Sujet : vieux français, langue d’oil, lectures audio vieux français, la prononciation du R en vieux français et en langue d’Oil.
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Bonjour à tous,


Une très belle journée à tous!
Fred
Sujet : vieux français, langue d’oil, lectures audio vieux français, la prononciation du R en vieux français et en langue d’Oil.
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Bonjour à tous,


Une très belle journée à tous!
Fred

Auteur : Eustache Deschamps (1346-1406)
Titre : Ballade du temps présent
Période : Moyen-âge tardif, Bas moyen-âge
Bonjour à tous,

« L’honneur est un luxe réservé à ceux qui ont des calèches. — Non. Il est la dernière richesse du pauvre. »
Albert Camus – Les justes
C’est un Eustache Deschamps que nous retrouvons encore désabusé et critique, ici, lassé des incessantes guerres comme des misères et des tricheries de son temps. Age de tourment et d’horreur, siècle de conflits qui emporte dans son cours des rivières de morts. Derrière cela, dans les causes qu’y lit notre auteur médiéval, se niche toujours la vanité des hommes et sa cohorte d’alliées empoisonnées : l’orgueil, l’envie, 
Cette lutte sur le terrain des valeurs morales n’appartient-elle vraiment qu’au moyen-âge? N’est-elle plus de ce monde, s’est-elle à jamais perdue dans les couloirs du temps? Certains auteurs ont écrit que l’honneur et la loyauté étaient au centre du monde médiéval et nous voudrions croire, pour ce qui nous concerne, qu’elles demeureront longtemps encore au coeur du notre. Alors, ce texte du XIVe siècle aura-t’il une saveur surannée et désuète ou sera-t’il transposable, en l’étirant un peu ou même, pourquoi pas, sans lui changer une virgule à nos temps modernes? Fait-il écho? Raisonne-t’il? Non qu’il le faille à tout prix mais la question est intéressante pour mesurer si la distance des valeurs partagées est si grande de ce moyen-âge à ce que nous sommes devenus à six siècles de là. En définitive et comme toujours, c’est à vous qu’il appartiendra de décider si vous conjuguez cette ballade du temps présent d’Eustache Deschamps au présent ou bien au passé.
Le français d’Eustache Deschamps n’est pas encore tout à fait celui de François Villon mais il n’est plus non plus celui de Rutebeuf. Les siècles ont passé, la langue a évolué. Elle se formalise encore un peu plus et ressemblerait presque déjà à notre français moderne s’il ne lui restait encore quelques pas à franchir pour tout à fait lui paraître.

Pourtant, malgré les difficultés ou les allégations qui prétendront qu’il vaut mieux renoncer plutôt que de trahir: laisser le texte opérer lui-même le sens dans sa magie sonore et sa musicalité, savourer la poésie comme un autre langage, sans chercher même à la traduire, nous continuons d’avoir l’outrecuidance de travailler sur une forme d’adaptation pour tenter d’éclairer ou, à tout le moins, de vous faire mieux approcher cette poésie médiévale, en évitant toujours, autant que faire se peut, de tomber dans la réécriture totale. Aimer la poésie comme un langage à part entière et vouloir aussi détenir quelques clés du sens: les deux approches ne sont, au fond, peut-être pas si incompatibles que cela. C’est d’ailleurs pour les faire coexister que nous mettons souvent les deux versions, l’originale et l’adaptée, l’une après l’autre et c’est encore, surement, par amour de la poésie que nous finissons invariablement par préférer la version originale et son lot possible de mystères, à son adaptation, même et peut-être surtout quand elle est notre.
Aujourd’hui pour varier un peu, nous vous proposons, en plus de l’adaptation en français moderne, un lexique des mots employés en vieux français et qui peuvent s’avérer ardus ou « glissants » en terme de compréhension. Nous travaillons, comme toujours, à l’aide de plusieurs dictionnaires de français ancien et recoupons les sens afin que vous puissiez, à votre tour, vous faire votre propre version. Puisse cette démarche vous permettre d’éclairer un peu mieux cette ballade médiévale qu’Eustache Deschamps écrivit de sa plume, il y a plus de six cents ans dans la belle langue d’Oil: l’ancêtre de notre parler moderne. Sur ce, nous vous en souhaitons donc une excellente lecture.
Temps de doleur et de temptacion
Ages de plour, d’envie et de tourment;
Temps de langour et de dampnacion
Aages meneur près du definement ;
Temps plains d’orreur, qui tout fait faussement
Aages menteur plain d’orgueil et d’envie
Temps sanz honeur et sanz vray jugement,
Aage en tristour qui abrège la vie.
Temps sanz cremeur, temps de perdicion
Aage tricheur, tout va desloiaument ;
Temps en erreur près de finieion
Aage robeur, plain de ravissement;
Temps, voy ton cuer, vien à repentement;
Aage pécheur, de tes maulx merci crie ;
Temps séducteur, impètre sauvement,
Aages en tristour qui abrège la vie.
Temps sanz douçour et de maleiçon,
Aage en puour qui tout vice comprant;
Temps de foleur, voy ta pugnicion;
Aage flateur, saige est qui se repent ;
Temps, la fureur du hault juge descent;
Aage, au jugeur t’ame ne fuira mie;
Temps barateur, mue ton mouvement
Aage en tristeur qui abrège la vie
Plour : pleurs
Envie : l’originelle du mot, celle qui fait l’envieux: convoitise, jalousie
Langour : faiblesse (figuré : peut vouloir dire aussi faiblesse dans la religion)
Definement : mort, fin, terme
Aages meneur près du definement : temps qui nous mène à notre fin
Aage en tristour : Epoque de tristesse, temps tristes
Cremer : craindre, redouter. Cremeur : crainte, effroi, terreur
Desloiaument : deloyauté
Finement : mort, fin, jugement dernier
Finemont : fin du monde
Robeur : voleur
Ravissement : violence, rage, furie
Temps séducteur, impètre sauvement : temps séducteur (fig : trompeur) demande à être sauvé. Le langage utilisé ici est juridique « impètrer » (réclamer en droit mais ici au ciel) et sauvement (qui est aussi un impôt féodal payable en tribut d’une protection). On pourrait donc comprendre encore le sens général « réclame protection »
Maleiçon : malédiction
Puour : puanteur, infection
Foleur : folie
Flateur : là encore l’idée de flatterie au sens tromperie
Au jugeur t’ame ne fuira mie: ton âme ne pourra se soustraire au juge du jugement dernier
Barateur : trompeur, frauduleux, (autre: confusion, désordre)
Temps de douleur et de tentation
Age de pleurs, d’envie et de tourment
Temps d’impiété et de damnation
Age qui nous mène à la mort
Temps plein d’horreur, qui tout fait faussement
Age menteur plein d’orgueil et d’envie
Temps sans honneur et sans vraie jugement
Age en tristesse qui abrège la vie
Temps sans crainte, temps de perdition
Age tricheur où tout est déloyal
Temps en erreur près de sa perte
Age voleur, plein de rage et colère
Temps, vois ton coeur et viens te repentir
Age pêcheur, crie merci pour tes malheurs
Temps séducteur, réclame protection
Age en tristesse qui abrège la vie
Temps sans douceur et de malédiction
Age puant, qui contient tous les vices
Temps de folie, vois ta punition;
Age de flatterie, sage est qui se repent;
Temps, la fureur du haut juge descend;
Age, au jugeur ton âme ne fuira point
Temps trompeur, hâte ton mouvement
Age en tristesse qui abrège la vie
Une trés belle journée à vous tous!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

Auteur : Thibaut de Champagne, Thibaut de Navarre, Thibaut le chansonnier
Titre : Ausi conme unicorne sui
Période : Moyen Âge central
Interprète : FAUN
Album : Totem (2007)
Bonjour à tous,


Pour nous changer un peu de ses deux derniers textes qui gravitaient autour du thème des croisades, c’est ici une ode à l’amour courtois que nous vous proposons. Elle prend la forme d’un animal de légende très présent dans les bestiaires et l’imagerie du Moyen Âge: la licorne.

Même si on la connait depuis l’antiquité, on retrouve la mythique licorne de la légende à laquelle se réfère Thibaut de Champagne dans notre poésie du jour, à partir du haut Moyen Âge et plus exactement du IVe siècle. On la nomme alors Monocéros ou unicorne et elle est décrite comme une créature puissante et sauvage, que, dit-on, seule une vierge peut aider à capturer. L’animal en voyant la pure jeune fille, viendrait, en effet, trouver refuge en son sein et la belle n’aurait alors qu’à lui laisser téter son lait pour 
ci contre illustration de chasse à la licorne, XIIIe siècle, Bestiaire de Rochester (1230)
Voilà donc, ici, une poésie de notre bon roé de Navarre, Thibaut de Champagne, captif de son amour et toute à sa fascination pour l’objet de son désir, laissé sans plus de défense que cette fameuse licorne de la légende, devant une vierge.
On retrouve cette chanson de Thibaut de Champagne dans le manuscrit 846 de la Bibliothèque Nationale de France: le Chansonnier Cangé. Cet ouvrage est, comme son nom l’indique, un recueil de chansons de troubadours de la fin du XIIIe siècle.

Il acquit, en effet, le manuscrit en question en 1724 et comme il possédait également d’autres recueils de chansons, se mit même à annoter les pages du manuscrit, comparant entre elles les chansons des troubadours et de trouvères et recoupant les différentes versions. Il en résulte que ce manuscrit ancien, annoté de la main de ce collectionneur, porte désormais son nom et reste, au demeurant, un précieux témoin du monde médiéval et de l’art des troubadours et trouvères du XIIIe siècle.
Outre le fait qu’il recèle des trésors de la poésie française du Moyen Âge central, les annotations musicales originales qui accompagnent ces chansons sont aussi particulièrement remarquables. Le Chansonnier Cangé reste, en effet, un des rares ouvrages faisant état d’une écriture musicale qui comprend les temps et la rythmique. Si vous vous souvenez, nous avions mentionné dans un article précédent sur l’art des troubadours, que la plupart du temps, les compositeurs utilisaient une autre forme d’écriture musicale et 
Sur le fond, le Chansonnier Cangé contient plus de 351 chansons et forme une véritable anthologie de la poésie des troubadours sur le thème de l’amour courtois. On y retrouve en plus de Thibaut de Champagne qui y est à l’honneur avec 64 de ses chansons, suivi de près par Gace Brûlé avec 46 chansons, d’autres noms célèbres tels que Adam de la Halle, Richard Coeur de Lion et d’autres encore, mais aussi un certain nombre de chansons et compositions d’auteur étant demeurés anonymes.
Il existe des versions bien plus lyriques de cette pièce de Thibaut de Champagne que celle que nous vous proposons d’aujourd’hui, cette dernière appartenant à un registre plus résolument folk médiéval. Elle est interprétée par FAUN, une formation relativement récente de musiciens et d’artistes allemands qui a fait ses premières armes en 2002. Le groupe 
Au delà du fait qu’il est toujours intéressant de voir comment le monde médiéval s’invite dans l’actualité de notre XXIe siècle, on trouve du reste chez FAUN des choses très agréables à écouter. A en juger, nous ne sommes pas les seuls à partager ce goût, puisqu’ils furent nominés à trois reprises pour les « Echo », le music awards allemand. Le groupe est aussi très actif et productif puisqu’on leur doit déjà, à ce jour, 8 CDs et quelques tournées d’envergure mondiale : USA, Brésil et j’en passe. Le néo médiéval folk celtique païen semble donc aussi entré dans la World Music. 
Tout cela étant dit, voilà le texte de cette chanson de Thibaut de Navarre, en vieux français du XIIIe siècle que nous nous fendrons sans doute d’adapter en français moderne sous peu.
Ausi conme unicorne sui
Qui s’esbahist en regardant,
Quant la pucelle va mirant.
Tant est liee de son ennui,
Pasmee chiet en son giron;
Lors l’ocit on en traïson.
Et moi ont mort d’autel senblant
Amors et ma dame, por voir :
Mon cuer ont, n’en puis point ravoir.
Dame, quant je devant vous fui
Et je vous vi premierement,
Mes cuers aloit si tressaillant
Qu’il vous remest, quant je m’en mui.
Lors fu menez sans raençon
En la douce chartre en prison
Dont li piler sont de talent
Et li huis sont de biau veior
Et li anel de bon espoir.
De la chartre a la clef Amors
Et si i a mis trois portiers :
Biau Senblant a non li premiers,
Et Biautez cele en fet seignors;
Dangier a mis en l’uis devant,
Un ort, felon, vilain, puant,
Qui mult est maus et pautoniers.
Ciol troi sont et viste et hardi:
Mult ont tost un honme saisi.
Qui porroit sousfrir les tristors
Et les assauz de ces huissiers?
Onques Rollanz ne Oliviers
Ne vainquirent si granz estors;
Il vainquirent en combatant,
Més ceus vaint on humiliant.
Sousfrirs en est gonfanoniers;
En cest estor dont je vous di
N’a nul secors fors de merci.
Dame, je ne dout més rien plus
Que tant que faille a vous amer.
Tant ai apris a endurer
Que je suis vostres tout par us;
Et se il vous en pesoit bien,
Ne m’en puis je partir pour rien
Que je n’aie le remenbrer
Et que mes cuers ne soit adés
En la prison et de moi prés.
Dame, quant je ne sai guiler,
Merciz seroit de seson més
De soustenir si greveus fés.
En vous souhaitant une belle journée!
Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes
* J’en profite pour faire ici une petite parenthèse sur l’orthographe du prénom Thibaud, ou Thibault ou Thibaut qui n’a décidément jamais l’air de savoir comment il veut s’écrire. Nous avons donc décidé ici, une bonne fois pour toutes, de l’écrire avec un T mais vous trouverez le roi de Navarre sous toutes les formes possibles de l’orthographe de son prénom.
Bonjour à tous,

Après avoir cherché la musicalité de Rutebeuf dans le ver en français moderne, je vous convie, cette fois, toute à la fois à une expérience auditive et un voyage dans le monde médiéval, puisque nous tentons, de faire revivre ce célèbre fabliau médiéval dans la langue de son auteur. C’est un français ancien, vous y trouverez peut-être des accents de terroir, tant les R ne se roulent plus que dans certaines de nos campagnes et chez certains de nos anciens. Bien sûr, il n’y a, ici, pas d’autres prétentions que celle de faire des expérimentations dans notre petit laboratoire verbal et alchimique,
en l’occurrence pour ce qui est de l’expérience d’aujourd’hui de mesurer si nous sommes capables de comprendre au moins un peu de ce fabliau et de ce verbe qui a fait l’histoire de notre langue, à plus 

Allons, place à Rutebeuf et à son testament de l’âne dans le texte!
Longue vie à tous.
Frédéric Effe
Pour moyenagepassion.com
« L’ardente passion etc, etc… »