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Le chevalier d’Aimé-Martin, imitation en français moderne du XIXe d’une poésie médiévale du XIIIe

poesie_medievale_fabliaux_chevalerie_chevalier_heros_valeurs_guerrieres_moyen-age_XIIIeSujet : poésie médiévale, littérature médiévale, chevalerie, héros, guerrier, fabliau, vieux français, imitation, adaptation moderne.
Période  : Moyen-âge central, XIIIe siècle, XIXe.
Auteur :  Aimé-Martin (1782,1847)
Titre : une branche d’Armes
Ouvrage : Jongleurs & Trouvères, d’après les manuscrits de la Bibliothèque du RoiAchille Jubinal, 1835.

Bonjour à tous,

P_lettrine_moyen_age_passion copiaour faire suite à l’article d’hier sur le texte une branche d’armes, « fabliau » atypique du XIIIe siècle,  nous publions, aujourd’hui, l’imitation qu’en fit un auteur contemporain de la fin du XVIIIe et des débuts du XIXe : Louis-Aimé Martin, alias Aimé-Martin, auteur et éminent professeur de belles lettres, de morale et d’histoire à l’école polytechnique, ami proche d’Alphonse de Lamartine.

 Le chevalier, par  Aimé-Martin

Honneur au chevalier qui s’arme pour la France !
Dans les champs de l’honneur il reçut la naissance;
Bercé dans un écu, dans un casque allaité,
Déchirant des lions le flanc ensanglanté,
Il marche sans repos où la gloire l’appelle.
A l’aspect du combat son visage étincelle.
L’amour arme son bras, et l’honneur le conduit.
Il paraît : tout frissonne ; il combat, tout s’enfuit.
Au sein de la tempête étendu sur la terre,
Il dort paisiblement au fracas du tonnerre;
Et lorsque la poussière, en épais tourbillons,
Cache des ennemis les sanglants bataillons,
Lui seul les voit encore et s’élance avec joie,
Semblable à l’aigle altier qui découvre sa proie,
Et qui, dans sa fureur, plongeant du haut des cieux,
La frappe, la saisit, la déchire à nos yeux.
Les montagnes, les bois et les mers orageuses,
Des Sarrasins vaincus les rives malheureuses,
Ont retenti souvent du bruit de ses exploits.
Il venge la faiblesse, il protège les rois.
Vingt troupes de guerriers devant lui dispersées,
Les coursiers effrayés, les armes fracassées
Comblent tous les désirs de son cœur belliqueux;
Et voilà ses plaisirs, ses fêtes et ses jeux.

Vieux-Français, Français moderne
Le difficile exercice de l’adaptation

Après avoir décrypté le texte médiéval dans notre article précédent, vous en reconnaîtrez sans peine la marque. Bien sûr, comme le veut l’exercice, l’imitation ne colle pas tout à fait à l’original. Outre le passage du vieux-français au français moderne, Aimé-Martin a décidé de donner un visage aux ennemis de notre chevalier qui n’en avaient pas dans la branche d’armes. Il en a fait également le protecteur des rois et des faibles, devoir dont la poésie du XIIIe avait aussi exempté notre guerrier. Et pour finir et au passage, il a ajouté une petite couche sur la défense de la nation qui n’était pas non plus au rang des préoccupations de notre poète médiéval, mais qui, on le sait, occupait bien plus les esprits des historiens et des auteurs du XIXe.

Pour le reste, autant le dire, l’exercice d’adapter véritablement le vieux-français des fabliaux en français moderne (entendons dans une vraie poésie remaniée, ambitieuse, etc…), est à peu près du niveau de la course à pied au milieu d’un champ de peaux de bananes. Les auteurs qui s’y sont essayés, l’ont fait souvent à leur frais et, ils ont, en général, trouvé en face d’eux, au moins un médiéviste, un romaniste ou un amateur de vieux-français et de poésie ancienne, pour leur signifier qu’ils auraient mieux fait de se passer du dérangement. De fait et sauf rares exceptions, en matière médiévale, la création ex nihilo semble bien mieux payante que l’imitation ou l’adaptation.

auteur_XIXe_louis_aime_martin_le_chevalier_poesie_inspiration_medievaleAimé-Martin (portrait ci-contre Collection Bibliothèque Municipale   de Lyon) eut donc, comme le veut la règle, au moins un détracteur et on relèvera, pour la note d’humour et sans rien enlever à la qualité de ses vers, la petite phrase exquise dont il s’est trouvé gratifiée par son critique, dans l’ouvrage La littérature français depuis la formation jusqu’à nos jours. lectures choisies par le Lieutenant-Colonel Staaff, (Volume 2, 1874). 

Après avoir cité la poésie de notre auteur « moderne », le texte médiéval était donc repris, dans son entier, par le Lieutenant-Colonel, dans une note qu’il concluait de la façon suivante : « Malgré la barbarie du langage, l’original est bien supérieur, comme feu et comme énergie, à la pâle imitation d’Aimé-Martin. » (sic) Avec le recul, la remarque  est d’autant plus drôle que le docte critique parlait alors de « barbarie du langage » à propos de la  poésie du XIIIe s et de son vieux français, ce qui dénote tout de même d’une dépréciation certaine. Pour autant, il n’apprécia guère, non plus, les effets de style de l’imitateur, qu’il exécuta en règle et pour l’occasion, dans la pénombre d’un pied de page.

« La poésie du passé »

A la décharge de Louis Aimé-Martin, le texte original possède, il est vrai, une force brute et évocatrice que nous avions déjà souligné, mais à laquelle il faut sans doute ajouter une sorte d’aura de mystère qui entoure presque de facto la langue du moyen-âge central. Pour être aux origines de notre langage et pour nombre de ceux qui en sont curieux ou friands, le vieux-français emporte indéniablement une sorte de charge émotionnelle intrinsèque qu’une adaptation perd presque fatalement en route. Pour éclairer tout cela, on pourra encore se reporter à quelques belles analyses  de Michel Zink.  Dans un article de 2008, l’académicien médiéviste nous parlait, en effet, d’un autre phénomène qui vient s’ajouter à cette fascination.  Sans doute un peu narcissique, c’est celui qui nous fait quelquefois aimer la poésie médiévale autant pour son mystère que pour le sentiment (souvent bien présomptueux) que nous retirons en prétendant la  décrypter, d’en être un peu les co-créateurs ou les révélateurs : une forme de jubilation (illusoire par endroits) digne d’un Champollion, l’impression d’un secret partagé qu’une adaptation moderne serait condamnée à  trahir et à éventer. (voir « Pourquoi lire la poésie du Passé ? » Michel Zink, le genre humain 2008, n47, au seuil, consultable en ligne ici).

Dans la veine des romantiques

Quoiqu’il en soit et pour faire justice tout de même à cette version d’Aimé-Martin  qui n’a finalement que le malheur d’être une version deux, elle connut tout de même ses heures de gloire dans le courant du XIXe siècle et on la trouvait reprise dans des éditions variées dont notamment une anthologie (fleur de poésie française des 17e, 18e, et 19e siècle, G Engelberts Gerrits).

Dans la mouvance des romantiques, ce proche de Lamartine a-t-il, avec ce texte, participé de l’élan qui se tournait alors vers les rives lointaines du moyen-âge et entraînait les auteurs français des XVIIIe et XIXe siècles, à y puiser leur inspiration pour le réinventer sous un jour nouveau ? Sans doute. A quelques pas de là, l’encre des plus belles pages ou poésies  d’Hugo sur le monde médiéval n’étaient pas encore sèches (voir Histoire de la Ballade médiévale du moyen-âge central au XIXe siècle).

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
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Actuel Moyen-âge : le blog qui approche l’actualité à la lumière de l’Histoire médiévale

monde_medieval_histoire_actualite_moyen-ageSujet : blog, site d’intérêt, actualité, histoire médiévale, médiévistes, historiens, articles.
Période : actualité à la lumière du moyen-âge
Auteurs :  historiens, doctorants & docteurs en histoire médiévale
Site webactuelmoyenage.wordpress.com

Bonjour à tous,

V_lettrine_moyen_age_passion copiaoici un article que nous voulions faire, depuis quelque temps déjà, pour mentionner un site d’intérêt dans le domaine qui nous préoccupe : le monde médiéval sous toutes ses formes, y compris les plus actuelles.

On trouve, chez certains historiens médiévistes de la nouvelle génération, une volonté résolue d’ancrer leur discipline dans la modernité et, par là, de l’ouvrir et s’ouvrir sur le monde. Fruit de la collaboration de jeunes doctorants et docteurs de la discipline, le blog Actuelmoyenâge se situe totalement dans cet esprit. Il se propose, en effet, d’examiner les événements sociaux, politiques et économiques actuels à la lumière de l’histoire médiévale.

Débusquer le moyen-âge derrière les faits de notre modernité, mettre en valeur sa marque encore présente ou sa possible influence, pour les sept auteurs-blogueurs intervenant sur ce site, il s’agit également de faire découvrir l’Histoire médiévale au plus grand nombre, tout en démontrant la capacité de cette actuel_moyen-age_actualite_histoire_medievale_blog_historiensdiscipline à nous fournir des clés de lecture pertinentes pour mieux comprendre les soubassements historiques de notre quotidien.

Corollaire de ce questionnement qui interroge la modernité du moyen-âge, on retrouve  par ailleurs chez ces mêmes auteurs, des préoccupations qui font, en quelque sorte, le chemin inverse. Nous voulons parler du souci de comprendre et d’analyser le moyen-âge refabriqué ou reconstruit à travers les œuvres actuelles ou modernes qui y font référence : cinéma, littérature, séries télévisées, etc… Bref, il est ici question de médiévalisme et du moyen-âge de la modernité (ou vu par elle, si l’on préfère). Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si l’on retrouve à l’initiative de la co-création d’ActuelmoyenâgeFlorian Besson, universitaire, chercheur et auteur dont nous avions déjà parlé à d’autres occasions. On se souvient que dans un ouvrage collectif et pluridisciplinaire, sorti il y a quelques mois, sous sa direction conjointe et celle de Justine Breton (voir article  Kaamelott un livre d’Histoire), il se penchait avec des chercheurs venus d’horizons divers, sur la série culte d’Alexandre Astier pour faire le tri entre ses références médiévales ou celles plus modernes et  « fantaisistes ». A travers cela, finalement, il s’agissait bien encore d’interroger l’articulation complexe et passionnante entre moyen-âge et modernité.

A quoi servirait l’Histoire si elle ne permettait aussi de s’orienter dans le présent ? Pour y revenir, vous trouverez donc, tout à la fois, sur Actuelmoyenâge, nombre d’articles d’intérêt sur l’actualité, vue à travers le prisme du moyen-âge. Comme nous le disions plus haut, au delà de l’à-propos manifeste de l’Histoire médiévale pour approcher la réalité de notre monde, vous lirez encore, entre les lignes de cet excellent blog, la mise en exergue d’un sens de l’Histoire que n’auraient pas dévoué les pairs de nos nouveaux historiens, une Régine Pernoud ou un Jacques le Goff pour ne citer que ces deux-là.

Pour visiter le site Actuelmoyenâge, suivez le lien ici

En vous souhaitant une belle journée.

Fred
Pour moyenagepassion.com.
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Interlude : fond d’écran HD Kaamelott

kaamelott_alexandre_astier_legende_medievale_roi_arthur_moyen_age_passionSujet : série télévisée,  Kaamelott, Alexandre Astier, légendes Arthuriennes, médiévalisme, monde médiéval
Auteur : Alexandre Astier
ProductionAlexandre Astier, Calt production, M6
Média : fond d’écran HD

Bonjour à tous,

E_lettrine_moyen_age_passionn attendant le retour du roi de Bretagne, qui ne devrait pas trop tarder au Cinéma. voici juste un interlude, pour vous proposer une petite création graphique, sous forme de fond d’écran HD, autour de la série télévisée Kaamelott,

Pour rappel, vous pouvez retrouver tous nos articles sur la série TV Kaamelott ici

En vous  souhaitant une belle journée !

Fred
Pour moyenagepassion.com
A la découverte du monde médiéval sous toutes ses formes.

« Kaamelott, un livre d’Histoire » : les médiévistes à l’assaut des légendes arthuriennes à la télévision

kaamelott_alexandre_astier_legende_medievale_roi_arthur_moyen_age_passionSujet : moyen-âge réel et historique, moyen-âge représenté, série télévisée,  Kaamelott, Alexandre Astier, légendes Arthuriennes, quête du Graal, médiévalisme.
Ouvrage :  Kaamelott, un livre d’Histoire
Auteurs  : collectif, sous la direction de Florian Besson et de Justine Breton
Parution : Avril 2018 (Editions Vendémiaire)

Bonjour à tous,

N_lettrine_moyen_age_passionous l’avions déjà mentionné dans notre précédent « digest » sur les lectures déjà parues autour de Kaamelott mais ce livre étant officiellement sorti, depuis quelques jours, il est temps d’y revenir. Nous voulons parlé ici de l’ouvrage collectif paru aux éditions Vendémiaire, sous la direction de Justine Breton et de Florian Besson  et ayant pour titre « Kaamelott, un livre d’Histoire ». 

Kaamelott, un livre d’Histoire

Moyen-âge reconstruit d’un côté, moyen-âge historique de l’autre, modernité de la série télévisée écrite par Alexandre Astier d’un côté, haut moyen-âge et légendes arthuriennes médiévales de l’autre, voilà un ouvrage qui aurait pu faire dire au Perceval de Kaamelott : « C’est comme un genre de Graal, sauf qu’i faut savoir lire« .

livre_histoire_serie_televisee_alexandre_astier_kaamelott_legendes_arthuriennes_medievalisme

A chaque siècle ou période historique son Arthur, sa table ronde, son Merlin ou son Excalibur, comme Chrétien de Troyes nous éclairait sur son temps avec ses romans, à travers son « moyen-âge », c’est bien aussi de nous et de notre monde que Kaamelott nous parle.  Et c’est tout le propos des universitaires qui s’y sont penchés dans cet ouvrage, nous aider à en démêler l’écheveau : entre références (explicites ou plus masquées) de la série aux légendes arthuriennes d’époque et au moyen-âge historique, mais aussi entre libertés prises par l’auteur et, à travers elles, projections de notre modernité qui font de Kaamelott une série qui nous ressemble et qui trouve en nous une résonance.

Vous l’avez compris, nous sommes ici sur le terrain du médiévalisme et l’originalité de ce livre tient encore au fait qu’il déborde le champ même de l’histoire médiévale pour inviter des universitaires issus d’horizons divers à un travail de réflexion collectif et interdisciplinaire sur le sujet.

Portraits des directeurs de l’ouvrage

Pour en redire un mot, agrégée de lettres modernes et docteur en littérature médiévale, Justine breton s’est fait une spécialité du médiévalisme dans le champ des légendes arthuriennes et de l’Héroic Fantasy. Autrement dit, si vous vous posez des questions sur la nature fictionnelle, fantaisiste ou avérée des références médiévales utilisées dans des oeuvres telles que Games of Thrones, Kaamelott ou autres productions audiovisuelles et littéraires deco_medievale_enluminures_graal_kaamelottdes XXe et XXIe siècle sur ces sujets, elle est une interlocutrice de choix. Pour le reste, elle enseigne actuellement à l’École Supérieure du Professorat et de l’Éducation de Picardie.

De son côté, également très actif dans le champ du médiévalisme, Florian Besson est aussi un des auteurs du très bon blog Actuel Moyen-âge qui se propose de mettre en perspective les faits d’actualité à la lumière de l’histoire médiévale et du moyen-âge historique.

Actuellement enseignant à l’Université de Lorraine, l’uchronie (récits fictifs bâtis sur des événements historiques étant survenus réellement) fait également partie de ses sujets de prédilection. On doit encore à ce jeune doctorant de la Sorbonne, par ailleurs agrégé d’Histoire, d’avoir impulsé et organisé avec Justine Breton, le colloque « Kaamelott, la relecture de l’Histoire » qui s’était tenu à la Sorbonne en mars 2017. L’ouvrage qu’ils contribuent tous deux à faire paraître aujourd’hui , s’inscrit dans la continuité de ces journées de réflexion.

Bien sûr, ces deux jeunes universitaires sont par ailleurs fans de la série télévisée et la connaissent bien. Voici une petite vidéo de présentation de leur ouvrage  qui devrait vous en convaincre.

Kaamelott, un livre d’Histoire par Justine Breton & Florian Besson

Pour conclure, nul doute que ce nouveau titre prendra sa place dans la bibliothèque des amateurs de Kaamelott désireux de décrypter un peu plus avant l’œuvre d’Alexandre Astier;  il est d’ailleurs déjà accueilli avec grand enthousiasme dans les cercles de fans de la série. Au delà, il ne manquera pas d’interpeller tous ceux qui s’intéressent aux légendes arthuriennes mais aussi au décryptage du moyen-âge au sens large (version reconstruite, version historique). Il est, donc, à n’en pas douter, voué au succès et c’est tout le mal que nous lui souhaitons.

Ajoutons, de notre côté, que nous sommes très heureux de suivre les avancées de cette vague de jeunes médiévistes nouvelle génération. Bien déterminés à ancrer (aussi) leurs recherches, leurs écrits et leurs préoccupations dans la modernité, ils nous aident à mieux décoder cette dernière à la lueur de l’Histoire médiévale et nous démontrent, du même coup, la grande actualité de leur discipline et la pertinence de son éclairage.

L’ouvrage est disponible en ligne sous le lien suivant : Kaamelott, un livre d’histoire

 En vous souhaitant une belle journée.

Frédéric EFFE
Pour moyenagepassion.com
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