Archives de catégorie : Musiques, Poésies et Chansons médiévales
Vous trouverez ici une large sélection de textes du Moyen âge : poésies, fabliaux, contes, chansons d’auteurs, de trouvères ou de troubadours. Toutes les œuvres médiévales sont fournis avec leurs traductions du vieux français ou d’autres langues anciennes (ou plus modernes) vers le français moderne : Galaïco-portugais, Occitan, Anglais, Espagnol, …
Du point du vue des thématiques, vous trouverez regroupés des Chansons d’Amour courtois, des Chants de Croisade, des Chants plus liturgiques comme les Cantigas de Santa Maria d’Alphonse X de Castille, mais aussi d’autres formes versifiées du moyen-âge qui n’étaient pas forcément destinées à être chantées : Ballades médiévales, Poésies satiriques et morales,… Nous présentons aussi des éléments de biographie sur leurs auteurs quand ils nous sont connus ainsi que des informations sur les sources historiques et manuscrites d’époque.
En prenant un peu le temps d’explorer, vous pourrez croiser quelques beaux textes issus de rares manuscrits anciens que nos recherches nous permettent de débusquer. Il y a actuellement dans cette catégorie prés de 450 articles exclusifs sur des chansons, poésies et musiques médiévales.
Sujet : musiques anciennes, folk, musiques traditionnelles, vielle à roue, balade nordique, Russie. Titre : Northern Ballad, Hurdy-Gurdy Solo Compositeur/ Interprête : Andrey Vinogradov Album : Music For Hurdy-Gurdy, 2016. Média : chaîne youtube officielle de l’artiste
Bonjour à tous,
près un premier article détaillé sur le compositeur, multi-instrumentiste et joueur de vielle à Roue Andrey Vinogradov, nous ne résistons pas à partager de nouveau ici, une vidéo issue de sa chaîne youtube.
Il nous entraîne, cette fois-ci, dans une ballade nordique aux sonorités plus folk que médiévales dont on peut se dire, en l’écoutant, qu’elle pourrait tout à fait trouver sa place dans un univers médiéval-fantastique, fait de légendes nordiques et celtiques revisitées, à la façon de JRR Tolkien (cf le Seigneur des Anneaux ou le Hobbit réalisé par Peter Jackson. )
Pour avoir un aperçu de l’album dont est tirée cette pièce ou même pour l’acquérir, vous trouverez plus de détails sous ce lien : Music for Hurdy-Gurdy [Import USA]
Une balade nordique à la vièle à roue par Andrey Vinogradov
En vous souhaitant une belle journée.
Fred
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Sujet : poésie médiévale, fable médiévale, langue d’Oil, vieux français, anglo-normand, auteur médiéval, ysopets, poète médiéval, oppression Période : XIIe siècle, moyen-âge central. Titre : Coment un Bretons ocit grant compeignie de Brebis ou Le voleur et les brebis Auteur : Marie de France (1160-1210) Ouvrage : Poésies de Marie de France Tome Second, par B de Roquefort, 1820, Les Fables de Marie de France par Françoise Morvan
Bonjour à tous,
ous reprenons, aujourd’hui, le fil des fables de Marie de France. Cette fois-ci, la poétesse médiévale nous invite à une réflexion profonde sur la passivité et l’absence de résistance, face à la tyrannie ou au crime.
On notera que le « breton » qu’on retrouve dans le titre original de cette fable, mais aussi dans le texte (« bret ») s’est changé en loup dans certains manuscrits. Comme le personnage en question tient ici le mauvais rôle, celui du voleur et du boucher, il est difficile de dire s’il faut y voir la trace des longs conflits ayant opposé les normands aux bretons. C’est assez étonnant du reste quand on sait, que Marie de France est réputée s’être directement inspirée, par ailleurs, de nombre d’histoires bretonnes dans ses lais.
En suivant les traces du Dictionnaire histoire de la langue françoise de son origine jusqu’à Louis XIV, par La Curne de la Sainte-Pelaye et bien que la référence soit plus tardive, on apprend encore (sur la base des Serées de Guillaume Bouchet, auteur du XVIe) que l’expression pour le moins disgracieuse : « breton, larron » était en usage à une certaine époque. Etait-ce déjà le cas au XIIIe siècle ? Nous serions, là aussi, bien en peine de l’affirmer.
Quoiqu’il en soit, dans les reprises de cette fable par certains auteurs (Legrand d’Aussy, Denis-Charles-Henry Gauldrée de Boilleau) et sous diverses formes (résumé, imitation, etc) à partir du XIXe siècle et jusqu’à ses traductions plus récentes (Françoise Morvan, 2010), le « breton » originel quand il ne s’est pas mué en loup, s’est changé en Larron ou en voleur, ce qui permet, au passage, d’apprécier cette histoire avec bien plus de hauteur.
Par souci de restitution, nous vous proposons, de notre côté, la version originale de cette fable telle que donnée par Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort, dans ses Poésies de Marie de France (1830). Comme le vieux-français, mâtiné d’anglo-normand de la poétesse peut s’avérer assez ardu, par endroits, nous l’avons copieusement annoté, afin de vous donner des clés de vocabulaire utiles à sa compréhension.
Coment un Bretons
ocist grant compeignie de Brebis
Jadis avint k’en un pasquis* (pâturage) Ot grans cumpengnies de Berbis. Un Bret s’aleit esbanoier* (se divertir) Parmi le chams od sa Moulier* (avec sa femme) . Les Berbiz sans garde truva, Une en ocist, si l’empurta ; E chascun jur i reveneit Si les oicioit è porteit. Les berbis mult s’en currecièrent* (courroucer), Entr’aus* (entre elles) distrent è cunseillièrent Que ne se volrunt* (vouloir) pas deffendre Par droite iror* (mécontentementjuste ou justifié) se lerunt prendre, Ne jà ne se desturnerunt Ne pur rien môt ne li dirunt. Tant atendirent lor Berchun* (berger) Qe ni remest fors*(qu’il ne resta qu’un seul) un Moutun; Qui tus seus* (seul) se vi sans cumpengne Ne pot tenir que ne s’en plengne. Grant lasqueté, fet-il, féismes, E mult mavais cunssel préismes, Qant nus grant cumpaigne estiens Et quant nus ne nus deffendiens Verz chest Homme qui à grant tort Nus a tus pris è trait à mort
Moralité
Pur ce dit-um en reprovier* (blâmer), Plusour ne sevent damagier* (causer du tord) Ne contrester*(s’opposer à) lur anemis Qu’il ne face à auz le pis. (même quand il leur fait subir le pire)
Poésies de Marie de France par Jean-Baptiste-Bonaventure de Roquefort
Aux origines
On trouve, chez Phèdre, une fable semblable dans ses grandes lignes. Elle est intitulée : les béliers et le boucher(Vervescet (ou Arietes) et Lanius). En voici une traduction :
« Ceux qui ne s’accordent pas entre eux se perdent, comme le narre la fable qui suit.
Aux moutons assemblés s’étaient joints les béliers. Voyant le boucher entrer parmi eux, ils se turent. Même quand ils voyaient l’un d’eux pris, entraîné et massacré par la main meurtrière du boucher, ils n’avaient nulle crainte et disaient sans se garder : « il ne me touche pas, il ne te touche pas non plus, laissons-lui prendre celui qu’il entraîne. »
Ainsi furent-ils pris, un à un, jusqu’à ce qu’il n’en resta plus qu’un seul. En se voyant saisir, on prétend qu’il dit au boucher : » Nous avons bien mérités d’être égorgés l’un après l’autre par toi seul, car, dans notre inertie, nous avons manqué de prévoyance pour nous, puisque, quand rassemblés en un cercle cornu, nous t’avons vu debout, au milieu de notre foule, nous ne t’avons pas tué en t’écrasant et en te fracassant ».
Cette fable démontre que le méchant détruit quiconque ne s’est pas mis en sûreté et temps voulu. »
Arietes et Lanius, Phèdre et ses fables, Léon Hermann (1950)
Une éternelle mécanique de l’oppression
D’après Léon Herrman (op cité), cette histoire ferait clairement allusion à la Conjuration de Pison dont elle est contemporaine. En 65 après JC, Néron avait, en effet, déjoué un complot mené contre lui par divers nobles, familiers et politiques ayant, à leur tête, un sénateur du nom de Pison. La tentative d’assassinat et de renversement de l’empereur n’aboutit pas puisque ce dernier élimina, un par un, ses opposants.
Pour autant qu’elle puisse, peut-être, prendre racine sur ces faits historiques, cette fable demeure intemporelle en ce qu’elle met en valeur une mécanique de l’oppression bien connue et dont les tyrans ont toujours su tirer avantage. Pour n’en citer qu’un autre exemple, on ne peut s’empêcher de penser, ici, à cette célèbre poésie du pasteur Martin Niemöller (1892–1984) qui, après sa libération des camps nazis, à la fin de le seconde guerre mondiale, s’était exprimé sur les réactions des intellectuels allemands au moment des purges opérées, dans leurs rangs, par le IIIe Reich, après sa montée au pouvoir.
« Quand les nazis sont venus chercher les communistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas communiste. Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas social-démocrate. Quand ils sont venus chercher les syndicalistes,
je n’ai rien dit,
je n’étais pas syndicaliste. Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. » Martin Niemöller (1892–1984)
Lâcheté, individualisme ? Ou, comme ici, colère rentrée et choix de la dignité silencieuse contre la barbarie, quelque soit le fond, à travers les siècles, le résultat profite toujours à l’oppresseur.
La traduction moderne des fables
de Marie de France, par Françoise Morvan
Pour revenir à nos moutons (désolé, je n’ai pu l’éviter), nous en profitons pour attirer votre attention sur les ouvrages de Françoise Morvan et son travail d’adaptation de l’oeuvre de Marie de France.
Sortis en 2008, les lais, suivis des fables en 2010, proposaient, en effet, la redécouverte des écrits de la poétesse des XIIe, XIIIe siècles dans la langue de Molière. Les deux ouvrages sont toujours disponibles en ligne et vous pourrez trouver celui qui concerne les fables au lien suivant : Les Fables de Marie de France, traduite par Françoise Morvan.
Pour vous en donner une idée, voici une belle traduction, adaptation de la fable du jour, sous sa plume.
Le voleur et les brebis
Un beau jour, dans une prairie, Paissait un troupeau de Brebis. Un boucher et sa femme, allant Se promener à travers champs, Virent ces Brebis sans berger : L’une, tuée, fut emportée… Chaque jour, il revient au champ. Là, il choisit, il tue et prend. Les Brebis en fureur s’assemblent Et décident, toutes ensemble, De résister sans se défendre : De rage, on se laissera prendre Sans dire mot, par dignité. Plutôt mourir que protester. Si souvent revient le glouton Qu’il ne resta qu’un seul Mouton. Quand il se vit seul dans la plaine, Il ne put retenir sa peine : « Oui, ce fut grande lâcheté Et nous fûmes mal avisés, Nous qui étions si nombreux, d’attendre Et refuser de nous défendre Contre ce boucher sans remords Qui nous aura tous mis à mort. »
Moralité
Ainsi faut-il, dit-on, blâmer Ceux qui se laissent opprimer Sans empêcher leurs ennemis De leur faire un mauvais parti.
Les Fables de Marie de France, traduites par Françoise Morvan.
En vous souhaitant une très belle journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : poésie médiévale, littérature médiévale, auteur médiéval, ballade médiévale, poésie morale, ballade, moyen-français Période : moyen-âge tardif, XIVe siècle Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406) Titre : « Il me souffist que je soye bien aise» Ouvrage : Oeuvres complètes d’Eustache Deschamps, Tome V. Marquis de Queux Saint-Hilaire, Gaston Raynaud (1893)
Bonjour à tous,
ans les oeuvres complètes d’Eustache Deschamps par le Marquis de Queux Saint-Hilaire et Gaston Raynaud (Tome 5), la ballade que nous vous présentons aujourd’hui se trouve titrée « Eloge de la tranquillité d’esprit« . En réalité, on aurait tout aussi bien pu la nommer « ballade contre la convoitise et/ou l’ambition démesurée d’avoirs et de pouvoirs » : toutes choses auxquelles s’adonnent les nobles et les puissants de son siècle et qu’Eustache Deschamps n’aura de cesse de pointer du doigt.
« Il me souffist que je soye bien aise » : on peut lire, tout à la fois, dans l’expression qui scande cette poésie, la notion de confort, commodité, contentement, tranquillité et, sous le ton léger de celui qui sait se satisfaire de choses simples, le poète du XIVe en profite, au passage, pour nous donner, en filigrane, une définition satirique des valeurs dévoyées de son temps, en se livrant, une fois de plus, à un exercice de moralité.
On notera que si la non transgression de ces valeurs reste ( moyen-âge occidental oblige), trempée de morale chrétienne, elles sont ici, en quelque sorte, intériorisées puisque leur récompense vient se placer sous le signe du confort « psychologique » (paix, tranquillité d’esprit, etc…) que l’on y gagne et non plus sous la menace d’une punition divine éventuelle.
Bien sûr, on retrouve encore, entre les lignes de ce texte, une variation sur la médiocrité dorée (Aurea Mediocritas) chère à Eustache Deschamps. « Savoir se contenter » est l’un de ses aspects et pas le moindre. Si elle puise ses racines chez les poètes antiques, cette éloge de la « voie moyenne », reprise par l’auteur, aux comptes des valeurs chrétiennes, demeure indubitablement, pour lui, une ligne de conduite « positive », au coeur de cette tenue morale. Si ce contentement tout relatif pourrait être, sans doute, décrit comme « bourgeois » en ce qu’il suppose que l’on ait déjà atteint un niveau « suffisant » pour s’en satisfaire, il ne faut pas non plus omettre que le poète médiéval l’adresse ici, vers le haut, aux plus riches et puissants que lui.
« Il me souffist que je soye bien aise »
Éloge de la tranquillité d’esprit.
Chascuns parle de chevance* (biens, possessions) acquérir, D’avoir estât* (position sociale importante), puissance et renommée, Qu’om se voye de pluseurs requérir* (être sollicité recevoir des requêtes), Qu’om ait honeur qui tant est désirée : C’est tout triboul* (tourment) et labour* (travail) de pensée; Je ne vueil rien au cuer qui me desplaise, Mais en passant de journée en journée, Il me souffist que je soye bien aise.
Des faiz de nul ne vueil ja enquérir, Ne d’autruy biens avoir la teste emflée, Ne moy tuer pour terre conquérir; Si riche n’est qui ait que sa ventrée! (1) Pour sens avoir ne vueil langue dorée,(2) Ne pour honeur tant soufrir de mesaise; Tous telz estas* (de telles choses) n’est que vent et fumée : Il me souffist que je soie bien aise.
Ne sçay je bien qu’il fault chascun mourir? Sanz espargnier personne qui soit née, Nature fait tout homme a mort courir; C’est sanz rapel, par sentence ordonnée* (irrévocable). Pour quoy est donc vie desordonnée, Pour acquérir la chevance mauvaise ? Fy de l’avoir et richesce emmurée* (entourée de murs)! Il me souffist que je soye bien aise.
L’envoy
Prince, on se doit en ce monde esjouir, Garder* (respecter) la loy, a Dieu faire plaisir Sanz convoiter ne faire euvre punaise* (action condamnable, puante) ; Qu’om face bien, et se doit on tenir A ce qu’om a, et pour vray soustenir :(3) Il me souffist que je soye bien aise.
(1) Si riche n’est qui ait que sa ventrée! Pour riche que l’on soit on ne peut manger au delà de sa propre capacité.
(2)Pour sens avoir ne vueil langue dorée : pour conserver mon bon sens, pour être censé, je ne veux pas user de mots trompeurs.
(3) Pour bien faire il faut s’en tenir à ce qu’on a, et pour rester dans le vrai:
En vous souhaitant une excellente journée !
Fred
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Sujet : musique médiévale, Cantigas de Santa Maria, galaïco-portugais, culte marial, miracles, Sainte-Marie, vierge, moyen-âge chrétien, Espagne médiévale Période : moyen-âge central, XIIIe siècle Auteur : Alphonse X (1221-1284) Ensemble : Alla Francesca, Brigitte Nesle. Titre : Cantiga 7 « Santa Maria amar » Album : Cantigas (2000, opus 111)
Bonjour à tous,
ujourd’hui, nous continuons de suivre le fil des Cantigas de Santa-Maria et, à travers elles, celui du culte marial dans l’Europe du moyen-âge central. Au programme, la Cantiga 7 par le menu, avec son adaptation-traduction et une belle interprétation de l’ensemble médiéval Alla Francesca.
Le miracle de l’abbesse tombée enceinte, puis délivrée et graciée
C’est un autre récit de Miracle qui nous est proposé ici. Son histoire est d’autant plus intéressante qu’elle nous présente une Sainte Vierge dont la justice et la compassion tranchent, au dessus des lois des hommes, cela nous le savions, mais, dans le cas précis et comme nous le verrons, au dessus même de celles de l’église et de sa hiérarchie.
Il y est question d’une abbesse ayant fauté, puisque, nous conte le poète, elle était tombée malencontreusement enceinte de son intendant, ce qui, pour une religieuse, a fortiori de son rang, était d’assez mauvais effet. De fait, dénoncée auprès de l’évêque du cru par les autres nonnes auxquelles la grossesse n’avait pas pu échapper, l’infortunée pécheresse que le démon avait tentée, fut sommée par le haut dignitaire (arrivé de toute urgence pour la confondre), de s’en expliquer devant lui.
La religieuse en appela alors à la vierge et l’histoire nous dit qu’elle s’endormit et que, comme dans un songe, la Sainte lui apparut et accomplit un miracle. En lui accordant sa grâce, elle la délivra, en effet, de l’enfant et manda ce dernier à Soissons afin qu’il y soit élevé. Et quand l’abbesse ouvrit les yeux, au sortir de cette vision, l’évêque lui demanda de se dénuder devant lui, afin d’établir la preuve irréfutable du pêché. Elle s’exécuta alors et l’homme de foi, ne put trouver, là, aucune trace de progéniture, de grossesse ou d’enfantement. L’enfant était sauvé et la vierge avait amendé la religieuse qu’elle savait être une de ses grandes fidèles.
L’histoire dit encore que l’évêque fustigea les nonnes pour avoir accusé injustement leur abbesse et qu’il ne put qu’accorder à cette dernière son salut, en retirant l’allégation fallacieuse qu’il était venu porter.
La Cantiga Santa Maria 7 par l’ensemble Alla Francesca
Les Cantigas de Santa Maria
par l’Ensemble Alla Francesca
Dans le courant de l’année 2000, Alla Francesca, grandeformation spécialisée dans les musiques en provenance du monde médiéval dont nous avons déjà parlé par ailleurs, proposait au public un album ayant pour titre « Cantigas » consacré aux Cantigas de Santa-Maria du roi Alphonse X de Castille.
Enregistré à l’Église luthérienne Saint-Jean de Grenelle de Paris, fin 1999, ce bel album contient pas moins de dix-sept d’entre elles. Du côté distribution, on peut encore le trouver au format CD ou dématérialisé (MP3) au lien suivant : Cantigas par Alla Francesca
Cantiga de Santa Maria 7
adaptation traduction en français moderne
Esta é como Santa Maria livrou a abadessa prenne, que adormecera ant’ o seu altar chorando
Cette histoire nous montre comment Sainte-Marie délivra à l’abbesse enceinte qui s’était endormi devant son autel, en pleurant.
Santa Maria amar devemos muit’ e rogar que a ssa graça ponna sobre nos, por que errar non nos faça, nen pecar, o demo sen vergonna.
Nous devons fortement aimer Sainte-Marie
et la prier de nous accorder ses grâces,
afin que le démon sans vergogne
ne nous fasse point errer* (nous perdre) , ni pécher.
Porende vos contarey dun miragre que achei que por hûa badessa fez a Madre do gran Rei, ca, per com’ eu apres’ ei, era-xe sua essa. Mas o demo enartar- a foi, por que emprennar- s’ ouve dun de Bolonna, ome que de recadar avia e de guardar seu feit’ e sa besonna.
Pour cela, je vous conterai D’un miracle que j’ai trouvé Que fit en faveur d’une abbesse La Mère du grand Roi* (le Tout-puissant) Car, comme je l’ai su Elle la tenait pour une des siennes* (une fidèle véritable) Mais le démon (Diable) la pièga Pour qu’elle soit mise enceinte Par d’un homme de Bologne dont le travail était de la servir et de protéger ses actes et ses affaires* (son intendant)
Santa Maria amar…
As monjas, pois entender foron esto e saber ouveron gran lediça; ca, porque lles non sofrer queria de mal fazer, avian-lle mayça. E fórona acusar ao Bispo do logar, e el ben de Colonna chegou y; e pois chamar- a fez, vêo sen vagar, leda e mui risonna.
Les nonnes, quand elles comprirent et surent celà conçurent une grande joie Car l’abbesse ne leur passait rien Et elles lui en gardaient rancune Aussi, elles allèrent la dénoncer Près de l’évêque du lieu. Ce dernier vint de Colonna et, une fois arrivé, il la fit appeler Et elle vint sans délai très heureuse et souriante.
Santa Maria amar…
O Bispo lle diss’ assi: «Donna, per quant’ aprendi, mui mal vossa fazenda fezestes; e vin aquí por esto, que ante mi façades end’ amenda.» Mas a dona sen tardar a Madre de Deus rogar foi; e, come quen sonna, Santa Maria tirar- lle fez o fill’ e criar- lo mandou en Sanssonna.
L’évêque lui dit ainsi : « Donna* (« Madame »), à ce que j’apprends Vous vous êtes bien mal comportée Je suis venu ici Pour cela et pour que, devant moi, Vous vous en amendiez. » Mais sans attendre, la Donna se mit à prier la mère de Dieu Et, comme dans un songe, Santa Maria la délivra de l’enfant et, pour qu’il soit élevé, Le manda à Soissons
Santa Maria amar…
Pois s’ a dona espertou e se guarida achou, log’ ant’ o Bispo vêo; e el muito a catou e desnua-la matidou; e pois lle vyu o sêo, começou Deus a loar e as donas a brasmar, que eran d’ordin d’Onna, dizendo: «Se Deus m’anpar, por salva poss’ esta dar, que non sei que ll’aponna.»
Quand la femme s’éveilla
Et vit qu’elle était délivrée,
Elle se présenta devant l’évêque;
Et lui la regarda attentivement
Et lui demanda de se dénuder.
Et quand il vit son sein,
Il commença à louer Dieu
Et à blâmer les nonnes
Qui étaient de l’Ordre d’Oña* (ville de la province de Burgos)
En disant « Que Dieu me protège,
je vous accorde le salut,
car je ne sais de quoi vous accuser. »