avec leur fondateur, leur répertoire, ainsi que certaines de leurs œuvres et albums. Dans une catégorie à part, nous avons également répertorié des artistes que le Moyen Âge a plus librement inspirés (variations libres, emprunts textuels, folk,…).

Découvrir tous nos ensembles de musique ancienne et médiévale

Encore plus de contenus ?

Comme nous l’avons indiqué, les catégories et le moteur de recherche sont là pour vous aider à explorer le site au gré de vos inspirations et de vos intérêts. Mais mentionnons tout de même des thèmes comme le culte marial et l’étude que nous avons entreprise des Cantigas de Santa Maria du roi Alphonse X de Castille : 25 de ces chants sont déjà commentés, traduits en français et disponibles à l’écoute. Dans un tout autre registre et si vous aviez envie de vous rafraîchir les idées, vous pouvez également consulter nos articles contre les préjugés à l’encontre du Moyen Âge ou même encore jeter un œil sur notre rubrique citations médiévales.

Pour conclure, disons un mot de notre chaîne youtube. Si elle est un peu demeurée à la traîne du site, elle s’approche désormais des 400 000 vues. Nous y passerions volontiers plus de temps mais, pour cela, il nous faudrait franchir la barre des 1000 abonnés. Ce n’est pas quelque chose sur lequel nous avons particulièrement insisté jusque là, mais sachez que vous nous aideriez grandement en vous abonnant. C’est totalement gratuit et ne requiert qu’un simple clic. Visiter la chaîne youtube de moyenagepassion.

Merci encore de votre présence et de votre lecture.

Frédéric Effe.
Pour moyenagepassion.com.
À la découverte du Moyen Âge sous toutes ses formes.

NB : l’enluminure, en-tête d’article, est tiré du manuscrit MS 9278 conservé au KBR Museum de Bruxelles (Débat de vraie noblesse, Buonaccorso de Pistoie – collection des ducs de Bourgogne). Elle représente l’écrivain, traducteur, prêtre et enlumineur Jehan Miélot (1420-1472) à son ouvrage.

ROGER BACON, le pouvoir symbolique du médecin sur la guérison

Statue de Roger Bacon

Sujet : science médiévale, savant, psychologie, citations médiévales, médecine médiévale.
Période : Moyen Âge central, XIIIe siècle
Auteur : Roger Bacon (1214-1292)
Ouvrage Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art et la nullité de la magie, Albert Poisson, Ed Chamuel (1893)

Bonjour à tous,

ous poursuivons, aujourd’hui, notre lecture de la Lettre sur les prodiges de la nature et de l’art et la nullité de la magie de Roger Bacon, pour en extraire une nouvelle citation. Cette fois-ci, le savant du Moyen Âge central nous entraîne sur le terrain de la médecine médiévale pour y découvrir l’influence du médecin et de ses actes sur l’évolution de l’état de santé de ses patients.

Bacon dans les pas de Constantin l’Africain

Deux siècles après Constantin l’Africain, le Doctor Mirabilis reprenait donc cette idée de l’importance de la foi dans le pouvoir du médecin et de son traitement sur la guérison des malades. L’extrait provient d’un chapitre de la Lettre sur les prodiges de la nature dans lequel Bacon traite des caractères et des formules magiques et de leur usage. Sans véritablement prêter d’efficacité intrinsèque à de telles formules, le savant déplace le propos vers la légitimité de leur usage dans l’acte médical. Autrement dit, le médecin peut-il avoir recours à ce type d’action symbolique (voire rituelle) dans la prescription, en vue d’influencer favorablement le moral du malade et son rétablissement ? Bacon répond oui en démontrant, là encore, un recul et une finesse que, par préjugés, l’on ne serait peut-être pas enclin à attendre de la médecine médiévale.

Dès lors aussi, l’acte médical déborde totalement de la simple prescription. Il hérite d’une dimension rituelle, symbolique, « prestigieuse » qui, bien utilisée, peut devenir opérante. Dimension symbolique et psychologique des soins, importance de la relation de confiance entre soignant et soigné sur l’issue du traitement, « foi » ou formes d’autosuggestion mobilisant des ressources physiologiques insoupçonnées ? S’il faudra attendre le XVIIe siècle pour qu’on regroupe l’ensemble de ces phénomènes sous l’appellation, plutôt fourre-tout, d’effet placebo, ils étaient déjà mis en avant, on le voit, par certains savants du Moyen Âge. On remarque, au passage, que dans des formes de médecines plus anciennes ou primitives comme le chamanisme, un certain pouvoir « d’auto-guérison » du patient est également fréquemment invoqué comme un levier de taille, quand ce n’est pas une condition sine qua non du rétablissement de l’intéressé. Bien sûr, pour que tout cela agisse, encore faut-il laisser les médecins soigner.

Citation illustrée de Roger Bacon sur la pratique médicale au Moyen Âge

« Il faut enfin considérer à ce propos qu’un médecin habile peut opérer sur l’esprit, c’est- à-dire qu’il peut ajouter à ses remèdes des formules et des caractères (selon le médecin Constantin), non pas que ces formules et ces caractères fassent quelque chose par eux-mêmes, mais le malade prend le remède avec plus de confiance, son esprit s’exalte, sa foi s’accroît, il espère, il se réjouit, finalement son âme excitée peut rétablir bien des choses en son propre corps, en sorte qu’il passe de la maladie à la santé, grâce à sa joie et à sa confiance. Si donc un médecin, pour accroître le prestige de sa consultation, pour exciter chez le malade l’espoir et la confiance, agit ainsi qu’il vient d’être dit, et non par tromperie, mais simplement pour faire espérer la guérison (toujours d’après le médecin Constantin), il n’y a rien de mal là-dedans. »

Epistola de secretis operibus naturae et artis et de nullitate magiae
Traduction Albert Poisson, Ed Chamuel (1893) – Roger Bacon


En restant au Moyen Âge et sur ces stratégies de prescription médicale qui sortent du strict champ de l’efficacité posologique, on pourrait encore rapprocher ces aspects de certaines recommandations d’Avicenne pour étudier finement les origines « psychologiques » de certains maladies, mais même encore plus pertinemment de certaines de ses stratégies thérapeutiques pour influer favorablement sur le moral de ses malades, en vue de faciliter leur rémission.

Pour plus d’information sur cette lettre de Roger Bacon, vous pouvez vous reporter à l’article suivant.

En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric Effe.
Pour moyenagepassion.com.
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NB sur l’image d’en-tête : l’enluminure, en arrière plan de la gravure de Roger Bacon, est tirée du manuscrit médiéval MS 457 (Avicennae Canon. Gerardus Cremonensis), conservé à la Bibliothèque municipale de Besançon (consultable en ligne). Il s’agit de la reproduction datée du XIIIe siècle d’une traduction latine du Canon d’Avicenne, attribuée à Gérard de Crémone (1114-1187) .

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