Sujet : événement, festival, abbaye de Fontfroide, musiques anciennes, musiques médiévales, Jordi Savall, Hespèrion XXI, viole de gambe Nom : 12e Festival Musique & Histoire, organisé par Jordi Savall Dates : du 15 au 19 juillet 2017 Lieu : Abbaye de Fontfroide, Narbonne Label et chaîne youtube : Alia vox
Bonjour à tous,
haque mois de juillet, depuis maintenant onze ans, se tient dans le cadre verdoyant de l’abbaye narbonnaise Sainte-Marie de Fontfroide, et au coeur de ses vieilles pierres, un festival d’exception. Dédié à un répertoire qui va du monde médiéval à la renaissance, l’événement a été créé en 2006 par Jordi Savall et Montserrat Figueras et reste toujours organisé par lui, depuis la disparition de cette dernière.
Cette année, le festival se tiendra du 15 au 19 juillet 2017et comme il couvre une durée de quatre jours, nous publions déjà l’information le concernant afin que vous puissiez vous organiser pour vous y rendre, si le coeur vous en dit. Il s’agit donc de sa 12eme édition.
Le programme n’est pas encore disponible mais comme l’événement est organisé par le grand maître de musique catalan, vous pourrez y retrouver, à coup sûr, ses deux formations musicales d’exception : Hespèrion XXImais aussi La Capella Reial de Catalunya, et encore de nombreux autres artistes passionnés de musiques anciennes et venus du monde entier pour l’occasion. Pour le reste, pour ceux qui suivent déjà nosarticles sur Jordi Savall, vous connaissez déjà son parti-pris de recherches fouillées autour des répertoires anciens mais aussi sa grande ouverture d’esprit. Chacun de ses pas, en matière artistique, est un prétexte à la rencontre et l’enrichissement interculturel autant qu’une célébration de la passion pour la musique et pour l’histoire et c’est donc tout cela que l’on retrouvera cette année, comme les précédentes, dans ce festival.
Ajoutons qu’en général, du point de vue de la programmation concrète, l’événement débute chaque jour par un concert autour de 18 heures et se poursuit en soirée par d’autres concerts jusqu’au milieu de la soirée.
A la découverte de l’abbaye de Fontfroide
avec un guide de prestige : Jordi Savall
l y a quelques années, Jordi Savallnous proposait une visite acoustique et esthétique de l’abbaye et nous ne résistons pas à l’envie de partager cette vidéo pour vous donner un avant goût du festival et de son ambiance artistique et historique.
L’abbaye de Fontfroide: un peu d’histoire
réée à la fin du XIe siècle sur des terres concédées à des bénédictins par le Vicomte de Narbonne, l’abbaye Sainte Marie de Fontfroide se rattachera quelques cinquante ans plus tard à l’ordre de Citeaux. Sous la houlette du célèbre Bernard de Clairvaux, l’ordre des moines blancs est alors en plein expansion et l’abbaye de Fontfroide sera entraînée par cette dynamique cistercienne et connaîtra à partir de là un réel développement.
L’épisode cathare
Nous sommes autour de 1145, en plein coeur du XIIe siècle, et dans cette province du Languedoc qui se tient comme un petit monde à part, avec sa langue et sa culture, pointe déjà les tensions nées de l’émergence d’une croyance et d’une pratique en marge de l’église, le catharisme ou la « religion » des albigeois. Les cisterciens feront de la lutte contre ces pratiques dissidentes émergentes, bientôt frappées d’hérésie, un de leur cheval de bataille et l’abbaye de Fontfroide y sera bien évidemment associée. Les prêches des moines blancs ne suffiront pourtant pas à ramener les brebis cathares dans le giron de l’église. Détonateur de la croisade qui déferlera bientôt sur le sud, sous la pression du Pape Innocent III, l’assassinat du légat du pape Pierre de Castelnau, moine de Fontfroide par un proche soldat du Comte de Toulouse, ouvrira un ère de larmes et de guerre pour le Languedoc médiéval et ses seigneurs qui finiront par y perdre presque tout.
Naissance d’un pape
Plus tard, aux début du XIVe, l’abbaye donnera naissance à un moine, Jacques fournier, qui sera bientôt fait pape et deviendra Benoît XII. Bien que cistercien et non dominicain, le religieux était avant cela devenu Cardinal et évêque de Mirepoix mais avait également officié et présidé le tribunal d’inquisition de Palmiers contre les derniers cathares. Devenu Pape, il entreprendra une réforme des ordres monastiques et lancera encore la construction du célèbre palais des Papes d’Avignon.
Du pouvoir royal au domaine privé
Dans le courant du XVe siècle, l’abbaye tombera sous la coupe du pouvoir royal. L’austérité et la règle des premiers temps seront alors loin derrière elle et les abbés nommés par le roi et qui s’y tiennent sont alors bien loin, dit-on, des moines austères des origines. Après la révolution française, l’abbaye et ses bâtiments seront donnés en legs aux Hospices de Narbonne. Elle connaîtra encore un épisode religieux puisqu’au milieu du XIXe siècle (1848) des moines de l’abbaye de Sénanque viendront s’y réinstaller, avant d’en être chassés par les lois de séparation de l’Etat et de l’église, quelque cinquante ans plus tard, au début du XXe. Acquise aux enchères en 1908, par le collectionneur Gustave Fayet, l’abbaye demeure, depuis lors, un bâtiment privé, propriété des descendants de ce dernier.
En vous souhaitant une merveilleuse journée.
Frédéric EFFE
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Sujet : médecine, citations médiévales, école de Salerne, Europe médiévale, moyen-âge, manuscrit ancien, saignée. calendrier Période: moyen-âge central (XIe, XIIe siècles) Titre: l’Ecole de Salerne (traduction de 1880) Auteur : collectif d’auteurs anonymes Traducteur : Charles Meaux Saint-Marc
Bonjour à tous,
n suivant le fil de la médecine médiévale « hygiéniste » de l’Ecole de Salerne et notamment de son long poème en vers qui traversa le temps du XIe au XVIIe siècles, nous découvrons aujourd’hui des indications de santé, au mois le mois que recommandaient alors les médecins italiens.
Sur les terres d’une Europe médiévale où, serfs ou vilains, 95% des populations sont paysannes, on vit alors, de manière étroite, au rythme du calendrier agricole et de l’alimentation saisonnière. Du côté de la médecine, on prend très au sérieux l’adaptation du « régime » (au sens large d’ensemble de mesure et pas seulement de diète) au climat et aux conditions de chaque mois. Ce nouveau chapitre du Regimen Sanitatis ou du Flos Médicinae est là pour l’attester.
Comme nous l’avions vu dans notre article précédent sur cet ouvrage ancien, de même que la médecine médiévale le fait pour les saisons, elle lie encore les mois aux humeurs, à la saignée, aux bains, aux activités physiques incluant même celle de l’amour. On n’imagine pas, sans sourire, un médecin généraliste s’avancer de nos jours, sur ce dernier terrain au moment de rédiger son ordonnance.
Quoiqu’il en soit et pour revenir à notre sujet, en rapprochant ces conseils des médecins italiens de Salerne avec les illustrations de calendrier agricole et de ses rythmes, on peut d’ailleurs aisément jeter des ponts de l’un à l’autre. Dans un contexte où la relation à l’environnement et la nature reste étroite, la médecine médiévale ne peut qu’entériner, autant qu’elle réaffirme la forte dépendance de l’homme et de sa santé, à la terre et à ses rythmes. Au passage et toute proportion gardée, cette approche hygiéniste de l’Ecole de Salerne n’apparaît pas aujourd’hui si éloignée de certains courants de médecines dites « holistiques » qui tentent de remettre en exergue l’importance du lien entre santé, environnement naturel et alimentation.
Du régime suivant les mois
Un seul rapprochement par mois te suffira, S’il n’a rien de suspect; sinon, il t’en cuira. A ce prix, des docteurs l’aréopage illustre, De vie et de santé te garantit maint lustre.
Janvier. Janvier se réjouit de vins chauds, généreux. L’hydromel est trop fade et rend moins vigoureux; Prends contre les langueurs des boissons salutaires. Écarte les soucis et fuis les mets vulgaires; Les bains sont bienfaisants; bois sans faire d’excès ; Les mets chauds en janvier méritent leur succès.
Février. La fièvre, en Février, se glisse dans tes veines. Pour écarter le froid n’épargne pas tes peines; De boissons, de mets chauds emprunte le secours. Oie, aneth et poirée entretiendront tes jours; Arrose-les de vin. Ta santé souffre-t-elle ? Fais-toi saigner au pouce, adieu le mal rebelle.
Mars. Mars, rouvrant des humeurs les sources jaillissantes, Enfante dans le corps cent douleurs renaissantes. Aux veines garde-toi de dérober leur sang, Mais de racines bois le suc rafraîchissant. Plonge-toi lentement dans de chaudes étuves Qui raniment ta force à leurs tièdes effluves. Des mets avec leur jus, des aliments sucrés Réparent la vigueur d’estomacs délabrés.
Avril. Quand Avril fleurissant vient rajeunir le monde, Quand s’entr’ouvre le sein de la terre féconde, Tout revit. Le sang pur se gonfle en bouillonnant*, Dégage alors le ventre, au pied soustrais du sang.
Mai. Tu pourras en ce mois te purger à loisir; Fais-toi saigner; des bains goûte le doux plaisir, Parfume l’eau des bains d’un arôme sauvage; L’absinthe en lotion est utile au visage.
Juin. L’hydromel trouble en Juin le cerveau du buveur; Du houblon fermentant crains la jeune liqueur; Prends la verte laitue et bois l’eau des fontaines, La bile malfaisante évitera tes veines.
Juillet. La saignée en Juillet est chose redoutable; Ne charge pas de vin un viscère irritable; Abrège ton sommeil: fuis les bains, le plaisir, Et de sauge et d’aneth compose un élixir.
Août. Pour garder en ce mois un tempérament sage, Dors peu, crains la fraîcheur, de Pamour fuis l’usage, Abandonne les bains, fais de sobres repas, Évite la saignée et ne te purge pas; De vins, de lotions crains la suite fatale; Surtout qu’aucun mets chaud à tes yeux ne s’étale.
Septembre. Que Septembre en tes mains prodigue ses fruits mûrs, Poires, pommes, raisins, lait de chèvre et vins purs; Qu’un doux jus dans ton sang coule et le renouvelle, Fais-toi saigner au bras; mange amande nouvelle.
Octobre. Qu’Octobre en tes celliers verse ses vins nouveaux, Entasse autour de toi gibier, oiseaux, chevreaux; Mange autant qu’il te plaît sans charger tes viscères, Que lasserait l’abus d’aliments salutaires. Mange et le lait de chèvre et le lait de brebis, En disques savoureux, épaissis et durcis.
Novembre. Observe de Novembre un précepte formel: Mange miel et gingembre, et bois doux hydromel. De l’amour et des bains néglige la pratique Qui rend l’époux débile et la femme hydropique.
Décembre. Les mets chauds en ce mois sont chose capitale; Point de choux. Qu’on te saigne à la veine frontale. Les lotions du corps n’ont pas d’utilité. Bois sec, mange faisans avec sécurité. Contre le froid piquant couvre avec soin ta tête, Au mal le cinnamome* et s’oppose et l’arrête.
* Cannelle
Une excellente journée !
Fred
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Sujet : événement, exposition multimédia et interactive monde médiéval, exploration, archéologie, histoire médiévale, INRAP, Cité des Sciences et de l’Industrie, contre les idées reçues et à la lumière des dernières découvertes. Période : haut moyen-âge au moyen-âge central Lieu : Cité des Sciences et de l’Industrie,
30 avenue Corentin Cariou, PARIS Titre : « Quoi de Neuf au moyen-âge ? » Dates : jusqu’au 6 août 2017
Bonjour à tous,
uand la Cité des Sciences et de l’industrie décide d’associer son expérience avec l’INRAP et les dernières découvertes archéologiques sur le moyen-âge, cela donne une belle exposition dédiée au monde médiéval et à l’assaut des idées reçues.
Interactivité, multimédia,
et divertissement tout public
L’exposition qui se tient donc à la Cité des Sciences depuis maintenant près de quatre mois, y sera encore pour les cinq mois qui viennent et jusqu’au début du mois d’août 2017. Il est donc encore temps d’en profiter.
Familles, curieux, public jeune ou moins jeune, le parti-pris est celui de la vulgarisation dans le bon sens du terme, soit prendre les éléments savants en matière de moyen-âge pour les rendre accessibles, à tous le plus fidèlement possible. Et comme il s’agit d’explorer et de s’informer tout en se divertissant, l’exposition reste résolument multimédia et interactive et propose de nombreux supports de découverte : vidéo-documentaires, maquettes, visites guidées par des personnages historiques recréés pour l’occasion, jeux interactifs, etc…
A la lumière des dernières révélations de l’Archéologie et de l’histoire médiévale
« Brosser un portrait novateur de cette époque dynamique et inventive qui couvre plus de mille ans. »
Loin des images toutes faites et souvent erronées, il est question avec l’exposition Quoi de neuf au moyen-âge d’une restitution réaliste du moyen-âge, basée sur les éléments de découverte concrets de toutes ces dernières années en histoire et en archéologie médiévales, mais aussi dans des branches scientifiques moins connues du public comme l’archéozoologie ou encore l’archéobotanique.
Et comme le moyen-âge, nous ne cessons de le constater et de l’affirmer ici, continue, presque en dépit des historiens et archéologues qui l’étudient au jour le jour, de souffrir d’une image chargée de préjugés, présenter clairement la réalité des découvertes et des recherches fait déjà en soi office de réhabilitation. Au demeurant, les intentions du côté de l’INRAP comme de la Cité des Sciences restent bien claires : faire aussi, avec cette exposition, la chasse aux « sornettes et balivernes » qui collent à la peau des mille ans d’histoire que couvre la période médiévale.
En dehors des solides repères chronologiques que l’exposition vous fournira, en jetant même des ponts du moyen-âge occidental aux événements survenus dans le même temps, en Chine, au Moyen-orient ou même en Amérique pré-colombienne, Quoi de neuf au moyen-âge lève encore le voile sur six grandes thématiques de la période médiévale : les invasions ou même plutôt les migrations, les campagnes au quotidien, les hommes, les paysages et les ressources, les élites au moyen-âge, les voyages et les échanges, et encore les villes du moyen-âge. Pour en savoir sur tous ces aspects, vous pouvez valablement consulter les pages web très détaillées de l’exposition.
Comme cette exposition fait suite à une première collaboration de la Cité des Sciences avec l’INRAPqui avait en 2012 et sur le thème de la Gaule et des Gaulois, attirée près de 280 000 visiteurs, tout le mal que l’on souhaite à cet événement sur le moyen-âge est de rencontrer dans les mois qui lui restent à courir, le même succès que cette première opération, voire même de le dépasser.
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
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Sujet : troubadours, poésie satirique, poésie morale, chanson, musique médiévale, pastourelle. occitan. Période : moyen-âge central, XIIe siècle Auteur : Marcabru (1110-1150) Titre : « L’autrier jost’ una sebissa » Album : Bestiarium (1997) Interprète : La Reverdie
Bonjour à tous,
Nous partons aujourd’hui à la découverte des origines de l’art des troubadours occitans et provençaux avec l’un des premiers d’entre eux, à tout le moins un parmi les plus anciens connus à ce jour, pour nous avoir légué une oeuvre écrite, soit Marcabru ou Marcabrun quand on francise son nom.
Marcabru: éléments de biographie
‘histoire et la biographie de Marcabrusont à mettre au conditionnel car on n’en sait peu de lui. Enfant illégitime, « jeté à la porte d’un homme puissant »* élevé sans doute par le noble Audric del Vilar, seigneur d’Auvillar dans l’Occitanie du XIIe siècle, celui qui se fait aussi surnommer Pain Perdu est d’origine apparemment Gasconne. Son nom est-il un pseudonyme, fils de dame brune nous dit-il ou faut-il plutôt y voir un clin d’oeil occitan à un bouc, un mâle caprin ? Difficile de l’affirmer. On sait encore de lui qu’il côtoya un troubadour du nom de Cercamon(cherche-monde) dont il fut vraisemblablement l’ami et, peut-être même l’élève, quand on n’en fait pas plutôt, à l’inverse, le maître.
Il y a, concernant Marcabru,tant de zones d’ombre que certains spécialistes de littérature médiévale et, notamment, la professeur Laura Kendrick ont même formé l’hypothèse que les quelques quarante trois ou quarante quatre poésies qu’on lui attribue pourraient être, en réalité, un corpus plus qu’un auteur. Ajoutons que cette hypothèse semble, à ce jour, peu suivie et qu’on s’accorde encore tout de même bien plus souvent sur l’idée que Marcabru fut une personne réelle, même si l’absence de données fiables ou d’archives le concernant pourrait, il est vrai, donner quelques vertiges.
Une pastourelle de Marcabru par le groupe italien La Reverdie
Une poésie lyrique, satirique et morale
« Marcabru, fils de dame Brune, fut engendré sous une étoile telle qu’il sait comme Amour se déroule, écoutez car jamais il n’aima nulle femme, et d’aucune ne fut aimé. » Le chant de Marcabru.
Avec sa poésie satirique et morale, son langage quelquefois « vert », avec encore ses critiques du « fin ‘amor », cet amour courtois qu’affectionneront tant d’autres poètes et chanteurs occitans après lui, Marcabru n’apparaît pas comme l’archétype du troubadour, mais plutôt comme un être en marge. Poète de cour, chassé lit-on, par endroits, pour avoir convoité la dame d’un seigneur, il serait passé de la cour du Duc d’Aquitaine à celle de Castille et aurait vécu nombre d’années en Espagne. Au vue de la morale qu’il défend et de sa misanthropie qu’on a quelquefois pris pour de la misogynie tant il s’en prend aux femmes légères et volages, cela paraît un peu étonnant. Luxure, prostitution, infidélités, adultères multiples, entre les lignes de sa satire qui ne s’en tient pas qu’aux moeurs de son temps qu’il juge dépravés, mais s’aventure aussi sur des terrains plus politiques, sa poésie prendra souvent un tour moral, mais on y retrouvera également de belles envolées lyriques et bucoliques avec de nombreux vers chantant la nature, ses animaux et ses saisons.
(Ci-contre La bergère William Bouguereau, XIXe siècle.)
Pour le reste, ce troubadour occitan des débuts du XIIe siècle demeure l’auteur de la plus ancienne pastourelle connue, ce genre dont nous avons déjà parlé ici et qui met en scène une bergère mignonnette qu’un noble seigneur ou chevalier tente en vain de séduire ou même pire force dans certains cas, quand cette dernière ne se laisse pas tourner la tête par la condition sociale, ni les richesses de ce passant aux mauvaises manières quand elles ne sont pas détestables ou exécrables.
Ajoutons enfin qu’on trouve aussi dans la poésie de Marcabru des mentions faites du Roi Arthur de Bretagne et de ses chevaliers ce qui en fait encore l’un des premiers troubadours à avoir abordé le sujet des légendes arthuriennes dans ses chansons.
Les interprètes du jour : « La reverdie »
Aujourd’hui, nous vous proposons la version de cette pastourelle par l’ensemble italien La Reverdie dans l’album Bestarium qu’il dédiait en 1997 aux animaux et à la présence de la nature dans la musique du moyen-âge.
Formé originellement en 1986 par quatre chanteuses, musiciennes et instrumentistes, qui se trouvent être aussi deux couples de soeur, l’ensemble La Reverdie s’est bientôt entouré de nouveaux collaborateurs dont le chanteur et instrumentiste Doron David Sherwin qui accompagne la formation dans ses aventures artistiques et musicales depuis le début de années quatre-vingt dix. A titre anecdotique, on retrouvera même une collaboration avec Gérard Depardieu à l’occasion d’un festival à la Basilique de Saint Vital, à Ravenne, autour de lectures de Saint Augustin.
En vingt ans de production artistique, on doit au très actif ensemble italien, près de vingt-cinq albums, dans un répertoire purement médiéval qui couvre les XIIIe et XIVe siècles. Leur champ d’investigation va de la musique sacrée à la musique profane et inclut encore des prestations autour de chants de noël. Le registre est souvent composé de chants polyphoniques ou monophoniques à capela mais les instruments viennent aussi soutenir les voix des artistes sur certaines pièces, quand le besoin s’en fait sentir.
Leur site web est en italien mais tout y est et il n’y manque rien des concerts aux festivals et actualités de la formation. Le groupe dispose également de sa propre chaîne youtube sur laquelle vous pourrez encore trouver quelques vidéos supplémentaires de leurs prestations.
La très belle version de cette pastourelle du troubadour occitan interprétée ici par cette formation est sans doute un peu éloignée de sa version originale, en terme de tessiture de voix, puisqu’on apprend dans une autre des poésies de Marcabru que ce dernier qu’il avait la voix plutôt « rude » et « rauque », mais la virtuosité et la pureté dans l’exécution nous le font bien vite oublier. Il en existe d’autres versions à la ronde que le futur nous donnera assurément l’occasion de vous faire partager, mais nous ne résistions pas au plaisir de vous parler, aujourd’hui, de cet excellent ensemble médiéval italien.
Les paroles de la chanson et pastourelle
de Marcabru en occitan avec adaptation
On notera qu’il s’agit ici d’une version raccourcie de la pastourelle originale de Marcabru qui contient en réalité treize strophes. L’adaptation en français moderne est tirée des Poésies Complètes du Troubadour Marcabrupar J M Dejeanne (1909).
Ajoutons que la dernière strophe est traduite très « début de XXe siècle » tout de même et avec un rien de pudibonderie. La version originale est nettement plus rude, mais en puisant dans les racines latines communes de l’occitan et du français, je suis certain que vous trouverez vous-même une traduction plus conforme.
L’autrier jost’ una sebissa de Marcabru
L’autrier jost’ una sebissa trobei pastora mestissa, de joi e de sen massissa. Si cum filla de vilana, cap’ e gonel’ e pelissa vest e camiza treslissa, sotlars e caussas de lana.
L’autre jour, près d’une haie,
je trouvai une pastoure métisse (de moyenne condition),
pleine de gaieté et de sens;
elle était fille de vilaine;
vêtue d’une cape, d’une gonelle
et d’une pelisse, avec une chemise maillée,
des souliers et des chausses de laine. »
Ves lieis vinc per la planissa: — »Toza », fi·m ieu, « res faitissa, dol ai car lo freitz vos fissa ». — »Merce Dieu e ma noirissa, pauc m’o pretz si·l vens m’erissa, pauc m’o pretz si·l vens m’erissa, qu’alegreta sui e sana ».
Vers elle je vins par la plaine
« Jouvencelle, lui dis-je, être enchanteur,
j’ai grand deuil que le froid vous pique. »
« Sire, dit la vilaine, grâce à Dieu et ma nourrice,
peu me chaut que le vent m’échevèle,
car je suis joyeuse et saine. »
— »Bela », fi·m ieu, « cauza pia, destors me sui de la via per far a vos compaignia; quar aitals toza vilana no deu ses pareill paria pastorgar tanta bestia en aital terra, soldana ».
« Jouvencelle, lui dis-je, objet charmant,
je me suis détourné du chemin
pour vous tenir compagnie
car une jeune vilaine telle que vous
ne doit pas, sans un compagnon assorti,
paître tant de bétail
dans un tel lieu, seulette. »
— »Don, tot mon ling e mon aire vei revertir e retraire al vezoig et a l’araire, Seigner », so·m dis la vilana; « Mas tals se fai cavalgaire c’atrestal deuria faire los seis jorns de la setmana ». « Sire, tout mon lignage et toute ma famille,
je les vois retourner et revenir
à la bêche et à la charrue,
Seigneur, dit la vilaine;
mais tel se dit chevalier
qui devrait faire le même métier
durant six jours de la semaine. »
— »Bela », fi·m ieu, « gentils fada, Vos adastret, quam fos nada, d’una beutat esmerada sobre tot’ autra vilana; e seria·us ben doblada si·m vezi’ una vegada, sobeira e vos sotrana ».
«Jouvencelle, dis-je, gentille fée vous dota, quand vous naquîtes, d’une beauté suprême sur toute autre vilaine et vous seriez doublement belle si je vous voyais une fois Moi dessus et vous sous moi.
— »Don, hom coitatz de follatge jur’ e plieu e promet gatge: Si·m fariatz homenatge, Seigner », so·m dis la vilana; « non vuoil ges mon piucellatge, non vuoil ges mon piucellatge camjar per nom de putana ».
« Sire, homme pressé de folie jure, garantit et promet gage; ainsi vous me feriez hommage, Seigneur, dit la vilaine; mais, en échange d’une légère récompense, je ne veux pas laisser mon bien le plus cher pour être perdue de réputation. »
En vous souhaitant une très belle journée.
Fred
Pour moyenagepassion.com A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.
* Les biographies des troubadours en langue Provençale, Camille Chabaneau, 1885.