Sujet : amour courtois, musique, poésie médiévale, Cantigas de amigo, galaïco-portugais, troubadour. Période : XIIIe siècle, moyen-âge central Auteur : Lourenço Jograr (Jogral) Interprète :Paulina Ceremuzynska Titre: Três moças cantavam d’amor Album : E moiro-me d’Amor (2006)
Bonjour à tous,
l y a tant de beaux auteurs, artistes, poètes, trouvères et troubadours qui nous viennent du monde médiéval qu’il pourrait parfois sembler difficile de savoir par où commencer. De notre côté, dans cette aventure, nous avons choisi de privilégier un voyage exploratoire qui ne suit pas nécessairement les sentiers balisés, ni les frontières des terres de la France d’alors. Notre objet est donc vaste mais nos pas restent libres de toute entrave.
Bien sûr, en matière de poésie et de littérature médiévale, il y a des classiques, des hiérarchies dans les auteurs, des influences réputées plus certaines que d’autres. En plongeant dans la discipline fascinante qu’est la codicologie, on peut même compter les codex et les manuscrits anciens pour mesurer la popularité de certains textes, ou projeter leur influence, même si cela reste un exercice délicat, comme nous le rappelait Richard Trachsler dans son excellente conférence sur le roman arthurien, donnée à l’Ecole de Chartes. Avec le temps et si Dieu nous prête vie, nous finirons bien par rattraper tous ces « classiques », mais encore une fois, nous n’en avons pas, jusque là, fait notre priorité systématique.
Ainsi, aujourd’hui, nous continuons d’emprunter, à notre façon, les chemins de traverse, à la découverte de ce fascinant moyen-âge et ce faisant, nous partons à la rencontre des Cantigas de Amigo et des Cantigas de Amor, autrement dit ces chansons des troubadours de l’Espagne et du Portugal médiéval qui sont des pièces de lyrique courtoise toutes entières dédiées à l’ami (soit l’être aimé) ou à l’amour.
Nous voilà donc à l’abordage des rives du moyen-âge central pour vous parler d’un troubadour du XIIIe siècle: Lourenço Jograr (ou Xograr), que l’on pourrait traduire, s’il le fallait, par Laurent ou Laurencin le Jongleur. Et comme souvent, cet article nous fournit encore l’occasion de parler d’une artiste passionnée de musique médiévale. C’est une chanteuse et soliste contemporaine d’origine polonaise. Elle a pour nom Paulina Ceremuzynska et elle nous offre ici une très belle interprétation d’une chanson de ce Lourenço, mais avant de la découvrir disons quelques mots de ce dernier.
Lourenço Jograr ( Xograr ou Jogral )
Laurencin ou Laurent le Jongleur
Les informations concernant la biographie de ce troubadour proviennent essentiellement de ses propres poésies ou des dits d’autres troubadours de son temps le concernant. Le fait qu’il ne soit désigné pratiquement que par son prénom complique encore son identification certaine dans les sources. Contemporain de la deuxième moitié du XIIIe siècle, il était, semble-t-il, d’origine portugaise, et a certainement fréquenté, au moins un temps, la cour d’Alphonse X de Castille.
Son oeuvre, à tout le moins celle qui nous est parvenue, n’est pas immense en taille. Elle comprend une dizaine de cantigas de amigo ou de amor réparties dans plusieurs manuscrits anciens (voir image ci-contre). On y trouve encore quelques jeu-partis demeurés célèbres entre lui et le chevalier et troubadour João Garcia de Guilhade (Johan Garcia de Guilhade) au service duquel Lourenço a certainement été.
TRÊS MOÇAS CANTAVAM D’AMOR par Paulina CEREMUZYNSKA
Paulina Ceremuzynska & l’art des troubadours galaïco-portugais du XIIIe
Nous devons l’interprétation du jour à la chanteuse et artiste Paulina Ceremuzynska. Avec une prédilection pour les musiques anciennes et en particulier celles provenant de la période médiévale et du moyen-âge central, Paulina est diplômée en musicologie à l’université de Varsovie. Titulaire encore d’un master en Interprétation de la musique médiévale, obtenu à l’Université Paris-Sorbonne, elle a étudié le chant et la direction artistique sous l’égide de prestigieux professeurs au nombre desquels on conte le célèbre contre-ténor et chanteur lyrique Richard Levitt.
En 2004, lors d’études et de recherches dans le cadre du Centre de recherches en sciences humaines de Saint-Jacques de Compostelle, elle s’attela à la transcription musicale et à l’interprétation du Parchemin Sharrer, document ancien comprenant des cantigas contemporaines du règne de Denis 1er du Portugal (1279-1325), monarque éclairé connu encore sous le nom du roi poète ou du roi troubadour. Outre ses célèbres réformes dans le milieu agraire, l’homme était un féru de littérature et de culture. Il fonda d’ailleurs l’université de Lisbonne et on lui attribue près de 140 cantigas.
A l’occasion de ses recherches historiques, musicales et médiévales, Paulina se forma aussi au galaïco-portugais et l’ensemble de ce travail donna lieu à un premier CD : Cantigas de Amor e Amigo dans lequel elle présentait des chansons du Roi Denis et du troubadour Martin Codax. Si cet album vous intéresse, vous le trouverez disponible à la vente en ligne sous ce lien : Cantigas de Amor E Amigo
Ce travail fut aussi, indubitablement, la confirmation pour l’artiste d’un vif intérêt, sinon d’une passion, pour la poésie des troubadours de cette période et de cette langue. Elle poursuivit d’ailleurs ses recherches dans la même direction, pour aboutir en 2006 à l’album E moiro-me d’Amor qui se situait encoreautour des troubadours de langue galaïco-portugaise du moyen-âge central. Il s’agit là d’un travail de restitution dont l’ambition est de se situer au plus près de l’esprit médiéval des Cantigas de Amigo. Il s’articule autour d’une sélection de chansons prises dans le répertoire des troubadours les plus prestigieux de l’école galicienne. C’est de cet album qu’est tirée sa sublime interprétation de la chanson de Lourenço Jograr que nous vous proposons aujourd’hui.
A noter encore concernant cette artiste qu’elle est la fondatrice et la directrice artistique de l’Ensemble Meendinhospécialisé dans les chants monophoniques médiévaux et les musiques anciennes. Pour la suivre, voici l’adresse de sa page facebook.
Três moças cantavam d’amor :
le chant d’amour de trois damoiselles pour un troubadour ému
La chanson du jour met en scène trois jeunes filles en peine d’amour et l’une d’elles, qui se trouve être la belle du troubadour propose aux deux autres de chanter la chanson d’un « ami » (l’artiste lui-même donc). Et voilà donc notre troubadour devant la scène, touché, pour ne pas dire émoustillé, que sa chanson puisse avoir été choisie par l’élue de son cœur, y voyant là, à l’évidence, une belle preuve d’amour. Derrière l’émotion du poète, on pourra, bien sûr, argumenter à l’envie sur la nature « auto-élogieuse » du chant, il semble d’ailleurs que quelques troubadours de la même période que l’auteur, l’aient fait, pour le moquer un peu mais la nature épurée de cette chanson d’amour « en miroir » l’emporte tout de même au final.
Les paroles médiévales
et leur adaptation en français moderne
Nous vous proposons une adaptation française du cru ; elle est issue de la traduction espagnole et anglaise des paroles et de recherches personnelles sur la langue originale. Encore une fois, il s’agit de s’en faire une idée, il reste, quoiqu’il en soit, difficile de retraduire toute la richesse de ce texte dans son contexte:
Três moças cantavam d’amor, mui fremosinhas pastores, mui coitadas dos amores. E diss’end’ũa, mia senhor: – Dized’amigas comigo o cantar do meu amigo.
Trois demoiselles chantaient d’amour c’étaient de très belles bergères Souffrant de peines amoureuses Et l’une d’elles disait, qui est ma dame : – Chantez, mes amies, avec moi, le chant de mon ami. (bien-aimé)
Todas três cantavam mui bem, come moças namoradas e dos amores coitadas. E diss’a por que perço o sem Dized’amigas comigo o cantar do meu amigo.
Toutes les trois chantaient fort bien Comme des filles amoureuses Et prises en détresse d’amour, Et elle dit, ce qui me troubla les sens : – Chantez, mes amies, avec moi, le chant de mon bien-aimé.
Que gram sabor eu havia de as oir cantar entom! E prougue-mi de coraçom quanto mia senhor dizia: – Dized’amigas comigo o cantar do meu amigo.
Quel grand plaisir j’ai eu alors de les entendre chanter! Et comme cela a touché mon coeur quand ma dame leur disait: – Chantez, mes amies, avec moi, le chant de mon bien-aimé.
E se as eu mais oísse, a que gram sabor estava! E quam muito me pagava de como mia senhor disse: – Dized’amigas comigo o cantar do meu amigo
Et, moi, plus je les entendais, Quelle grande joie c’était! Et combien cela me plaisait Comme ma dame disait : – Chantez, mes amies, avec moi, le chant de mon bien-aimé.
En vous souhaitant une belle écoute et une excellente journée!
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du moyen-âge sous toutes ses formes.
PS : dans les sources utiles sur la poésie et les cantigas médiévales gallego-portugaises (amigo et amor) , il faut citer pour ceux d’entre vous qui parlent portugais ou anglais cet excellent site web attaché, indirectement, à la faculté de Lettres de Lisbonne :Cantigas medievais galego-portuguesas.
Sujet : musique médiévale, chants, visions, mystique chrétienne, moyen-âge chrétien. rire, médecine médiévale, conférence.
Période : moyen-âge central, XIIe
Auteur : Hildegarde de Bingen (1098-1179)
Ensemble: Vox in rama
Evénement : Vox Sanguinis, mystère médiéval sur la vie, les visions & les chants d’Hildegarde, conférences et ateliers
Bonjour à tous,
la faveur du spectacle musical ou plus exactement du Mystère Vox Sanguinis de l’ensemble Vox In Rama autour d’Hildegarde de Bingen qui sera donné plusieurs fois ce mois de novembre, nous avons le grand plaisir de publier, aujourd’hui, un article de la main même de son directeur artistique, Frédéric Rantières, qui se trouve être, en plus d’un artiste et chanteur accompli, docteur en anthropologie religieuse et histoire des religions, mais encore versé (tout autant que passionné) dans le domaine de la musicologie médiévale.
En relation avec le spectacle autour d’Hildegarde, mais aussi des conférences ou ateliers qu’il donnera sur le sujet, il nous invite ici à considérer le « rire » dans une perspective historique, médiévale et médicale, à la lumière de différents auteurs mais également des conceptions de l’abbesse et sainte rhénane du XIIe siècle. Nous lui cédons donc la place, non sans vous rappeler avant cela, les dates des différents événements proposés dans le courant du mois de novembre par l’Ensemble Vox in Rama et son directeur autour des visions et des chants d’Hildegarde de Bingen.
VOX IN RAMA – SPECTACLES, CONFERENCES & ATELIERS
autour d’Hildegarde de Bingen
Lundi 6 novembre à 20h, Espace le Moulin, Paris 5e
Conférence didactique de F. Rantières sur le chant de l’abbesse Présentation et réflexion sur le thème – écoute commentée de chants d’Hildegarde de Bingen Renseignements & réservations
Vendredi 17 et samedi 18 novembre à 20h, Paris 5e – église évangélique Saint-Marcel
Nouvelles représentations du Mystère Vox Sanguinis sur les chants et les Visions d’Hildegarde de Bingen Version augmentée du spectacle du mois de mai avec atelier de chant à 18h (sur réservation)Renseignements & réservations
Dimanche 19 novembre à 15h30
Basilique de Longpont-sur-Orge
Représentation du Mystère Vox Sanguinis sur les chants et les Visions d’Hildegarde de Bingen Version augmentée du spectacle du mois de mai Renseignements & réservations
Hildegarde de Bingen et le rire de la rate
Par Frédéric Rantières
Redécouvrir les dimensions spirituelles et thérapeutiques du rire au Moyen Âge
L’époque contemporaine assimile un peu trop systématiquement le rire au divertissement et, à son corollaire, la dérision, ce qui est dommageable pour nous au moins en deux points : comme tout amalgame, la confusion établie entre deux termes distincts entraîne inévitablement une réduction du sens de la langue, et qui plus est, pour les acceptions de ce mot très ancien, en déforme notre appréhension. Plus grave, la conséquence de ce processus affecte notre sens de la psychologie qui se trouve alors amoindri, perdant ainsi la capacité naturelle de voir, à travers cette manifestation par trop banalisée aujourd’hui, ses aspects révélateurs d’une personnalité, d’un caractère et d’un tempérament, comme a su si bien nous le transmettre une Hildegarde de Bingen (1098-1179) et d’autres « sachants » des temps anciens.
Le rire est en effet un symptôme pour l’abbesse, ce qui n’est pas nouveau, car il est considéré depuis la fin de l’Antiquité au même titre que la toux, les larmes, les diverses sortes de douleurs, d’exsudations, de sécrétions, etc., entrant dans la complexion d’un être en révélant l’équilibre subtil de ses humeurs. La prise « au sérieux » du rire est à ce point essentielle qu’elle permet de rentrer de manière plus organique dans « le terrain » d’un déséquilibre causant une maladie. Au lieu de l’ignorer, le thérapeute, pour une approche plus complète de l’homme, devrait alors, à en croire les sources anciennes, prêter attention à la manière dont ce dernier rit, pour en tirer des signes qui pourraient l’aiguiller vers l’origine de sa pathologie. Pour ce faire, il doit être guidé par une connaissance non seulement médicale mais aussi spirituelle des organes.
Le siège du rire est la rate
En Occident, l’idée selon quoi le rire est un symptôme est avérée par le savant Quintus Serenus Sammonicus (fin du IIe-début du IVe siècle ?), qui dans sonLiber medicinalisle relie au gonflement de la rate :
« La tuméfaction de la rate est dangereuse et pourtant elle provoque un rire absurde qui me semble voisin de celui qu’engendre la plante de Sardaigne [il s’agit de la sardonie, une variété vénéneuse de renoncule qui provoque un contraction des muscles du visage] qui mêle des rires sans raison [le fameux rire sardonique] à de malheureuses destinées. On dit que son ablation supprime le penchant à l’hilarité et impose un front sévère pour le reste de la vie »(Quintus Serenus, Liber medicinalis, Dr Roger Pépin, Presses universitaires de France, 1950, XXII, Pour guérir la rate, 25-30, p. 25)
( renoncule scélérate, la Sardonia des Romains qui donna son origine à l’expression rire sardonique)
La relation que le médecin peut établir entre la tuméfaction de la rate et le rire qu’elle provoque fait de ce dernier un symptôme à même de lui indiquer un disfonctionnement de l’organe. Cette croyance remonte en vérité à Pline l’Ancien (23-79 ap. JC), qui, dans son Histoire naturelle, rapporte entre autres qu’un rire immodéré est fonction de la taille de la rate (chap. XI, lxxx), ce passage étant mieux connu pour la mention de la rate que l’on brûlait chez les coureurs afin d’améliorer leur endurance, d’où viendrait l’expression « courir comme un dératé ». Quant à sa fonction, Platon (428-347 av. JC), dans son célèbre Timée, écrit bien connu au Moyen Âge, l’assigne à celle de nettoyer le foie de ses impuretés :
« Par ailleurs, la constitution du viscère voisin [la rate] et sa situation sur sa gauche [par rapport au foie qui est à droite] trouvent dans le foie leur explication, car ce viscère sert à garder le foie toujours brillant et net, comme un instrument fait exprès pour essuyer un miroir et toujours prêt à ses côtés à être utilisé. Voilà justement pourquoi, chaque fois que des impuretés apparaissent sur le foie, impuretés produites par des maladies qui frappent le corps, la rate les nettoie toutes ; elles sont absorbées par les trous qui parsèment la texture de ce viscère, qui est creuse et exsangue. Par suite, lorsqu’elle se remplit des impuretés qu’elle enlève, son volume augmente, la rate devient grosse et malsaine. Et, à rebours, quand le corps est purgé, elle rapetisse et revient à son volume primitif »(Platon, Timée, traduction de Luc Brisson, 2001, 72c-d, p. 187).
Hildegarde savait tout cela. Dans son traité de médecine, elle évoque au sujet de l’Adam un lien entre la rate et les rires qu’il émet depuis la transgression du précepte divin dans le jardin d’Éden, les ricanements discordants remplaçant désormais la faculté harmonique innée qui lui permettait, avant sa déchéance, de chanter avec les anges :
« Adam, avant la faute, connaissait le chant des anges et toute sorte de musique, et il avait une voix harmonieuse, comme celle d’un monocorde. À cause de sa faute, causée par la tromperie du serpent, s’est introduit dans sa moelle et sa cuisse une sorte de vent qui se trouve maintenant en tout homme. Sous l’effet de ce vent, la rate de l’homme se dilate, et, dans une manifestation de joie inepte, des ricanements et des éclats de rire en jaillissent » (Hildegarde de Bingen, Pierre Monat, Les causes et les remèdes, Grenoble, Jérôme Millon, 1997, La prudence d’Adam, p. 179).
Notre botaniste, comme tout médiéval, n’ignorait pas non plus le quadruple adage du compilateur Isidore de Séville(560 ?-636), qui dans sesÉtymologiesaffirmait que « c’est avec la rate que nous rions, avec la bile (ou la vésicule biliaire) que nous nous mettons en colère, avec le cœur que nous comprenons et avec le foie que nous aimons » (Étymologies livre XI, i, 127). Au XVIe, le médecin de la Renaissance Laurent Joubert (1529-1582) repartira de ce savoir dans son traité sur le rire à propos des tempéraments mélancoliques :
« Or il etoit bien seant à l’homme, de s’ajouyr & rire : et pource il ha eu la rate fort convoiteuse et rapineuse de cette lie […] Car ayant grand force d’attirer l’humeur melancholique [qui provient de la bile noire], qui d’alheurs et copieus en l’homme, elle ne peut fahlir d’etre bien noire. Donqs tandis que celà se pratique bien, l’homme et plus joyeus : mais si la rate n’attire autant de melancholie […] ou à cause de sa foiblesse […] le sang demeure noir (comme aussi sera la rate) & l’esprit en devient triste. Il echait quelquefois, que à cause des opilacions, la lie qui et attiree & anclose dans la rate, ne se peut libremant vuider. Dontil s’y fait une tumeur dure ; que nous appelons Schyrrhe, menassant d’hydropisie […] Mais que dirons-nous au poëte Quint Serain, qui attribuë à la rate grosse et anflee, la cause de certain Ris ? […] Ha-il point voulu sinifier la manie ou folie, qui procede souvant de la rate mal disposee ? dont grand humeur melancholique monte au cerveau ? Mais celà ne seroit pas le Ris Sardonien […] »(Laurent Joubert, Traité du ris(facsimilé), Paris, Nicolas Chesneau, 1579, Maxtor, novembre 2014, « pourquoy dit-on que la rate fait rire ? », p. 286-288).
L’auteur, partant de la même source qu’Hildegarde, distingue cependant le rire mortel, le fameux rire sardonique que provoque la plante de Sardaigne, du rire maniaque causé par une rate mal disposée, symptôme très proche de ce dont nous avait parlé Hildegarde. Ce texte ajoute à la vision platonicienne le fait que la rate, lorsqu’elle est en bonne santé, aspire à elle l’humeur noire, ladite mélancolie, qui, telle une lie, encrasse le sang au point de le noircir, assombrissant en conséquence le tempérament tout entier de l’homme. Elle est donc l’organe qui assure bonne humeur, joie et gaité en clarifiant le sang du voile de la bile noire. Sans son aide, l’homme sombrerait assurément dans la mélancolie… C’est d’ailleurs de cette science de la rate que vient le terme « désopilant », tiré de l’expression médicale « désopiler la rate », signifiant littéralement « dégorger la rate » pour mieux libérer le corps de l’humeur noire (Grand dictionnaire étymologique et historique du français, Larousse, 2005, à « désopiler »). On comprend mieux ainsi que l’homme, pour pouvoir rire sainement, doit avoir une rate désobstruée. Mais s’il advient que celle-ci ne soit plus en mesure d’éliminer la bile, alors ce dernier ne sera plus enclin à se réjouir et encore moins à rire…
Le vent du péché envahit aussi la rate
Pour en revenir à notre abbesse, qui ne manque jamais de ressort, on peut constater, après ce petit périple autour de la rate, qu’elle va beaucoup plus loin que ses propres sources, en ancrant cette connaissance médicale dans l’épisode du dialogue de la Genèse entre Ève et le serpent, comme nous l’avons vu plus haut. Notre médecin médiéval va de surcroît rentrer dans une minutieuse description sur la manière dont le souffle maléfique du serpent parcourt désormais le corps de l’Adam :
« […] Et lorsque l’homme se réjouit des bonnes choses, ou des mauvaises qui lui plaisent, le souffle dont j’ai parlé, sortant de sa moelle, touche d’abord sa cuisse, occupe sa rate, emplit les veines de sa rate, s’étend jusqu’au cœur, emplit le foie, et ainsi pousse l’homme à rire et fait sortir sa voix sous la forme d’un ricanement semblable aux cris des animaux. »
Elle ajoutera même, au sujet de la rate et de sa relation avec le rire :
« L’homme qui, sous l’effet de ses pensées, est emporté ici et là, facilement, comme le vent, a une rate un peu épaisse, et, pour cette raison, il est facilement dans la joie et rit facilement. Et, de même que la tristesse et la colère affaiblissent l’homme et le dessèchent, de même un rire sans mesure blesse la rate, fatigue l’estomac, et, par le mouvement qu’il crée, disperse les humeurs de façon anormale, dans toutes les directions. »(Hildegarde de Bingen, Pierre Monat, Les causes et les remèdes, Grenoble, Jérôme Millon, 1997, la joie et le rire, p. 180).
Le souffle pervers qui s’est introduit dans Ève durant son entretien avec l’homme-serpent aurait pris racine dans la moelle de l’Adam, s’immisçant dans les organes du corps humain, dès que l’homme tente de se réjouir. Il va alors infester la rate, le cœur et le foie. Le malheureux Adam, pour s’en libérer, n’aurait alors d’autre choix que de ricaner à l’instar d’un animal qui crierait! Mais ensuite, on découvre que le rire peut à son tour blesser la rate.
On ne sait plus alors vraiment si c’est la poule qui fait l’œuf, à savoir si c’est la rate tuméfiée qui provoquerait un rire incohérent, ou si c’est plutôt l’œuf qui fait la poule, autrement dit si c’est le rire lui-même qui endommagerait la rate causant alors des ricanements ineptes ? Mais pour comprendre Hildegarde, mieux vaut ne pas trop se cramponner à une logique cartésienne, ce qui serait anachronique, mais plutôt prendre une hauteur de vue qui permette de dégager des axes de réflexion plus élargis.
L’idée en effet que le rire puisse être à la fois le symptôme d’un désordre organique de l’Adam, et en particulier de sa rate, ne s’oppose guère pour notre visionnaire au fait qu’il puisse également être la cause de la souffrance de la rate, puisque un rire démesuré peut avoir un effet pervers qui altère la qualité des organes, en dispersant leur énergie, jusqu’à les blesser.
Le rire, s’il est le signe d’une bonne santé de la rate lorsqu’il est modéré, peut donc indiquer dans la médecine ancienne un disfonctionnement de l’organe lorsqu’il devient incontrôlé et, par retour, blesser celle que l’on désignait communément comme étant le siège du rire.
Ce sont de telles dimensions de connaissance, où création, âme et corps sont observés dans leurs interactions, qui m’ont poussé à mettre en scène avec l’ensemble médiéval Vox in Rama et la comédienne Marie-Laure Saint-Bonnet le Mystère Vox Sanguinis sur la vie et les visions d’Hildegarde de Bingen.
Les textes que je viens de citer dans cet article font notamment l’objet de l’une des dernières scènes du spectacle consacrée à « la voix du premier Adam », afin de redonner aux textes de notre auteure toute leur puissance et d’en partager la saveur avec le public. Cette formidable réflexion de la visionnaire a provoqué chez moi un tel engouement que je lui consacre depuis plus d’un an une conférence sur sa conception de la voix et du chant en lien avec le rire, que je referai encore trois fois entre les mois de novembre et de décembre 2017 sur Paris.
Je suis heureux de pouvoir à nouveau représenter ce mystère sur Paris, qui d’ailleurs a connu un franc succès au mois de mai, les vendredi 17 et samedi 18 novembre 2017 à 20h à l’église évangélique Saint-Marcel (Paris 5e) et le dimanche 19 novembre 2017 à 15h30 à la basilique de Longpont-sur-Orge (91) avec une conférence introductive à 14h. Avant les spectacles des 17 et 18 novembre sera proposé au public sur réservation un atelier de chant entre 18h et 19h sur « le rire au moyen âge », en repartant des textes anciens sur le rire.
Lundi 6 novembre 2017 à 20h, j’introduirai les textes du spectacle ainsi que des chants d’Hildegarde de Bingen dans une conférence qui se déroulera à l’Espace le Moulin, Paris 5e.
Frédéric Rantières.
Directeur Artistique de Vox in Rama
Comme indiqué plus haut, pour tout renseignement ou réservation sur les réalisations et le travail de Frédéric Rantières, n’hésitez pas à consulter son site web officiel.
Sujet ; combat médiéval, béhourd, reconstitution historique, armes, armures anciennes, art martial, tournoi, marché, animation médiévales Nom: Tournoi International des Flandres Lieu : Tourcoing (Nord) Dates : samedi 4 & dimanche 5 nov 2017
Bonjour à tous,
ous avions dédié un article à cet événement l’année dernière et, ce week end, Le Tournoi International des Flandres, accompagné de son marché médiéval, est de retour à Tourcoing. Comme l’année précédente et pour cette seconde édition, c’est encore Sylvain Lienard,alias Tape-Dur et son équipe les combattants de Béhourd duNord Médiéval Full Contact (NMFC) qui en sont à l’initiative et qui se chargent de son organisation.
Petit rappel sur le béhourd
Pour rappel, concernant cette discipline martial d’inspiration médiévale, le Béhourd consiste, pour ses pratiquants, à s’affronter en individuel, en équipe ou en mêlée, vêtus d’armures scrupuleusement reconstituées et munis d’armes anciennes, le tout émoussé pour ne pas offrir de tranchant ou de « perçant ». Même si ça n’est pas tout à fait aussi tranquille que du Badminton, la discipline reste très encadrée et il ne s’agit pas de s’écharper non plus; la victoire se tient dans la charge, la percussion, la capacité à maintenir l’équilibre, et encore une bonne dose de stratégie. (consultez plus d’articles sur le Béhourd).
Le Tournoi des Flandres
et le Nord Médiéval Full Contact
Dans le paysage du Béhourd français, en plus d’être à l’initiative et l’organisation de ce Tournoi des Flandres, les combattants du Nord Médiéval Full Contact ont déjà largement démontré, par leurs performances, qu’ils étaient parmi ceux sur lesquels il faut compter. D’ailleurs, huit d’entre eux ont été sélectionnés cette année pour représenter la discipline et la France, à l’occasion des championnats du monde de la discipline au Danemark.
Ce week end, à Tourcoing pour ce grand tournoi qui clôt la saison de Béhourd, plus de 135 combattants sont attendus et des équipes en provenance de cinq autres nations. Même s’il reste encore peu connu, le sport bénéficie d’une médiatisation croissante et quelques deux milles visiteurs avaient assisté à l’événement, l’année dernière. Pour cette édition 2017, on espère bien du côté des organisateurs égaler et même dépasser cette fréquentation. Les hommes du Nord Médiéval Full Contactont, cela dit, de quoi être optimistes puisque par la qualité des combats présentés mais aussi des animations médiévales proposées et notamment de son marché, ce Tournoi des Flandresa été reconnu par les instances représentatives de la discipline comme l’un des plus beaux tournois de Béhourd en France. Nous leur souhaitons de notre côté une très belle réussite !
Sujet : troubadours, langue d’oc, poésie, chanson et musique médiévale, fine amour, amour courtois. ethnomusicologie. Période : moyen-âge central, XIIe siècle Auteur : Marcabru (1110-1150) Titre : « Bel m’es quan son li fruich madur » Interprète : Ensemble FLOR ENVERSA
Bonjour à tous,
ous revenons aujourd’hui sur la poésie médiévale et bucolique du Troubadour Marcabru (Marcabrun) avec une très belle interprétation de sa chanson « Bel m’es quan son li fruich madur », (J’aime quand les fruits sont mûrs) par l’ensemble médiéval FLOR ENVERSA que cet article va nous donner également la joie de vous présenter.
Trobar clus : la poésie hermétique et allégorique de Marcabru
Marcabru fait partie des trobar clus, autrement dit de ces troubadours qui pratiquent une poésie « fermée », soit relativement hermétique. On lui prête d’ailleurs souvent d’en être le chef de file. En opposition aux trobar leu ou au trobar ric qui sont dans une recherche stylistique mais dont les textes demeurent plus accessibles, Marcabru fait naître des images poétiques et allégoriques, use encore d’allusions qui ne se livrent pas toujours facilement à la compréhension. Avec le recul du temps et la barrière de la langue, les choses se compliquent encore un peu plus, mais il n’est pas question pour autant de se priver d’approcher ce grand artiste et auteur du XIIe siècle.
Dans la poésie du jour, le troubadour nous parle de Fine Amor, autrement dit du bel amour courtois qui anoblit et élève et qu’il oppose aux pratiques des « amants perfides » et « trompeurs », qui l’avilissent et l’abaissent, même s’il en faudrait bien plus pour ternir l’Amour véritable dont la valeur est si grande qu’il n’a ni fin, ni commencement et ne se laisse entâcher. Et comme dans de nombreux autres de ses textes, la nature vient servir de support à notre poète médiéval pour conter à la fois ses états d’âme mais aussi pour lui permettre d’illustrer son propos de manière allégorique. C’est un procédé que l’on rencontrera souvent, après lui, dans la poésie médiévale.
« Bel m’es quan son li fruich madur » par l’Ensemble Flor Enversa
FLOR ENVERSA, une formation médiévale
à la découverte de l’art des Troubadours
Fondé dans le courant de l’année 2006 par le chanteur, conteur et musicien Thierry Cornillon et la chanteuse, vieilliste, violoniste, flûtiste, Domitille Vigneron, l’ensemble FLOR ENVERSA s’est donné pour vocation de faire revivre et redécouvrir le répertoire des troubadours occitans des XIIe et XIIIe siècles.
La démarche artistique de la formation est soutenue par un sérieux travail de recherche en amont, dans les sources manuscrites, documentaires et graphiques en provenance du moyen-âge central, et l’ambition avouée des deux artistes est de se situer au plus près de cette tradition et cet art musical et poétique médiéval. Dans le même ordre d’idée, ils se sont penchés sur les instruments anciens et font même des recherches en archéo-lutherie pour les recréer. Inutile, bien entendu, d’ajouter que la langue chantée est aussi au plus près des manuscrits, mais faisons le tout de même. En un mot, nous sommes là face à un travail exigent de restitution qui se situe autant du côté artistique que du côté de l’ethnomusicologie.
A ce jour, FLOR ENVERSA a produit 4 albums sur leur thème de prédilection en s’entourant de collaborations diverses. En l’occurrence sur le morceau présenté aujourd’hui, les deux fondateurs de l’ensemble sont accompagnés d’Olivier Féraud. Pour dire un mot de cet autre Artiste, il est musicien et luthier spécialiste de la période médiévale, mais pas seulement, il est aussi docteur en anthropologie sociale et ethnologie, et membre de la Société Française d’Ethnomusicologie (voir profil détaillé d’Olivier Féraud). Outre nous fournir le plaisir de le mentionner ici, tout cela démontre, encore une fois, de tout le sérieux et de la rigueur que cet ensemble peut investir dans son approche de l’art des troubadours.
Fondateurs d’un festival sur ce même thème, le festival TROBAREAqui se donne en août, en Provence et à Vence et qui présentait cette année sa 3e édition, les deux artistes ont aussi eu l’occasion d’intervenir, à plusieurs reprises, dans des colloques pointus sur ce sujet qu’ils maîtrisent bien. Ils organisent d’ailleurs des stages sur la question faisant intervenir des contenus aussi divers que les sources manuscrites, l’archéo-lutherie, la découverte des modes de jeux et l’improvisation, mais aussi et bien sûr la langue d’Oc.
Notons encore que ces artistes passionnés qui ont à coeur la culture, la langue, la tradition orale, la musique, et, au sens large, les arts de leur belle Provence à travers le temps, ne se limitent pas au monde médiéval. Ils ont, en effet, crée également BLANCAFLOR un ensemble dédié aux musiques de la renaissance en langue d’oc, et SIRIGAUDA, une troisième formation qui se propose de faire découvrir les chants et les danses traditionnels de la Provence alpine.
Quoiqu’il en soit et pour en revenir au sujet du jour, si vous aimez l’art médiéval unique des troubadours des XIIe et XIIe siècles et leur langue d’Oc aux accents chantants, ou si vous êtes même simplement curieux de les découvrir, vous apprécierez, sans nul doute, le travail artistique de Thierry Cornillon, Domitille Vigneron et de leur formation FLOR ENVERSA.
Pour plus d’informations les concernant, ainsi que sur leur actualité, n’hésitez pas à consulter leur site web très complet : flor-enversa.com
Bel m’es quan son li fruich madur
Paroles et approche de traduction
La traduction que nous vous livrons ici est tirée des oeuvres complètes de Marcabru, annotées et traduites par le Docteur Jean-Marie Lucien Dejeanne (1842-1909) qui écrivit aussi sous le pseudonyme de Nabaillet. Historien local, romaniste et spécialiste de littérature gasconne, l’homme était également médecin et maire de la commune de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).
L’ouvrage fut publié, en 1909, à titre posthume et l’auteur lui-même ne considérait pas l’édition comme définitive. Il l’avait, en effet, engagé avec l’intention de proposer une première classification de la poésie du troubadour médiéval et concernant la traduction qu’il en fit, il entendait ouvrir des pistes pour la compréhension, « aiguillonner » même pourra-t-on lire en préface de son livre, plus qu’il ne prétendait l’épuiser totalement. De son propre avis, cette dernière n’a donc pas la prétention de la perfection.
Pour en dire encore un mot, elle est littérale, parfois intuitive, souvent assurée (peut-être trop de l’avis même encore du bon docteur lui-même). Elle ne cherche en tout cas pas l’adaptation en vers. Bien évidemment, dans le texte français, la poésie de Marcabru se dilue totalement, mais il y a toujours trois choix face à une poésie et quelque soit sa langue : la traduire et tenter d’en approcher le sens, ne pas la traduire et simplement laisser les lecteurs goûter à sa musicalité, en espérant qu’elle leur suffise et enfin l’adapter en vers et se distancier définitivement de la langue originale. Quand on aime la poésie autant que les langues, une traduction littérale même imparfaite, même si, encore une fois, elle ne peut rendre totalement justice à la beauté poétique du texte originel, demeure tout de même utile à plus d’un égard; elle n’empêche pas, par ailleurs et après coup de revenir vers le texte source pour mieux l’apprécier. Nous faisons donc le choix volontaire et assumée de la publier ici, dusse-t-elle laisser en suspens quelques interrogations.
I
Bel m’es quan son li fruich madur E reverdejon li gaïm, E l’auzeill, per lo temps escur, Baisson de lor votz lo refrim, Tant redopton la tenebror; E mos coratges s’enansa, Qu’ieu chant per joi de fin’ Amor E vei ma bon’ esperansa.
J’aime quand les fruits sont mûrs et que reverdissent les regains, et quand les oiseaux, par le temps obscur, baissent le ramage de leur voix, tant ils redoutent les ténèbres; Et mon coeur est transporté, Car je chante par joie le fine Amour et je vois ma bonne espérance.
II
Fais amie, amador tafur, Baisson Amor e levo·l crim, E no·us cuidetz c’Amors pejur, G’atrestant val cum fetz al prim Totz temps fon de fina color, Et ancse d’una semblansa; Nuills hom non sap de sa valor La fin ni la comensansa.
Faux amis, amants perfides rabaissent Amour et relèvent le crime; et ne vous imaginez pas qu’Amour soit devenu pire (en soit entaché), car il vaut autant qu’aux premiers jours toujours il fut de pure couleur et d’une même apparence; nul homme ne sait de sa valeur [de son pouvoir] la fin ni le commencement.
III
Qui·s vol si creza fol agur, Sol Dieus mi gart de revolim Qu’en aital Amor m’aventur On non a engan ni refrim Qu estiu et invern e pascor Estau en grand alegransa, Et estaria en major Ab un pauc de seguransa.
Croira qui voudra les folles augures Dieu seul me garde de changer car je m’aventure en un Amour sans trouble, ni tromperie En été comme hiver et pâques [printemps], je suis en grande allégresse et je l’aurais encore plus grande avec un peu plus de certitude (sécurité).
IV
Ja non creirai, qui que m’o jur, Que vins non iesca de razim, Et hom per Amor no meillur C’anc un pejurar non auzim, Qu’ieu vaill lo mais per la meillor, Empero sivm n’ai doptansa, Qu’ieu no’m n’aus vanar, de paor De so don ai m’esperansa.
Jamais je ne croirai, quiconque me le jure, que le vin ne sorte pas du raisin Et que l’homme par Amour ne soit pas rendu meilleur, car jamais nous n’avons appris qu’un seul en soit devenu pire, cependant j’ai de l’incertitude, Au point que je n’ose m’en vanter, par peur de ce qui est l’objet de mon espérance. (de perdre)
V
Greu er ja que fols desnatur, Et a follejar non recim E folla que no’is desmesur; E mais albres de mal noirim, De mala brancha mala flor E fruitz de mala pesansa Revert al mal outra’l pejor, Lai on Jois non a sobransa.
Il sera certes difficile que le fou se dénature et ne recommence pas à faire des folies, et que folle (folie?) soit sans démesure mauvais arbre vient de mauvaise nourriture, de mauvaise branche, mauvaise fleur, et fruit de mauvaise pensée retourne au mal, sinon au pire, là où Joie n’est pas souveraine.
VI
Que l’Amistat[s] d’estraing atur Falsa del lignage Caïm Que met los sieus a mal ahur, Car non tem anta ni blastim, Los trai d’amar ab sa doussor, Met lo fol en tal erransa Qu’el non remanria ab lor Qui·l donava[n] tota Fransa.
L’amitié perverse aux étranges attachements des descendants de Caïn les entraîne dans le malheur, car elle ne craint honte ni blâme, les empêche d’aimer par sa douceur ( les éloigne de l’Amour vrai); elle met le:fou en telle erreur (errance ? perplexité) qu’il ne resterait plus avec ceux (qu’ils ne s’y résigneraient même pas) même si on leur donnait la France entière (?)
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Frédéric EFFE.
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