Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : événement, festival, musiques anciennes, musiques médiévales, patrimoine, églises romanes, Ars Nova, chants polyphoniques, chants de troubadours, concerts. Evénement :Festival Voix et Route Romane, « l’Alpha et l’Omega, une Histoire du Temps » Dates : du 31 août au 23 septembre 2018 Lieu : Alsace, itinérant, (route, romane)
Bonjour à tous,
noter, dors et déjà, sur l’agenda médiéval, un grand festival exclusivement consacré à la musique en provenance du moyen-âge. Il a pour nom le Festival Voix et Route Romane et il s’agit de sa 26e édition. Cet événement s’étire sur la durée d’un mois, de la fin août à la dernière semaine de septembre, et, au titre de ses particularités, il faut noter qu’il est itinérant. En suivant la route romane d’Alsace, il propose, en effet, des concerts de choix au sein de ses plus belles églises et à la découverte d’un patrimoine monumental souvent peu connu de cette région.
Depuis sa création, en 1992, par le Conseil régional d’Alsace et la Délégation régionale au Tourisme, ce bel événement culturel, à la croisée de la musique et de l’architecture romane du moyen-âge central, a reçu près de quatre-vingt-dix ensembles spécialisés dans le répertoire médiéval, parmi les plus prestigieux d’Europe. Au fil des années, il s’est imposé comme l’un des plus grand festival du genre en France. Il est, encore, et c’est une autre de ses originalités, l’un des seuls à proposer une programmation uniquement dédiée aux musiques du moyen-âge.
L’Alpha & l’Omega
Art des troubadours, Ars nova, chants polyphoniques et bien plus encore
« Je suis l’alpha et l’oméga, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout Puissant »(Apocalypse 1, 8 ).
Le thème choisi, cette année, est l’Alpha et l’Omega. Il vient clore un cycle autour de l’Histoire du temps, initié par le festival, à l’occasion de ses deux précédentes éditions. Venues de la France entière, mais encore d’Espagne, de République Tchèque et de Belgique, les formations conviés, pour cette 26ème édition, proposerons ainsi de grands concerts, récitals ou spectacles, en relation avec ce thème.
Entre l’Alpha et l’Omega, « le début et la fin » de cette histoire du temps, on pourra y découvrir de véritables fleurons de la musique médiévale. Thème oblige, ce voyage musical s’aventurera jusqu’aux rives du moyen-âge tardif et à la lisière de la renaissance : des chants d’amour courtois des troubadours du XIIIe siècle aux chants polyphoniques de l’Ars nova, en passant par l’Ars Antiqua du XIIe siècle ou encore l’exploration du culte marial au moyen-âge central, dans le bassin méditerranéen. Pour ne citer qu’une autre des nombreux prestations prévues, on aura même l’occasion d’y revisiter les Cercles de l’Enfer de Dante dans un ambitieux spectacle, mêlant narration, effets visuels et musique, proposé par la troupe La Camera delle Lacrime ,
Les formations & les concerts
Diabolus in Musica – Musica Nova – Irini – La Camera delle Lacrime – Tasto Solo – Tibutirna Ensemble & David Dorůžka Trio – Dialogos – Comet Musicke – La Note Brève – Huelgas Ensemble
Pour découvrir toute l’étendue, la richesse et l’originalité du programme concocté pour cette édition 2018 du Festival Voix et Route Romane, nous en pouvons que vous inviter à consulter son site officiel et son programme très détaillé.
Sujet : citations médiévales, moyen-âge central, sagesse persane, Saadi, poésie morale, conte moral, morale politique. Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Mocharrafoddin Saadi (1210-1291) Ouvrage : Gulistan, le jardin des roses traduit par Charles Defrémery (1838)
Bonjour à tous,
ous poursuivons, aujourd’hui, notre exploration de la sagesse persane du moyen-âge central avec un conte de Mocharrafoddin Saadi. Cette historiette est extraite du premier chapitre de son Gulistan et touche la conduite des rois et les devoirs du prince.
Nous sommes donc dans le champ de la morale politique et le conteur y soulève l’idée que le monarque est au service de ses sujets et non l’inverse. En dehors du monde perse et oriental, on recroisera cette idée de « justice sociale » ou pour emprunter les mots de Saadi, d’un monarque, « sentinelle des pauvres » chez nombre de moralistes et d’auteurs du moyen-âge.
Même si elle sera loin d’être toujours mise en application du côté des couronnes, on la retrouvera, tout de même, clairement en germe chez Saint-Louis et elle fera encore son chemin dans les miroirs de princes de l’occident médiéval. Sur ce dernier point, et pour n’en citer qu’un exemple emprunté au moyen-âge tardif, elle sera notamment très clairement exposée, dans les courants du XVe siècle par un auteur comme Jean Meschinot et ses lunettes de princes :
« Croy tu que Dieu t’ayt mis à prince Pour plaisir faire à ta personne ? Las! je ne sçay se as aprins ce*, (*si tu as appris cela) Mais le vray bien autre part sonne, Et ton nom à l’effect consonne, Le roy gouverne et le duc main, Servans à créature humaine. » Les lunettes des princes (extrait) Jean Meschinot (1420 – 1491)
Vingt-huitième historiette « touchant la conduite des rois. »
n derviche, voué au célibat, était assis dans un désert. Un monarque passa auprès de lui. Le derviche, par la raison que l’insouciance est l’apanage de la modération des désirs, n’éleva point la tète et ne fit point attention.
Le roi, à cause de la violence inhérente à la souveraineté, se mit en colère et dit : « Cette troupe d’hommes qui revêtent le froc ressemblent à des brutes. »
Le vizir dit : « O derviche, le monarque de la surface de la terre a passé auprès de toi; pourquoi ne lui as-tu pas rendu les hommages et n’as-tu pas accompli le devoir de la politesse ? »
Le derviche repartit : » Dis au roi : Espère l’hommage d’une personne qui espère des bienfaits de toi. Et désormais sache que les rois sont faits pour la garde des sujets, non les sujets pour obéir aux rois. «
Distique : Le monarque est la sentinelle du pauvre, quoique les richesses s’obtiennent par sa puissance et par sa somptuosité. La brebis n’est point faite pour le pasteur, bien au contraire, le pasteur est fait pour la servir.
Autre. Aujourd’hui, tu vois un homme fortuné, et un autre, le coeur malade de ses efforts inutiles ; attends un petit nombre de jours, jusqu’à ce que la terre dévore la cervelle d’une tète qui médite des projets insensés.
Autre. « La différence entre la royauté et la servitude a disparu lorsque le destin écrit (là-haut) est survenu. Si quelqu’un ouvre la sépulture des morts, il ne reconnaîtra pas le riche du pauvre. »
Le discours du derviche parut solide au roi qui lui dit : « Demande-moi quelque chose. » Il répondit : « Je demande que désormais tu ne me donnes point de désagrément. » Le roi reprit : » Donne-moi’un conseil. » Il répliqua : « Maintenant que les richesses sont dans ta main, comprends que cette puissance et ce royaume passent de main en main. »
Extrait de Gulistan, le jardin des roses, traduit par C Defrémery (1838)
Pour autant qu’elle date de près de huit siècles et même si les monarques ont laissé leur place dans nombre d’endroits du monde occidental, à des hommes de pouvoir élus, la morale de ce conte du sage Saadi qui remet les pendules à l’heure sur l’exercice politique et ses fondements devrait, plus que jamais, demeurer inscrite, en lettres de feu, au frontispice de nos lieux de pouvoir.
Une belle journée à tous.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du Moyen-âge sous toutes ses formes.
Sujet : musiques anciennes, inspiration médiévale, folk, ethno-musicologie, musiques traditionnelles, vielle à roue, danse médiévale, Russie. Titre : Medieval Dance. Hurdy-Gurdy Solo Compositeur/ Interprête : Andrey Vinogradov Album : Music For Hurdy-Gurdy, 2016. Média : chaîne youtube officielle de l’artiste
Bonjour à tous,
près être passé par le jazz classique et le jazz rock, Andrey Vinogradov, compositeur, vielliste, pianiste et multi-instrumentiste russe, originaire de l’Oural, a décidé, depuis les années 2000, de se consacrer aux musiques anciennes et traditionnelles au sens large. Il couvre ainsi un répertoire très personnel, à la fusion des musiques du moyen-âge, aux musiques plus folk et ethniques.
Sur la partie la plus médiévale de ses inspirations, les titres, composés et arrangés par ses soins, ne sont pas, la plupart du temps, issus directement de cette période mais en sont plutôt inspirés ou évocateurs. Pour autant, le résultat est au rendez-vous et on en jugera avec la pièce que nous partageons de lui, aujourd’hui. Elle est intitulée « Danse médiévale » et elle donne un échantillon de ses talents de compositeur, autant que de vielliste.
Danse médiévale par Andrey Vinogradov
Vielle à roue et musiques folk et ethniques
Cette danse médiévale est tirée d’un album de 2016 ayant pour titre « Music For Hurdy-Gurdy » (Musique pour vielle à roue). Cette production se situe au carrefour et à la rencontre de chants traditionnels slaves (auxquels la chanteuse Natalia Serbina prête sa voix) et de compositions originales d’inspiration plus médiévale de Andrey Vinogradov et sa vielle à roue.
L’album est à ce jour disponible au format Import et même MP3 dématérialisé. Si vous souhaitez plus d’informations, en voici le lien Music for Hurdy-Gurdy by Andrey Vinogradov
S’il ne s’est pas cantonné à la vieille à roue par le passé, le maître de musique a déjà produit plusieurs albums dans la même veine. Deux d’entre eux s’intéressent notamment aux traditions musicales russes anciennes, autour de l’instrument.
Chants sacrés, chants traditionnels et chants de mendiants russes à la vielle à roue
Comme l’Ukraine et d’autres pays slaves, dans les siècles passés, la Russie a bien connu l’usage de la vielle à roue. Elle fut, en effet, utilisée pour les chants sacrés orthodoxes mais aussi par des mendiants et artistes itinérants qui couraient le pays en quête de leur pitance, en chantant et en s’accompagnant de l’instrument. Andrey Vinogradov a consacré un album complet sur chacun de ces thèmes : l’album Russian Hurdy-Gurdy Tunes, sorti en 2007, sur les chants sacrés ou traditionnels russes et l’album Russian Strolling Beggars Tunes, sur les chants de mendiants, sorti en 2013.
On notera encore, parmi ses autres expériences dans le domaine de l’Ethno-musicologie expérimentale, un album intitulé Ethno-Mirages (2013), à la rencontre de cultures et d’ethnies de l’Europe celte, de la méditerranée, mais aussi de l’Inde et de l’Asie.
Sujet : poésie médiévale, littérature médiévale, auteur médiéval, ballade médiévale, poésie morale, poésie réaliste, ballade, moyen-français, humour. Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Je suis de Paupere Regno» Ouvrage : Œuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V. Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous vous proposons un retour au moyen-âge tardif, avec une ballade d’Eustache Deschamps. Cette poésie est titré « Ballade sur sa pauvreté » dans les Œuvres complètes d’Eustache Deschamps du Marquis de Queux-Saint-Hilaire. Elle est intéressante parce que l’auteur médiéval se place, ici au centre du texte pour conter ses propres déboires ou misères. Elle viendra, ainsi, alimenter un certain nombre de réflexions déjà conduites, sur la mise en scène du « Je » dans les poésies réalistes ou satiriques du moyen-âge, comme on en trouve, par exemple, chez Rutebeuf, Villon, Meschinot, Michault Taillevent, et quelques autres.
On a souvent cherché à déterminer quel était le premier poète ou s’il existait même un pionnier médiéval de ce « courant » qui a consisté, pour un auteur à replacer sa propre subjectivité et ses propres misères au cœur du texte. S’il semble indéniable que Rutebeuf en soit un digne représentant, et sauf à questionner les dosages faits du procédé par un certain nombre d’auteurs au sein de leurs œuvres, il faut sans doute plus parler d’une « émergence progressive » et peut-être même, plus encore, d’une « tradition » d’une innovation attribuable à un auteur en particulier.
Quoiqu’il en soit, Eustache Deschamps a laissé un grand nombre de ballade de ce type ; on peut citer, entre autres exemples de thèmes abordés : son apparence, ses misères physiques, sa vieillesse, mais encore le peu de reconnaissance dont il souffre pécuniairement et /ou « socialement » contre tous les services rendus aux diverses têtes couronnées, etc…
Pauvreté et misères « de classe »
dans la poésie médiévale
Du point de vue du thème, c’est un constat et une « complainte » sur sa propre pauvreté que l’auteur médiéval nous distille ici. Concernant la réalité qu’elle recouvre, même s’il est a supposer que cette ballade fut écrite à la faveur d’une mauvaise conjoncture, il faut sans doute en relativiser le propos ou, au moins, remettre sociologiquement en perspective cette « pauvreté » à laquelle elle fait référence, en se souvenant que la poésie médiévale est, dans sa grande majorité, longtemps demeurée l’apanage de la noblesse au sens large, fut-elle aussi petite ou modeste, que grande, puissante et fortunée.
Aussi, sans nier la nature « douloureuse » des misères ou des difficultés d’un Rutebeuf ou d’un Eustache Deschamps (qui sont sûrement, par ailleurs, déjà différentes entre elles, du point de vue du statut, des causes et des degrés), ces déconvenues ou ces déboires ne sont pas non plus, tout à fait, les mêmes que ceux que connaissent alors les classes très pauvres ou très miséreuses du moyen-âge. Pour n’en donner que quelques arguments et sans expédier trop hâtivement le bien-fondé ou les apparences (en suivant les conseils de notre ballade du jour), on sait tout de même, à travers la lecture de leurs autres poésies, et pour ne parler que de ces deux poètes, qu’ils ont, par ailleurs, possédé des maisons, des valets ou même des servantes, des chevaux, etc… Des soldes régulières ? On sait qu’Eustache en perçut, à quelques rares périodes près. Pour Rutebeuf, il est difficile de l’affirmer puisqu’on ne sait pratiquement rien de ses autres occupations, ni si l’en avait (à le lire, il semble que non).
Bien sûr, un certain statut social entraînent les frais et les conditions qui leur sont afférents et il demeure toujours possible de se trouver en situation délicate même en étant socialement privilégié, autant que d’en ressentir une détresse véritable, mais, pour en avoir une vision claire, on comprend bien que la notion de « pauvreté » doive tout de même être, ici, un peu bordée. Cette nuance apportée, on notera, au passage, que cette dernière (la véritable pauvreté de classe au sens social véritable) est un spectre qu’agite, à d’autres reprises et dans d’autres ballades, Eustache Deschamps; il montre même, à ces occasions, une conscience particulièrement aiguë de sa terrible réalité.
Ou lieu trop bas qui est assis en plaine Ne se doit nulz tenir pour mendier. Car povreté est reprouche certaine. Et si n’est homs qui vueille au povre aidier; (Voir Benoist de Dieu est qui tient le moien).
ou encore
Car a suir la guerre aux champs Ont touz maulx, toutes povretez, Faim, froit, soif, chault, logis meschans, Et s’en sont pluseurs endebtez Et mainte foiz déshéritez, Mors, occis, en destruction Ou hais, pour la fraction Que pluseurs font qui se desrivent En pillant par extorcion : Je ne sçay comment telz gens vivent.
Pour être clair encore sur les intentions derrière cette mise en scène littéraire « du je et de ses déboires », et sur leur contexte, il faut aussi ajouter que ce type de récits ou narrations prend bien souvent, chez nombre de ces auteurs médiévaux qui fréquentent les cours ou leur entourage, la forme d’appels du pied en direction de leur protecteur ou de la plus haute noblesse, pour en obtenir quelque « chevance » ou quelques honneurs ou grâces. Les deux derniers vers de cette ballade d’Eustache Deschamps semblent bien devoir l’inscrire, sans équivoque, dans cette tendance :
« Pensez y bien, grant et meneur : Je suis de paupere regno ».
Pour le reste, cette poésie lui fournit l’occasion d’expliquer qu’au delà des apparences, il ne possède, en réalité, pas grand chose. On notera d’ailleurs ici que le ton change, en comparaison de quelques autres de ses textes dans lesquels il rendra responsable de ses misères et de sa condition, les jeux de cour, ou même encore, au moins entre les lignes, une certaine ingratitude des puissants. Ici, il privilégie un autre angle et se donne plutôt le beau rôle, en nous expliquant que c’est parce qu’il sert, qu’il est foncièrement charitable et qu’il dépense sans compter, dans ce sens, pour femme et jeunes enfants, qu’il est le « roi des pauvres ». La noblesse du chevalier et ses valeurs ne sont donc pas très loin.
« J’ay servi, dont je suis meschans, Sanz cueillir ne feuille, ne fleur, Vielle femme et jeunes enfans
« Je suis de paupere regno »
Quant au refrain, mâtiné de latin, de cette ballade « Je suis de paupere regno », l’usage qu’en fait Eustache Deschamps, soulève un certain nombre de questions. On peut le traduire par « je suis du royaume des pauvres » ou même plutôt « je suis de pauvre royaume », et même encore « Je suis le roi des pauvres » (cette dernière traduction étant empruntée à l’ouvrage Les « Dictez vertueulx » d’Eustache Deschamps, Forme poétique et discours engagé à la fin du Moyen Âge, Miren Lacassagne et Thierry Lassabatère, Sorbonne 2005)
Est-ce une simple forme d’élégance stylistique ? Une référence faite au poète Stace, qui, au premier siècle de notre ère, écrivait, en parlant de Thèbes : « Bellum es de paupere regno » ? Est-ce encore une façon, pour l’auteur, de renvoyer à la nature académique de son éducation en l’opposant, ici, à sa pauvre condition ? (ie bien qu’éduqué et connaissant mon latin, je suis pourtant le premier des pauvres). Sans aller jusqu’à l’humour désopilant, est-ce enfin, une note légère en relation avec cette référence classique, un espace de respiration permettant d’atermoyer un peu la nature du propos et d’y introduire un soupçon de distance (que le ton général de la ballade ne ménage pas) ou, au contraire, une manière de lui donner, une note sentencieuse et une profondeur classique ? Nous ne nous aventurerons pas à trancher mais quelques grandes pistes sont, en tout cas, posées.
Je suis de paupere regno
« Ballade sur sa pauvreté »
Chascuns me dit que je suis grans Et que je fais bien le seigneur Et que j’ay grant nombre de frans; Helas ! dont me vient ceste honneur ? Pour ce qu’om me voit en tristeur Et que je suis comme nemo, L’en se moque de ma doleur : Je suis de paupere regno.
S’en deviens pensis et pesans, Car ceuls qui bien gardent le leur Ont prez, terres, vignes et champs Et se vivent de leur labour, Et je me voy au lit de plour Par trop despendre et gaingner po. Mais j’ay mis le plus beau defueur* (dehors): Je suis de paupere regno.
J’ay servi, dont je suis meschans* (malheureux), Sanz cueillir ne feuille, ne fleur, Vielle femme et jeunes enfans Qui m’ont faicte mainte langour Sanz remerir* (récompenser), de quoy je plour, Quant je n’ay ne recept ne tro* (cachette); Pensez y bien, grant et meneur : Je suis de paupere regno.
En vous souhaitant une excellente journée !
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.